Mon expérience d’apprenti-berger sur le massif de la Sarrée (Alpes maritimes), du 3 au 15 juin 2019

 

Benjamin LISAN, le 15/07/2019

 

C’est ma troisième expérience d’apprenti-berger, toujours aussi sportive.

 

Depuis 2016, j’ai passé mon temps _ un temps fou _ à écrire des livres, à discuter sur Internet, pour tenter d’oublier mon long chômage de 2 ans et demi (entrecoupé d’emplois temporaires), mais sans avoir accompli la moindre dépense physique et sportive, trop accaparé par mes multiples autres activités (activités associatives, celles d’écriture …).

 

J’avais programmé, avec l’accord de mon ami et éleveur, Philippe, une nouvelle expérience de berger, sur le massif de la Sarrée (Var) _ un petit massif inconnu du grand public, situé au-dessus de la ville de Grasse, culminant à presque 1000 m d’altitude _, afin de faire un « break » et me couper salutairement d’Internet, de Facebook et de ses conflits intellectuels.

 

Philippe est celui qui m’avait déjà embauché, en tant qu’aide-berger, en mai-juin 2016.

J’ai décidé, début juin 2019, de venir le rejoindre de nouveau, car j’ai toujours été impressionné par le dynamisme et l’intelligence de Philippe … En fait, il, a tout le temps, une activité explosive. Il ne s’arrête jamais. Il devait prendre soin de son cœur !

 

Cette année, je me suis pris au dernier moment et j’ai insuffisamment préparé mes affaires, que j’aurais dû préparer à l’avance, étant donné je devais pourtant être en autonomie totale, au sommet d’une montagne, dans une cabane, sans électricité et ni eau courante.

 

Mais dès mon arrivée, je comptais compléter ce dont je besoin, dans le supermarché, situé à proximité de la maison de Philippe, à Châteauneuf-Grasse, avant de partir tout là-haut en estive.

 

Dimanche 2 juin 2019

 

J’ai pris un TGV OuiGo. Arrivé dans la région méditerranéenne, j’ai observé les merveilleuses valérianes rouges (centranthes rouges) et les acanthes en fleur, poussant sur les talus bordant la voie.

 

J’avais emporté avec moi plusieurs livres, pour m’occuper là-haut, que je lirais, quand je n’arriverais pas à faire la sieste, l’après-midi, dans la cabane d’estive.

Dans le train, j’avais déjà commencé à lire le livre « Albert Einstein, créateur et rebelle », de Banseh Hoffman (Point, Le Seuil, 1972) _ que j’ai, par la suite, continué à lire, durant tout mon séjour en estive.

 

Durant ma lecture, j’étais tombé sur un passage (dans ce livre pages 41 et 42), qui m’avait profondément ému, une lettre que le père d’Albert Einstein, Hermann Einstein, étranger au monde universitaire, avait pris sur lui d'écrire au Pr Ostwald, quelqu’un de connu en Allemagne [pour tenter d’obtenir pour son fil un emploi] :

 

« Je vous prie, Monsieur le Professeur, d'excuser l'audace qu'a un père de prendre contact avec vous dans l'intérêt de son fils.

« Je voudrais tout d'abord attirer votre attention sur le fait que mon fils Albert, âgé de vingt-deux ans, a fait quatre ans d'études à l'École polytechnique de Zürich et, l'été dernier, a obtenu son diplôme avec de brillants résultats en mathématiques et en physique. Depuis lors, il a essayé en vain de trouver un poste d'assistant qui lui permettrait de poursuivre ses études en physique théorique et expérimentale. Toutes les personnes qualifiées pour en juger apprécient hautement ses capacités et, en tout cas, je puis vous assurer qu'il est excessivement diligent et travailleur, et qu'il porte une grande dévotion à sa science.

« Mon fils est profondément malheureux d'être actuellement sans emploi; il est de jour en jour plus convaincu d'avoir manqué sa carrière, et qu'il n'aura plus les moyens de la reprendre. En outre, il supporte mal l'idée déprimante qu'il nous est à charge, car nous ne sommes guère aisés.

« C'est, Monsieur le Professeur, parce que vous êtes de tous les grands physiciens de notre époque celui que mon fils honore et révère le plus, que je me permets de solliciter de votre bienveillance que vous lisiez son article paru dans les Annalen der Physik, et aussi, je l'espère, que vous vouliez bien lui écrire quelques lignes encourageantes qui lui rendraient la joie de vivre et de travailler.

« S'il vous était possible en outre, maintenant ou à la rentrée, d'obtenir pour lui un poste d'assistant, ma reconnaissance envers vous serait sans limites.

« Je vous prie une nouvelle fois de me pardonner l'audace de cette lettre, et je tiens à ajouter que mon fils n'est nullement au courant de cette démarche exceptionnelle de ma part. ».

 

Je me rendais compte à quel point le père d’Albert Einstein était profondément bon, une bonté que s’exprimait dans cette lettre, que certains trouveront naïve, mais ô ! combien touchante ! Je ne sais pas combien de pères, sur terre, se seraient battus ainsi pour sortir leur enfant du fond du trou, tels qu’Hermann Einstein[1].

 

Même dans le train, je continue à recevoir, sur mon Smartphone, les échos des débats passionnés et volcaniques sur l’islam, suggérant souvent des propositions irréalistes ou bien affirmant des « vérités », étant autant de slogans :

 

1)      Il faut pénaliser les conversions des enfants à l’islam,

2)      Il faut interdire le qamis[2], la barbe et le voile intégral,

3)      Dès le plus jeune âge, les écoles coraniques terrorisent les enfants avec les images effrayantes de l’enfer et du diable, dans le Coran. Il faudrait interdire ces images « diaboliques », qui terrorisent ou traumatisent les enfants …

4)      Les musulmans modérés, qui ont peur pour leurs enfants, votent légitimement RN,

5)       L’islamisme (ou l’islam) est un danger pour l’humanité.

6)      Le film "Salafistes" a été censuré[3]. Il faut le diffuser au maximum.

7)      Etc.

 

Pour me situer politiquement, je suis de la gauche antitotalitaire, anticommuniste, antifasciste, anti-islamiste (ou anti-islam[4] ?), dans la lignée de George Orwell. 

En rentrant dans le débat sur l’islam, fort de mon expérience de ma vie en Algérie et au Maroc, j’ai tenté de présenter, à mes interlocuteurs, un point de vue modéré, en évitant les solutions simples ou simplistes, alors que, pour moi, le problème est complexe.

 

Et rapidement, certains contradicteurs n’hésitent pas à être blessants. Certains d’extrême-droite m’ont rapidement traité de « bisounours de gauche » ou, quasiment, d’être un « traitre à la patrie », épithète ou qualificatif infâmant, qu’ils posaient déjà aussi sur la tête du président Emmanuel Macron.

Un ami kurde, Gaby, lui, m’a accusé, au contraire, d’être « comme Riposte Laïque[5], des chrétiens au départ, avec Christine Tasin, qui se sont radicalisés et ont de plus en plus stigmatisé les musulmans ».

 

Car dans l’esprit d’une certaine gauche et de certains musulmans s’opère un terrible amalgame entre racisme et critique de l’islam et/ou critique de certains comportements. Car pour eux, critiquer l’islam, c’est stigmatiser les musulmans (point de vue de Gaby)[6]. Une de leur justification de ce refus d’intégration serait qu’ils sont victimes du racisme, justification un peu trop facile à mon goût,[7].

 

Le plus souvent, aussi, comme Gaby, ils n’ont jamais lu, d’une façon approfondie, le Coran. Ces « musulmans modérés » sont enfermé dans une vision affective, sentimentale de l’islam, tel qu’elle leur a été enseignée durant leur enfance. Et ils refusent de voir dans leur religion, ses aspects totalitaires, barbares, rétrogrades et inquiétants, concernant les droits humains, les libertés individuelles, le statut de la femme, son intolérance envers les non-musulmans etc. Ou au sujet du fait que certains versets (5.33-34, 7.72, 3.85, 8.39 ...) sont difficilement « contextualisables », leur portée difficile à édulcorer, à atténuer, même au 21° siècle, et un certain nombre de ces versets désignent clairement les juifs et les chrétiens comme des boucs émissaire, ad aeternam[8]

 

De plus, j’ai constaté que, plus l’on parle d’une façon passionnée de l’islam sur les réseaux sociaux, plus les positions se radicalisent et plus l’extrême-droite et les trolls de Moscou marquent finalement des points. Et les sondages montrent, justement, la montée constante de l’extrême-droite, depuis des années, en occident.

 

Ce n’est pas l’aveuglement et les raisonnements d’amis comme Gaby et des « musulmans modérés » qui va permettre d’arranger les choses. Au contraire, leurs raisonnements _ leur refus de toute critique de l’islam et du comportement des musulmans refusant de s’intégrer, en occident _ favorisent justement l’extrême-droite.

 

Tant qu’ils refusent _ à cause d’un puissant tabou et préjugé, en eux _, de critiquer l’islam et de le remettre en cause, il y aura problème grave, en occident (et pas qu’en France), qui ne cessera de s’infecter et qui favorisera l’extrême-droite. C’est, du moins, mon intime conviction.

 

C’est aussi pour fuir ce climat délétère autour de l’islam, sur Facebook, que j’ai décidé de prendre de la distance et de me mettre au vert, en choisissant de garder un troupeau de brebis, dans le sud de la France.

 

Dans le train je préfère penser à autre chose et rêver. Les brebis, dont je devais m’occuper, sont des brebis à viande. Par exemple, j’imaginais la création de l’équivalent des « moutons de Kobé », à l’exemple des bœufs de Kobé japonais[9].

Tout en sachant que les brebis de Philippe sont déjà des moutons bio, élevées dans la garrigue et le maquis méditerranéen, dont les plantes donnent déjà une saveur incomparable à la viande de ses moutons[10]

 

Ou encore, j’imaginais, dans les sièges, du TGV, des cousins intégrés, qu’on puisse orienter dans toutes les directions, afin de permettre à notre tête de se reposer, quelle que soit la position de celle-ci.

 

A mon arrivée, j’ai attendre 4 heures, avant que Philippe vienne me chercher à la gare de Mouans-Sartoux.

Je trouve un café, au centre-ville, le Casabella Caffè, qui accepte de garder mes lourdes affaires et où l’expresso, en salle, est vraiment bon marché (1,10 €). Durant l’après-midi, j’en profite pour faire le tour d’un immense vide grenier, occupant tout le centre-ville. Un inventaire à la Prévert, … mais sans les ratons laveurs.

 

Le soir après être venu me chercher, Philippe m’installe dans la caravane installée à côté de sa bergerie.

 

J’ai la surprise de constater que Philippe a remplacé intégralement le long tunnel de la bergerie, dont le toit en plastique montrait déjà des signes de fatigue, en 2016. Finalement, j’ai l’explication : l’ancien tunnel de la bergerie s’écroulé sous une accumulation exceptionnelle de neige, l’hiver dernier. Le toit de la nouvelle bergerie a une forme elliptique ou ovale, plus exactement ogivale, étudiée afin que la neige ne puisse plus s’accumuler dessus. Je me rends compte que Philippe a aussi changé de véhicule 4x4 à plateau et de voiture de ville.  

Je me demande si Philippe aurait soudainement gagné au loto ? Philippe me donne l’explication :

Les subventions européennes, qui étaient bloquées depuis 2016, viennent de lui être versées, avec un retard de plus de 2 ans, ce qui lui a permet de procéder à tous ces remplacements et à ces gros investissements.  

 

Certains agriculteurs, qui comptaient désespérément cette grosse somme et qui ne l’ont pas reçu à temps, ont mis la clé sous la porte. Philippe heureusement lui a les reins solides.

 

Le supermarché Casino, situé à côté de la maison de Philippe, est ouvert toute la journée du dimanche, jusqu’à 20h. Seules ses caisses automatisées, ou presque, sont ouvertes. Mais une panne générale d’électricité, dans ce magasin, ce soir-là, l’oblige à fermer prématurément.  Ah ! le merveilleux miracle de l’automatisation (quand il fonctionne).

 

Je retrouve les chiens de 2016, Lucky, le border collie lunatique, et Poppée, la patou (berger des Pyrénées), toujours aussi débordante d’affection. A 8 ans, elle est maintenant à la retraite[11]. Voyant que nous nous entendons bien ensemble, Philippe voudrait m’en faire cadeau. Mais, malgré toute l’affection pour Poppée, c’est impossible, à moins de posséder un terrain d’au moins 1000 à 2000 m2 pour qu’elle puisse se dépenser (terrain que je n’ai pas).

 

Philippe m’annonce une mauvaise nouvelle, Marvin, le chien de Abruzzes, que j’avais connu et qui était déjà agressif, en 2016, était devenu de plus en plus agressif. Et il a été obligé de le faire euthanasier.

Depuis, Poppée et Marvin, ont été remplacés par deux jeunes patous, que je rencontrerais, le lendemain.

 

Le soir, Philippe me fait découvrir, sur sa propriété, des asperges sauvages (Asparagus acutifolius) comestibles.

 

Le soir, je m’attèle à mon texte « Souvenir du fanatisme[12] ».

 

Lundi 3 juin 2019

 

Philippe me met tout de suite au travail. Je dois marquer les bêtes pendant que Philippe procède au « drogage » des bêtes, c'est-à-dire à leur vermifugation. Les brebis sont parquées dans divers enclos. Nous les sortons d’un enclos, les faisons circuler rapidement, par lot d’une vingtaine, dans le couloir de tri, pour leur marquage et vermifugation, dans le bergerie, et les faisons déboucher dans deux autres enclos, selon la destination ou l’état des brebis (les gestantes, celles qui ont quelques problèmes de santé _ dont la maladie fongique du sabot, appelé piétin[13] _ …).

 

Je suis équipé d’un fer _ un manche terminé par un cercle métallique _, que je trempe dans la peinture orange pour marquer, d’un beau rond, le centre du dos des bêtes. Philippe me corrige à chaque fois que mon rond n’est pas assez appuyé, avec netteté, sur le dos de la brebis.  A chaque fois que je marque une bête, parallèlement, Philippe injecte, avec un pistolet, le produit vermifuge, dans la gueule de chaque bête, qui normalement ne se laisse pas faire.

En une heure, nous avons traité, ensembles, la totalité des 300 brebis du troupeau.

 

Je travaille tellement vite que je laisse des tâches de peintures un peu partout _ sur le bermuda, que Philippe m’a prêté _, sur mon short. Philippe se tache, lui-même, à cause de mes taches de peinture, tombées sur la rambarde du couloir de tri. Je ne prenais pas de précautions particulières, croyant que c’est de la peinture à l’eau qui disparaîtrait, au fil du temps. Malheureusement, Philippe m’apprend que cette peinture est, en fait, indélébile. Et je comprends donc mieux son mécontentement au sujet de ces gouttes de peinture.

 

Le midi, Philippe m’invite à déjeuner chez lui. Philippe et moi on parle régulièrement de politique. Il en profite pour m’offrir un livre de l’essayiste Mathieu Bock-Côté, « Le multiculturalisme comme religion politique ».

Il n’est pas très partisan des interventions françaises et européennes à l’étranger.

 

Après la sieste de l’après-midi, j’entreprends, assez tard le soir, la longue montée, à partir de la ferme-bergerie de Philippe située à 200 m d’altitude, vers le sommet de la Sarrée, situé à 950m d’altitude. A 500 m d’altitude, je prends un long chemin caillouteux, serpentant dans la montagne, dont je ne vois pas la fin.

Il est aussi pierreux que le G20 en Corse, au point qu’à chaque instant, je risque de me torde la cheville.

Vers la fin, à chaque virage, j’ai l’impression que je vais enfin atteinte le plateau terminal de la Sarrée, mais, à chaque fois, je ne vois, en face de moi, qu’un nouveau virage. Je me rends compte que je manque d’entraînement.

Entre chien et loup, dans la pénombre, sur le plateau, j’aperçois deux gros sangliers et un chevreuil, dont le cri rappelle l’aboiement d’un chien ou plutôt d’un roquet.

J’arrive enfin à la cabane, en plein de nuit, à la lueur de la lampe frontale, avec énorme faim de loup.

J’entendrais le chant des coucous et celui des engoulevents, semblable au ronronnement du moteur Solex.

Cette nuit, je dormirais bien.

 

Mardi 4 juin 2019

 

Je suis réveillé par le chant des oiseaux, vers 5h30. Je me rends compte que la maisonnette est entourée d’un bois.

Je m’aperçoit que deux cactus poussent à côté de la cabane. Je me demande comment il arrive à pousser à 950 m d’altitude.

Philippe me rejoint tôt le matin, avec son 4x4.

Il m’explique qu’il a mis à contribution un berger pour la construction de la cabane. C’est lui qui a mis en place les lits superposés, réalisés en troncs d’arbres, abattus à proximité et taillés à la tronçonneuse. Il lui reproche d’avoir mal travaillé, tel un orifice d’aération monté à l’envers.

Il m’incite à débroussailler autour de la cabane, à l’aide de l’écobuage. Craignant mettre le feu au maquis, je ne suis pas rassuré. Mais Philippe m’assure qu’il n’en sera rien, car il a plu, plusieurs jours précédent, et l’herbe est encore humide, sur tout le massif.

L’enclos des mouton, à proximité, a attiré les mouches et la cabane, dès la montée de la chaleur, en est envahie.

 

Encore, une fois, je suis émerveillé par l’infinie diversité, présente dans ce massif, dépendant du « parc naturel régional des Préalpes d’Azur »[14].

 

En juin 2016, lors de ma précédente expérience d’aide-berger chez Philippe, il m’avait prêté son 4x4, croyant que je savais les conduire. Or j’avais plus ou moins « cramé » son embrayage, croyant qu’on pouvait le faire patiner comme celui d’une voiture légère[15]. Je l’ai apprès plus tard, trop tard, un 4x4 se conduit comme un tracteur.

Philippe m’informe maintenant que son embrayage a été remplacé trois mois après cet incident.

Je me sens plus ou moins coupable de l’endommagement de cette pièce automobile essentielle.

 

Le massif de la Sarrée est karstique et il n’y a pas d’eau à son sommet et sur ses pentes. L’eau traverse en profondeur ce massif calcaire. Le point d’eau, où je dois me ravitailler, situé à 200 mètres de la cabane, est un puits profond, d’où une pompe solaire extrait l’eau souterraine. L’eau est potable. A l’extérieur de la cabane, un réservoir en plastique de 50 litre me fournit l’eau pour boire.

 

En me rendant à la corvée d’eau, j’ai vu deux bousiers (au lieu d’un) pousser une boulette d’excréments. Ce qui n’est pas commun.

 

La cabane ne fait que 14 m2. C’est petit, mais on peut y vivre, du moment qu’il y a un extérieur, où je peux cuisiner, faire la vaisselle, laver mon linge et vaquer à d’autres occupations.

 

Philippe me met en garde contre les vipères que je pourrais rencontrer à ce point d’eau.

Il me conseille aussi de recouvrir d’un sac noir le bidon, me servant de réserve d’eau, placé contre la cabane, pour y éviter la prolifération des algues.

Je me souviens alors des citernes d’eau en plastique noir, posées sur toutes les terrasses des maisons, en Inde, qui permettent à leurs habitants d’avoir de l’eau chaude, sans algues. Peut-être, cela serait la bonne solution pour ma cabane.

 

Durant les deux années où nous nous étions plus vus, Philippe a subi un certain nombre de galères :

 

·         Deux années de sécheresse, l’obligeant, par moment, à devoir acheter du fourrage,

·         Un retard de 2 ans dans le versement des subventions européennes (dans le cadre de la PAC), qui aurait pu provoquer sa faillite, si Philippe n’était pas quelqu’un de prévoyant (pour les période de vaches maigres). D’autres éleveurs ont mis la clé sous la porte.

 

Je comprends que le travail de berger est composé soit de répétitions, soit de bonnes comme de mauvaises surprises.

Par exemple, ce matin, j’ai lancé le troupeau vers le bas de la montagne. Or un groupe de brebis, à mi-parcours, se sont mise à remonter vers le haut de la montagne. Probablement pour atteindre la pelouse sèche, en haut de la montagne, qu’elles adorent. Pendant toute une course-poursuite, j’ai tenté, sans cesse, de remonter au-dessous d’elles, afin de leur bloquer le chemin vers le haut. Peine perdue, elles sont, à chaque fois, les plus rapides. Et je me retrouve avec cinq brebis, rentrées, de nouveau, dans l’enclos. Et j’ai peur maintenant d’avoir perdu le reste du troupeau. De plus, manquant d’entraînement, j’ai le souffle coupé.

A la fin, j’ai réussi, avec beaucoup de difficulté, à refaire redescendre ces brebis capricieuses et à rejoindre le troupeau, mais je suis exténué.

Comme dans la parabole du bon berger, j’ai abandonné tout le troupeau à la recherche des brebis égarées.

Suite à cette réflexion, je me suis demandé si Jésus n’aurait pas gardé, lui-aussi, des moutons, dans sa jeunesse (?).

 

Cette année, Philippe m’a fourni deux jeunes chiens de défense, deux patous de un an, Rosco et Aurélie, qui passent leur temps à jouer. En remplacement, de Poppée, 8 ans, peu efficace dans la défense des troupeaux, et de Marvin, qui a été piqué, parce que devenu trop agressif.

 

Je suis souvent rendu compte que quand je suis trop fatigué (or le travail de berger est très dur physiquement), j’ai tendance à tout oublier. Je note donc dans mon carnet la liste des choses à penser (comme acheter mon billet de retour en TGV OuiGo, demander à Philippe une couverture supplémentaire, car la nuit, à 950 m d’altitude, il fait vraiment froid, acheter de la paille de fer, des pansements double-peau Compeed, contre les ampoules au pieds etc.)

 

Le soir, je commence à avoir une tourista, qui durera deux jours (est-ce lié à l’eau du bidon, légèrement colorée en vert à cause d’algues, placé en plein soleil, que j’ai bue ? Ou l’eau de l’abreuvoir, que j’ai aussi bue, située à 200 m de la cabane ?).

 

La cabane est remplie de mouches. Impossible de dormir, durant la sieste, qui commence en début d’après-midi. Les mouches, qui me couvrent, sans cesse, le visage, sont une véritable torture.

 

Pour tenter m’endormir, je tente de compter les moutons. Sans y parvenir.

 

Le soir mauvaise surprise, les brebis ne sont pas remontées (alors que d’après Philippe, elles remontent à l’enclos vers 6 à 7 h du soir). Est-ce la faute aux Patous, qui parfois ont tendance à égarer le troupeau ? Elles n’arriveront que tard à l’enclos.

 

Le soir, ce n’est qu’avec le froid de la nuit que les mouches cessent d’être actives et que je peux enfin dormir.

 

Certaines personnes se demandent comment, en tant que Berger, en estive, l’on peut vivre coupé des relations humaines ? D’abord, nous sommes à l’ère des technologies. Je peux recevoir des appels avec mon smartphone, au sommet de la montagne. Mon éleveur m’appelle régulièrement, s’informant de l’état du troupeau et de celui du berger. Par ailleurs, mes amis n’hésitent pas à m’appeler pour prendre de mes nouvelles sur mon activité d’aide-berger.

 

En plus quand je suis seul, mon imagination ne cesse de cogiter.

Par exemple, pour les céphalées de tension chroniques, je me demande si elles sont déclenchées par le stress, des syndromes de stress post-traumatiques, des peurs inconscientes et des angoisses, des conflits psychologiques ?

Je me demande comment, me positionnement par rapport au troupeau, comment le pousser, comment faire que je ne sois pas un mauvais berger, comment faire face aux attaques de loups, qui profitent du brouillard, qui limite la propagation es odeur, pour ne pas se faire repérer par les patous (une éventualité dont j’ai peur).

Ma pensée, avant de s’endormir, s’embrouille, devient cotonneuse, floue. Je pense à des personnes de ma famille qui ne respectent personnes, aux islamistes, qui sont chez eux (au nord de mon quartier parisien), en terrain conquis … Il n’y a pas d’humilité chez l’islamiste. Chez lui, tout est rapport de domination, de suprématie.

Je perçois l’islam comme une religion aux multiples semblants et faux-semblants, multiforme, sans cesse changeantes extérieurement, mais contenant un noyau dur de certitudes, totalitaire, un clone du judaïsme, un religion filiale qui chercherait à assassiner sa religion paternelle, totalement antithétique (incompatible) avec le christianisme. Elle n’est pas une religion comme les autres. C’est, actuellement, celle qui persécute le plus au monde.

 

Comme dans le roman « servitude humaine », de l’écrivain anglais Somerset Maugham, je repense au fait qu’on s’accroche, dans la vie, à des personnes qui finalement n’en valait pas la peine, certains manipulatrices ...

 

Par exemple, ce soir, je repensais aux personnes très sympathiques, intéressantes, généreuses ou/et rebelles, trop tôt disparues, telles que :

 

·         L’alpiniste Chantal Mauduit, que j’avais rencontrée, sur Paris, morte dans une avalanche sur un 8000 himalayen.

·         Isabelle Eberhart, l’écrivaine et exploratrice intrépide du Maroc, morte emportée dans la crue d’un oued, en 1904, en Algérie.

·         L’écrivain Charles Péguy etc.

·         L'actrice américaine, Jean Seberg, ...

·         Etc.

 

Je pense aussi aux génies inconnus ou presque, qui n’ont pas pu se réaliser intégralement, tels :

 

·         L'astrophysicien allemand, si prometteur, Karl Schwarzschild, mort d'une maladie auto-immune, sur le Front de l'Est, durant la première guerre mondiale.

·         Le mathématicien, Evariste Gallois, mort en duel.

·         Le mathématicien norvégien, Niels Henrik Abel, mort de la tuberculose à 27 ans.

·         Etc.

 

Cette nuit, j’ai rêvé d’un portable dont chaque composant prenait feu, puis de la maréchaussée (mais aucun souvenir de ce dernier rêve).

 

Je fais un parallèle entre Hitler et Mahomet. Dans leur jeunesse, ils n’étaient pas pris au sérieux. Ils n’étaient rien, seulement des déclassés. Ils avaient un énorme besoin de reconnaissance. Ils sont tout fait pour exister et être importants. Finalement, leurs efforts ont porté leurs fruits, ils sont devenus très puissants, trop. On pourrait être admiratif pour leur parcours, s’ils n’avaient pas détruit le monde et n’avaient pas été des criminels.

Psychologiquement, ce sont des conquérants (dominateurs), des guerriers, de ceux qui rêvent de dominer le monde. Ce sont des narcissiques extrêmes. Dans le lot de ces immenses narcissiques, on peut y inclure aussi Alexandre le Grand, Napoléon, Tamerlan, Gengis Khan, Mussolini …

 

Sinon, je repense soudainement à Max et Elie, deux juifs, sauvés durant l’Occupation, par des chrétiens, des « justes parmi les nations », qu’ils dénigrent depuis pour leurs croyances chrétiennes, sans penser que c’est justement à cause de leurs croyances, même irrationnelles, et de la morale qui en découle, qu’ils ont été sauvés de la déportation et de la mort.

 

Jeudi 6 juin 2019

 

A cause des mouches, je n’arrive pas à dormir. Ce qui accroit ma fatigue. Quand je suis très fatigué, je n’arrive à plus à réfléchir, à me concentrer et à avoir des idées.

Comme je n’arrive pas à faire la sieste, je vais récolter du thym, en fleurs, aux délicieuses senteurs, qui pousse en abondance partout autour de moi.

 

Je suis impressionné par le nombre de plantes que les brebis arrivent à brouter. Elles adorent surtout les plantes rases et méditerranéennes semble-t-il. C’est aussi leur pharmacopée naturelle.

 Mais aussi les herbes telles que le pâturin, les différentes espèces de fétuques…

 

Je décide de me rendre à un lieu-dit, avec quelques maisons isolées et un grand domaine mystérieux, d’une centaine d’ha où il est interdit de pénétrer, situé entre 900 et 1000 m d’altitude, la Malle. Je suis parti de ma cabane de berger, à 15h15, et j’y suis revenu à 18H (donc moins d’une heure trente pour aller à la Malle).

 

A la Malle, il y aussi une ferme. Et au croisement du chemin qui conduit à la ferme et la route vicinale de la Malle, il y a une boîte aux lettres, sur laquelle je trouve une boîte remplie d’œufs, avec la mention servez-vous.

Etonnant !

 

Vendredi 7 juin 2019

 

Philippe veut à tout prix que je me lance dans l’expérience de l’écobuage, qui me fait très peur, à cause des nombreuses histoires d’écobuages qui ont déclenché des incendies de forêt.

Philippe insiste : Il a plu récemment et en abondance, avant mon arrivée, le sol et la végétation sont encore humides, un feu ne se déclenchera pas. Il m’apprend les règles et horaires légaux d’un écobuage, entre 10h du matin et 17h.

Cette pratique est très encadrée. Pour avoir organisé un écobuage, hors des heures légales, Philippe s’est retrouvé les menottes aux poignées, entre deux gendarmes.

 

J’entasse, dans un immense tas, tous les arbustes et branchages que Philippe avait déjà coupés à la tronçonneuse et laissés sécher au soleil.

 

Les tas de bois s’enflamment bien, trop bien, se transformant en brasier impressionnant, dégageant une chaleur de four infernal, pire que les brasiers allumés à la Saint-Jean. Même l’herbe rase autour semble, à son tour, prendre feu.

Je prends peur, je vais chercher des seaux remplis d’eau à l’abreuvoir pour les jeter dans le brasier, qui s’éteint alors.

Sous l’effet de la chaleur, mon seau avait commencé à fondre.

 

Sur ce, Philippe arrive et me reproche d’avoir arrosé d’eau le feu, ce qui a empêché de gros branches d’être elles-aussi consumées jusqu’au bout.

Philippe me montre qu’en frappant, à plat, avec une simple pelle, les départs de feu, on les éteint immédiatement.

Idem avec des branches de genets à balais.

Philippe me précise que les chasseurs laissent souvent des bacs remplis d’eau pour le gibier, qui sont alors des vecteurs de prolifération des moustiques.

 

La pratique de l’écobuage est intimement liée au pastoralisme. Sans celle-ci, pas d’herbe dans les sous-bois et la forêt se referme.  Maintenant, je serais le chargé de l’écobuage. Et j’ai ferais plusieurs, les jours suivants.

 

Dimanche 9 juin 2019

 

Les brebis sont souvent réglées comme une horloge, pour leur lever, leur départ, l’heure de la rumination, leur retour, leur sommeil.

Mais quand il y a un gros orage, comme maintenant, elles ont tendance à l’immobiliser, parfois sous les arbres.

C’est à ce moment-ci, sous la pluie battante, que débouchent à la cabanes des VTTistes perdus. Ils sont tellement perdus qu’ils ont pris le chemin de la cabane à l’opposé du sentier de randonnée qu’ils devraient prendre.

Je les remets sur le bon chemin.

 

Lundi 10 juin 2019 (de l’ascension)

 

Hier, entre chien et loup, j’ai vu une belette noire, nommée ici sauvagine, évoluer furtivement.

Dans la nuit, j’ai entendu hululer une chouette et le coucou.

 

Ce matin, j’ai les jambes en plomb. Mon épuisement est sévère, après avoir vécu le cauchemar des brebis perdues, dans le zone de sous-bois, rempli d’une jolie herbe dense, uniforme, couleur vert printemps, qui a repoussé après des écobuages, réalisés antérieurement par Philippe.

Mes chaussures sont très usées et il faudrait que je les remplace.

 

Certaines personnes comme Philippe (et bien d’autres) ne comprennent pas toujours que des personnes soient plus faibles et moins énergétiques qu’eux.

 

Quand je recherche mes brebis, j’ai par moment des hallucinations auditives, à force de me concentrer sur les fruits de la nature, imaginant des bêlements, le tintinnabulement des clochettes …

 

A la longue, je deviens presque insensible à tout ce qui pique : genévrier, ajonc, églantier, chardons, vipérines, et le pire les ronces …

 

Quand je retrouve mes brebis, je me repose.

Il me vient alors à l’esprit que les valeurs du berger sont l’humilité, la simplicité, la pauvreté. Sa vie, en communion avec la nature, est proche d’un moine ou d’un cénobite.

 

Philippe et moi avons discuté ensemble de la construction d’un impluvium, avec un bassin rempli d’eau en son centre, pour récolter de l’eau (au sommet de la Sarrée) et pour lutter contre les incendies.

Il m’explique qu’il faudrait prévoir au moins 30.000 € de travaux pour réaliser cet impluvium. Mais il n’a jamais réussi à obtenir ce financement (de la région), parce qu’il n’y a jamais eu de feu dans la Sarrée. Mais justement, parce que Philippe, par ses écobuages régulier, entretient l’écosystème de la Sarrée.

 

Cette fois-ci, Philippe a gardé les brebis dans l’enclos situé en bas de la montagne.

 

Je me suis retrouvé, ce soir, dans le brouillard, sans les brebis.

 

J’ai fait un écobuage, dans le brouillard, au milieu de l’après-midi. Au moins, la maréchaussée, si elle avait quelque chose à me reprocher, ne pourrait pas me voir, de son point de vue au fond de la vallée.

 

Cette nuit, j’ai eu deux rêves :

 

J’étais pris en sandwich, coincé, par deux pickpockets, qui me volaient mon portefeuille à l’aéroport de Gaborone en Tanzanie (pourquoi Gaborone ? Je n’en avais aucune idée).

Dans le second, j’arrive à une fête ou plutôt à un goûter organisé pour des enfants. La maîtresse de maison a le visage couvert de charbon de bois et porte une fausse barbe noire. Elle s’excuse auprès de moi d’être dans ce état (Là, le rêve peut s’expliquer parce que durant les écobuages, mon visage est parfois noirci par la fumée des feux).

Actuellement, j’ai des rêves qui se transforment en cauchemar.

 

Mardi 11 juin 2019

 

Sur le massif, il y a beaucoup de chênes pubescents et verts. Mais, ici, plus personne ne les récupèrent pour le bois d’œuvre (juste pour le bois de feu). 

Philippe me raconte qu’au 19° siècle, quand Canne était encore un port de pêche, un incendie avait duré huit jours et avait détruit tout la forêt de chêne-liège et l’industrie des bouchons pour le vin (pour les vins locaux).

 

Dans les exploitations ovines où j’ai travaillé, les membres de la famille, y compris les épouses, participent aux taches de gestion du troupeau _ en particulier, au tri des bêtes dans le couloir de tri. Or j’étais triste de constater que son épouse n’a jamais participé aux travaux organisés par Philippe pour gérer son troupeau.

 

Il est vrai que les activités à la campagne sont bien plus rudes physiquement que les activités à la ville.

Et tout dénote dans son épouse un comportement de citadine.

 

J’ai eu une longue discussion avec Philippe sur l’islam. Et il est très inquiet concernant la progression du djihadisme au Sahel, sachant plus de 300 millions d’Africains y résident, et qu’avec la guerre au Sahel, on risque de voir un afflux de réfugiés vers l’Europe, qui d’après lui pourrait atteindre jusqu’à 30 millions de Sahéliens.

Pour Philippe, l’islam est une religion de commerçants.

Pour lui, les jeunes qui tombent dans le salafisme, souffrent tous d’un problème d’identité (d’un conflit d’identité (voire de loyauté) entre celle française et celle musulmane maghrébine, qu’ils résolvent, le plus souvent, en choisissait la seconde).

Je lui parle de certains prosélytes casse-pieds (ou casse bonbon), sur les réseaux sociaux, comme Ousmane, qui avec une persévérance incroyable, ont cherché, durant plus de deux ans, à me convertir à l’islam et qui me menacent de l’enfer si je ne veux pas convertir.  Ce sont des gens, dénué de toute once d’esprit critique, totalement lobotomisées, inquiétants, tous profondément antisémites, sur lesquels les arguments rationnels coulent comme goutte de mercure sur un ciré breton. Ils sont tous conditionnés à la haine de l’Occident, qu’ils dénigrent sans cesse, en particulier pour son histoire coloniale, persuadés d’être plus moraux et vertueux que les Occidentaux.

Ils sont d’autant plus fanatiques qu’ils sont totalement incultes au niveau culturel et scientifique. Ils sont dénués de toute curiosité et ils ne passent leur vie qu’à étudier l’islam. C’est leur profonde ignorance sur le monde qui les maintient dans le fanatisme et leurs certitudes absolues.

Devant un tel phénomène aussi monstrueux, je lui fait part de mon inquiétude, qu’il partage totalement, ayant lui-même vécu en Afrique.

 

Difficile souvent de comprendre la puissance de l’emprise d’une secte sur ces fanatiques. On l’explique par le mécanisme de la « dissonance cognitive ». Ils ne croient jamais au hasard. Ils sont persuadés que tout « malheur » _un tsunami, un tremblement de terre, une maladie, une pandémie … _ a une explication divine et est une punition divine. Et que tout évènement est un signe de Dieu. Il est totalement impossible de leur ôter de telles croyances à des interventions divines en toute chose. Ou qu’il y a derrière tout évènements des forces cachées, ce qui favorise chez eux, une vision complotiste voire paranoïaque du monde. Toutes les intuitions, naissant dans leur cerveau, sont autant de vérités exactes. Ce sont des visions du monde totalement délirantes. On observe chez la déchéance de rationalité dont parle le sociologue Gérald Bronner.

Pour eux l’heure de leur mort déjà choisi et décidé par Dieu, avant même leur naissance, et date et heure qu’ils ne peuvent pas changer.

Il n’y a pas religion au monde qui détruit (aboli) autant, l’esprit critique et génère autant de crédulité, chez ses fidèles.

Elle repose sur la peur, les préjugés et l’ignorance, auto-entretenue, des produits qui fonctionnent très  efficacement sur le marché des croyances.

 

J’avais acheté, à la pharmacie dans la vallée, de l’huile essentielle de citronnelle, pour lutter contre l’invasion de mouche dans ma cabane. La pulvérisation de ce produit sur les surface dans la cabane ne produit aucun résultat. Les conseils, sur Internet, préconisant l’utilisation d’huile essentielle de citronnelle pour lutter contre l’invasion de mouches sont vraiment de la foutaise ! Pourtant, j’en ai aspergé partout !! Je suis très mécontent.

Dès une certaine heure, dès que la chaleur revient, les mouches, sans gêne, attaquent, comme dans un film d’horreur.

 

J’avais pensé commander une moustiquaire de lit sur Amazon mais je suis persuadé que l’Internet ne passe pas dans cet endroit perdu, loin de tout. Et que je dois redescendre dans la vallée pour passer ma commande. Mais comme je m’en apercevrais trop tard, en fait l’internet, par la 4G, passait trop bien ici.

 

Cette fois-ci, j’ai parfaitement réalisé et maîtrisé, seul, mes écobuages, à coup de pelle. Je serais presque fier de moi.

Ces feux me donnent soif.

 

Dans certains endroits de la Sarrée, les rochers blancs calcaires affleurent partout, en grands lapiaz blanc, et j’ai du mal alors à repérer, car blanc sur blanc, Aurélie et Rosco, eux-mêmes au pelage blanc immaculé. 

Aurélie et Rosco s’entendent extraordinairement bien, et je les adore, peut-être bien plus que les moutons dont j’ai la garde. Il est vrai que les moutons ne sont pas très affectueux avec les humains.

Philippe m’a fait comprendre qu’on doit bien s’en occuper et bien les nourrir, mais pas tisser des liens d’affection avec ces derniers, puisqu’ils sont destinés à la boucherie.

 

Le travail de berger est tellement physique, que j’ai tout le temps faim. Mais c’est une bonne faim.

 

Comme je suis isolé du monde (loin des routes carrossables et goudronnées), j’ai constitué une grand stock de provisions. Et si jamais il en reste, à mon départ, je les laisserais au berger suivant (en espérant que les mulots ne viendront pas les grignoter. Mais je n’ai pas observé de mulots sur la Sarrée).

 

Aujourd’hui, Philippe n’arrive pas à attraper l’agneau boiteux, car l’ouverture du crochet de la houlette est trop large pour sa petite patte. Finalement, l’agneau s’est caché avec sa mère et l’on n’arrive pas à les retrouver. Tant pis.

La course de cet agneau et de sa mère a été épuisante.

 

Malgré les patous, Philippe et moi craignons toujours les attaques de loups, surtout par temps de brouillard.

 

Malgré tout, ici, il fait majoritairement beau et même assez chaud dans la journée, bien que je sois à 950 m d’altitude.

Je me dis qu’il me faudrait, ici, à côté de la cabane, un cuiseur solaire de type boîte, pour économiser le gaz de la bonbonne (située à l’extérieur de la cabane, ainsi que le réchaud à gaz) que j’utilise pour faire chauffer mes plats, pour mes repas.

 

Philippe me parle de son projet de ferme solaire, à implanter au sommet de la Sarrée.

Mais le problème est d’obtenir d’EDF de tirer les câbles électrique de la route vicinale jusqu’à l’emplacement choisi par Philippe de cette ferme solaire. Philippe est toujours rempli d’idées.

 

J’étais tellement fatigué, ces jours-ci, que j’ai totalement oublié de réserver mon billet de retour, pour le dimanche 16 juin 2019. Or je me rends compte, seulement, maintenant que le réseau internet passait en haut de la Sarrée.

J’ai beau chercher un billet de TGV de retour, de Canne vers Paris, je constate que tous les TGV(s) sont pleins, ce dimanche. Je ne trouve qu’un billet de retour, plein tarif, que pour le samedi 15 juin, qui part de Mouans-Sartoux à 17h (arrivée à Paris Gare de Lyon à 22h53).

C’est une mauvaise nouvelle, parce que je devais accompagner Philippe, samedi soir, durant la petite transhumance, d’à peu près 3 à 4 heures de marche, qu’il organise entre le sommet de la Sarrée (950 mètre d’Altitude) et le plateau de Calern (1200 m d’Altitude), où il conduit le troupeau.

C’est ma seconde boulette ! (d’avoir oublié de réserver nettement en avance le billet de retour).

 

Sans le vouloir, je vais lui faire faux bond et il va se trouver seul à conduire le troupeau, avec le risque que les patous, encore jeunes et tout-fous, fassent des leurs et dispersent les moutons.

 

Jeudi 13 juin 2019

 

J’ai eu le droit à deux magnifiques nuits de suite, de pleine lune.

 

Aujourd’hui, Philippe n’a pas envoyé les brebis. Comme je suis très fatigué, cela m’offre ainsi un jour de repos.

Une journée où je ne fais strictement rien (à lutter contre les mouches dans la cabane).

 

Vendredi 14 juin 2019

 

Dès 7h, Philippe m’a mis immédiatement à contribution. Il me demande de repeindre la cabane avec une lasure, dont le pot est stocké derrière le chalet (un produit qui décore et protège le bois sans en masquer les veines).

Mais étant encore fatigué, je comprends mal ce que me dit Philippe et croit qu’il me demande de peindre le chalet d’une couleur bleu azur. J’imagine alors que la cabane sera semblable à la petite maison bleue, en haut de la colline, de la chanson de Maxime Leforestier. Or je trouve justement un pot de cette belle couleur, déjà entamé, derrière le chalet, et donc je me mets immédiatement à l’œuvre avec cette couleur.

 

Quand Philippe revient, il s’aperçoit immédiatement de ma méprise. Il est visiblement mécontent et pourtant ne s’énerve pas  : « Je t’ai parlé de lasure et non de peinture bleue ! ».

Bref, je me rends compte de la belle boulette (bleue), que j’ai commise.

Je suis mal moralement d’avoir fait une telle erreur.

 

Philippe est toujours très économe de ses paroles et il croit que tout ce qui est évident pour lui, doit l’être pour moi. Il me suppose intelligent, même si je suis un gars de la ville. Il a du mal à comprendre que je n’ai jamais travaillé à la campagne et que je n’ai jamais fait de travaux de peinture dans une maison ou un chalet.

 

J’ai l’impression d’être un personnage du roman « Ravage » de Barjavel, qui n’a aucun sens pratique (comme dans le romain).

 

Philippe réfléchit à la façon de rattraper mon erreur. Comme mon pot de peinture est terminé, il décide faire préparer une couleur semblable à celle du pot, chez un marchand de peintures spécialiste. Refaire la même peinture coûte un peu plus de 120 €. Il remonte, en fin d’après-midi, avec le nouveau pot de peinture bleue.

 

Samedi 15 juin 2019

 

Le lendemain, l’on se remet remets tous les deux à peindre le chalet de ce beau bleu.

Je me rends compte que je ne sais même pas peindre, ne serait-ce même que de poser un ruban de papier collant, autour des carreaux de fenêtre, afin d’éviter de les tâcher. Bref, Philippe m’apprend tout. De plus, il est plus rapide que moi, pour peindre chaque face du chalet. Finalement, vers 111h, nous avons terminé la peinture du chalet.

 

J’ai juste le temps de faire rapidement mon paquetage (je laisse beaucoup de provisions au berger suivant qui ne viendra que l’été prochain), et toutes mes affaires (mes deux sacs à dos) sont placé sur le plateau arrière du pickup. Et nous redescendons rapidement dans la vallée.

Il m’offre un repas dans assez bon restaurant, connu par son service rapide.

 

Finalement, Philippe me dépose rapidement à la gare de Mouans-Sartoux, vers 15h. Et il repart immédiatement, sans attendre, pour rejoindre le haut de la montagne, de la Sarrée, pour y organiser seul la transhumance prévue de longue date.

 

Mais auparavant, il m’avait expliqué que la gare de Mouans-Sartoux et la ligne ferroviaire étaient restée désaffectée durant 20 ans. Les bergers faisaient alors pâturer les moutons sur l’ancienne ligne de chemin de fer de Canne à Grasse, jusqu’à ce qu’elle soit enfin réhabilitée et remise en service par le Conseil régional.

 

Cette année, je n’ai pas été brillant. Et donc il y aura peu de chance que je recommence cette expérience d’aide-berger, auprès de Philippe, l’année prochaine.

Je suis encore plus désolé de n’avoir pu, cette année, participer à la transhumance, à cause de ma seconde boulette.

 

 

Epilogue

 

Encore une fois, je m’en rends compte. Je ne me suis pas assez entraîné. Et je n’ai pas résisté à la fatigue, cause de mes nombreux oublis, durant ces 12 jours. (J’étais tellement fatigué que j’avais oublié mon pull chez Philippe, qu’il m’a renvoyé par la poste).

 

Philippe m’avait parlé de l’achat d’une ferme, située entre la Malle et le village de Caussols. Finalement, cela ne se fera pas. Ni le projet de ferme solaire.

 

Comme Philippe m’a quand même payé mon salaire (malgré ma mauvaise prestation) et pour essayer de lui donner une meilleure image de moi, à mon retour, j’ai acheté deux moustiquaires de lit, pour les lits superposés de la cabane, un piège à guêpe et mouches (utilisant de l’eau sucrée) et des rouleaux de papier tue-mouche, que je lui ai envoyés par la poste.

 

Comme j’avais trouvé dommage qu’il n’y ait pas l’électricité dans la cabane et comme Philippe m’avait affirmé qu’il n’avait pas l’intention d’y installer l’électricité, j’avais acheté 2 kits panneaux solaires 20W – 18V, pour équiper et fournir du courant à la cabane du haut, comprennent chacun :

 

1)                  1 Panneau solaire, en silicium monocristallin, puissance max 20W, voltage en sortie max 18V, courant maximum en sortie : 1.12A

2)                  2 Controller de charge solaire, jusqu’à un courant maximum de 30A.

 

Dans le 2nd kit, il y avait en plus :

 

1)      2 lampes LED, Puissance: 5 W, Tension: 12 V (spéciale panneaux solaires).

2)      Un onduleur ou convertisseur de courant continu (Voltage continu en entrée DC 12V) en courant alternatif (Voltage alternatif en sortie 220V/110V) [afin de brancher une tablette, un petit ordinateur ou un Smartphone).

 

Pour ces panneaux solaires, il fallait encore commander deux batteries (plomb-gel) 12V 9Ah, spéciales pour panneaux solaires (en en trouve, sur eBay, à 31€95, frais de port compris).

 

Je voulais donc les lui envoyer, par la poste, sans le prévenir, pour lui en faire la surprise.

Mais j’ai préféré finalement l’en informer. Et j’ai appris que dès mon départ, il a finalement installé un grand panneau solaire sur le toit de la cabane et qu’il y a maintenant de l’électricité dans le chalet.

Donc, mes panneaux solaires n’ont plus été nécessaires (pour Philippe).

 

Finalement, en interrogeant mes amis travaillant dans l’humanitaire à Madagascar, j’apprends que l’association ALAMINE, de Florence l’amie d’un ami malgache, a énormément besoin de telles panneaux solaires (qui seront remis, dans peu de temps, à Florence, à son retour de Madagascar, en novembre 2020).

 



[1]Je n’ai pas connu cela.

[2] Le qamis ou kamis est un vêtement long porté traditionnellement par les hommes musulmans

[3] En fait, Salafistes avait été interdit au moins de 18 ans par la Ministre de culture Fleur Pellerin en raison de la violence des images. Ce film documentaire français, de 2016, a été réalisé par Lemine Ould Mohamed Salem et François Margolin.

[4] Quand je vois des versets, comme ceux ci-après, je me demande si les germes du totalitarisme ne sont pas intrinsèques à l’islam :

« 5.33-34. La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager, et qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l’ignominie ici-bas ; et dans l’au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment, excepté ceux qui se sont repentis avant de tomber en votre pouvoir : sachez qu’alors, Allah est Pardonneur et Miséricordieux. », S5.V33-34.

Note : Comment contextualisez-vous ces versets coraniques, ci-dessus, et interprétez-vous ou comprenez-vous cette phrase "qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre" (cette dénomination me semble vague. De quelle corruption parle Mahomet) ?

« 7.72 [...] Nous avons exterminé ceux qui traitaient de mensonges Nos enseignements et qui n’étaient pas croyants ».

« 3.19. Certes, la religion acceptée d’Allah, c’est l’Islam. Ceux auxquels le Livre a été apporté ne se sont disputés, par agressivité entre eux, qu’après avoir reçu la science [la prophétie de Muhammad et l’Islam]. Et quiconque ne croit pas aux signes d’Allah... alors Allah est prompt à demander compte ! ».

« 3.85. Et quiconque désire une religion autre que l'Islam, ne sera point agrée, et il sera, dans l'au-delà, parmi les perdants ».

« 8.39. Et combattez-les jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus d’association, et que la religion soit entièrement à Allah. Puis, s’ils cessent (ils seront pardonnés car) Allah observe bien ce qu’ils œuvrent ».

[5] L’association Riposte Laïque est d’extrême-droite. Et donc, dans la bouche et l’esprit de cet ami de gauche, c’était, en quelque sorte, une insulte ou un grave reproche à mon égard. 

[6] Il existe souvent une hyper-susceptibilité maladive, même chez les « musulmans modérés », qui contribue à ce que les musulmans n’acceptent aucune critique de l’islam, du Coran et de Mahomet, ou tout humour ou caricature à leurs sujets, contrairement à ce qu’il se passe chez les chrétiens et les juifs. Au moins avec les chrétiens, on peut faire de l'humour avec (ou sur le dos de) Jésus ou des chrétiens. Une amie athée kabyle écrivait, par exemple, au sujet d'une image humoristique qu'elle avait publiée sur Jésus : « Un peu d'humour sur le dos de nos amis chrétiens. Au moins avec eux, on ne risque pas de "perdre" la tête ».

[7] a) Qu’ils m’expliquent alors pourquoi la rhétorique de l’extrême-droite tourne toujours autour des immigrants africains et de l’islam et jamais autour des migrants asiatiques et du bouddhisme (et qu’on ne parle jamais des incivilités des migrants asiatiques. A-t-on entendu parler de migrants asiatiques brûler des voitures, des bâtiments municipaux, des bibliothèques de quartier, alors qu’eux aussi sont victimes de racisme ?).

b) en plus, j’ai découvert, à la longue, chez Gaby, cette même hyper-susceptibilité maladive, dès qu’on touche à l’islam.

[8] Liste des versets dans le Coran, des hadiths et prières antijuifs et antichrétiens, http://benjamin.lisan.free.fr/jardin.secret/EcritsPolitiquesetPhilosophiques/SurIslam/liste-des-versets-et-hadiths-antijuifs-et-antichretiens-dans-le-coran.htm

[9] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C5%93uf_de_Kobe

[10] Je peux l’attester pour avoir déjà goûté les côtelettes de mouton de sa production.

[11] En fait, Philippe n’est pas content d’elle, car au lieu de faire son travail de chien de protection, elle fait la fête à tous les randonneurs qui passent.

[12] Mes souvenirs sur le fanatismehttp://benjamin.lisan.free.fr/jardin.secret/EcritsPolitiquesetPhilosophiques/SurIslam/mes_souvenirs_sur_le_fanatisme.htm

[13] Infection du sabot des ovins. Cf. Foot rot, https://en.wikipedia.org/wiki/Foot_rot

[14] Parc naturel régional des Préalpes d'Azur, https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_naturel_r%C3%A9gional_des_Pr%C3%A9alpes_d'Azur

[15] Récit de ma 2nd expérience d’aide-berger, au-dessus de Grasse, en mai et juin 2016, Benjamin LISAN, le 19 juin 2016, http://benjamin.lisan.free.fr/bergersdefrance/experience_d-aide_berger_au-dessus_de_Grasse_mai-juin_2016.htm