Récit de ma 2nd expérience d’aide-berger, au-dessus de Grasse, en mai et juin 2016

 

 

Du 23 mai au 13 juin 2016, dans le massif de la Sarrée puis sur le plateau de Calern, dans l’arrière-pays grassois

(photos : Benjamin Lisan).

 

Par Benjamin LISAN, le 19 juin 2016

 

                Après avoir vécu deux épreuves professionnelles sérieuses récentes dans le monde de l’informatique _ d’abord, un an et demi de harcèlement professionnel épuisant, destiné à me pousser à quitter ma précédente entreprise (mon employeur me considérant comme trop vieux à 60 ans), puis un mois à réaliser plusieurs missions de formations informatiques, pour une société de formation, missions décidées au dernier moment, durant lesquelles aucune définition de ces missions bien claire et cadrée ne m’avait été fournie et pour lesquelles l’on ne m’a jamais permis de préparer suffisamment à l’avance mes cours _, déçu par ces expériences, j’avais décidé de tenter l’expérience de quitter le monde de l’informatique et de voir si je pourrais changer de voie professionnelle.

 

                Précisons que j’avais déjà connu une expérience d’aide-berger, durant 2 semaines, dans le Mont d’Or, au-dessous de la Bourboule, en Auvergne, en septembre 2012[1]. Elle avait été un test de mes aptitudes physiques. Je l’avais déjà trouvé fort éprouvante. Pourtant, malgré ce souvenir cuisant, j’avais décidé de remettre cela, espérant que, cette fois-ci, une expérience de 3 semaines, plus longue, me permettrai enfin d’acquérir l’entrainement physique, que je n’avais pas réussi à acquérir, quatre ans auparavant. Cela bien qu’après cette première expérience passée, je m’étais promis de ne jamais la renouveler, à cause de sa dureté et des très long horaires journaliers. Mais curieusement, j’avais gardé, malgré tout, un bon souvenir de cette vie dans la nature, auprès des chiens et des moutons à la présence apaisante.

 

                Quatre ans après, ayant déjà oublié le caractère éprouvant du métier, je décidais de repasser une annonce sur le site de l’association la « maison du berger »[2]. Rapidement, un éleveur de la région de Grasse, Philippe M., a décidé de me donner ma chance, bien que je ne possède ni véhicule, ni chien de berger.

                Philippe m’avait téléphoné le vendredi 20 mai et je devais arriver le lundi 23 mai, à la gare de Mouans-Sartoux, située au-dessus de Cannes. Tout se décida très vite, j’acceptais la mission, je préparais rapidement mon paquetage.

 

                Je rédige aussi ce récit pour faire comprendre, aux éventuels candidats à ce métier, à quel point ce métier est dur physiquement.

 

Lundi 23 mai :

 

Je suis parti le lundi 23 mai, en TGV, vers 7h, et j’arrivais en TER, à la gare de Mouans-Sartoux, vers 13h30 où Philippe m’attendait.  Il était venu me chercher, avec son puissant 2x4 Isuzu. Il m’a reconnu tout de suite avec mon gros paquetage.

Au retour, sur la route conduisant vers sa ferme, située entre Châteauneuf-Grasse et le Rouret, nous croisons un renard, efflanqué, couvert de pelade (une sorte d’eczéma). Selon Philippe, ils sont trop nombreux, n’ont pas assez à manger et donc les chasseurs devraient en tuer plus pour réguler leur population. Philippe est chasseur.

 

                D’habitude mes récits de voyage, d’aventure … se consacrent essentiellement au récit de mon expérience vécu, mais exceptionnellement, ce compte-rendu se focalisera aussi sur le personnage de Philippe, mon employeur, une personne hors du commun. Il sera donc, en quelque sorte, aussi le héros de cette histoire.

 

                Cet après-midi-là, Philippe m’a tout de suite mis dans le bain, en me montrant le troupeau, en m’apprenant les termes du métier[3] [4]. Bien que je connaissais déjà certains termes, à l’issue de ma précédente expérience :

 

1)      Amoulonner ou emmoulonner [pour le troupeau] : s’emploie au sujet d’un troupeau qui se regroupe sous l’effet de la chaleur, de la peur ou de l’action du berger.

2)      Assalier : pierre plate sur laquelle on dépose le sel pour les moutons[5].

3)      Biais : le sens ou la direction pris ou donné au troupeau.

4)      Baouc : a) herbe vert clair et dense comme une fétuque[6]. Elle est pâturable au stade jeune, après un écobuage, elle est très invasive, peu appétente. B) Sinon, herbe dure que les moutons ne veulent pas manger.

5)      Chaume : a) emplacement et laps de temps où le troupeau chaume. b) Période de repos des animaux destinée au ruminement de l’herbe ingérée. Elle a lieu dans des endroits précis que le troupeau connaît, aux heures les plus chaudes de la journée. Selon la saison, le temps de la chaume est variable, voire inexistant.

6)      Déchaume : moment où le troupeau se remet à pâturer, à se déplacer.

7)      Chaumer : action de… ne rien faire d’autre que ruminer et attendre que la chaleur baisse.

8)      Draille (ou carraire) : chemin de transhumance destiné aux troupeaux. Se dit aussi pour un sentier tracé par les bêtes sur l’alpage. Chemin emprunté par le bétail.

9)      Emplanner [pour le troupeau] : arrivé à destination, le troupeau s’étale dans la pâture, pour brouter.

10)   Enrouler [le troupeau] : le contourner, par la gauche ou par la droite, pour le faire tourner à droite ou à gauche.

11)   Filet : le filet électrifié qui entoure le parc.

12)   Gros pied : abcès du pied.

13)   Lancer [le troupeau] : faire démarrer la tournée du troupeau.

14)   Pousser [le troupeau] :  faire accélérer la marche du troupeau vers l’avant (en se mettant derrière lui ou en mettant le chien de conduite derrière.

15)   Parc : l’enclos dans lequel, on enferme les moutons, dans la nuit ou dans la journée.

16)   Patou : chien molossoïde d’origine pyrénéenne, qui sert à la protection des troupeaux contre les prédateurs. Son utilisation dans les Alpes est consécutive au retour des loups (au cours des années 1990).

17)   Piétin ou piagne : développement de champignons entre la corne et le cartilage du pied. Entraîne des boiteries gênantes en cas de parcours et se propage très rapidement. Cette maladie est contagieuse.

 

Mes trois futurs compagnons seront Lucky _ un border collie et chien de conduite _, Poppée, un chienne patou blanche (une « montagne des Pyrénées »), et Marvin, un berger des Abruzzes, bicolore _ ces deux derniers étant des chiens de défense.

Avec ses yeux cerclés de noir, comme un raton laveur, Lucky est, un peu, mon « bandit masqué » J.

Marvin et Poppée sont assez câlin avec moi, ce qui n’est pas le cas de Lucky, qui est plutôt distant.

 

Autant Poppée et Marvin me couvrent, régulièrement, de baisers de chiens, autant Lucky n’est pas très câlin. Il ne me fait jamais de « léchous » de chien. Par contre, il me donne facilement et spontanément sa patte. Je ne suis demandé s’il n’aurait pas été maltraité par de précédents bergers (recrutés par Philippe). 

Sinon, Lucky est complètement fasciné et hypnotisé par les moutons, comme d’ailleurs la plupart des border colie. A chaque instant de la journée, il ne peut pas s’empêcher de les observer ou de les guetter.

 

Le peu que je sais de la biographie de Lucky est que durant ses 2 premières années, il a été un chien de compagnie, avant de devenir un chien de travail, ce qui n’est pas un itinéraire recommandé pour une border colie.

Alors que l’itinéraire normal pour un chien de travail serait de lui offrir une retraite agréable de chien de compagnie, quand il devient vieux, pour le récompenser de ses bons et loyaux services.

 

Lucky, un border collie et chien de conduite

Poppée, un chienne patou blanche et chienne de défense

Marvin, un berger des Abruzzes et chien de défense

 

J’ai tendance à croire que la cohabitation avec des animaux aide à humaniser les êtres humains et je suppose que si Hitler avait été occupé à garder les moutons, durant sa jeunesse, il serait possible qu’il ne serait-il pas devenu ce psychopathe effrayant, ayant ravagé l’humanité et provoqué directement ou indirectement la mort de 60 millions d’être humains.

 

Nous nous rendons très vite sur la colline, lieu du parcours du troupeau, situé au-dessus de la plaine des milles chênes et des villes du Rouret et de chauteauneuf-Grasse …  en partie couverte par un forêt de chênes blancs (chêne pubescent). Les moutons sont en train de « chaumer » (c'est-à-dire en train de ruminer, la plupart couchés) dans un très grand enclos grillagé.  A cinq heures, nous les faisons sortir du parc … et elles entament leur parcours.

La nature environnante est remplie de chênes blancs, de chênes verts, de cistes cotonneux (Cistus albidus) _ que j’appelle les « rosiers de la garrigue », tellement je suis en admiration devant la beauté de leurs fleurs[7] _, de gênets à balais (Cytisus scoparius), d’ajoncs d’Europe (Ulex europaeus), aux fleurs jaunes … aux jolies fleurs roses ou violettes, au pistil jaune d’or.

La présente de bois, densément peuplés en chênes blancs_ qui ont besoin d’eau _, en zone méditerranéenne, est peut-être le signe d’un climat subtropical, à cet endroit (?).

 

Philippe m’apprend à conduire le troupeau, sans chien, juste avec un bâton de berger, muni d’une lanière de cuir servant de fouet. Cet exercice n’est pas aisé. Car les moutons ne sont pas très obéissants. Un troupeau se conduit moins facilement qu’un camion de 40 tonnes.

Les moutons sont des gastronomes délicats, ne dévorant délicatement que les pousses terminales des genêts, des ajoncs, des cistes, les jeunes feuilles de ronces, les feuilles des chênes blancs, … Par contre, ils ne broutent pas les aiguilles épineuses des genévriers, les fougères.

 

Philippe, qui est chasseur, me demande si j’ai un permis de chasse, mais je n’en ai pas.

 

Cistes cotonneux (Cistus albidus)

 

 

Philippe, le goût de l’aventure dans le sang, a commencé sa vie professionnelle, en tant que spécialiste des ovins en Afrique du Sud puis en Rhodésie. Dans ce dernier pays, il a pris la direction d’une équipe d’ouvriers agricoles noirs, totalement incompétents au niveau agricole, incapables de comprendre la différence de la prise du niveau d’huile à plat ou en pente, à chaud et à froid, alors que cette différence de niveau peut faire faire la différence entre un tracteur en bon état et un tracteur cassé.

Il se définit comme un néo-rural, son père était architecte.

Le soir, j’observe Poppée courser le chat de la maison, en vraie prédatrice. Ce dernier n’a la vie sauve qu’en réfugiant dans le bric-à-brac du tunnel bâché de la bergerie.

Philippe m’offre l’hébergement dans une grande caravane, normalement mise à disposition des bergers travaillant pour lui. C’est le grand luxe.

Deux attentions simples, mais touchantes de sa part : il est venu me déposer dans la caravane un cube de savon d’Alep à l’huile de baie de laurier, qu’il m’a offert et des draps propres. C’est la première fois, qu’un éleveur me fournit des draps.

Il m’a aussi apporté un pack de 6 bouteilles d’eau minérale de 1,5 litre chacun.

Les pâtures, devant sa maison, sont envahies de molènes bouillon-blanc, montés en fleurs comme les salades, une mauvaise herbe, dont les moutons ne font rien.

 

Philippe m’a confié un thermos, ce qui me permet de me désaltérer, de m’hydrater régulièrement sur la parcours, grâce à une boisson chaude. Souvent le matin, du thé vert, le soir une tisane pour dormir, que j’agrémente éventuellement avec des fleurs de thym, récoltées le long du parcours.

J’adore les fragrances exhalées par les thyms, romarins et origans de la garrigue, sur mon parcours.

 

Mardi 24 mai 2016 :

 

Dès ce mardi matin, Philippe me confie le troupeau. Il souhaite que je sois autonome au plus vite. J’ai conscience qu’il prend un risque en me faisant confiance.

Philippe m’explique que l’Union Européenne lui doit 10.000 €, depuis 1 ans, à cause des retards causés par la réforme de la PAC (ce qui l’a obligé à demander une avance de crédit auprès de sa banque). L’administration a promis de lui donner 90% du solde de ce qu’elle lui doit, en septembre 2016. Cette réforme causera une perte de 6 milliard d’Euros pour la France.

 

Le problème du loup.

 

Selon Philippe, il y a déjà eu 10.000 moutons (ou ovins) tués, par le loup, depuis 4 ans, en France, ce qui le scandalise.

Mais les chiffres seraient pires, si l’on en croit les journaux :

Selon le journal Sud-ouest et AFP, « près de 9.000 bêtes, essentiellement des ovins, ont été tuées par le loup en 2015 [en France], une légère augmentation par rapport à 2014, selon des chiffres de la Direction régionale de l'environnement de Rhône-Alpes, chargée du suivi national. Ce chiffre de 8.935 "victimes constatées" est en légère augmentation par rapport à 2014 (8.768), qui avait marqué une brusque hausse par rapport aux années précédentes. […] La population de loups en France est estimée à 300 animaux. Leurs attaques ont coûté 2,5 millions d'euros à l'Etat »[8].

« Pour limiter les dégâts sur les troupeaux, l'Etat avait fixé un quota maximum de 36 loups pouvant être abattus, entre juillet 2015 et fin juin 2016. Selon la Confédération paysanne, Les éleveurs ne peuvent "se contenter d'un tableau de chasse qui n'apporte pas d'amélioration sur le terrain" ».

Les éleveurs, pratiquant l'élevage à l'herbe, s’estiment au bord du gouffre et donc sont très remontés contre les « les campagnes [des associations de défense du loup (Ferus, Aspas, Green et SFEPM)] qui soutiennent les loups et critiquent les éleveurs, en alimentant l'idée qu'ailleurs tout se passe bien et que l'élevage ne vit que de subventions ».

Nous verrons par la suite du récit que la situation des éleveurs est loin d’être toute rose[9].

 

Sinon, Philippe porte une accusation grave contre les responsables du parc du Mercantour : Le loup ne serait pas revenu naturellement en France, mais il a été réintroduit volontairement dans le parc du Mercantour, du fait de ses autorités. Donc, selon Philippe, son retour n’a aucune justification, le loup ne faisant plus parti de la faune naturelle de la région.

Par ailleurs, selon le site Eleveurs et montagnes « Les loups qui recolonisent l'Europe ne sont pas sauvages, mais de vulgaires hybrides [… issus] du croisement entre une espèce sauvage et une espèce domestique. […] Laurent Garde, du CERPAM (Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée)[10], avait mis en garde le ministère de l'Environnement dès 1997. Son rapport « Loup et pastoralisme » mentionne les craintes de Luigi Boitani (biologiste, spécialiste du loup, membre de l'UICN et LCIE) face à la fréquence de l'hybridation en Italie qu'il considérait déjà comme une menace majeure sur l'avenir du loup. « Dans la moitié Sud de l'Italie, dans les années 1940 à 1970, le loup en voie d'extinction côtoyait une population considérable de chiens errants : 100 loups pour un million de chiens » rappelle Laurent Garde, en citant les chiffres fournis en 2014 par les scientifiques Italiens Luigi Boitani et Paolo Ciucci. En 1998, deux chercheurs de l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), Michel Meuret et Jean-Paul Chabert, avaient préconisé « un contrôle génétique des hybrides et leur élimination »[11].

En fait, Philippe croit en l’accusation lancée par M. Christian Estrosi, Maire de Nice, lors de l'assemblée générale des chasseurs des Alpes maritimes, à Tourrette-Leven, le dimanche 27 avril 2014 : « En 1992, le loup a été réintroduit artificiellement par des fonctionnaires de l'État et par des gardes du parc du Mercantour »[12].

Or des études génétiques et une enquête parlementaire à l’appui prouveraient que cette affirmation est erronée. En fait, les loups ne s’arrêtent pas aux frontières et sont arrivés d'Italie, de façon naturelle, d’une montagne à l’autre.

Pour cette affirmation, M. Christian Estrosi a été condamné pour diffamation « En septembre 2015, à la suite d'une plainte du Syndicat national de l'environnement, il est condamné pour diffamation à payer 10 000 euros d’amende au pénal et 2 000 euros au civil et à publier cette décision dans la presse à deux reprises, pour avoir affirmé que des fonctionnaires de l’État et des gardes du Parc national du Mercantour avaient volontairement introduits des loups gris en France, et que ceux-ci n'étaient donc pas arrivés d'Italie sans intervention humaine[13]. Le jugement a été confirmé en mai 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence[14] [15] » [16].

 

Très vite, la dureté physique du travail, liée à de long horaires journaliers (lever à 5h30, fin de la journée de travail à 21h, en cette saison) me fait comprendre que c’est un métier où l’on ne pouvait, se mentir à soi-même et sur ses réelles aptitudes.

Dans la nature, je rencontre des oliviers sauvages, des sorbiers des oiseleurs, mêmes des érables sycomores et des érables à petites feuilles. En tout cas, je constate que les moutons aiment brouter les parties terminales des genets et des cistes, les feuilles des oliviers, des chênes, des frênes …  Ils adorent les glands. Ils creusent, avec leurs pattes, la terre, sous les chênes, pour trouver ces glands. Ils mangent aussi de la salsepareille, toxique pour l’homme.

Par contre si je trouve un coin de terre profondément labourée, je sais que c’est le signe de la présence de sangliers.

Mais me moutons dédaignent les genévriers (aux aiguilles peut-être trop épineuses), qu’on appelle « Cade[17] [18] », dans la région. Le bois ces genévriers est très dur et imputrescible, mais cassant [19]. De ce bois, l’on extrait « l’huile de cade »[20]. J’ai justement fabriqué un bâton de marche très solide, avec le tronc d’un de ces jeunes genévriers.

 

Après le repas de midi et avant la sieste (entre 13h et 15h), j’ai voulu essayer l’ordinateur, que j’avais apporté ici. Mais trou de mémoire ! Impossible de me rappeler de son mot de passe[21] [22]. De fait, je n’utiliserais pratiquement cet ordinateur, durant ces trois semaines, car mes journées sont trop longues et je rentre trop fatigué, le soir.

 

Le soir, je fais monter le troupeau au sommet de cette « montagnette », où l’on trouve des traces d’un camp romain antique et le pylône d’un émetteur de téléphonie mobile.

Je les fais aussi boire dans un abreuvoir en pierre, que Philippe à fait construire. Cet abreuvoir est le seul que je connaisse dont le fond et les bordures ne sont pas plates et d’équerre (ses bords ondulent !). Philippe estime que ceux qui fait ce travail ont fait un travail de sagouin.

 

Mercredi 25 mai 2016 :

 

J’ai mal dormi cette nuit, à cause de fortes démangeaisons[23] et peut-être à cause du jus d’orange que j’ai bu et des deux kiwis, que j’ai mangés, le soir.

Philippe m’explique que les chiens de protections, qu’il a adopté pour protéger son troupeau, ne lui apporte que des inconvénients. Il achète des croquettes de bonne qualité pour ses deux chiens de défenses, soit un sac de 25 kg de croquettes, par semaine, à 44 € le sac[24].

Philippe me dit qu’il se sent un « homme libre ». C’est peut-être pourquoi il aime la mer[25] (et les voyages). Il possède un voilier de 9 m _ qu’il n’utile que certains jours, quand il fait beau. Il possède aussi l’anneau dans le port d’Antibes qui va avec.  Philippe est parti chercher du matériel, à Plascassier, et je crois qu’il y est aussi allé y faire réviser, dans un garage, sa petite bétaillère à ovin, en aluminium, d’une marque anglaise[26] (bétaillère qu’il fait réviser tous les cinq ans).

 

J’ai la surprise de recevoir l’appel d’un berger, qui cherche un aide-berger à « mi-temps », en estive, qui s’occuperait du troupeau, pendant son absence. Car ce berger doit se rendre, toutes les quatre heures, à la cabane du berger, pour aller se faire une dialyse. Je serais payé environ 600 € par mois (!). Finalement, il me rappellera m’informant « qu’il n’a pas eu la montagne ». Or je ne sais pas si le métier de berger et dialyse (suite à une insuffisance rénale) sont vraiment compatibles.

 

Comme je sais que je vivrais bientôt, au moins 1 semaine, dans une petite caravane, en autonomie totale, sur le massif de la Sarrée, au-dessus de Grasse, j’ai été chercher une importante quantité de ravitaillement (pâte, tomates, fenouil, légumes, fruits, thé, tisanes etc. …) au supermarché local, tout proche de la propriété de Philippe.

 

Jeudi 26 mai 2016 :

 

Je suis assommé de fatigue. Philippe me raille « Tu n’es pas en sucre ».

Mon chien de conduite, Lucky, multiplie les bêtises. En se lançant à la poursuite du troupeau, sans que je le lui demande, il « coupe » et « éclate » ce dernier. Affolés, les moutons partent dans toutes les directions. Après cela, je suis obligé de le tenir en « laisse », en l’attachant à la lanière en cuir de mon fouet, mon bâton de berger étant muni d’un fouet. Ce bâton m’a été offert par Philippe, hier, _ un très beau cadeau _ bâton que j’ai failli oublier, ce matin.

Nouvelle déconvenue, survenue à la fin de la tournée du matin :  la semelle droite en Vibram d’une de mes chaussures de randonnées, s’est décollée.  Bref, cette paire que j’aimais beaucoup, et que j’avais faite ressemeler à Madagascar, a vécu[27] ... Si je continue à l’utiliser, le problème risque de s’aggraver, la semelle risquant de se décoller entièrement.

Heureusement, Philippe me « sauve » la mise, encore une fois, en me dégottant deux paires de chaussures usagées, à la taille 42 _ une paire en cuir et une paire en caoutchouc imperméable, de bonne qualité, de la marque anglaise Grub’s _, qui me vont très bien. A plusieurs reprises, Philippe m’a sauvé de bien des situations délicates.

Ce gros pépin aurait pu handicaper ma mission ou m’obliger à descendre sur la côte, vers un magasin de sport, pour me procurer une nouvelle paire, ce qui aurait occasionné la perte d’une demi-journée de travail.

 

Philippe repère souvent des maladies, chez les moutons, que je ne vois pas et qu’il me signale. Pour l’instant, je ne décèle que les boiteries … et encore … qui ne sont pas facile de les repérer quand elles se serrent, se regroupent (s’emmoulonnent) les unes contre les autres.

Dans la journée, Philippe s’est rendu à un rendez-vous fixé avec un expert des assurances, pour évaluer les dégâts causés par ses moutons dans sur une plantation de jeunes oliviers, sur le plateau des milles chênes, qui dépend de la commune de Châteauneuf-Grasse qui l’a planté.

Revenu le soir, Philippe m’informe que la Mairie de Châteauneuf-Grasse vient de lui réclamer près de 100.000 € de dommages, pour 129 oliviers, dont l’écorce a été attaquée, le coût d’un pied se montant probablement à environ 400 €.

Par ailleurs, ses moutons ont aussi endommagé l’écorce d’oliviers et de jeunes argousiers plantés par la mairie du Rouret. Mais celle-ci est plus tolérante et ne lui réclame rien. Pour compenser les dégâts, Philippe a appliqué du pansement à greffer sur les troncs attaqués (pour un montant de plus de 100 €) : il espère que ses soins guériront ces oliviers des blessures infligées, par ses moutons, à leur écorce.

Philippe a longtemps occupé un rôle de syndicalistes, protégeant les intérêts des éleveurs locaux, par exemple dans les conflits face au loup, face au bétonnage de la région etc. A un moment donné, pour éviter le bétonnage d’une zone de pâturage, il avait demandé à la SAFER[28] locale la préemption de ce terrain, dès qu’il serait en vente. Or curieusement, la SAFER n’en a pas fait la préemption, au moment de sa vente. Or c’est l’actuel maire de Chateauneuf qui l’a acheté, qui n’en a rien fait durant deux ans, avant de revendre ce grand terrain, à un riche étranger. Ne s’étant pas senti soutenu par ses collèges éleveurs dans cette affaire, il a depuis abandonné son rôle syndical.

Philippe me raconte régulièrement des anecdotes sur les moutons. Par exemple, environs trente moutons ont été foudroyées et sont décédés, suite à un coup de foudre et sous l’effet de la conduction mutuelle entre moutons, parce qu’elles chaumaient, s’étaient regroupées et que leur toison était mouillée.

 

Il s’intéresse à toutes les pistes qui permettraient de faire de bonnes affaires : variété d’Holstein pour l’Afrique, l’huile de jojoba, les produits à base d’Aloes vera. Je lui suggère aussi l’idée de l’huile de monoï et du poivre sauvage malgache (le voatsiperifery). Il rejette, par contre, l’idée de la culture du safran.

 

Ce soir, nous descendons les moutons, de pâtures situées au-dessus du plateau des milles chênes vers les enclos situés sur la propriété de Philippe, pour la transhumance qui aura lui le lendemain. Philippe me dispense quelques conseils :

·         Il m’explique que celle-ci progresse de 2 à 12,5 km/h.

·         En tête du troupeau, le chef doit se faire respecter, par son fouet, si besoin est, et par son calme.

·         Le chien se fait aussi respecter.

·         Pour récompenser un chien, il faut s’agenouiller pour l’accueillir, puis le caresser (mais pas trop).

·         Quand on est dans ce métier, l’on doit toujours penser à tout.

·         Il faut ménager ses forces. Et donc, deux heures de siestes sont nécessaires. Je dois apprendre à dormir. Car les gars sont souvent « fondus » à cause de trop d’efforts.

·         La consigne pour la garde des moutons : Liberté, mais surveillée.

 

Philippe motive les moutons à marcher par différents cris et sifflements, émis avec force et calmement : Driii, Come (c’est de l’Anglais), Mazé (ça c’est du Bantou), Allez ! (un « Alleeeeeez » prononcé doucement) …

Ce métier laisse le temps à l’esprit de cogiter, lors des marches avec les moutons, lors des sieste … et d’observer, par exemple, les lapins, les cerfs bondissants … ou d’écouter la nature, par exemple le cri rauque des faisans ...

Des amis me demandait, au téléphone, si ce n’est pas dur d’être seul, loin de tout, loin de la « civilisation » (du confort).

Je leur réponds que j’avais pris l’habitude d’être constamment seul durant mon enfance et donc que je suis habitué à la solitude. Et en plus, je ne suis pas seul, je suis entouré de trois chiens, dont deux vraiment affectueux, et des moutons, qui le sont moins.  En plus, j’ai une vie intérieur riche. Je fourmille, sans cesse, d’idées et passe mon temps à visualiser des belles images, dans ma tête.

Dans un documentaire sur la Crête, dans les montagnes crétoises où l’on interviewe un berger gardant les moutons, ce dernier se déclarait totalement libre, affirmant que « ici, il n’y a que Dieu et moi ». Malgré mes obligations envers le troupeau, je me sens aussi libre, car je ne subis pas, ici, de harcèlement moral, de pression professionnelle constante, sur mes épaules, comme c’était le cas dans le milieu informatique. Le tempo est, ici, donné par les moutons. Je décide de leur parcours. Même si ce métier est dur physiquement, il est propice à la poésie et à la réflexion.

Par exemple, ce soir, avant de m’endormir, j’imagine alors rédiger un livre sur « l’établissement justifié ou non des réputations », comme avec celle des artistes César, Picasso, Andy Warhol, John Cage, Picasso, Van Gogh, Keith Haring … ou comme avec celles d’hommes, comme le Père Pedro, à Madagascar … ou d’hommes politiques comme Hitler, Poutine … Je me pose de savoir ce qui fait la réputation de personnes comme DSK (Dominique Strauss-Kahn), Bernard Tapie, Marie-Antoinette … ou le prestige de musiciennes, musiciens, chefs d’orchestres …, comme Martha Argerich, Claudio Abbado, Herbert von Karajan, Sir Neville Marriner, Victor Klemperer … Ces derniers sont, sans conteste, talentueux, mais peut-être que certains étaient aussi bons, mais sont restés des illustres inconnus.

Ou encore, j’imagine rédiger un livre sur les « Raisons des résistances intellectuelles aux Droits de l’Homme ». Car pour moi, les Droits de l’Homme sont un des plus beaux cadeaux que l’Occident a fait au reste du monde. Ils me paraissent comme une évidence. Et pourtant, la plupart des dictatures tirent à boulets rouges dessus (Chine, Iran, Arabie saoudite …) et beaucoup de gens, même en Europe et en France, les haïssent.

J’ai aussi envie de me consacrer à un écrit sur la vie des hommes géniaux ou estimables morts prématurément[29]. Ou encore un autre écrit sur nos « occasions manquées ou nos rêves inassouvis et jamais réalisés »[30]. Ou bien un autre sur les hommes qui ont mis beaucoup de temps à percer à et à devenir célèbre, parfois seulement à la veille de leur mort[31].

J’ai toujours l’impression que leur mort est injuste et que si leur vie avait pu être prolongée, ils auraient pu apporter encore plus à l’humanité. D’ailleurs, cette liste pourrait être immense, si l’on incluait aussi tous les talents prometteurs inconnus, morts prématurément, de maladie ou violemment, avant que leur talent n’ait pu s’épanouir ou être révélé au monde, par exemple, à cause des guerres. J’ai souvent eu envie d’écrire un livre sur leurs derniers moments durant lesquels des talents savent qu’ils vont mourir, plongés dans l’infini désespoir de n’avoir pu créer ou achever leur œuvre ou d’avoir pu révéler leur talent à l’humanité …  Dans la suite de cette réflexion, j’imagine alors un roman noir « les mauvaises cartes », expliquant comment une personne peut mal tourner (car je pense, à 99%, que les racines du mal ou de la délinquance ne sont pas innées).

Il est certains qu’ils sont des multitudes, sur cette planète, ceux ont les ambitions ont été contrariés.

Puis, j’imagine la rédaction d’un livre « quelle éthique pour le XXI° siècle ? ».

 

Avant de m’endormir, je m’image encore et aussi conduire un banc de sardines, comme l’on conduit un troupeau de moutons, … là avec l’aide de dauphins apprivoisés _ utilisés ici comme chiens de conduite _, conduisant le banc de sardine d’une « pâture » à l’autre, c'est-à-dire les faisant transhumer d’un banc de plancton à l’autre (mais ce « délire » imaginatif ne serait pas très réaliste, car je pense que les dauphins ne pourraient pas s’empêcher de picorer dans la ressource et qu’on aurait du mal les discipliner (?)).

 

Samedi 27 et dimanche 28 mai 2016 :

Nous avons redescendu le troupeau de son « estive » vers les prés de la de la propriété de Philippe, situé à la limite des villes de Chateauneuf-Grasse et du Rouret.

Le soir du samedi, si je me souviens bien, nous avons commencé une petite transhumance, partant de la propriété de Philippe, jusqu’au massif de la Sarrée, au-dessus de la ville de Grasse, via de nombreuses petites vues de la banlieue de Grasse. Je suis placée en tête, tel le chef du troupeau. Philippe pousse le troupeau avec Lucky et son fouet.

 

Le dimanche, pendant que je garde le troupeau dans la nouvelle estive du massif de la Sarrée, Philippe est venu chercher une caravane, plus petite que celle installée dans sa propriété, et l’a placé à côté d’un nouveau parc, qu’il a installé, le long d’une piste forestière. J’y aménageais, pour la première fois, le soir. Elle ne dispose pas de l’électricité (j’ai apporté un panneau solaire pour recharger mon smartphone). Mais Philippe a mis, à ma disposition, une bouteille de gaz pour ma gazinière, un jerrycan de 35 litres d’eau, un pack de 6 bouteilles d’eau Cristalline, de nouveaux draps propres (et même une serviette de bain propre) et un lampe camping-gaz alimenté par une cartouche de gaz.

J’ai une grande estime pour mon patron, il est vraiment à l’écoute et il donne beaucoup à ses moutons et ses bergers. Quand une personne vous touche, c’est le cas avec Philippe, l’on a parfois la larme à l’œil.  

 

Dans la caravane, il y a tout l’équipement de cuisine. La fond de la plupart des casseroles est noir, comme si l’on les avait utilisées au-dessus de feux de bois. En fait, un bruleur de la gazinière est bouché et émets des flammes fuligineuses, pleines de fumée noire. Il y a même une bouilloire anglaise, mais sans son sifflet, elle ne m’est que de peu d’utilité.

Les bergers ont l’habitude de laisser pour les bergers suivants du ravitaillement excédentaire ou des objets. C’est ainsi que j’ai trouvé aussi, dans la caravane, des aliments, des pâtes, des épices, une petite radio _ qui elle me sera bien utile _ etc. …

 

Comme d’habitude, chaque fois, que nous retrouvons, Philippe et moi discutons, à bâtons rompues, de sujets très variés, car Philippe s’intéresse à beaucoup de chose. Philippe voit son troupeau comme un capital sur patte, or, moi-même l’employé, j’ai du mal à imaginer ce qu’est un capital sur place. C’est plutôt mon côté défenseurs ou amoureux des animaux et de la nature qui s’extériorise ou s’exprime en accomplissant ce métier. Mon statut de salarié, en CDD, ne me permet vraiment pas d’appréhender les enjeux commerciaux, la filière commerciale et le marché.

J’apprends que la brebis qui souffre « de gros pieds » va finir en merguez[32] [33].

J’apprends aussi qu’un éleveur n’a pas le droit d’abattre, lui-même, ses bêtes. Il doit passer par un abattoir officiel.

Toutes les bêtes sont tracées et tout éleveur est susceptible de subir des contrôles des autorités pour être sûr qu’il n’abat pas ses bêtes lui-même.

Il m’éclaire sur une notion du gaoubi[34] _ l’homme débrouillard, adroit, doué, malin, intelligent _ appréciée dans le milieu des bergers et éleveurs. Il m’incite à l’être.

Il ne cesse de répéter que je dois m’imposer au troupeau, lui faire comprendre qui est le chef, sinon, c’est le troupeau qui me dirigera et n’en fera qu’à sa tête (bref, il me rendra chèvre J ). Par la suite, dans la journée, je lance au troupeau, sur un ton autoritaire, leur déclarant « il n’y pas de bêê qui tiennent », comme si les brebis discutaient ensembles, à l’image des brebis de la bande dessinée « Le génie des alpages » du dessinateur M’furr.

Parfois, elles me paraissent humaines. Les moutons toussent comme les humains. Les bêlements des agneaux ressemblent aux pleurs de nos bébés, et donc leurs cris sont d’autant plus poignants.

 

Philippe me rappelle des trucs de bon sens : laver à l’eau chaude la vaisselle, sinon elle devient graisseuse, ouvrir la fenêtre, dans le coin cuisine, lorsque je cuisine. Il se désole que bien des bergers, quand ils quittent la caravane, laissent une vaisselle graisseuse. De mon côté, je ressens le manque d’une présence féminine dans cette caravane.

 

Mardi 31 mai 2016 :

 

Hier les chiens ont fait du raffut, jusqu’à minuit. Pourtant, le puissant faisceau de ma lampe torche, qui a balayé les environs, n’a rien révélée.

Marvin, qui est encore très jeune, ses instincts de patou prédateur se réveillant, a poursuivi une brebis. Son exemple a poussé Lucky, lui-même, à courser les moutons. Ces derniers ont été effrayés et certains se sont précipités et entortillés dans les filets. Les temps que je les libère, les moutons, pris dans les filets et se débattant, les ont cassés. J’ai mis 2 heures à le réparer, avec du fil conducteur de rechange et un adhésif industriel étanche.

Lucky enroule souvent tellement sa chaîne autour d’une des roues de ma caravane qu’il se coince totalement, au risque de s’étrangler, et n’arrive plus à se libérer. Il n’a jamais l’intelligence de penser à dérouler, dans le sens inverse, sa chaîne, autour de cette roue. Je dois le libérer, alors.

Le parc et la caravane sont situés le long d’un sentier de grande randonnée, le GR51, plus passant que je l’espérais.

A chaque passage de randonneurs, les chiens de défense, Marvin et Poppée, se mettent à aboyer furieusement. Marvin a même un comportement agressif, n’hésitant pas à mordre les randonneurs, qui m’inquiète ou me désole.

A cause de Marvin, je suis obligé d’accompagner une joggeuse, venant de Chateauneuf-Grasse et courant avec son jeune patou blanc, pour éviter qu’elle se fasse attaquer par Marvin. Elle comprend la nécessite pour les bergers d’avoir des chiens de défense. Mais tous les randonneurs ne le comprennent pas et me reprochent que je ne sais pas tenir mes chiens, malgré la présence, sur le chemin, de panneaux explicatifs sur le rôle des chiens de défense.

Les animaux ne sont pas des robots, ils peuvent être imprévisibles.

 

Dans ce métier, il y a tout le temps des surprises. Mieux vaut avoir une capacité à, sans cesse, tout anticiper.

 

Pour l’instant, Philippe a fixé comme limite ouest, à mon parcourt, un vieil abreuvoir en bois, totalement sec et déformé.

Je suis si fatigué que, dans la journée, je me repose, je ne lis pas et préfère écouter France-Musique ou Radio-Classique.

A l’instant, je me laisse bercer et endormir par une douce sonate pour clavecin de Scarlatti.

 

Vers 16h, Philippe est venu avec des morceaux de mouton (échine et poitrine), un oignon, des gousses d’ail, 2 carottes, de la sauce tomate en tube, tous ces éléments pour me faire un ragoût de mouton _ un mijoté provençal _ dans l’énorme cocotte en fonte, faisant parti de l’équipement de cuisine dans la caravane. Le plat mijotera plusieurs heures et se révèlera délicieux, ainsi que sa sauce. Copieux, il me durera trois jours.

Avec Philippe, je suis comme un coq en pâte.

Ma caravane subit une infestation de fourmis, infestation que je combats en pulvérisant les surfaces, avec du produit nettoyant Saint-Marc, au format pulvérisateur.

La nuit ou durant mes siestes, le gémissement et le grincement des arbres me font penser aux esprits de la forêt, qui me parlent. Avant de m’endormir, je pense moutons, je compte les moutons. Je me dis qu’à force de vivre avec les moutons, je vais sentir le mouton et de manger le ragoût, je vais sentir le ragoût.

Je trouve les moutons sympas et je m’imagine apprivoiser une brebis et en faire une brebis de compagnie, à la retraite.

Contre les attaques de loup, j’imagine mettre en place une seconde et double enceinte, entourant le parc à mouton. Seconde enceinte que j’installerais d’ailleurs le lendemain. Philippe a trouvé cette idée excellente.

Ce soir, j’ai oublié de mettre de l’eau dans l’abreuvoir circulaire. Je me suis relevé de son sommeil pour aller le remplir.

 

 Mercredi 1 juin 2016 :

 

Pourquoi fait-il si froid dans la nuit, dans ma caravane, alors que je ne suis qu’à 300 m d’altitude, en climat méditerranéen et au mois de juin ? Peut-être, parce que cette dernière est installée au milieu d’une forêt.

Ce matin, j’ai eu du mal à lancer les moutons. Puis je les ai emmenés, le long d’une vieille draille caillouteuse, tout en haut du massif de la Sarrée. Jamais, je ne les avais emmenés aussi loin, nous avons fait trois fois plus de chemin qu’habituellement. Elles auront tellement marché, qu’elles auront moins brouté qu’habituellement. Malgré ce long parcourt, je passe mon temps à m’économiser.

Je regrette de ne pas m’être entraîné à la randonnée en montagne, depuis plusieurs années. J’ai les jambes lourdes.

Du sommet, à 400 m d’altitude, j’observe un magnifique point de vue sur le golfe de Saint-Tropez, Canne, Antibes, les îles de Lérins …et la mer méditerranée. Les citadins de la côte (si bétonnée) peuvent-ils imaginer qu’à peine 20 km à vol d’oiseau, il existe un si beau panorama et une nature si belle et sauvage.

Dans ce milieu semi-ouvert (ou semi-fermé, c’est selon), je découvre une borie[35], sorte de dôme en pierre calcaire sèche, à moitié écroulée[36], preuve d’une présence humaine passée. Que de temps passé pour construire cette borie. Il fallait du courage, d’autant que certaines pierres semblent très lourdes. Les éleveurs et agriculteurs qui ont vécu au sommet de la Sarrée devraient être travailleurs. J’aimerais bien qu’on restaure cette borie, mais par la suite, j’en rencontrerais d’autres. En fait, il existe énormément de bories, certaines très belles, dans la région et le sud de la France.

J’imagine alors que la création d’un circuit pédestre et touristique, faisant le tour des bories, à l’aide des syndicats d’initiatives locaux, de la Fédération Française de Randonnée Pédestre (FFRP) etc.

Dans cette garrigue méditerranéenne, il y a souvent des plantes épineuses (ajoncs, genévriers oxycèdres, pruneliers …). Le pire sont les ronciers, formant des bosquets souvent impénétrables, aux épines dangereuses et blessantes. A la longue, je suis griffé et coupé de partout. Mais, je touche du bois car, pour l’instant, pas de blessure importante[37].

Lucky était dans son bon jour. Je dois m’adapter à mon chien et pas le contraire. Un chien bien conduit est une aide appréciable pour le berger.

Poppée, malgré son magnifique pelage blanc, est vraiment sale : elle mange des os pourris, des vieilles charognes puantes, comme, ce matin, les restes d’un daguet (un trophée) qu’elle trouvé et rapporté[38]. Poppée et Marvin sont parfois de vrais charognards. Ils trouvent des os partout (y compris, peut-être, des os moutons (?), que je ne sais pas identifier).

Poppée adore creuse la terre fraiche et s’allonger dedans. Ces patous n’ont vraiment pas le sens de la propreté !

Mais à force de vivre avec eux, je m’y attache vraiment.

Poppée et Marvin aiment jouer avec des iules (Tachypodoiulus albipes), des petits mille-pattes détritivores, de quelques cm de long, qui souvent, pour se protéger, se lovent en spirale, telles des petites ammonites noires enfouies dans la litière forestière (ils fuient le soleil).

 

Le temps se couvre, faisant craindre un orage pour ce soir.

Après être redescendu de la Sarrée, Philippe monté à ma rencontre m’indique qu’il est bon d’apporter des éléments de régularité rassurants pour le troupeau, au niveau des heures, du parcourt … ces éléments étant particulièrement important avec les brebis à lait, pour la traite.

Philippe me raconte, qu’en 2003?[39], il a subi une des pires sécheresses historique : il n’était tombé que 260 mm d’eau en un an.  Il lui était impossible de trouver des pâtures (la quantité d’herbe s’était réduite dans une proportion de 10 à 1).

Comment avait-il réussi à faire survivre son troupeau ? Peut-être, a-t-il bénéficié des stocks et aides (solidaires ?) d’urgence de fourrage que des éleveurs envoient alors à d’autres ? Je ne sais pas … je n’ai pas pensé à lui posé la question.

Concernant les moutons à viandes, la mission du berger est qu’elles grossissent, deviennent bien grasses et qu’elles soient en bonne santé. Pour y arriver, il doit parvenir à leur fournir, via les tournées, du fourrage de bonne qualité, en abondance, et appétant. Il doit faire que les moutons broutent et s’emplanent au maximum, en évitant qu’elles aient à se déplacer tout le temps. Il doit éviter de les stresser, en évitant de faire intervenir le chien, autant que possible (le chien étant stressant pour elle). Donc, le berger les laisse en liberté, mais en liberté surveillée

Lors des épisodes de sécheresse, pour éviter le surpâturage, le berger est obligé de leur faire de nettement plus grands parcours et elles ont moins l’occasion de s’engraisser.

Les espèces fourragères, résistantes à la sécheresse et plutôt adaptées au Sud de la France, sont, par exemple, le dactyle (une graminée fourragère), le Sorgho fourrager, le Trèfle d'Alexandrie ou Trèfle incarnat, le moha fourrager, voire la fétuque élevée, voire la luzerne (intéressante dans les régions à étés régulièrement secs)[40], voire certaines variétés de plantains[41] ...

 

Dactyle pelotonné

Sorgho fourrager

Trèfle d'Alexandrie ou Trèfle incarnat

Moha fourrager

 

Fétuque élevée          Plantain lancéolé

Luzerne

 

Avec le changement climatique, je pense que Philippe devra anticiper plus de périodes de sècheresse, dans le sud, qu’avant. Enrichir la biodiversité locale pourrait y contribuer (?). Plus tard, sur le chemin de la transhumance, j’observerais des prairies remplies cheveux d'Ange (Stipa tenuifolia), qui sont toujours très belles et esthétiques, quand elles se balancent dans le vent, et qui sont des graminées (poacées ou poaceae) de climats secs, au potentiel fourrager nettement moindre[42].

 

Pour retenir l’eau pluviale et la conserver pour l’été, Philippe avait installé, par lui-même[43], une retenue collinaire, dans un « ravine » du massif de la Sarrée, qui à l’aide d’un long tuyau lui permettait d’alimenter, en permanence, un abreuvoir. Ce système a été opérationnel durant 8 ans, jusqu’à ce qu’un violent orage détruise cette retenue. Depuis, il n’a pas eu le désir de reconstruire cet ouvrage[44].  

L’absence d’eau (ou de sources visibles) sur le massif de la Sarrée reste un problème.

Depuis, il a acheté un vieux 4x4 Nissan d’occasion, à 500 € (en fin de course), qui lui sert juste a) à aller chercher de l’eau tirée d’un robinet, situé dans la zone industrielle en contrebas, b) puis à transporter cette eau dans une citerne de 1 m3, placée sur le plateau du 4x4, jusqu’au parc. Le 4x4 étant garé devant le parc à moutons, je vide alors, via un tuyau, chaque soir une partie de l’eau contenue cette citerne, placée en surplomb, vers les deux abreuvoirs, situés dans le parc.

Pour faire démarrer le 4x4, comme l’un des plots de la batterie a brûlée (et il n’en reste plus qu’un moignon), Philippe est obligé de taper sur une série de clous fichées entre le plot et la cosse, pour faire contact entre eux. Ce qui provoque toujours de grosses étincelles impressionnantes[45].

 

Je trouve Philippe très travailleur, très courageux et aussi très perfectionniste. En mon for intérieur, j’estime qu’il mérite de réussir et de devenir riche, s’il cela était possible. D’ailleurs, je le verrais bien à la tête d’un troupeau d’une dizaine de milliers de moutons, comme les gentlemen-farmers de Nouvelle Zélande, eux-mêmes souvent possesseurs d’un joli hélicoptère Robinson[46]J

 

Philippe se dit néorural. En fait, Philippe a une authentique d’âme d’aventurier. Il adore l’Afrique, l’aventure et ne rêve que de prétextes pour y retourner. Il rêve, par exemple, de faire des transferts, en bétaillère, d’un pays africain à l’autre, de bêtes de races performantes pour l’Afrique, telles que les bovins sud-africains de la race bonsmara[47], ou les moutons sud-africains de la race dorper[48]. Mais j’imagine la complexité de la mise en œuvre de tels convois de camions bétaillères (type Mercedes, car ce sont les plus solides), équipés de câbles et de treuils solides, pour circuler sur les si difficiles pistes africaines boueuses, remplies de fondrières, d’un pays africain à l’autre [sans compter le gros bakchich obligatoire à donner aux douanier pour pouvoir franchir la frontière].

 Sinon, j’imagine alors la solution alternative, de les transporter, par cargos locaux (s’ils existent ?), lors de cabotages côtiers, par exemple le long du golfe de Guinée (mais est-ce possible ?).

Pour Philippe « L'élevage est une source facile de prospérité pour toute l’Afrique, rapidement, sans investissement lourd.... L’éleveur peut toujours revendre ses bêtes sur pied et ne pas tout perdre. Les zones de savane et semi-aride sont d’une étendue colossale, en Afrique, et très peu mises en valeur ». Mais encore faut-il ne pas sur-pâturer ces zones, ce qui n’est souvent pas le cas en Afrique.

 

Philippe a constaté la perte de sa houlette[49], qui normalement était rangé dans le vieux 4x4 Nissan. J’ai la certitude de ne pas l’avoir utilisé depuis longtemps, car elle m’encombre, ayant déjà tout le temps, avec moi, mon bâton de berger[50]. Cela me contrarie quand même, car je crains que Philippe pense que je l’ai oublié sur le parcourt. Philippe pense que c’est plutôt lui qui l’aurait oublié quelque part. Si c’est moi qui l’ai perdu, j’ai alors la scoumoune. En tout cas, elle n’a pas pu tomber, lors d’un aller-retour du 4x4 Nissan, lors d’un ravitaillement en eau de sa citerne, car sinon, les planchettes de bois que j’ai posé sur la houlette (placée au fond du 4x4), seraient aussi tombées, le long du trajet.

Comme d’habitude, mon imagination galope immédiatement et j’imagine une houlette, empli d’électronique, équipé d’un GPS intégré, géo-localisable (ou d’une balise Argos), afin qu’il soit désormais impossible de la perdre.

 

Sans sa houlette, quand il doit soigner un mouton, Philippe doit désormais attraper, à la main, sa patte arrière. Philippe y réussit très bien, ce n’est pas mon cas. Pourtant, mes moutons ne sont pas très gros (ne pesant pas plus de 40 kg), mais il suffit que l’un se débatte fortement pour qu’il m’échappe. Qu’en serait-il avec certaines races lourdes, comme les Suffolk, dont certains béliers peuvent peser jusqu’à 150 kg !

Pour soigner les moutons, Philippe ma fourni a) de la Bétadine, b) une pommade bio, en pot, permettant de soigner les onglons (que je transporte toujours dans mon sac à dos).

 

Philippe me relate l’histoire de l’exportation de vaches limousines, une race à viande, en Mongolie, parce qu’elles sont très rustiques et sont résistantes à des températures de -20°C ou même inférieures. Je lui ai demandé pourquoi pas des salers qui sont elles aussi rustiques ? Il me répond qu’en fait les salers sont des races mixtes, pouvant fournir soit du lait (pour le fromage cantal) soit de la viande.

Il me parle aussi des vaches à lait prim'Holstein, importées, à 50.000 € pièce, et payés, rubis sur l’ongle, par Kadhafi. Bref, les intermédiaires, qui les ont vendus à Kadhafi, se sont faits des profits juteux. Mais finalement, durant la guerre civile actuelle, ces prim'Holstein ont été mangées. Les guerres causent toujours d’énormes gâchis.

Il me parle aussi de l’Algérie qui a un potentiel énorme pour l’élevage, … si ce pays était bien géré.

 

Etant partiellement coupé du monde, je ne tiens beaucoup moins informé de l’actualité. Mais je suis, quand même, informé, par la radio, qu’il y a actuellement de fortes crues dans le Loiret (à Nemours, Montargis …), le Loir-et-Cher et la Seine-et-Marne et des grèves dans les transports en commun.

Certains jours, quand je ne reçois pas de coups de fils d’amis, je me sens un peu seul. Heureusement, les chiens et même les moutons m’apportent beaucoup (affectivement …).

Le temps n’est pas beaucoup plus beau ici, actuellement, autour de Grasse, le ciel étant tout le temps couvert, depuis plusieurs jours, ce qui empêche mon panneau solaire de recharger sa batterie et donc aussi mon smartphone.

 

Jeudi 2 juin 2016 :

 

Au moment de mon réveil, programmé chaque matin à 5h30, je n’avais pas du tout envie de me réveiller à cause d’un beau rêve. Je me sens toujours aussi fatigué physiquement. Je me demande comment je vais pouvoir récupérer.

Je me force à me lever, me lançant un « Au galère, galériens » pour m’encourager.

 

 Ce matin, j’ai décidé de faire accomplir au troupeau, un parcours plus long, jusqu’à la pente-école utilisée par une école de vol libre (delta plane). Mais malgré sa superficie, je suis déçu, cette pente est déjà fortement pâturée, en son centre[51].

Malgré j’arriverais à y laisser le troupeau, durant 1h30.

Durant le cheminement le long de la draille conduisant à la pente-école, j’avais l’impression que le troupeau était comme l’eau qui s’écoule, qu’il faut sans cesse contrôler pour qu’il n’y ait pas de fuite. J’ai toujours la crainte qu’un petit groupe de moutons ne profite pas de mon inattention et du caractère parfois impénétrable de la garrigue, pour prendre la poudre d’escampette.

Avec mon chien Lucky, j’aimerai que les moutons soient réglés comme du papier à musique, dans les parcours qu’ils connaissent déjà. Mais comme je l’ai écrit plus haut, ce ne sont pas de robots. De plus, de temps en temps, l’instinct prédateur des patous reprend le dessus. Marvin et Poppée se mettent alors à jouer avec un mouton, en le en bloquant, pour l’empêcher de rejoindre le troupeau, ce qui le perturbe.

 

De mon côté, sans qu’elle soit totalement « réglée » comme du papier à musique, ma vie a acquis une certaine régularité, à l’image des « navetteurs parisiens », pris, chaque jour, dans « l’enfermement » des transports en commun, dans la routine du « métro – boulot – dodo » (mais les deux modes d’existence étant assez éloignés et donc la comparaison difficile) :

1) dodo, 2) tournée (parcours), 2) déjeuner, 3) sieste (dodo), 4) tournée, 5) remplissage des abreuvoir, distribution du sel, des croquettes pour les chiens, vérification que quelques moutons ne sont pas restées en dehors du parc, puis si tout est OK, remise en marche de l’électrification du filet, 6) dîner, (puis 1) dodo …), et ainsi de suite etc.

 

Après le retour des moutons dans leur parc, vers 9h30, j’observe deux agneaux jumeaux (des « bessons ») jouant dans le parc.

Ce matin Philippe est venu avec son 4x4 récent Isuzu. Il a attrapé et chargé sur le plateau arrière les moutons souffrant de boiteries. Il les emmène chez une amie, Colette, femme de l’éleveur Louis, décédé. Colette ayant mis en place, chez elle, une clinique pour les moutons à retaper. Philippe, est malgré tout, humain.

 

Lors de mon repos, à mi-journée, j’écoute un historien, Raymond Kévorkian, sur le génocide arménien et sur les raisons, toujours actuelles, du négationnisme turc[52] et sur sa dimension éthique. Selon lui, il y a plusieurs raisons à la persistance de la négation du génocide par les gouvernements turcs successifs :

 

·         La république turque s’est fondée sur ce génocide (le mouvement jeunes turcs a été à l’origine de ce génocide).

·         Les grands-parents des personnes de l’élite turque actuelle ont participé au génocide (ils ont été génocidaires).

·         Le génocide a conduit à la spoliation de plus de 2 millions de personnes. Le coût de la réparation du préjudice serait énorme (je rajoute que le gouvernement turc n’a donc pas envie de procéder à cette réparation, même si le gouvernement allemand, lui, donnant l’exemple, lui, y a déjà procédé).

·         (Je rajouterais que ce génocide était aussi basé sur une intolérance religieuse, aux racines très anciennes, contre les chrétiens, considérés comme ennemis de l’Islam[53]. Une affirmation que je sais aussi « politiquement incorrecte »)[54].

 

J’aime bien la philosophie. Je suis convaincu qu’une grande culture, en particulier philosophique, nous permet de voir au-delà des apparences et de pas réagir uniquement dans l’instant présent et sous le coup des émotions.

 

Vendredi 3 juin 2016 :

 

Ce matin, j’ai attrapé (sans houlette) une brebis qui semblait boiter. Mais, je ne détecte aucune affection au niveau de son pied. Certaines affections comme le « gros pied » ou une épine plantée profondément ne sont pas visibles.

Si un mouton s’agenouille régulièrement, l’on peut soupçonner qu’il souffre de ses pieds ou onglons.

 

Mon parcourt traverse des réserves de chasses. Lors de ma tournée, je retrouve souvent de canettes de bières sur le sol. J’ai alors souvent une forte envie de dire aux chasseurs de ramasser leurs canettes (car si elles sont cassées, elles peuvent blesser les pattes des moutons).  Si le ramassage des canettes, sur le territoire de l’Association communale de chasse de Grasse, était rémunéré, cette collecte me rendrait « riche » J .

 

Sinon, suite à des coups de foudres, des isolateurs des pylônes de la ligne à haute tension, passant à proximité de mon parc à mouton, ont été brisés et jonchent le sol.  Les employés EDF n’ont pas ramassé ces énormes morceaux de verre tranchants, tombés aux pieds des pylônes. Or pourtant, ils peuvent causer des blessures aux moutons (aussi)[55]. J’en ai ramassé un très tranchant que j’ai été jeté par la suite, dans un container à verre.

 

Comme je l’ai déjà précisé, des promeneurs, souvent avec leurs chiens, des joggeurs et des VTTistes, venant de la ville de grasse, circulent régulièrement le long du GR et sentier forestier, passant devant le parc à mouton et ma caravane.

Assumant jusqu’au bout leur rôle de chien de défense, Marvin et Poppée aboient systématiquement, au passage de chaque sportif, randonneur ou promeneur. En tout cas, lors de la sieste, ils m’empêchent de dormir ou me réveillent.

Je suis surtout ennuyé par Marvin, plus jeune et agressif, qui fait du zèle en attaquant les passants. Et je ne peux pas toujours être là à le surveiller. J’essaye d’anticiper ses réactions, pour prévenir ses « attaques » sur les passants, mais il courre bien plus vite que moi. Et c’est souvent trop tard. Par exemple, ce matin, c’est la catastrophe : Marvin a mordu, jusqu’au sang, le mollet d’un coureur à pied. J’ai beau le sermonner (l’engueuler), il ne retient jamais la leçon. « C’est cause toujours ». Les patous et les chiens de défenses sont des chiens assez têtus, ils n’obéissent pas.

Toujours ce matin, dans un sous-bois, j’ai découvert un ancien enclos à mouton grillagé en grillage à maille carré, de type Ursus, rempli d’orties[56] géantes. C’est une preuve que ce parc avait été jadis utilisé, pour y parquer les moutons, et suffisamment longtemps pour fertiliser hautement son sol. Je constate que quelques moutons arrivent à manger les feuilles d’orties, mais ils n’en semblent pas très « fanas ».

 

Il est important de bien faire son lit, pour bien dormir.

 

Samedi 4 juin 2016 :

 

Dans la nuit raffut furieux des chiens de défenses, vers 23h45 et après minuit. J’ai mal dormi cette nuit. Je n’ai pas récupéré.

 

Philippe me montre une vieille « carne » (une vieille brebis), qui va « péter » (mourir) bientôt. Elle avance lentement et est souvent à la traîne par rapport au troupeau. Il me dit que j’aurais dû déjà la lui signaler. Car « les brebis sont comme les éléphants. Quand elles sont sur le point de mourir, elles vont se cacher et l’on ne les retrouve plus » (et donc si l’on ne la retrouve pas, elle ne sera pas réformée (pas transformée) et donc cela sera une perte financière pour l’éleveur).

Selon Philippe, le loup a été (ré)introduit volontairement et artificiellement, dans le parc du Mercantour, par les autorités de ce parc. Son retour ne serait donc pas naturel et donc pas justifié. Ce qui le « scandalise ».

 

Cela fait plusieurs jours, que le temps est gris, voire légèrement pluvieux. Les vêtements sur le fil à linge, que Philippe m’a tendu entre des arbres, ne sèchent pas.

 Ma batterie solaire ne se charge pas et mon téléphone est complètement déchargé. Je suis désormais coupé du monde ou presque. Seules France-Musique, radio Classique etc. me tiennent compagnie. Il y a aussi les visites régulières de Philippe.

Lors de la tournée de la fin d’après-midi, l’orage qui couvait éclate violemment et déverse un déluge d’eau, sur le troupeau et son berger, durant 2 h. Quand il pleut, les moutons sont toujours debout. Ma cape de pluie a vite traversé. Mon sac à dos est trempé. Tout ce qui y était rangé, au fond _ mon carnet de note, mon portefeuille, un carnet de timbre (rangé dans le portefeuille _ est trempé.

Le troupeau étant emplané, je me précipite vers la caravane, pour me changer et enfiler mon ensemble veste et pantalon de ciré breton et chausser mes chaussures de travail, étanches et caoutchoutées, de la marque Grub’s. Je ne regretterais pas d’avoir enfilé le ciré, étant parvenu ainsi à rester au sec, pendant tout le déluge, comme je ne regretterais pas d’avoir pensé d’apporte ce ciré. L’orage est ensuite suivi par un brouillard à couper au couteau, m’empêchant de voir mon troupeau. Comme je sais que les loups profitent souvent du brouillard pour attaquer, donc je crains, maintenant une attaque de loups.

 

Philippe m’a confié un grand parapluie de berger, tout en bois et toile vert sombre. Mais je le trouve lourd et encombrant, surtout dans ce milieu semi-fermé, remplis de buissons épineux. Je me dis qu’il me faudrait un grand carquois pour le transporter et éviter qu’il m’encombre. Je le voudrais orange, pour qu’il soit visible de loin. Et je crains de le perdre, ayant déjà, dans une main, mon bâton de berger. Quand les moutons sont emplanés et que je peux me « reposer », en les surveillant, je garde toujours mon bâton de berger, entre mes jambes, pour ne pas le perdre.

Je suis maintenant assis à côté d’un bosquet de chênes verts, en embuscades à observer les moutons emplanés.

J’imagine que dans un millier d’années, une mutation surviendra, produisant un chêne vert à feuilles de houx piquantes.

 

Ayant été tondues récemment, avec leur toison fine sur le dos, les moutons ne doivent pas avoir chaud. La pluie violente ne m’effraye pas. Par contre, je crains les coups de foudres qui tombent à proximité et qui n’ont pas cessé durant 2 heures. Le dernier coup de foudre n’est pas tombé loin, à proximité de la ligne triphasée qui passe au-dessus de la caravane. Philippe m’a raconté qu’on coup de foudre était tombé si près de lui, qu’il est resté sourd durant 2 jours (c’est un des dangers du métiers de berger)[57].

Le soir, j’ai la surprise de rencontrer des marcheurs, avançant sur le chemin forestier, sous ce violent orage. Je les trouve un peu imprudent. Je leur conseille de rentrer vite.

En rentrant le soir, je mouillerai, pas mal, le sol de la caravane (heureusement, Philippe m’a fourni cinq serpillières).

 

Dans la matinée, je me fais une grosse frayeur. Je ne retrouve plus mon smartphone (un smarphone à 400 €), ni dans mon sac à dos, ni dans une poche de mon pantalon de travail. Je crains l’avoir perdu sur le parcourt. Donc, je refais en sens inverse (durant le temps que j’aurais dû consacrer à ma sieste).  En fait, finalement, après avoir tout vidé, je le retrouve, dans une poche du sac à dos. En fait, en prévision de la pluie, je l’avais changé d’une poche intérieure du sac à dos, vers une autre (plus protégée de la pluie). J’étais rasséréné de l’avoir retrouvé.  Sur le coup, j’avais presque envie de remercier Dieu et Saint-Antoine. Je me rends compte que je suis vraiment une personne stressée (!).  En fait, l’un des effets de la fatigue, surtout quand on est très fatigué, est l’on a plus de mal de se souvenir des gestes que l’on a déjà effectués ou de l’emplacement de ses objets [58].

 

Le soir, juste avant de m’endormir, je laisse mon esprit vagabonder.

Je ressens le caractère très stressant de ce monde (en particulier, dans le monde de la prestation informatique et de la production, où j’ai travaillé durant plus de 35 ans), alors que je rêve tant, au contraire, d’un monde respectueux des autres, d’un monde où les gens se feraient confiance, un monde doux comme un jardin d’enfant, où l’on nous permet de prendre le temps de vivre et de bien faire notre travail, nous permettant de ressentir la satisfaction du travail fait consciencieusement et bien fait.

J’ai du mal à comprendre pourquoi l’on rencontre, dans ce monde, tant de personnes extrêmement narcissiques, monstrueuses, dénuées de toute empathie, incapables de se remettre en cause, remplies de certitudes et persuadés d’être l’unique référentiel de la vérité. Oh ! Grand Dieu ! j’espère, moi-même, … ne pas l’être. Pour cela, je fais régulièrement une sorte d’examens de conscience, chaque jour, pour comprendre si je suis bien en erreur, si j’en ai commis, et si oui, quel en est l’origine (à contrario, j’espère aussi que l’on ne m’accusera pas, à tort, d’une faute que je n’aurais pas commise, ou/et que je ne serais pas victime d’une personne de mauvaise foi).

 

En tout cas, j’essaye de toujours d’être honnête et de réfléchir à ce que je fais (mais je ne suis pas, non plus, un robot, un monsieur Spock[59]. Et comme tout être humain, je peux aussi réagir irrationnellement sous le coup des émotions).

Ce que j’aime justement chez Philippe est qu’il est une personne bien, très honnête, sachant évoluer et se remettre en cause.

Visiblement aussi, il a tenté beaucoup de métiers, il a « pas mal » voyagé, ce qui a certainement justement contribué à son ouverture l’esprit.  De plus, il semble aussi avoir beaucoup galéré dans la vie, avant de réussir. Et d’ailleurs, je trouve qu’il a une capacité de résistance aux épreuves (i.e. de résilience) incroyable.

Je continue mes réflexions. Par exemple, je ne comprends pas que certaines personnes ne réfléchissent pas avant de passer à l’acte sexuel et ne se protègent pas. Et que pour la bagatelle, ils courent le risque d’avoir à assumer soudainement un enfant non désiré, qu’ils n’aiment ou n’aimeront pas. Une attitude irresponsable, pour moi. Je pense surtout, lorsque l’on risque de mal élever des enfants, de les maltraiter, de les faire souffrir, qu’il vaut mieux alors ne pas concevoir d’enfants. Mieux vaut utiliser la contraception, en préventif, plutôt qu’ensuite devoir assumer de terribles conséquences d’une « légèreté », pour sa vie future et celle d’un nouvel être humain.

 

Pour chasse ces pensées négatives, je visualise alors les plus beaux souvenirs de ma vie : a) les plus beaux fjords norvégiens, tels le Sognefjord et le Geirangerfjord (ainsi qu’une Norvégienne blonde, Solveig, rencontrée en 92), b) le parc de Yosemite aus USA, c) puis le vol, en raz-dada (au raz des pâquerettes), en ULM, au petit matin, en Belgique, avec le reflet du soleil sur la rosée, d) certains sites extraordinaires dans l’Himalaya, e) de magnifiques monastères bouddhistes, perchés aux sommets de montagnes, tels des nids d’aigles, f) le cirque de montagne du village de Photoksar, g) au Zanskar, une gorge profondes, rouge vif, traversée au Ladakh, h) plusieurs magnifiques vols en parapente, par beau temps, dans les Alpes, dont un au-dessus de la vallée de Belleville …

 

Dimanche 5 juin 2016 :

 

Ce matin un cauchemar me réveille soudainement : je vois Hitler, la cinquantaine, au visage bouffi et abîmé, avec l’air penaud d’un petit enfant pris en faute, qui veut m’embrasse, par 3 fois, pour me remercier de je ne sais quel bienfait que je lui aurais rendu.

 Je me demande ce que j’ai pu manger (car j’ai fini mon copieux ragoût de mouton). Puis je me rendors ou presque.

Je rêve maintenant d’une maison d’accueil ouverte à tous, sans clé, carrelée, facile à nettoyer et à entretenir, comme dans la chanson de Maxime Le Forestier « San Francisco », et éloignée de ma propre résidence.

Je rêve à de belles choses. Or le métier de berger me rapproche justement des belles choses, dont la Nature qui est particulièrement bielle ici.

 

Peut-être, chez certains bergers, il y aurait une aspiration à la transcendance, justifiant leur choix de vie ?

 

 Puis, j’essaye de procéder à l’inventaire de tout ce que j’aurais besoin pour me lancer sérieusement dans le métier de berger [60] (voir cet inventaire dans l’annexe de ce document).

 

Philippe a décidé de changer l’enclos des moutons de place, pour éviter qu’ils piétinent leurs propres crottes.

Plutôt que de le déplacer, il préfère l’agrandir, en rajoutant rapidement les filets de la double enceinte, que j’avais installée. Cette 2nd barrière défensive anti-loup aura donc vécu.

Cette action est une précaution contre la maladie du piétin, due à une bactérie anaérobie, présente dans la terre (à l’exemple de la maladie du charbon). Heureusement, ici,  les brebis de Philippe sont exemptes de piétin.

J’avais d’ailleurs observé que le pédiluve, situé sur sa propriété, à Chateauneuf, était particulièrement petit.

Tant qu’il n’aura pas de piétin, Philippe n’en aura quasiment pas besoin[61].

 

Philippe me parle de l’abattoir Dufour, à Sisteron, où il fait abattre ses moutons et conditionner la viande en barquette, qui est, pour lui, un modèle économique[62]. Cette entreprise familiale est en vente. Il aurait voulu la racheter, en s’associant avec d’autres éleveurs, mais le prix demandé est trop élevé, et l’aventure trop risquée. Dommage[63].

 

Hier matin, j’ai discuté avec un vieux monsieur charmant, habitant en contrebas dans la vallée, à qui j’avais demandé s’il ne pouvait recharger mon téléphone chez lui à Chateauneuf-Grasse.

 

Lundi 6 juin 2016 :

 

Chaque que je me lève fatigué, je me demande si je n’ai rien oublié. Ma hantise (peur) est que quand je suis très fatigué, j’ai tendance à tout oublier. Avant la tournée du matin, je demande n’ai-je pas oublié mon bâton de berger, ma casquette, mon thermos de thé, des produits de soins pour les moutons, ai-je prix les bonnes chaussures, celles pour la pluie ou celles pour le beau temps ?

 

Comme rien ne séchait, à cause du mauvais temps permanent, y compris à l’intérieur de la caravane, j’ai voulu faire sécher une paire de chaussette sur l’abat-jour métallique de ma lampe à gaz, camping-gaz. Mal m’en a pris, mes chaussettes ont commencé à cramer. La pointe de ces chaussettes ayant fondu, elles sont bonnes pour la poubelle.

 

Un bienfaiteur, en fait le monsieur rencontré la veille, m’a apporté ce matin, alors que j’étais absent (pour poster du courrier à la poste de la ville, en contrebas), une laitue, une énorme tomate cœur de bœuf, visiblement récoltée dans son jardin, un fromage Ossau-Iraty et un pain complet. Les jours suivants, j’attendrais son retour pour le remercier, mais je ne verrais pas. Je collerais finalement un gros « Merci » sur la porte de ma caravane, pour le remercier.

Ce genre d’attention est suffisamment rare pour la signaler ici. Selon Philippe, dans le temps, les gens apportaient spontanément du ravitaillement au berger (ils étaient plus solidaires), mais plus maintenant.

 

La météo est très importante pour le berger. Par exemple, elle conditionne la date de départ en transhumance.

 

J’ai vu un jeune cerf qui filait à toute vitesse à travers bois.

 

Sur le conseil de Philippe, je me positionne sur le côté, au 1er tiers avant du troupeau, restant toujours à observer les mouvements du troupeau, pour m’assurer qu’il ne se scinde pas en deux et qu’une grande partie se mette pas hors de portée de ma vue. Les moutons passent souvent partout, sauf si les buissons sont trop denses et épineux _ par exemple, les ronciers constituent souvent une barrière infranchissable pour eux.

Quand les moutons se sont perdus de vue (cas des races grégaires, comme celles de Philippes), ils s’appellent mutuellement pour se localiser et se retrouver.

Dans les forêts que j’explore, je trouve souvent des restes d’habitats humains, dont des terrasses fertiles, appelées ici « planches », contenues par des solides murets, en pierre sèche, bien bâtis.

Sur ces planches, au sol pauvre, à l’origine, et sans eau, on y cultivait du pois chiche et des lentilles (cultures résistantes à la sécheresse).

 

C’est à force de changer, sans cesse, les parcours que les bergers arabes ont, par exemple, découvert les grottes de Qumran, sur une rive de la mer morte, en Cisjordanie.

 

Dans ces bois, je recherche les restes de châteaux ou de constructions remarquables, mais je ne trouve que les soubassements de veilles bergeries, des trous creusés par des bergers pour trouver une source ou des postes de chasse de l’association communale de chasse locale. Ici, sur le massif de la Sarrée, hormis le fait de découvrir des bories, je ne pense pas que je ferais une découverte archéologique majeure.

 

En fin de journée, le beau temps revient et j’ai la surprise de contempler le vol d’un paramoteur passant au-dessus de moi. J’interpelle le pilote, mais il ne m’entend pas, sûrement à cause du bourdonnement du moteur et du casque sur des oreilles.

 

Le soir, quand je distribue les croquettes aux deux « patoux » et bien que je le fasse bien séparément sur deux pierres plates éloignées l’une de l’autre, j’ai observé que Poppée (elle qui a l’air pourtant si gentille et affectueuse) a tendance de voler les croquettes de Marvin, et lui se laisse faire (!). Quand je distribue leurs croquettes, j’ai l’impression d’avoir affaire à des fauves féroces. Je ne reconnais plus mes chiens affectueux.

 

Mardi 7 juin 2016 :

 

Ce matin, je me réveille, sur un rêve dans lequel je m’imagine être un superflic, devant réquisitionner une Renault espace et dans laquelle mes collègues policiers et moi se sont engouffrée, au point que le véhicule est plein et que nous sommes serrés comme des sardines.

 

J’ai l’impression qu’avec cette expérience de berger, une année horrible _ une « annus horribilis », pour paraphraser Elisabeth II _, s’achève.

Philippe est venu me rejoindre. Il voit les anglais comme des paresseux, finissant leur journée de travail à 5h, ne produisant rien, à l’intérieur du royaume, sauf des produits financiers. Même la viande de mouton qu’ils vendent à l’Europe, est de la viande néozélandaise, transitant par l’Angleterre (grâce à une sorte de tour de passe-passe[64]).

On discute ensemble du commerce du bois africain _ merbau, okoumé, sipo … _ perdu en mer (du bois flotté).

 

A la fin de la tournée, en poussant trop vite les bêtes dans la pente, vers le bas, j’ai précipité, dans le vouloir, les bêtes dans le filet du parc. Ce qu’il ne faut justement pas faire. Ne trouvant pas l’ouverture ou porte d’entrée dans le filet, elles se sont emmoulonnées contre le filet, et je mettrais un quart d’heure à les débloquer. Certaines se sont même empêtrées dans le filet. C’est un véritable sac de nœud à défaire, pour arriver à les délivrer (et en général, leurs débattements et paniques abîment le filet, dont les mailles se déchirent). Philippe me dit qu’il ne faut pas (ou jamais) pousser les moutons dans la descente.

J’aurais dû contourner les filets du parc, bien plus haut et ne pas arriver droit dessus.

 

Une jeune brebis se couche tout le temps. En fait, elle a eu la queue mordue par le chien d’un précédent berger (celui qui m’a précédé).

La blessure est infectée. Philippe l’immobilise. Ses testicules sont en sang. Il verse dessus de la Bétadine et de la poudre d’oxyde de zinc, un désinfectant. Demain, il reviendra lui faire une piqûre d’antibiotique.

Une autre brebis boîte depuis longtemps, sans que je ne lui trouve rien au niveau de son sabot. Philippe me dit qu’elle a peut-être été mordue et son tendon sectionné.

 

Je m’endors, en écoutant de Radio Classique. J’écoute actuellement le joueur de mandoline classique, Avi Avital.

Sa musique me permet de remémorer, qu’étant jeune, je rêvais d’apprendre le clavecin et les grandes orgues. Ce rêve est une autre illustration du thème des aspirations inassouvies (combien d’aspirations ais-je pu rêver dans ma jeunesse, que je n’ai jamais pu réaliser dans ma vie !). Combien de fois, à cause de cela, j’ai rêvé d’avoir le don d’ubiquité (de pouvoir me dédoubler) et de pouvoir bénéficier de plusieurs vies, pour réaliser tout ce que je veux accomplir.

Or le monde est loin de suivre le précepte d’Albert Jacquard « Le bonheur au travail, n’est pas d’avoir un travail mais de pouvoir choisir son activité car c’est à travers ses choix que l’on se réalise. L’accomplissement humain passe par l’exercice de son talent, de son don »[65]. Tout cela est bien beau. Dans un monde idyllique, peut-être. Mais nous sommes loin de vivre dans un tel monde. Tout le monde ne peut pas choisir le métier de ses rêves. Sinon, certains emplois _ tels que ceux de balayeurs et d’égoutiers _ ne seraient jamais occupés.

Jean-Louis Etienne indiquait dans une Interview[66] : « J'étais à la fois structuré et insouciant. Libre. Cette insouciance m'avait été donnée par la confiance que m'accordaient mes parents et un sentiment d'autonomie que j'ai ressenti très tôt : il n'y avait pas de contraintes ni de freins, […]. Peut-être est-ce justement pour cette raison que je n'ai pas eu à décider qui de mes passions ou de mon métier devait guider ma vie ».  Dans cette même interview, il conseille aux jeunes d’aller toujours jusqu’au bout de leurs rêves : « Il faut se donner la liberté de faire ce qu'on a envie de faire, tout en étant capable de s'engager. C'est important, l'engagement, et c'est basé sur la confiance en soi. On a souvent envie d'abandonner parce qu'on est dans un environnement hostile. Or il faut justement résister à la tentation de l'abandon quand cela devient difficile. [… Il faut] dépasser les moments de doute ou de découragement. […] On est maître de son destin. ». Dans une autre interview, il confirme que : « Tout semble impossible à ceux qui n'ont jamais rien essayé ».

Je pense que cette vision de Jean-Louis Etienne est un peu naïve. Il croit à la « toute puissance » potentielle de nos possibilités. Or j’estime qu’il n’a pas conscience qu’il a eu beaucoup de chance, en ayant bénéficié de beaucoup d’amour de sa famille et surtout du soutien total de cette dernière, surtout de sa mère aimante, qui l’a toujours soutenu dans tout ce qu’il a entrepris. Celle-ci ne lui a jamais imposé aucune contrainte dans toutes ses quêtes. Or les toutes les familles ne soutiennent pas les rêves et aspirations de leur enfants, loin de là. Bien au contraire certaines les contrarient ou s’y opposent très fortement au point de leur couper les vivre, voire de discréditer leur rêve et leur enfant, en contribuant à ce que leur enfant perd confiance en lui-même.

 Par ailleurs, lorsque vous voulez aller jusqu’à au bout de vos rêves, même si vous êtes intelligent, pugnace (tenace), confiant en vous-même, autonome et débrouillard, certaines contingences et certains imprévus peuvent vous plonger des problèmes graves, en particuliers financiers importants[67], si importants qu’ils vous obligent à renoncer à votre aspiration (lire, par exemple, le livre « Into the wild »[68], relatant l'histoire réelle et tragique de Christopher McCandless).

 

Moi-même, j’avqais organisé la marche transhimalayenne pour le Tibet[69], en 2002 _ un trek himalayen qui a duré 2 mois et qui a été techniquement a été une réussite _, puis, durant 1 ans, la « tournée française du Gu Chu Sum », celle d’une association d’ex-prisonniers politiques tibétains, (une semi-réussite[70] [71]), qui était la suite de ce trek. Et pourtant, malgré cette « réussite », je me suis retrouvé, durant 5 ans, bloqué dans ma recherche d’un emploi dans l’humanitaire, lorsque j’ai voulu changer profondément de voie professionnelle et abandonner l’informatique. La conséquence dans mon entêtement (ou aveuglement ?) à vouloir déboucher dans l’humanitaire a été quasiment deux ans de chômage cumulés (car durant cette période, je n’ai jamais réussi à trouver d’emploi dans l’humanitaire ou une ONG, me heurtant sans cesse à des portes fermés, du côté des grosses ONG, qui auraient pu pourtant m’embaucher[72]), ce qui a conduit à mes problèmes financiers croissants. Ces problèmes m’ont obligé à reprendre un emploi dans l’informatique, en juin 2007, à mon grand désespoir.

Je me convaincs qu’il doit exister des millions de personnes, dans le monde, dont la vocation a été contrariée, ce qui contribue à relativiser sa propre histoire.

Sinon, je suis un peu critique envers le milieu de l’informatique. Je me dis que pour aimer faire de l’informatique toute la journée, il faut être peu empathique, peu sensible aux autres, à l’exemple des machines dont on s’occupe.

 

Les personnes travaillant dans l’agriculture ou l’élevage, on souvent les mains voire les pieds noirs, après avoir travaillé.

Comme je n’ai comme chaussures que des de grosses chaussures à lacets[73], quand je lève, pour faire, un certain besoin, et que je dois sortir à l’extérieur, par flemme, je ne me chausse pas et je marche alors pieds nus dehors. Or le sol ici est très noir et donc je rentre souvent la plante du pied noire. Je comprends alors pourquoi l’on appelait les colons d’Afrique du Nord, les pieds noirs. Je soupçonne que ces derniers étaient des gens très travailleurs, ayant vraiment mis en valeur les terres riches d’Algérie[74]. Je pense souvent que jamais la vérité est aussi simple que l’on voudrait nous le faire croire et j’ai le sentiment que l’histoire a été injuste envers les pieds noirs. Et sans vouloir tomber dans des préjugés simplistes, je soupçonne que ces derniers étaient bien plus travailleurs que ceux qui ont repris leur terre, ensuite, après l’indépendance. Mais d’un autre côté, je me garde de tout présupposé sur qui ont été les plus responsables des atrocités commises durant la guerre d’Algérie[75].

 

Je me demande aussi, si au lieu d’être un berger fournissant une prestation (ma force de travail), envers mon patron et propriétaire et, si j’étais propriétaire de mon troupeau, est-ce que j’aurais plus d’amour pour mes bêtes et je leur prodiguerais plus de soins ?

 

Je laisse encore vagabonder mes pensées avant de m’endormir. A ce moment, je rêve d’écrire un livre démontant les mécanismes psychologiques conduisant aux certitudes religieuses (voire au fanatisme religieux) et expliquant la raison de la puissance de ces mécanismes.

 

Mercredi 8 juin 2016 :

 

J’avais donné à mon bienfaiteur (ce vieux monsieur) les horaires où il pourrait me retrouver. Et je voudrais bien le revoir. Mais je ne le reverrais pas, à la fin de mon estive sur la Sarrée.

Dans une semaine, ma mission sera terminée. Lucky, Marvin et Poppée me manqueront.

Enfin, je suis heureux le vrai beau temps revient. Youpi !

 

Bonne nouvelle, Philippe a retrouvé sa houlette, qu’il avait oublié chez Colette. J’observe, à ses yeux rouges, que Philippe ne dort pas assez ou fait trop de choses. J’ai d’ailleurs rarement vu une personne aussi travailleuse que lui.

Le fait qu’il a oublié sa houlette chez elle, qu’il a oublié la pénicilline, ce matin, et surtout qu’il ne s’est pas souvenu qu’il l’avait oublié chez elle est pour moi le signe qu’il est vraiment très fatigué. Encore, ce matin, il a transporté vers 6 h du matin, son fils, pour un stage de formation dans les métiers du bois.

 

Le fils aîné de Philippe, Pierre, voudrait travailler dans la construction des maisons en bois. Je lui suggère d’imaginer de jolies maisons préfabriquées, faites de panneaux en bois, s’inspirant de la technique de construction des « bases de vie » (sorte d’Algeco) de la société Container solution[76] et/ou des maisons, en kit, Ikea, en Suède.

 

Parlant de lui, Philippe me dit « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait »[77]. Il a 54 ans, il est toujours jeune d’esprit et rêve toujours d’entreprendre des milliers de choses.

Même s’il souffre d’un début d’arthrose, il espère pouvoir travailler jusqu’à 70 ans. Espérons que son arthrose[78] ne s’aggravera pas avec le temps, ne l’handicapera pas et qu’il pourra réaliser la majorité de ses rêves.

 

Nous discutons de l’idée de creuser ou aménager des dolines, des dépressions qui se remplirait d’eau de pluies, pour abreuver les moutons, au sommet de la Sarrée (sur le modèle des lavognes de l’Aveyron et des Causses)[79]

Mais il faudrait alors pouvoir déposer un engin de chantier au sommet. Transport qui a un coût non négligeable.

Sinon, cette dépression artificielle serait remplie d’un géotextile étanche.

Il a déjà réalisé une lavogne _ qu’il appelle « impluvium » _, profond, au fond couvert de géotextile, d’environ 500 m2, en bout d’estive, sur le plateau de Calern, contenant des algues et carpes, pour qu’il ne soit pas sale.

L’accès routier aisé à ce plateau, via une route goudronnée, a facilité la réalisation de cette étendue d’eau.

 

Je lui parle alors de l’architecte anarchiste, Michel RosellV [80], fondateur de l’université d'écologie appliquée et solidaire, qui, dans sa propriété au Chabian dans le Gard (30700 AIGALIERS) avait creusé, avec sa propre tractopelle, des lacs artificiels, servant pour la lutte anti-incendie _ lacs au fond recouvert de géotextile, bordés de roseaux, et alevinés en gambusies, des poissons servant à combattre les moustiques. J’avais été le visiter, avec un ami, il y a quelques années.

 

Il m’aide à identifier les races présentes dans son troupeau, toutes les races assez rustiques (sauf peut-être la dorset) : a) Préalpes (blanche), b) mérinos d’Arles (plutôt blanche), c) mourérous, une languedocienne aux pattes rousses, et Dorcet (à tête noire). La plupart des moutons de Philippe ne dépasse pas 40 kg.

 

Préalpes du Sud

Mérinos d’Arles

Mourérous ou « Péone »

Dorcet

 

Je ne sais pas pourquoi j’ai un faible pour les mourérous, mais uniquement parce que je les trouve esthétiques (car simplement je trouve qu’elles sont les plus jolies).

 

Philippe me conseille de bien connaître les parcours, un moyen aussi de m’économiser physiquement.

Il y a quelques jours, il m’a aussi conseillé de me rendre à la très grande pâture, située au-dessous des usines Mane et Fils, de Bar-sur-Loup _ une importante société de création d'arômes et de parfums _, pâture accessible par la draille conduisant à la pente-école des delta-planes.

 

Cet après-midi, j’ai découvert un pin sylvestre, à l’écorce rose, dont un côté est entièrement couvert de résine et est calciné. Ce pin semble s’être défendu d’un feu d’écobuage, ayant attaqué son tronc, par cet exsudation, et il a survécu.

 

Ce matin, les « galères » sur « galères » s’enchaînent. A 5h30, heure de mon lever, je me rendors et ne me réveille vraiment qu’à 6h10. Je lance les moutons qu’à 6h20, au lieu de 6h. Hier, je n’étais pas encore endormi à minuit.

 

J’ai décidé de me rendre à la pâture située au-dessous des usines Mane. Mais je ne retrouve pas le chemin, la draille, conduisant à la pâture de la pente-école.

Les moutons profitent d’une ouverture dans la clôture du terrain de karting pour se répandre rapidement sur ce dernier. En effet, les abords de la piste de karting sont couverts d’herbes appétissantes. Je repousse les brebis hors du terrain de kart.

Je pense retrouver la draille recherchée plus haut, mais je tombe sur la propriété d’une personne ayant installé une caravane et son jardin potager, gardée par un chien Bas-rouge ou beauceron arlequin, aux dominantes rousses. Puis je tombe sur des broussailles formant une barrière dense, contre laquelle mes moutons s’emmoulonnent durant 15 mn.

A force de pousser Lucky contre elles et de donner des coups de fouets, elles s’entaillent enfin un chemin dans les brousailles. La progression est laborieuse et finalement l’on arrive enfin au terrain de la pente-école.

Je les y laisse brouter durant 20 mn. Je trouve ensuite la draille continuant à la pâture située de l’usine Mane, comme indiquée par Philippe, longée par un ligne électrique triphasée, supportés par de poteaux en bois.

 

A à la vue de la pâture, les moutons quittent soudainement la draille pour s’y précipiter. Arrivée sur la pâture, elles se précipitent rapidement vers la zone industrielle et ses routes, située en contre-bas. J’ai juste le temps de courir et de les bloquer. Elles remontent et continuent à marcher vite. Une brebis a eu le temps de pénétrer dans l’enceinte d’une entreprise, que je repousse. Finalement, elles explorent entièrement cette grande pâture et s’emplannent enfin.

Dans cette pâture, je découvre un petit scorpion noir, une plante, à la jolie hampe couverte de fleurs bleues en forme de bec, soit une sauge commune ou sauge des pré (Salvia pratensis) (famille des Lamiacées), soit une tête de dragon (ou Dracocephalum sp. de la famille des lamiacées (labiées) ou Lamiaceae[81]), une plante proche des menthes[82].

Une bergeronnette ou hoche-queue s’est approchée du troupeau et ne semble pas farouche.

Par contre, je n’y trouve aucune sauterelle sur cette pâture et ni sur mes parcours. Que sont-elles devenues ?

J’entendrais aussi très peu le chant des cigales. Est-ce le signe du déclin des cigales ?

En fait, Les cigales se font entendre que mi-juin / fin juin et les criquets ne sont visibles que vers juin/juillet. En plus, ce printemps pluvieux pourrait faire reculer la date de leur apparition.

Par ailleurs, durant toute ma mission de berger, je ne rencontrerais jamais de serpent.

 

Au retour, j’ai du mal à retrouver la draille ou le chemin de retour.

Arrivé, au niveau de la clôture du terrain de paint-ball (situé à proximité du terrain de kart), dont la clôture est insuffisamment fermée, une partie du troupeau part du mauvais côté et est bloqué par une autre clôture intérieure, dans ce terrain de paint-ball. Lucky est placé du mauvais côté et ne comprend pas mes ordres. Les moutons emprisonnés se mettent alors à tourner sans fin, dans leur réduit. J’ai la voix éraillée à force de crier « Lucky au pied ». Ce dernier comprend enfin et m’aide à libérer et à sortir les moutons de leur boucle sans fin. Pendant ce temps, le reste des moutons _ ceux qui avait pris le bon chemin _ continuent à avancer et sont arrivées au terrain de delta-plane. Mais au lieu de s’y emplanner, elles continuent sur le chemin conduisant au karting.

J’ai juste le temps de courir et de leur faire rebrousser chemin jusqu’à la pâture du delta-plane, où elles s’y emplannent enfin. Ensuite, je les ramène à la maison.

A un moment donné, elles s’arrêtent, en apparence, sans explication. En fait, les pluies des jours précédents se sont accumulée au fond d’un trou d’un torrent à sec. Et donc elles cherchent à s’y abreuver.

Arrivés à un panneau rouillé, qui me sert de point de repère, elles courent vers le haut de mon parc et s’emmoulonnent de nouveau. A cause de la pression du troupeau, certaines font tomber le filet et se retrouver à l’intérieur du parc.

Avec la scie de mon couteau suisse, j’ai beau couper des genêts, formant une broussaille barrant le passage des brebis vers la piste forestière et l’entrée du parc[83], les moutons ne bougent pas, malgré mes cris, mes coups de fouets et les coups de butoir de Lucky. Lucky pour faire bouger les brebis leur donne des coups d’épaules, sans les mordre. Je commence à m’énerver _ je rêve d’un bâton électrique pour les faire bouger (!) _ or je sais que l’exaspération est une mauvaise conseillère. Cette situation restera bloquée durant 15 mn.

Je sais qu’il est idiot m’énerver contre mes moutons, car ils ont un degré de raisonnement analytique voisin de zéro.

En prenant Lucky en laisse, avec la lanière de mon fouet, j’arrive, avec l’aide de Lucky, à repousser, vers le haut, le troupeau, à lui faire contourner les broussailles, à lui faire faire un grand tour, pour les faire revenir sur la piste puis dans le parc, que je referme, dès que le dernier mouton y a pénétré. Tout cela m’aura prix plus de 30 mn. Je suis fatigué.

Ce travail n’est pas un boulot de touriste mais un engagement complet.

A l’instant, je me sens le plus mauvais conducteur de troupeau du monde.

Je suis obligé réparer le filet qui s’est déchiré sous la pression des brebis.

Philippe m’avait expliqué que si l’on les « pousse » à la descente, elles risquent de se blesser. D’autant que la stratégie des moutons est toujours de fuir.

 

Le soleil brille jusqu’à 16h. Il fait chaud et lourd, l’orage va éclater.

Cette fin après-midi, les moutons ne veulent pas partir du parc. Elles continuent à chaumer, en contrebas du parc. Il est vrai que je veux les faire partir à 16h au lieu de 17h et alors que l’orage gronde.

Soudain, des nuages noirs envahissent le ciel. De 18h30 à 20h, je reçois une belle saucée (une pluie diluvienne). Heureusement, j’ai eu le temps de prendre mon ciré.

Quelle journée, peut-être la plus mauvaise depuis le début de mon estive.

La batterie solaire Oyama n’est pas au point parce que ses prises USB ne sont protégées de la pluie et elles ont pris l’eau.

 

Hier soir, Philippe est monté donner les soins vétérinaires de base aux moutons. Et grâce à lui, j’ai pu procéder à ma première piqûre de pénicilline. Les soins doivent être normalement effectués, le soir, plutôt au retour de la tournée.

Quand on les attrape par la patte arrière, à la main ou à la houlette, elles se débattent d’abord. Mais quand on les immobilise entre nos deux jambes, leur dos bloqué contre notre thorax, elles deviennent dociles, pacifiques, ne se révoltent, ne protestent pas, quand on les manipule.

 

Cela fait plusieurs fois que Lucky essaye de s’inviter dans ma caravane. Et finalement, je me suis laissé amadoué et j’ai laissé Lucky dans la caravane, durant la nuit, me convainquant qu’il était mieux là … puisqu’il pleuvait dehors (désobéissant, par là, aux recommandations de Philippe m’indiquant que c’est un chien de travail et non un chien de compagnie et que je ne dois pas être trop câlin avec lui. D’après lui, je peux l’être un peu … mais pas trop).

 

Mes vêtements continuent à sécher dans la caravane. Un jour de beau temps intégral ne ferait pas de mal.

 

Jeudi 9 juin 2016 :

 

Dans ce milieu dense en broussailles, j’ai toujours peur de perdre des moutons. Heureusement, les moutons que Philippe m’a confiés sont très grégaires et ont donc tendance à se regrouper facilement naturellement. Souvent, j’imagine inscrire un énorme numéro d’identification sur la laine des moutons, avec un gros marqueur à mouton, pour mieux les identifier.

 

Je suis quelqu’un de têtu, j’ai donc refait le parcours d’hier, pour emmener les moutons jusqu’à la très grande pâture au-dessus de l’usine Mane.

Cette fois-ci, je me suis bien positionné juste avant le trou dans la clôture du terrain de paint-ball, anticipant le piège dans lequel risque de tomber une partie du troupeau. Et finalement, seule une brebis s’y engouffre, qu’il m’est facile de faire ressortir alors.

 

Dans ce métier, le positionnement, par rapport au troupeau, est important. Il me faut repérer à « l’avance » tous les pièges possibles, dans lesquels pourraient tomber mes moutons.

A retour, mon grand tour a conduit les moutons sur la piste forestière. Et mon positionnement le long du vieux 4X4 Nissan garé à côté de ma caravane a suffi à repousser les moutons dans le parc.

Le sens du troupeau, ce que l’on appelle le biais, est très versatile en fonction du positionnement du chien (et du berger).

Et aujourd’hui, grâce un contrôle très strict de Lucky, en le surveillant en permanence, pour éviter qu’il se lance tout seul contre les moutons (c’est son plus gros défaut), cette fois-ci, mon parcours est à 100% sans faute.

J’en suis même fier et je le dis, au téléphone, à Philippe (!). Inconséquente fierté (ou fierté mal placée), comme nous le verrons, par la suite.

 

Suite à ce parcours, j’imagine alors la réalisation d’un film comique (ou pédagogique) sur un bon berger et mauvais berger, s’inspirant de mes réussites et bévues.

 

Car matin, je suis très content du travail de Lucky (il est dans un de ses bons jours), je le félicite. Et contrairement à l’habitude, au retour de ma tournée du matin, je ne l’enchaîne pas, je le laisse libre. Dès que je le détache, il va souvent vadrouiller, mais comme il est toujours de retour au bout de 10 mn, je ne m’inquiète pas pour lui et ses vadrouilles.

 

De temps en temps, les promeneurs entament une discussion avec moi. C’est ce qu’on appelle « tailler une bavette ».

Philippe m’avait informé que, depuis très longtemps, très souvent, il prend des jeunes, en tant qu’aide-berger, pour les aider, car certains sont vraiment à « ramasser à la cuillère » (on dirait « à la ramasse »), abîmé ou brisés par la vie.

Philippe m’a relaté qu’une précédente aide-bergère n’avait pas tenue et avait abandonné, sans prévenir de son départ.

Il m’avoue que sans les subventions du conseil général du 06, pour l’embauche d’aides-bergers pour la protection contre le loup, il aurait plus de mal à embaucher des aides-bergers.

Or un promeneur, M. Rolando me demande justement des nouvelles de cette bergère. Car celle-ci lui avait avoué que ce travail était très dur et qu’elle ne voulait pas continuer.

M. Roland me dit qu’il aime ramasser le thym sauvage, ce qu’il fait actuellement.

M. Rolando, qui connait Philippe, m’indique qu’il veut lui acheter un mouton. Je lui passe alors Philippe au téléphone.

 

Chaque soir, je respecte toujours la même checklist :

 

1)      Après que le dernier mouton y a pénétré, fermer le parc,

2)      Ouvrir le bouchon de la citerne d’eau, si cela n’a pas déjà été fait.

3)      Vérifier que le tuyau acheminant l’eau de la citerne à l’abreuvoir n’est pas tombé.

4)      Remplir le l’abreuvoir (ouvrir le robinet de la citerne).

5)      Puis quand l’abreuvoir est rempli, fermer l’arrivée d’eau.

6)      Faire le tour extérieur du parc, pour s’assurer qu’un mouton n’a pas été oublié ou que des portions du filet ne sont pas tombées ou déchirés. Ecouter s’il n’y a pas le tintinnabulement de clochettes (sonnailles) ou des bêlements au loin.

7)      Mettre le sel sur les assaliers (sur des pierres plates propres).

8)      Donner deux rations de croquettes, sur des rochers plats propres, à chacun des patous, et une ration à Lucky.

9)      Vérifier que le fil de terre de l’électrificateur (le générateur électrique) n’est pas décossé ou dénudé.

10)   Vérifier que le l’électrificateur est éloigné du filet, puis remettre l’électricité.

 

Le soir, je lis « Tirs croisés » de Caroline Fourest.

 

Vendredi 10 juin 2016 :

 

Durant la tournée du matin, je constate à quel point les oliviers sauvages sont fréquents ici. Il parait qu’ils produisent beaucoup. J’ai même trouvé des figuiers.

Ce matin, de nouveau, je n’enchaîne pas Lucky. Une raison à ne pas l’enchaîner est que a) soit il arrive à se défaire de sa chaîne _ le loquet du système de fermeture ayant un défaut _, b) soit il enroule tellement la chaîne autour d’un des pneus de la caravane qu’il est immobilisé totalement et se retrouve dans une situation inconfortable.

 

Je commence à m’inquiéter car au bout d’une demi-heure, vers 11h, il n’est toujours pas revenu. Je le signale à Philippe. Je le cherche d’abord sur la piste forestière, longeant ma caravane, sur plusieurs km, en l’appelant.

 

Je me remémore qu’il n’est pas bon de faire passer un chien de chien de compagnie, durant ses deux premières années, à chien de travail. Il n’a plus que comme distraction que de courser les moutons ou de les épier.

 

Parfois, quand il se libère ou s’échappe, il saute au-dessus des filets et va courser les moutons et les mordre, ce qui les panique.

 

Au bout de 3 heures, Lucky n’étant toujours pas revenu, je vais le chercher du côté de la piste de kart, mais ses responsables m’assurent qu’ils ne l’ont pas vu, tout en prenant mon n° de téléphone. Un gros pépin.

Si l’on ne retrouve pas Lucky, je me dis que je ne m’en remettrais pas. Je me dis qu’il a dû arriver quelque chose de grave à Lucky, qu’il est blessé ou qu’il a été enlevé. Un promeneur m’assure qu’il a rencontré deux hommes tirant 3 chiens, se dirigeant sur la piste forestière, en direction de Grasse. J’ai déjà eu affaire à ces promeneurs peu sympathique et je me demande s’ils n’ont pas fait un mauvais sort à Lucky, d’autant que j’ai entendu, de ma caravane, le cri de douleur d’un chien, que j’ai cru être Lucky, vers 11h. Information qui ne me rassure pas.

 

Je veux refaire le parcours de ce matin. Philippe, qui me reproche de ne l’avoir pas attaché, me dit de laisser tomber mes recherches. Il pense qu’il a fugué, parce que justement il a déjà fugué. En effet, lors d’une fugue, il avait été recueilli par une famille d’Antibes, durant plusieurs semaines, jusqu’à ce que cette dernière découvre, en l’emmenant chez le vétérinaire, qu’il appartenait à quelqu’un d’autre.

Je demande alors à Philippe si ses coordonnées se trouvent sur le collier de Philippe. Il me répond que non, le collier de Lucky portant le nom de Philippe avec son téléphone ayant été perdu par un autre éleveur et le nouveau collier ne comportant aucune inscription. Par contre Lucky est « pucé » et donc, dès qu’il sera lu par un vétérinaire, on pourra le retrouver.

Je passe une mauvaise journée. Je me dis que « je suis maudit par le ciel. Je suis sous le coup de la scoumoune ».

Car je ne m’imaginais pas qu’un simple problème de chaîne qui ne se ferme pas pourrait avoir de telles conséquences.

Je contacte l’association « la maison du berger », dont le siège est à Champoléon, dans les Hautes-Alpes (05), pour leur demander de passer une annonce sur leur forum.

Quand Philippe l’apprend, il me dit que pour un berger perdre son chien cela ne fait pas sérieux auprès de la profession (après, je vais me faire appeler Arthur).

Le soir, je suis obligé de conduire le troupeau, sans chien, juste a) soit en me positionnant, tout le temps, par rapport au troupeau, en anticipant, sans cesse, ses réactions, selon les cas, en « l’enroulant » par la droite ou la gauche (en le contournant par la droite ou par la gauche), b) soit en le conduisant avec mon fouet. Le troupeau étant assez docile, cela se passe plutôt bien, même si c’est plus difficile, plus dur et que je dois marcher trois fois plus que le troupeau.

Le soir, je vois les deux promeneurs, avec les trois chiens, dont m’avait parlé un autre promeneur, ce matin. En fait, ces trois chiens sont des setters irlandais, deux noirs et blancs et un blanc et roux. J’avais déjà rencontré ces promeneurs aux trois chiens, auparavant. Et ils avaient été déjà désagréables, m’ayant menacé de faire disparaître mes brebis, si je ne tenais pas mes chiens. Pour eux, cette piste forestière appartient aux randonneurs avant d’appartenir aux brebis.

 

Avant que j’ai eu le temps d’intervenir et que je puisse faire quelque chose, Marvin se dirige directement l’un de deux promeneurs et le mord immédiatement, au mollet, assez méchamment. Ce promeneur réclame immédiatement mon bâton pour le battre. J’explique alors l’attitude de Marvin, leur disant que c’est un chien de défense et de protection. Mais come Marvin ayant été pris sur le fait, je ne vois pas d’autre option que de le corriger. Marvin semble surpris et me regarde avec des yeux suppliants (par la suite, il ne m’en tiendra pas rigueur). Je m’en veux d’avoir cédé devant des 2 costaux « baraqués » pour les satisfaire.

 

Mais si je me précipite, à chaque fois, pour prévenir chaque promeneur ou joggeur, il y aura abandon de poste. Je ne pouvais rien faire ou anticiper la réaction de Marvin.

 

Par la suite, j’ai le droit à une véhémente tirade de Philippe, prévenu de l’incident, me rappelant que je dois aussi me faire respecter par les promeneurs, surtout s’ils sont arrogants. Il m’indique que cette montagne et cette piste sont aussi aux éleveurs, puisqu’il a payé, à la commune ou mairie, la location de l’utilisation de ces bois communaux, pour y faire paître ses moutons. S’ils ne veulent pas se faire mordre par Marvin, ils n’ont qu’à rebrousser chemin, d’autant qu’il y a des panneaux prévenant les marcheurs de la présence des chiens de protection.

 

Après cet épisode désagréable, je me dis que l’on peut connaître bien des galères avec les animaux, malgré l’amour que l’on leur porte. Un exemple : hier, j’ai constaté que Marvin avait dérobé le flacon de Bétadine, servant à soigner les moutons, avant que le rattrape. Marvin, encore jeune, est très joueur. S’il m’égare des objets précieux, cela peut être grave.

 

Philippe me relate aussi le fait que les borders ne sont souvent pas attention aux voitures et se font écraser. Ce qui a été, d’ailleurs, le cas d’un de ses précédents border, prénommé Matelot, qui est mort sous ses yeux.

Il me montre aussi l’emplacement où un mouton a été tué, par un loup, près du terrain de kat et d’un gros réservoir en béton, servant aux pompiers à la lutte anti-incendie, l’été.

Philippe me parle du capital que représente un troupeau et que l’on peut facilement perdre ce capital. Etre propriétaire d’un troupeau relève d’une [grande] responsabilité.

[Même si Matelot est mort dramatiquement, ] Philippe me dit que, dans la vie, il faut toujours regarder devant et pas en arrière.

Philippe me donne des recommandations pour la transhumance à venir.

Si je ne fais pas manger suffisamment la veille, le jour de la transhumance, elles ne marcheront plus, elles passeront leur temps à manger, elles deviendront intenables. Or demain, jour de la transhumance, sera une journée très chargée.

 

Le soir avant de m’endormir, j’imagine la création d’une société de location de chiens de bergers et de chiens de secours, en intérim. J’imagine des colliers pour mouton, comportant une puce, pour faciliter le comptage de moutons dans les couloirs de tri.

Lucky a peut-être fugué. Il ne supporte peut-être pas le dur travail que je lui ai fait ou que durant, le parcours, je le contrôle sans cesse, comme ce matin. Ou bien, selon l’explication de Philippe, j’ai été trop sentimental avec lui, en le recueillant dans ma caravane hier, il en a profité et m’a joué un vilain tour[84].

 

Je trouve le métier dur, plein de galères. Je comprends que certains candidats ne résistent pas, d’autant que j’ai un chien de conduite, Lucky, qui est plein d’énergie _ ce qui n’est pas nécessairement un défaut _, mais qui a le grave défaut de prendre régulièrement le plaisir de courser les moutons, sans qu’on le lui demande, d’où l’obligation de le surveiller et de le contrôler, en permanence, et d’anticiper ses moindres actions.

Quand Lucky se met à courser le troupeau, sans mon autorisation ou non, Marvin alors le corrige, en le saisissant, dans sa gueule, au niveau de son encolure. Les questions de dominance entre chien se gèrent par des mordillements ou de morsures.

S’est-il fait fortement corrigé par Marvin, ce matin ? L’as-je moi-même corrigé ou battu avec mon bâton ce matin ? Je me promets désormais de ne plus jamais taper un chien avec un bâton (!).

Promesse que je tiendrais.

 

En fuguant, peut-être veut il retrouver la belle vie, reposante, de chien de compagnie, la dolce vita pleine de farniente, de son enfance ?

 Malgré tout, je croyais être parvenu à un grand niveau de complicité et de confiance entre Lucky et moi, et donc je me sens trahi par lui. J’ai vraiment envie de pleurer.

Je range tous les objets, qui pourraient tomber dans la caravane, dans des caisses, en prévision du déplacement de la caravane, demain, vers le village de Caussol et le plateau de Calern, le lieu de la prochaine estive.

Philippe retire ses trois béliers _ des béliers sans corne _, du troupeau, pour les emmener chez un autre éleveur (peut-être pour éviter des agnelages (?) ou pour leur sperme). L’opération n’est pas simple car ils se rebellent fortement et veulent sortir et sauter les barrières entourant le plateau arrière du 4x4. Philippe les attache avec des cordes.

En plaisantant, je lui conseille de vendre le sperme de ses béliers reproducteurs.

 

J’ai souvent utilisé de la ficelle dans ce métier. Et comme pour le scout, la ficelle est vraiment importante pour le berger. D’ailleurs, du fait de ses connaissances de marin, Philippe connait beaucoup de nœuds matins, utiles pour le berger.

Il faudrait que j’apprenne à en faire.

Par contre, ce que je n’aurais jamais réussi à reproduire, avec mes lèvres, c’est le « drrriii » caractéristique des bergers, pourtant si utiles pour appeler les moutons, alors que les enfants de Philippe savent bien le produire.

 

Samedi 11 juin 2016 :

 

Philippe m’informe que Lucky a été retrouvé place du Lac à Chateauneuf. Celui qui l’a retrouvé l’a immédiatement conduit chez le Vétérinaire, qui grâce à la puce de Lucky, a pu retrouver et contacter Philippe. J’en suis très heureux et soulagé. Mais la fugue de Lucky me laisse, malgré tout, un « goût amer ». Je lui ferais moins confiance désormais.

Je préviens immédiatement « la maison du berger » d’annuler mon annonce, ce qu’ils font immédiatement.

 

Démarrant à 6h, Philippe, fait grimper au troupeau 400 m de dénivelé, en partie sur une draille _ un PR jaune rejoignant le village de Caussols et le GR4 _ jusqu’au sommet de la Sarrée, où se trouvent un autre parc, un autre filet et un autre électrificateur, déjà installé. Il y a juste quelques filets tombés, à redresser. La montée a été dure.

Durant la montée puis la descente du retour vers ma caravane, Philippe me montrera plusieurs bories en bon état. Le choix des pierres, pour leur construction, était important.  Il me signale aussi une aire plate, constituée de plusieurs pierres plates agencées ensembles, où étaient battues les céréales.

Selon lui, ce territoire avait été occupé jusqu’à la guerre de 14.

Autour du parc, poussent des plantes ressemblant à du cannabis, avec ses feuilles digitées, au longs folioles effilées. Ce sont des hellébores fétides, une plante toxique.

A la redescente, nous découvrons une jolie maison qui malheureusement tombe en ruine.

Philippe vérifie que mes affaires ont bien été arrimées dans la caravane et nous finissons son rangement.

Puis, nous prenons le 4x4, auquel la caravane a été attelée, pour nous rendre au village de Caussols, à l’endroit où l’on doit monter le parc et installer la caravane, pour l’arrivée de la transhumance, ce soir même. Les moutons y reposeront, cette nuit. Finalement, nous avons fini de monter le parc et d’installer la caravane, à son nouvel emplacement, vers 11h.

Après Philippe me monte le chemin que nous devrions faire à partir de cet emplacement jusqu’au plateau de Carlern situé au-dessus. Puis, nous redescendons chez lui.

 

A midi, je suis invité par Philippe et sa femme, Colette, à déjeuner dans la véranda de sa maison, avec au menu du pâté « affiné » à la gnaule, des côtelettes de moutons cuites au barbecue. C’est sympa. Je retrouve Lucky, qui ne semble pas avoir conscience d’avoir de toutes inquiétudes qu’il nous a causé. Je crois que Lucky a une nature aussi aventurière (vadrouilleuse) que son maître.

Colette est la descente d’une importtante famille de béqués de Guadeloupe. Elle m’avoue qu’elle n’est toujours retournée en Guadeloupe, voir sa famille, depuis 19 ans. Philippe lui-même m’a avoué qu’il prend rarement des vacances.

 

L’après-midi, Philippe, accompagné de ses deux jeunes fils, Pierre et …, nous fait remonter au sommet de la Sarrée et au parc, par un autre chemin plus rapide. Pierre et … sont sportifs, en pleine forme, et montent comme des cabris.

Sur notre chemin, je suis impressionné par la grande biodiversité de la végétation. J’ai même découvert plusieurs pieds de lys turban (Lilium pomponium), une magnifique et délicate fleur rare, d’une couleur rouge oranger.

Philippe ne me dit que, cette année, il n’a jamais vue une fructification aussi abondante de glands, peut-être à cause des épisodes de chaleur et de pluie de ce printemps.

Arrivé au sommet, je suis « crevé ». Quand je suis fatigué, pour tenir, je me fixe comme but « de marcher aussi loin que mes pas me portent ».

Je manque vraiment d’entrainement, contrairement aux deux fils de Philippe.

Philippe attend 16h, la fin de la chaleur, avant d’ouvrir le parc (l’enclos à mouton) et de lancer les moutons.

Philippe m’a placé en tête du troupeau, avec Pierre. Je suis chargé de faire sonner, continuellement, une sonnaille, afin d’attirer les brebis vers l’avant.

En fait, je ne suis pas convaincu de l’effet attractif du son de la clochette sur les brebis de tête. Le contrôle du troupeau est surtout le fait de Philippe et de son fouet et de Lucky (et non par la sonnaille).

Tandis que Philippe et … se sont placé en queue du troupeau. Lucky, placé aussi à l’arrière, est mis à contribution pour le pousser.

A la longue, Pierre ne supportant plus le son de la sonnaille prend beaucoup d’avance.

 

Notre piste rejoint le PR jaune (sur lequel avait été organisé récemment un « trail » dont on voit encore les rubans accrochés aux arbres). Ce PR traverse un grand bois puis rejoint une vicinale goudronnée et le hameau ou domaine de la Malle.

 

Marvin, qui marche au milieu du troupeau, fait de temps en temps, demi-tour, sans explication, ce qui inverse le sens du troupeau, au grand énervement de Philippe.  Philippe essaye de tenir Marvin en laisse, avec la lanière de son fouet. Mais son bâton de berger casse. Philippe me demande de le tenir en laisse, à mon tour. Marvin devient complètement fou d’être tenu en laisse. Il est d’une telle force, il tire tellement dans tous les sens, pour se libérer, qu’il est impossible à tenir. Je n’arrive à le tenir en laisse que durant 1 km, avant de le lâcher. Juste avant la route goudronnée, dans un virage, je trouve les jolies « plumes » délicates de Stipa tenuifolia, appelé également cheveux d'ange, une plante des régions sèches.

Tout le long de la route goudronnée, il y a des gros rochers empêchant qu’un véhicule puisse stationner le long de la route et des panneaux « Domaine de la Malle, propriété privée, défense d’entrée ». Cette propriété semble être gigantesque et occuper toute la région[85].

 

A la fin du hameau de la Malle, nous trouvons le sentier du GR4. Je suis tellement étonné de l’étroitesse du sentier, que je m’arrête et demande à Philippe si c’est bien le sentier qu’il vient juste de m’indiquer. Le fait que je m’arrête provoque un embouteillage chez les moutons qui s’emmoulonnent, indécis sur la direction à prendre. Philippe me hurle que je ne dois pas m’arrêter et que je dois continuer. Le troupeau s’engage enfin dans le sentier du GR4, cette fois-ci en file indienne (un mouton derrière l’autre), à cause de son étroitesse[86]. La montée du GR4 est lente et douce. Je soupçonne que le GR4 est une ancienne draille de transhumance. Car j’ai découvert des vieux pavages anciens ainsi que des vieux abreuvoirs aménagés, en relation avec des sources, le long du GR4.

Tout le long, il a souvent des buis sauvages, tous atteints de la maladie qui fait virer couleur de leurs feuilles à l’orange[87] [88]. Philippe pense pouvoir refaire son bâton de berger, grâce à une branche droite de buis.

Le long du sentier, le trouve aussi souvent des orchis violets ressemblant aux orchis vanillés.

 

Il est prévu que nous devons arriver au Col du Clapier vers 19h30. Mais Marvin désorganise souvent le troupeau que nous n’avançons pas … ou n’avançons que très lentement, au grand énervement de Philippe qui corrige Marvin ou tente de le faire. Désormais quand Philippe appelle Marvin, ce dernier préfère se maintenir à une distance respectueuse de Philippe et donc continue, sans en avoir conscience, à faire l’inverse de ce que veut Philippe.

Pierre a pris une grande distance par rapport au troupeau. Il m’explique qu’il n’a pas envie de subir les foudres de son père. En fait, je sens qu’il est nettement moins passionné par l’élevage ovin que son jeune frère. Ce n’est pas son truc. C’est un sportif et sa grande passion est la planche à voile.

 

Finalement, après toutes ces péripéties avec Marvin, nous arriverons presqu’à la nuit tombé au parc, à 21h, franchissant le Col du Clapier vers 20h45. Au col, un vent froid s’est levé, il ne doit faire maintenant que 10 ou 14°C. Devant surveiller en permanence le troupeau, je n’ai pas eu le temps d’enfiler un pull et je resterais en tee-shirt jusqu’au parc de nuit.

 

Philippe me dit que les moutons, de temps en temps, l’énervent mais qu’ils les apaisent aussi et qu’il ne peut vivre sans eux.

 

A Caussols, au niveau du parc, les jeunes lavandes sauvages environnante dégagent une forte et agréable odeur de « térébinthe ».

Philippe m’a apporté un pâté de foie et une bouteille de vin, offerts par Claudine, la femme de Philippe.

Il me conseille, pour accumuler de l’énergie, de manger du pain d’épice au petit déjeuner (et bien sûr de toujours de bien manger).

 

Aujourd’hui aura été vraiment une journée bien remplie.

 

Dimanche 12 juin 2016 :

 

Le temps semble changer vite, le ciel déroule de longues écharpes de cirrus. Départ à 5h45. La transhumance doit se terminer sur le plateau de Calern à 7h.

 Ce matin Philippe m’a demandé de prendre le 4x4 de se mettre devant le troupeau, de mettre les warnings en marche et d’avancer à la même vitesse que le troupeau, soit à environ 2,5 km/h, c'est-à-dire très lentement.

M’étant débarrassé de ma voiture, il y a deux ans, et n’ayant plus conduit depuis, et lui ayant indiqué que je n’avais jamais conduit de 4x4, je trouve qu’il me fait énormément confiance.

Je roule tellement lentement, que j’utilise souvent l’embrayage, surtout dans les pentes. A un moment donné, dans une pente, ne voyant pas le troupeau arriver, je fais patiner trop longtemps l’embrayage. Immédiatement, je sens une odeur de brulé, surpris par cette odeur, je calle. Je préviens Philippe. Philippe sent l’odeur et me dit que je suis en train de cramer l’embrayage, indiquant que les 4x4 sont très puissants et donc qu’il ne faut pas surtout utiliser l’embrayage.

Je me sens mal. Car j’imagine que si j’ai abîmé ce 4X4, acheté 16.000 €, que Philippe possède depuis 5 ans, ma mission aura été plus que négative pour Philippe[89].  Il faudrait alors vendre beaucoup de moutons pour racheter un nouveau 4x4.  Avec ce problème d’embrayage, j’ai l’impression de multiplier les erreurs et bévues.

 

Désormais, c’est lui qui conduira le 4x4. L’odeur de brulé disparaîtra par la suite, dans l’après-midi (ce qui me rassurera).

A un moment donné, nous passons devant la distillerie d’huiles essentielles Florihana[90] de Caussols, dont l’implantation à Caussols n’est certainement pas due au hasard.

 

 Nous arrivons au plateau de Calern, vers 9h du matin, site de l’observatoire de la côte d’Azur.

Nous installons rapidement la caravane et les filets du parc, à proximité d’un ancien parc à mouton, grillagé en ursus, couvert densément de chiendents. C’est le seul endroit où cette graminée (Poaceae) semble se multiplier sur ce plateau sec et calcaire[91]. Des cuscutes[92], une plante parasite, s’attaquent aux orties poussant aussi dans cet enclos.

 

Ce matin, la seule consigne que me donne Philippe est, durant ma tournée, de rester à portée de vue de l’observatoire astronomique (pour ne pas me perdre dans ce vaste plateau).

Puis j’emmène les brebis lors d’une grande tournée, qui me permet d’explorer ce vaste plateau.

Sur ce plateau, les moutons vont d’une doline à l’autre, et s’emplanent dans le fond de chaque doline.

Malgré le manque criant d’eau pour abreuver mes moutons, ce plateau, par son herbage dense et diversité (en tout cas cette année), semble être le paradis des moutons. 

 

A un moment donné, j’utilise la butte sur laquelle est construite le château d’eau de l’observatoire[93], comme poste d’observation, afin d’avoir une vue large sur le troupeau et sur tout le plateau.

Tout près, je trouve de vieux abreuvoirs métalliques, installés par des éleveurs, dont un seul a le fond rempli, d’eau de pluie. L’après-midi, quand je repasserais, il sera vide. Les moutons l’ont peut-être vidé.

J’entends le chant d’alouettes musiciennes comme si la musique venait du ciel. Une bergeronnette se pose à côté de moi. Je vois souvent de jolis petits papillons, bleu clair, voleter autour de moi. Un moment magique.

C’est le bon côté du métier de berger être dans la nature. Pourtant, ce métier n’est pas si bucolique, nous ne sommes pas ici au hameau de la reine Marie-Antoinette.

 

Je découvre dans une doline une dizaine de ruches, devant lesquelles est planté un panneau donnant le n° de téléphone et le nom de leur propriétaire, M. Julien Gaubert[94]. Avec la profusion des fleurs environnantes, mettre des ruches ici est une excellente idée, l’emplacement est idéal.

A mon retour, je rencontre, Julien Gaubert, un apiculteur, venu à ma rencontre, croyant qu’il trouverait, dans la caravane, le berger, Joshua, qui va me remplacer. Selon lui, Joshua a un vrai amour de son métier et des bêtes.

Julien a connu des bergers paresseux (fainéants) qui ne gardaient pas, tout en donnant l’apparence.

J’espère ne pas être un fainéant et qu’on ne croit pas que je ne fais que donner l’apparence de garder mon troupeau.

Il me parle de son métier. Il a commencé, il y 5 ans. Maintenant, il a 100 ruches. Il produit du miel de milles fleurs de Caussols, du miel de sapin et du miel de sarriette. Il m’affirme qu’il y a beaucoup d’intelligence chez les abeilles. Selon lui, Philippe est un type bien[95]. La vente de sa production marche tellement bien qu’il n’a déjà plus de miel mille fleurs ou de sarriette.

Julien me dit que des pluies abondantes et plusieurs coups de chaud ont provoqué une floraison exceptionnelle ici.

Son miel est certifié avec le label « Nature et progrès », un label encore plus exigeant que le label AB (agriculture bio).

 

Philippe me dit ne pas emmener les moutons trop loin, sinon je couche l’herbe et elle devient inutilisable. Au contraire, lorsqu’on commence sur une nouvelle estive, l’on doit d’abord brouter à proximité du parc, puis s’en éloigner progressivement, lors de chaque nouvelle tournée.

Philippe me rappelle que c’est à moi d’être le maître de mes moutons (et de ne pas me faire conduire par elle), sinon ce sont eux qui me commanderont. Ce ne sont pas eux qui doivent décider de la tournée à faire.

 

Je continue encore à assurer la hotline téléphonique de mon association médicale. Si j’ai des soucis avec mes brebis, qui réclament toute mon attention, alors je demande au malade de me rappeler le soir.

A., une malade, m’inquiète. Elle m’a exposé son envie suicidaire hier, après m’avoir rappelé 5 fois, samedi soir. Mais la transhumance m’a accaparé ou réclamé toute mon attention et je ne peux pas la rappeler.

Cette malade, souffrant d’une cohorte de maladies psychosomatiques, ne me respecte pas, d’ailleurs. Elle m’appelle souvent, même quand je dors ou fait la sieste et alors surtout que je lui dis de ne pas m’appeler. Elle m’empêche de récupérer et elle m’épuise. Je la connais bien. Elle ne pense qu’à elle-même et n’apporte jamais rien aux autres. Si je n’étais pas bien éduqué, je l’enverrais paître (!).

 

Ce soir, Philippe, ses fils et moi, nous procédons au comptage des brebis. J’espère qu’une nouvelle tuile ne me tombera pas dessus, c'est-à-dire que le compte ne décèlera pas des moutons perdus.

Selon Philippe, il avait compté, avant ma venue, 56 ou 57 moutons à collier (colliers en bois portant une sonnaille).

 

Il construit rapidement un couloir de tri, avec des barrières métalliques. Puis il fait passer vite les moutons dans xe couloir.

 

A la fin du passage de tous les moutons, j’ai compté 56 moutons à collier (mais j’ai un doute en me demandant si je n’ai pas loupé une brebis qui est passée collée contre une autre). Ce qui m’a rassuré.

·         Philippe et ses fils ont compté, eux, 223 moutons, comportant une marque ronde marron sur le dos,

·         Dont 188 brebis et agnelles.

·         35 agneaux.

Donc le troupeau est composé actuellement de 279 ou 280 moutons.

Il semblerait que je n’ai pas perdu de moutons durant ma mission.

 

Demain, je dois partir à la rencontre de Joshua, venant, en sens inverse de Cipières (Alpes maritimes), , avec son troupeau de 600 moutons. L’on doit se rencontrer demain au niveau du lieu-dit de Carlernet, vers 7h15, situé sous le plateau. Philippe m’a emmené, avant, en reconnaissance sur le chemin à prendre, avec son 4x4.

 

Je commence à faire une analyse, en demi-teinte, de mon expérience de berger. J’estime que le plus gros problème rencontré, durant ma mission, est mon manque d’entraînement, d’autant que je ne commence le métier de berger qu’à 60 ans. Je suis souvent tellement fatigué que je ne porte pas assez d’attention aux moutons. Quand je suis fatigué, pour lutter contre celle-ci, je bois beaucoup d’eau et je mange plus.

Philippe me reproche de ne pas avoir assez le sens de l’orientation. Je crois que c’est lié à la fatigue, parce que normalement, j’ai toujours eu un excellent sens de l’orientation.

 

Pour lutter contre la fatigue, je me fais, à chaque repas, d’énormes « plâtrées » de pattes, de spaghettis (des sucres lents), pour me maintenir en forme.

Je m’amuse à penser que Philippe, après mon départ, va peut-être me présenter à ses collègues, comme le pied-tendre citadin pas très débrouillard, tout le contraire du gaoubi provençal.

J’avais oublié mon téléphone en charge, dans son 4x4, c’est Philippe qui me l’a rapporté.

 

Le soir avant de m’endormir, j’imagine qu’il faudrait créer une série d’émissions de témoignages sur la « France qui travaille (ou qui gagne) ». Cela serait l’occasion de présenter les portraits de Philippe, Julien …

Je me dis aussi qu’il faudrait plus faciliter la création des entreprises en France (comme sur le modèle canadien).

Faudrait-il alors que les chambres de commerce prennent les candidats par la main, pour faciliter la création des entreprises ?

 

Philippe est exigeant mais juste. Il me fait confiance, … mais peut-être trop, à mon avis (!). Car je ne suis qu’un humble aide-berger.

 

Dans la journée, il y avait beaucoup de touristes et de randonneurs sur le site, le plateau étant sillonné par plusieurs sentiers de randonnées. J’admire au loin les évolutions, les belles figures de voltiges d’un planeur radiocommandé (car le site est réputé pour offrir d’excellentes conditions aérologiques pour ce planeurs).

 

Le ciel au loin devient orageux et un cumulus castelanus se transforme en un magnifique cumulo-nimbus, en forme d’enclume.

Ce soir, j’amène le troupeau à proximité des bâtiments de l’observatoire astronomique et des dortoirs des astronomes. Il me « démange » de pouvoir les rencontrer, mais je sais aussi qu’ils travaillent la nuit et donc mieux vaut ne pas les réveiller.

 

J’aime bien observer les agneaux et leur mère, comme ces deux bessons (agneaux jumeaux), qui bêlent en appelant leur mère et courent la rejoindre.

Contrairement aux vaches, les moutons n’arrachent pas l’herbe mais la cueille délicatement. Et j’aime bien donc aussi les voir brouter.

 

Lundi 13 juin 2016 :

 

Cauchemar lié à un épisode harcèlement professionnel passé (un patron me reprochant un acte que je n’ai pas commis).

Lever à 5h30 puis départ à 5h45 en direction de Calernet (et de Cipierre). Le ciel au lever du soleil est rouge. Le temps va changer et il ne va pas faire beau. C’est mon dernier jour.

A un moment donné, Marvin et Poppée ont poursuivi 2 jeunes cerfs, deux daguets, traversant l’estive à grande vitesse, bien sûr sans aucun résultat.

Lucky a encore fait des siennes, en courant après le troupeau, sans que je le lui ais ordonné.

 

J’arrive, vers 6h30, au lieu-dit Calernet, une vieille bergerie restaurée, située loin de tout, au bout d’un chemin de montagne, accessible qu’en 4x4. S’en suit une longue attente, cellede l’arrivée du berger Joshua et de son troupeau de 600 moutons. Finalement, son troupeau apparaîtra, se détachera sur crête, d’en face, vers 7h45. Le spectacle de centaines de moutons « coulant », en longues files, sur la pente (adret), venant de la cime d’en-face, au soleil levant, à ma rencontre, est magique et magnifique. Tous les brebis de ce troupeau sont blanches, de la race Préalpes du Sud , tondues à raz (récemment) _ on voit même le rose de leur peau, au travers de leur fine toison.

Joshua et moi mélangeons nos troupeaux vers 8h près de la bergerie. Les bêlements redoublent. Le rassemblement (ou les retrouvailles ?) des deux troupeaux est bruyant. Joshua est accompagné son propre chien de conduit et deux patous (en fait, l’un de ces chiens est un croisé de patou).

Nos patous respectifs se reniflent mutuellement, sans aucune agressivité.

Joshua est jeune berger, légèrement barbu, au look paysan, portant un béret basque noir, brodés d’images de moutons, un couteau Opinel, en bandoulière et de grosses groles militaires. Il a accompagné d’un ami, Maxime, qui l’aide en tant qu’aide-berger.

Joshua est Tourangeau (alors que le berger qui l’avait précédé, Alexandre, était Picard).

Dès qu’il voit Joshua, Marvin le mord « méchamment ». Tandis que Poppée, qui le reconnait, lui fait la fête. Là, j’avoue que je ne comprends pas, car pourtant Marvin devrait le connaître. Joshua ne s’en formalise pas : « il fait son travail ! ». Joshua reconnait Lucky et me dit « Lui, je n’en veux pas. [Sous-entendu : Il « éclate » le troupeau, il ne fait que des bêtises !] ».

Joshua était venu avec la Land-rover de son patron, M. Bruneau Mongeon, et une motopompe. Avec cette dernière, il pompe l’eau d’un puits situé sous la bergerie pour la déverser dans deux grands abreuvoirs circulaires, vers lesquels se précipitent les moutons.

 

Joshua porte une besace ou musette, contenant les produits de soins pour ses moutons. Il me dit qu’il a 50 brebis à soigner, chaque jour. Ses mains et phalanges sont remplis d’écorchures. Ses paumes comportent de plein de blessures et de trous, mal soignés.  Je lui demande ce qu’il lui est arrivé, il me répond laconiquement « c’est le travail ».

Il a eu son border colie, qu’il a aussi appelé Poppée, qu’il a acquis à l’âge de 2 mois. Il l’a acheté environ 700 € à un éleveur de Tourette sur Loup, Didier Fisher, éleveur et spécialiste en border colies (en tant que de chien de conduite), et lauréats de plusieurs concours mondiaux de conduites de troupeaux[96]. Depuis, son achat, le border colie de Joshua est tous les jours dans le troupeau.

Sinon, les chiots border colie s’échangent entre éleveurs.

 

Il occupe cet emploi de berger, depuis 4 ans. Le GIEQ pastoralisme Alpes maritimes[97], qui embauchait des aides-bergers, l’a formé durant un an, dont 7 semaines de formation théoriques et le reste de la formation, via des contrats de professionnalisation chez trois éleveurs.

Il me dit qu’il avait commencé des études dans l’environnement, mais suite à une dépression (et une déception amoureuse), il s’est reconverti dans le métier de berger (il n’est berger opérationnel que depuis 2 ans).

Il est passionné d’oiseau. Il est né dans une famille athée, et lui-même athée.

Maxime aime aussi la nature et avait eu un CDD de 3 mois, proposé par un parc national.

 

Joshua n’a pas les moyens de s’acheter un 4x4, mais rêverait d’avoir un Toyota Hilux.

Joshua me dit consulter la météo locale, chaque matin.

 

Il me demande d’attraper les brebis qui boitent. Mais ce n’est pas si facile, car je n’arrive pas à attraper les moutons les plus lourds. Ils ont de la force. Certains remuent si fortement que je n’arrive pas à les tenir. Joshua, lui, les immobilise avec facilité et professionnalisme. Joshua coupe une vilaine excroissance, située entre les onglons, qu’il dit être causé par une tique. Puis avec ce même cutter, il « pare » les onglons (il les taille).

Il se plaint surtout des tiques. Selon lui, ses propres Préalpes sont infestées de tiques. Mais toujours selon lui, elles ne sont pas porteuses de la maladie de Lyme.

Sinon, il peut y avoir des risques de charbon[98] et de paratuberculose[99].

Pour lutter contre les tiques, il faudrait du Lindane (du DDT), mais ce produit est interdit. On utilise maintenant des organophosphorés. Mais si l’on les emploie, alors l’on sort de la filière bio.

Philippe, qui nous a rejoint, et Joshua discutent de maladies.

Si l’on a du charbon, il faut incinérer les cadavres. Il faut les brûler aussi, s’ils ont la fièvre aphteuse.

D’autant qu’il existe des « champs maudits » contaminés.

 

Pour Philippe, la génétique [l’amélioration génétique des races] est importante. La Préalpes et la Dorcet sont fragiles. Selon lui, il faut garder les béliers des bonnes races rustiques et pas ceux produits par les techniciens.

Antérieurement, Phlippe m’avait parlé d’une maladie de peau, qui peut créer des ulcères et abcès au niveau des pieds, l'ecthyma[100]. (et d’une maladie la cauda ou la podo … ???).

L’humidité n’est pas bon pour les agneaux.

Il existe malheureusement énormément de maladies du mouton.

 

Bien que comme tous les chiens de défense, elle a été élevée au milieu du troupeau, Poppée aime souvent m’accompagner au lieu de rester au milieu du troupeau, contrairement à Marvin. Visiblement Poppée préfère la présence des humains. Joshua a beau lui lancer « Poppée, file aux brebis ! » (phrase que Poppée connait pourtant), Poppée revient toujours vers moi ou Joshua. Ce dernier lui reproche d’être trop « imprégnée » [par les humains].

 

Philippe pense qu’on pourrait construire un second « impluvium » proche de notre parc, avec un tracteur puissant et une sous-soleuse pour casser le socle pierreux et calcaire.

 

Philippe reproche à certaines banques de pousser certains agriculteurs, qui manquent de bon sens, à la dépense. Alors ce qui compte est l’investissement adapté, car il y a toujours de gros risques dans l’élevage. Il y a une grosse différence de prix entre un tracteur de 70CH et de 100CH. Il faut toujours faire l’achat justifié et pertinent.

 

Philippe me dit que s’il avait 1000 brebis, alors il pourrait faire alors des expéditions de viande en réfrigéré, vers les grandes villes (voire jusqu’à Rungis).

Je lui suggère, avec ses collègues éleveurs, de monter un restaurant, nommé « le hameau de la Reine », spécialisé dans les menus à base de moutons bio (à Nice, Canne, Antibes, Marseille).  [Il serait halal]. L’idée l’amuse mais il n’y croit pas.

 

J’ai enfin fini ma mission à midi.  J’ai passé le relais à Joshua, après l’avoir aidé à monter les filets de son grand parc.

Dans les prés, tout autour de ce parc, poussent de magnifiques lys blancs.

 

Sur le chemin du retour, Philippe me relate un épisode douloureux : il y a 15 ans, 91 brebis qui ont sauté d’une barre, à cause de deux chiens. Il a dû achever les survivantes. Les carasses ont été hélitreuillées.

Il me relate le cas d’écobuages illégaux, certains selon la technique « marlboro ».

 

Me retrouver de nouveau dans la ville, voir un supermarché, un chat se promenant avec son collier me cause un choc.

Cela me fait tout drôle de retourner à la civilisation.

 

Je me dis qu’il faut que je fasse un récit de cet expérience, dont le personnage central serait Philippe.

J’ai aimé sa philosophie, surtout celle de toujours regarder de l’avant, quelque soient les épreuves traversées.

 

Je lui demandé ce qu’il pense de la race Texel. Il me dit que c’est une race performante, qu’elle mange beaucoup, mais qu’elle part partout [dans tous les sens] (qu’elle n’est pas du tout grégaire, elle ne s’emmoulonne pas, comme les Suffolks, donc elle est difficile à conduire).  Il préfère nettement la Mérinos, pour sa docilité, son instinct grégaire.

Il me dit qu’à moment donné, il a envisagé de ne faire que de la brebis à laine, de la Mérinos. Mais la laine brute n’est acheté qu’au prix de un euro, le kg, ce qui n’est pas rentable. Par contre, le kilo de rubans de laine traités peut se vendre 21 €. Il en a ainsi vendu en Bosnie. Mais les brebis à laine était un gros investissement et finalement, il a laissé tombé.

Il me dit que le plus gros problème de l’élevage dans le Sud est l’eau [de l’approvisionnement en eau pour les moutons].

 

Mardi 14 juin 2016 :

 

J’écoute le hululement de la chouette vers 4h du matin.

Après nous êtes levés tôt, Philippe et moi nous quittons devant la gare de Mouans-Sartoux.  A 6h25, arrive un bus vers Cannes. Puis retour en train TGV vers Paris et sa « civilisation ». Dans le TGV, le contrôleur musulman, qui avait acheté un mouton à 117 €, pour l’Aïd, me dit n’avoir pas pu supporter de le voir se faire égorger. D’une manière générale, il me dit qu’il ne peut pas supporter de voir une bête souffrir.

Avec mon petit salaire de berger, le billet aller et le billet retour de TGV me grève (réduit) d’autant mon salaire.

 

Epilogue :

 

J’ai énormément aimé cette expérience, malgré la dureté physique du métier. En comparaison avec le monde du travail dans l’informatique, c’était presque comme des « vacances », mais des vacances très sportives, toute proportion gardée.

Le plus dur dans cette expérience a été ma difficulté à récupérer (il m’a fallu plus d’une semaine, après mon retour à Paris). A 60 ans, il faudrait que je sois très entraîné, bien plus qu’actuellement.

 De plus comme ce métier est très prenant, il faudrait que j’abandonne toutes activités associatives et humanitaires actuelles ! Ce qui n’est pas rien, pour moi ! Cette expérience sera-t-elle sans lendemain ?

Ou bien continuerais-je à prolonger cette expérience, mais seulement lors de petites missions courtes et ponctuelles ? Ou bien dois-je changer totalement de vie, en choisissant ce métier et en m’y engageant totalement ?

Ou bien dois-je privilégier ma sécurité financière et continuer à faire des CDD en informatique, en prévoyant seulement l’aménagement de courtes périodes durant la saison des estives, où je continuerais (prolongerais) cette expérience ?

Si veux être berger, il me faut changer totalement de vie, m’installer à la campagne, acquérir un véhicule. C’est un un gros investissement financier. Or je ne suis pas riche.

En plus ce boulot est mal payé, quasiment au SMIC, comportant des horaires énormes.

 

De plus, je n’ai jamais travaillé sérieusement dans le monde agricole. Or c’est un monde dur, où il faut être travailleur, courageux, avoir du bon sens, de la jugeote, le sens de réalité, et un côté bricoleur. Or est-ce vraiment mon profil ?

Il faudrait que « je paye le tablier » (il me faudrait énormément travailler pour réussir).

 

Philippe m’a toujours conseillé de faire l’école du Merle, la meilleure école de formation au métier de berger. Mais cette école est dure. Serais-je engagé ?

 

Avoir son propre troupeau est gros investissement, risqué au départ, même s’il y existe des lieux idéaux pour l’élevage, comme le long des berges de la Loire (pâtures certainement aux loyers faibles), dans la région du Lac du Der (de Vitry-le-François), qu’en utilisant des races rustiques comme la Rava, la Bizet (voire la Mourerous, la Mérinos d’Arles, la Solognote) etc. on limiterait les risques de maladies …

 

Sinon, pour sourire, je me dis, qu’en cas de fin du monde, un berger peut y survivre avec son troupeau de brebis laitières.

 

Philippe et moi continuons toujours à correspondre ensembles. Par exemple, nous avons correspondu au sujet d’un projet de conduite de mouton sur le tournage d’un film _ relatant l’enfance de Jeanne d’Arc _, qui ne s’est pas fait.

 

Philippe m’informe que les trois béliers qu’il a laissé chez l’autre éleveur sont morts. Depuis un certain temps, ils ne buvaient plus. Il se demande s’ils ne sont pas morts de soif. Peut-être ces béliers n’ont pas trouvé ou repéré l’abreuvoir dans le pré où ils étaient parqués. Il ne saura jamais de quelle maladie, ils sont morts. Parce qu’une autopsie coûterait trop cher.  Or le fait d’être mort de soif ne se voit pas justement à l’autopsie.

Je me demande si l’autre éleveur a agi avec sagacité.

De mon côté, je me suis demandé si ces béliers ne sont pas laissés mourir de faim, du fait d’être séparé de leur troupeau et femelles[101]. Philippe n’exprime pas en apparence son émotion. Mais je sais que perdre ses trois reproducteurs est un coup dur pour lui.

 

Pour conclure ce récit, je dirais que Philippe est un type exceptionnel, un très bon patron. Et je le recommanderais comme patron à d’autres bergers et futurs bergers.

Je précise qu’il m’a payé rubis sur l’ongle, et m’a même payé, en heures supplémentaires, la demi-journée supplémentaire non prévue au départ.

 

Annexe : Inventaire du matériel indispensable ou recommandé pour le métier de berger :

 

1)      Téléphone portable, disposant d’une grande autonomie, si possible étanche (contrairement à un Smartphone que l’on doit recharger, chaque soir)

2)      Chaussures de randonnée, de moyenne montagne, 

3)      Chaussures de travail étanches, type Grub’s, ou bottes.

4)      Cape de pluie.

5)      Veste Gore-tex.

6)      Ensemble ciré breton, veste, pantalon et capuche.

7)      Grand panneau solaire équipé d’une batterie Ni-ion d’une grande capacité,

8)      Chargeur USB – 220 V.

9)      Chargeur USB – allume-cigare 12 V.

10)   Bâton de berger,

11)   Houlette,

12)   Couteau suisse Victorinox ou pince-couteau Leatherman.

13)   Petite radio,

14)   Lampe torche puissante,

15)   Briquet,

16)   Montre étanche (de randonnée).

17)   Pantalon de travail et ceinture,

18)   Plusieurs tee-shirts.

19)   Plusieurs chaussettes de randonnée.

20)   Petit sac à dos de balade (20 litres).

21)   Un grand sac à dos 75 litres.

22)   Un coupe-onglon (ou sécateur).

23)   Une trousse de secours pour le berger et ses moutons (Bétadine, pansements, poudre d’oxyde de zinc + permanganate, pommade anti-piétin, pince à épiler (pour extraire les échardes) …).

24)   Fil à réparer les filets électriques.

25)   Scotch industriel solide.

26)   Trousse de couture.

27)   Ficelle.

28)   Thermos.

29)   Scie portative (?).

30)   Bien sûr, des provisions (si possibles énergétiques, pâtes, pain d’épice, dattes …).

31)   Le rêve, un camping-car, 4x4, équipé par Wesfalia, pour l’aménagement intérieur, type Vanagon Westfalia (si possible inférieure à 2,2 m de haut, afin de passer partout) (le Daily Iveco Clemenson, coûtait à sa sortie en 2011, 39.000 €. Mais il est plus haut et surtout beaucoup plus cher).

32)   (Parapluie de berger, anti-foudre). (Personnellement, je ne suis pas convaincu de son utilité, surtout parce qu’il est lourd, alors qu’un ciré est pratique).

33)   Sifflet d’alarme (et aussi, peut-être, pour appeler les moutons) …

 

>>>>>>>>>>>>>>>>>> 

« Touriste : bipède, le plus souvent ignorant tout du pastoralisme, se promenant sur l’alpage. Peut parfois semer le désordre dans les troupeaux de quadrupèdes en raison de son comportement insensé, voire calu. On doit lui pardonner : pour lui un troupeau gardé par un berger est une carte postale voire un anachronisme. Est obsédé par le fait de faire une photo. Il sera difficile de lui faire comprendre que troupeau, chiens et berger forment un collectif de travail.

C’est aussi un contribuable et parfois même un amateur de gigot qui mérite considération car il contribue par ses impôts et ses emplettes à assurer les fins de mois des éleveurs et des bergers. Contre toute attente, il est souvent curieux de la vie du troupeau et de son berger même s’il redoute de se faire dévorer par les patous. Il se dit même que certains bergers « font les touristes » dans des pays exotiques une fois l’estive finie »[102].

 

Annexe :

 

1)      Photos de mon expérience d'aide-berger, du lundi 23 mai au lundi 13 juin 2016, prises sur le massif de la Sarrée et le plateau de Calern (Alpes Maritimes) (68 photos) :

 

https://www.flickr.com/photos/develop-afrique/sets/72157669731344016

https://flic.kr/s/aHskCiPZ4W

 

2)      Photos prises, en mai et juin 2016, de la flore du massif de la Sarrée et du plateau de Calern (dans les Alpes maritimes), durant mon emploi de berger (38 photos) :

 

https://www.flickr.com/photos/develop-afrique/sets/72157669013511100

https://flic.kr/s/aHskBdoUmm



[1] Le récit de cette 1ère expérience au niveau de cette page Web : http://benjamin.lisan.free.fr/bergersdefrance/UneExperienceDAideBerger.htm

[2] Site : http://emploiberger.blogspot.fr/

[3] Cf. Petit manuel du berger d'alpage, Association de soutien aux projets d’interprétation et de recherches sur les activités pastorales (Aspir) & Alexis Nouailhat, pour les illustrations, Cardère éditeur, 2015. Source :  http://cardere.fr/doc/Manuel%20VI.pdf

[4] Petit Lexique du Pastoralisme en Provence, Pétrequin Paul, Le Monde alpin et rhodanien, Grenoble, n° 1/1995.

[5] Assaliaire, -ra (-arela) (M) : sel (celui qui donne le) (Provençal).

[6] Le genre Festuca regroupe des Poaceae _ des plantes de la famille des graminées ou Poaceae _, dont plusieurs espèces sont cultivées comme plantes fourragères. Exemple : fétuque élevée (Festuca arundinacea), Fétuque des prés (Festuca pratensis) etc. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9tuque

[7] Abondant dans cette garrigue, contrairement aux aubépines et églantiers rares.

[8] Source : http://www.sudouest.fr/2016/01/15/attaques-de-loups-pres-de-9000-ovins-tues-en-france-en-2015-2244101-706.php

[9] Exemple, du témoignage d’une éleveuse de Cipières (Alpes maritimes), dont le troupeau a été attaqué par les loups, en août 2015, malgré la présence d’un chien de défense, un berger anatolien : http://archives.nicematin.com/cipieres/le-loup-massacre-ses-brebis-une-eleveuse-azureenne-raconte-son-decouragement.2302486.html

[10] Site : http://www.cerpam.fr/

[11] Source : http://www.eleveursetmontagnes.org/revue-de-presse/1081-lextraordinaire-arnaque-de-la-protection-du-loup

[12] Source : http://archives.nicematin.com/nice/estrosi-le-loup-dans-le-mercantour-un-scandale-detat.1714600.html

[13]  Estrosi condamné pour ses propos sur la réintroduction du loup, France3 Côte d'Azur, 29 septembre 2015. Source : http://france3-regions.francetvinfo.fr/cote-d-azur/alpes-maritimes/nice/estrosi-condamne-pour-ses-propos-sur-la-reintroduction-du-loup-818633.html

[14] « Nice : Estrosi condamné pour avoir affirmé que le loup a été introduit par les gardes du Parc du Mercantour », Journal 20minutes.fr,‎ 19 mai 2016. Source : http://www.20minutes.fr/nice/1848511-20160519-nice-estrosi-condamne-avoir-affirme-loup-introduit-gardes-parc-mercantour

[15] Réintroduction du loup dans le Mercantour: Estrosi condamné une nouvelle fois, Nice matin, http://www.nicematin.com/justice/reintroduction-du-loup-dans-le-mercantour-estrosi-condamne-une-nouvelle-fois-50715

[16] Par ailleurs, je n’ai trouvé aucune déclaration des autorités du parc reconnaissant ce fait.

[17] En Provençal, le Cade est le nom vulgaire du genévrier oxycèdre (Juniperus oxycedrus) … Voir site : http://marius.autran.pagesperso-orange.fr/provencal/lexique_c.html

[18] Le Cade ou Genévrier cade (Juniperus oxycedrus), appelé parfois Cèdre piquant, Oxycèdre ou Petit Cèdre, est un petit arbre ou un arbrisseau fréquent en région côtière méditerranéenne (du Maroc à l'Iran), où il est l'une des plantes caractéristiques des garrigues et des maquis. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Juniperus_oxycedrus

[19] « Ce bois est l'ennemi des tronçonneuses de par sa dureté, et le bois de cœur est quasiment imputrescible. Le bois peut être utilisé dans la statuaire ; on en a fait aussi des linteaux de portes et des plaques ou objets anti-insectes et anti-mites à glisser dans les penderies. Il est également recherché en tournerie pour son odeur agréable et la beauté de ses cernes ». Source : ibid.

[20] « Du bois, on extrait par pyrolyse l'huile de cade. Il ne faut pas la confondre avec l'huile essentielle de cade qui est extraite à la vapeur d'eau. L'huile de cade est donc la fraction la plus légère obtenue après pyrogénation du bois de genévrier cade. C'est un liquide très coloré et d'odeur empyreumatique (odeur âcre de brûlé). L'huile de cade1 contient des sesquiterpènes (δ-cadinène, cadalène, calacorène, γ1-muurolène, etc.) dans la fraction volatile et des phénols (guaiacol, crésol). Elle contient des hydrocarbures et des phénols qui sont des substances toxiques. Les applications doivent être de courte durée en raison de risque cancérogène. ». Source : ibid.

[21] Je l’avais réinstallé récemment et donc lui avait donné un nouveau mot de passe. Or je n’arriverais jamais à retrouver ce mot de passe (d’autant que je ne l’avais noté nulle part. Probablement, j’avais, de plus, dû choisir un mot de passe trop complexe). J’ai été obligé de me connecter avec le login « guest » (login d’invité), ce qui est moins pratique (il n’a aucun droit). Ce n’est qu’à mon retour chez moi, que j’arriverais à réinitialiser les mots de passes administrateurs, dont le mien, sur cet ordinateur (sans avoir à réinstaller le système).

[22] Pour réinitialiser le mot de passe super-utilisateur (root) de votre PC, c’est assez facile (voir Google, « Google étant votre ami ») :

1.       Il suffit de redémarrer votre PC et d'appuyer sur la touche ESC (Echap) [ou Maj] : le menu Grub devrait apparaître.

2.       Ensuite, vous choisissez le boot de type "Recovery Mode" => vous avez alors un shell à votre disposition.

3.       Vous tapez alors : “mount -o rw, remount”

4.       Tapez alors la commande "passwd votre_nom_d_utilisateur" (votre_nom_d_utilisateur étant le login que vous utilisez pour vous identifier).

5.       Vous tapez : "sync"

6.       Puis redemarrez avec un petit "shutdown -r now" ou bien "reboot -f"

Source : http://korben.info/changer-le-mot-de-passe-dubuntu-quand-on-la-oublie.html

[23] Causées peut-être par les plantes auxquelles je me serais frottées dans la garrigue ?

[24] Croquettes Royal Canin Club adulte CC spécial performance. Par la suite, pour faire des économies, Philippe passera aux croquettes MILTON croquettes sport 30/14. Cela ne fera aucune différence pour Marvin et Poppée. Il n’y verront que du feu et se précipiteront, tout autant, dessus, avec la même voracité de grands fauves.

[25] « Homme libre toujours tu chériras la mer », Charles Baudelaire.

[26] Bétaillère à mouton IFOR WILLIAMS (coûtant, il y a 8 ans, 4500 € HT).

[27] Et je sais qu’aucun cordonnier maintenant voudra recoudre cette semelle, même avec une alêne de cordonnier, car cela serait beaucoup de travail.

[28] Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural. Site: http://www.safer.fr/ Les Safer ont plusieurs missions d'intérêt général : dynamiser l'agriculture et les espaces forestiers, favoriser l'installation des jeunes, protéger l'environnement ... Les Safer acquièrent des biens agricoles et ruraux dans le but de les revendre à des candidats dont les projets s’inscrivent dans des missions de service public telles que dynamiser l’agriculture, préserver les ressources naturelles, accompagner l’économie locale et assurer la transparence du marché.

[29] Friedrich von Schiller (mort à 45 ans), le mathématicien Niels Abel (mort à 27 ans), le mathématicien Evariste Galois (mort en duel à 21 ans), le mathématicien Alan Turing (mort par suicide à ans), l'écrivain Alain-Fournier (mort au combat à 28 ans), l'écrivain Charles Péguy (mort au combat à 41 ans), le musicien Georges Bizet (mort d'un cancer à 37 ans), le musicien Claude Debussy (mort d'un cancer à 56 ans), le musicien Maurice Ravel (mort suite à une opération du cerveau), le musicien George Gershwin (mort d’un cancer, à 39 ans), le poète Guillaume Apollinaire, l'écrivain Raymond Radiguet (mort à 20 ans une fièvre typhoïde mal diagnostiquée) l'écrivain Louis Pergaud, le peintre allemand August Macke (mort à ans au combat), le peintre Georges-Pierre Seurat (mort à 31 ans, des suites d'une angine infectieuse ou d'une diphtérie), le peintre Vincent Van Gogh (mort à ans d'un suicide), l'aviateur Eugène Adrien Roland Georges Garros (mort au combat à ans),  l'aviateur Antoine de Saint-Exupéry  (mort en mission à ans), le philosophe Albert Camus (mort dans un accident automobile, à ans), le poète russe Alexandre Pouchkine (mort en duel, à 38 ans), Federico García Lorca, poète espagnol fusillé à 37 ans, le chimiste Antoine de Lavoisier, guillotiné à 51 ans, le botaniste et généticien russe Nikolaï Vavilov (mort à 46 ans, en goulag), l’écrivain Romain Gary (mort par suicide, à 66 ans), le chimiste Pierre Curie (mort dans un accident), l’architecte Antoni Gaudi (mort dans un accident à 73 ans), le musicien Wolfgang Amadeus Mozart (mort à 35 ans, peut-être des suites d'une insuffisance rénale ( ?)), le musicien Frédéric Chopin (mort de tuberculose, à 39 ans), l'écrivain allemand Stefan Zweig (mort par suicide, à 61 ans), l'écrivain Paul Nizan (mort lors de la bataille de Dunkerque, à 35 ans), l'artiste peintre mexicaine Frida Kahlo (morte à 47 ans, peut-être par suicide) …

[30] Abordant des sujets aussi variés, que les études que l’on n’a pas pu faire, les voyages, que l’on n’a pas pu entreprendre, ou les sports que l’on a jamais pu pratiquer (parce que trop coûteux, trop durs …), les amours que l’on a pu que rêver (parce que l’objet de son amour est marié, parce qu’il est riche et que vous êtes pauvre, parce que l’on a été trop timide, qu’on a des complexes et que l’on ne s’est pas déclaré à l’être aimé, à cause de quiproquos, de préjugés …)  …

[31] Comme pour l’écrivain et essayiste, George Orwell, le musicien César Franck, le chanteur Alain Bashung etc.

[32] Je suis un peu sensible. Et même si je sais que mes moutons ont comme finalité de finir en viandes, côtelettes, gigots, cette perspective pour eux ne m’enchante guère. J’espère au moins que mes moutons auront pu être heureux durant leur vie (raccourcie). Parfois, je faisais un rapprochement abusif, pensant que le nazisme traitait les êtres humains comme du bétail, n’hésitant pas à sacrifier les vies humaines, dès que les êtres humains n’étaient plus productifs. Or si la bête boîte, l’on ne va pas dépenser de l’argent en frais vétérinaire pour le soigner et il part alors à l’abattoir. La comparaison s’arrête-là car un mouton est beaucoup moins intelligent qu’un homme et n’a pas conscience de son avenir (il vit dans l’instant présent) et, ici, on les traite bien mieux que les prisonniers des camps de concentration. Et d’ailleurs, quand je les voie vivre, je constate qu’elles sont heureuses et elles seraient peut-être encore plus heureuses, s’il n’y avait pas le berger, qu’elles perçoivent comme un « papa fouettard » (et, bien sûr, aussi le loup, de retour ici dans la région).

[33] J’ai une forme de pensée qui procède, sans cesse, par associations d’idées et par inférences. Dès je visualisais les monstruosités du nazisme, j’ai tout de suite imaginé la nécessité de l’existence d’un essai cherchant à déterminer les causes du nazisme, que j’aurais intitulé « Qui est responsable du nazisme ? ». Est-ce lié 1) à l’héritage de l’antisémitisme médiéval chrétien, 2) aux théories racistes, de penseurs du 19° siècle, dont celles a) de Joseph Arthur de Gobineau, avec son « Essai sur l'inégalité des races humaines », b) de Houston Stewart Chamberlain, dont le livre Son livre « La Genèse du XIXe siècle » a contribué à alimenter les courant d'idées pangermaniste et le völkisch puis, à plus long terme, le nazisme (ses écrits ayant inspiré Alfred Rosenberg et Adolf Hitler), 3) au courant et aux associations pangermanistes et racistes (voire occultistes, comme la société de société Thulé ou l’ordre de Thulé (?)), 4) aux théories du darwinisme social de Spencer et aux théories génétiques eugénistes, 5) au désir de revanche des courants pangermanistes, suite à la défaite de l’Allemagne en 1918 et à l’humiliation du traité de Versailles, 6) ou bien à la folie intrinsèque d’Hitler elle-même ? Puis après, j’imagine l’écriture d’une étude sur la psychologie des conquérants et dictateurs : Hitler, Mahomet, Napoléon, Tamerlan, Gengis Khan, Cambyse, Alexandre le Grand, … (en insistant particulièrement sur l’analyse psychologique de Mahomet, un cas à part).

[34] Gaoubi, gàubi (n.m.) [Provençal] : Avoir du gàubi, c'est avoir de l'adresse, de la dextérité, du savoir-faire, une aisance naturelle.

[35] Elles sont appelées cabornes, dans le Lyonnais. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Borie, https://www.pierreseche.com/terminologie_des_cabanes_en_pierre_seche.html, https://fr.wikipedia.org/wiki/Cabane_en_pierre_s%C3%A8che, http://montsdor.com/content/quest-ce-quune-caborne 

[36] Il est possible que certaines pierres porteuses se soient fissurées avec le gel, d’où, peut-être, la raison de l’écroulement de la borie.

[37] J’ai oublié d’apporter, dans mon sac à dos et mes affaires, une trousse de secours (avant de partir de Paris).

[38] Un ami m’affirme que j’aurais dû empêcher les patous de manger des os, car, selon lui, les empoisonnements contre le loup bien qu’interdits sont fréquents dans les régions, où les éleveurs sont galvanisés par les chasseurs et les déclaration anti-loup d’Estrosi.

[39] Avec de fortes canicules, le thermomètre a grimpé jusqu'à 39°C, à Gourdon (Alpes Maritimes). Source : http://la.climatologie.free.fr/secheresse/secheresse1.htm#sec7

[40] Dont une variété de luzerne possédant le gène microRNA156. Source : http://journalagricom.ca/une-luzerne-resistante-a-la-secheresse/

[41] Dont la variété de plantain CERES TONIC. Source : http://paturesens.com/le-plantain-ceres-tonic-une-plante-revolutionnaire/

[42] Selon l’ouvrage « Mémento de la flore protégée des Alpes maritimes », page 156, éditions du Cabri (et ONF), on trouve aussi dans ce département l’impérata cylindrique (Imperata cylindrica), une poacées pyrophile [qui aime le feu], tropicale, des régions chaudes et sèches. Ce qui est curieux qu’étant peu fréquente en France, l’on cherche à l’y protéger, alors que dans d’autres régions, l’on cherche à s’en débarrasser, cette plante étant considérée comme l’une des 100 espèces les plus envahissante au monde par l'UICN (Union internationale pour le Conservation de la Nature). Mais rien ne peut confirmer, pour l’instant, que sa présence en France est la preuve du réchauffement climatique. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Imperata_cylindrica

[43] En portant, tous les matériaux (sac de ciment etc.) sur son dos (!).

[44] Dans mon désir « fou » de l’aider, j’imaginais faire intervenir une troupe de scouts adultes (pionniers et compagnons) et une équipe de spéléologues ou de volcanologues, équipée d’un treuil manuel et d’un trépied de levage (dont l’avantage est sa capacité de levage jusqu’à 1000 kg et son faible poids (10 kg)) ou/et d’une tyrolienne, pour faire monter de lourdes charges et matériaux de construction destinés à reconstruire ce barrage endommagé. Exemples : a) trépied et treuil manuel, d’une tonne de levage, avec seulement avec 7 m de câble (et pour un prix de 3 570,00 €) : http://www.solutionlevage.com/accessoires-de-levage/portiques-d-atelier-trepieds-en-acier-et-en-aluminium/trepieds-de-levage/trepied-en-aluminium-wda-avec-treuil-capacite-0-2-t-a-1-t.html , b) avec un treuil manuel équipé d’un câble de 20 m, pour une charge utile de 135 kg, http://www.dumont-securite.fr/treuil-manuel-at200l20.html

[45] Ayant toujours, sans cesse, une forte imagination, donc pour reconstituer le plot abîmé de la batterie et lui redonner son diamètre originel, j’avais imaginé percer, dans une plaquette de bois, de l’épaisseur égale à la hauteur du plot, un trou de la taille du plot disparu, puis de placer le plot actuel dans le trou la plaquette, puis de verser de la soudure étain fondue (préalablement chaudée dans une cuillère, par un réchaud à gaz ou une lampe à souder). Le choix d’une planche en bois devrait éviter que l’amalgame d’étain colle au bois. Finalement, Philippe préférera racheter une nouvelle batterie.

[46] Le prix d'un hélicoptère Robinson neuf est quand même de : a) 350 000 € HT (pour le modèle 2 places R22), b) 450 000 € HT (pour le modèle 4 places R44), 980 000 € HT (pour le modèle 6 places R66) ! Ce n’est pas à la portée de tout le monde.

[47] Les qualités de cette race, en raison d'une une bonne aptitude de résistance à la chaleur et aux maladies parasitaires liées au climat, en font aujourd'hui la première race bouchère en Afrique du Sud avec 45 % en nombre d'animaux. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bonsmara

[48] Il a une très bonne résistance aux parasites internes, infestations quasi inexistantes de parasites externes. Il résiste bien à la sécheresse. Son taux de productivité est excellent avec 2 à 2,3 agneaux produit par an. L'instinct maternel et protecteur des brebis est très prononcé. La qualité de son cuir est exceptionnelle. Source : http://www.elevagecodd.com/le_mouton_dorper_876.htm

[49] Sa houlette est entièrement en aluminium. Mieux vaut alors ne pas la prendre avec soi, par temps d’orage.

[50] En plus de mon bâton, j’ai toujours une casquette rouge, sur la tête, afin que mes moutons ne repèrent plus facilement.

[51] Il faudrait la reverdir avec une légumineuse qui supporte la sécheresse, comme le mélilot jaune ou la fèverole (ou la fève, le pois-chiche …).

[52] Pourtant, cette extermination est visible dans les statistiques de la jeune République turque, où l'on ne signale en 1927, parmi les minorités vivant en Turquie, que 64 000 Arméniens. Où sont donc passés tous les autres ? (c'est-à-dire où sont passés les 1,5 millions d’Arméniens, recensés avant 1914).

[53] Déjà dans les années 1880, il y a eu les 100 000 morts des grands massacres de chrétiens, de 1895, dans l’empire ottoman.

[54] La liberté religieuse n’existe toujours pas en Turquie, en 2016, comme dans les 57 pays musulmans.

[55] Dans mon imagination délirante, j’imagine équiper les moutons de chaussons-sabots, pour leur éviter le piétin et les blessures.

[56] Les orties sont nitrophiles. Elles aiment l’azote. Et donc, elles aiment les terrains ayant reçus beaucoup de déjections animales (dont l’urée de l’urine, qui est un engrais azoté).

[57] Moi-même, j’avais connu un éclair qui n’était pas tombé loin, sur une ligne à très haute tension, qui passait au-dessus de nous, lors d’une randonnée, alors que j’étais en colonie de vacances. Je devais avoir 14 ans.

[58] J’avais déjà perdu mes bâtons de marche, sur l’estive de la Bane d’Ordanche, au moment du démontage et du rangement des filets, quatre ans auparavant (le parc à mouton pour des milliers de brebis étant très vaste, l’herbe haute et j’étais très fatigué).

[59] Leonard Nimoy, le Monsieur Spock de Star Trek, est mort, malheureusement, le 27 février 2015.

[60] Car j’hésite à cause de la dureté physique du métier, ses longs horaires (qui ne peut me laisser le temps de l’occuper de mon association). Sinon, il n’est pas bien rémunéré, non plus (sauf à passer au statut d’éleveur berger).

[61] Pour lutter contre le piétins et d’autres maladies fongiques ou bactérienne du pied, les éleveurs font passer régulièrement leur mouton dans un long pédiluve, rempli d’une solution aqueuse à base de bouillie bordelaise ou de sulfate de cuivre, un traitement coûteux.

[62] Voir site : http://www.groupedufour.fr/

[63] Même le crowdfunding (ou les « prêts d’unions »), il n’est pas certain qu’il aurait trouvé les fonds suffisants.

[64] Cela serait à cause de l’affaire du Rainbow warrior, que la France serait désormais obligé d’accepter la viande de mouton néozélandais ( ?).

[65] Source : https://www.facebook.com/ensembleautravail/videos/1305228402825867/  & https://www.facebook.com/hashtag/lebonheurautravail?source=feed_text&story_id=1401310053217701

[66] http://www.letudiant.fr/metiers/metiers---portraits-de-pros/les-20-ans-de-jean-louis-etienne-comment-il-est-devenu-explorateur.html

[67] On affirme souvent que « Plaie d'argent n'est pas mortelle » ou « l’argent ne doit pas être un obstacle à la réalisation de ses rêves », mais des problèmes financiers graves peuvent pousser au suicide, surtout quand l’on n’est pas solide mentalement (ou qu’aucun membre de votre famille vous aide ou vous soutient).

[68] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Into_the_Wild

[69] Consultez ces sites Internet : http://transhimalayenne.free.fr  & http://transhimalayenne.chez.com

[70] Cf. http://transhimalayenne.free.fr/Nov_GU_CHU.htm & http://transhimalayenne.free.fr/BILAN_TOURNEE_au_24_fev_2004.doc

[71] Car souvent les salles de conférences étaient peu remplies.

[72] Toutes répétaient qu’à plus de 50 ans, j’étais trop vieux pour faire de l’humanitaire !

[73] Car je n’ai amené ni chausson, ni tong, ni sabot de jardinier, lors de ma mission.

[74] Ce pays était exportateur, au niveau produits agricoles (blé, oranges …), ce qui n’est plus le cas actuellement.

[75] La mort par faim de milliers d’Algérie a été commise, souvent en toute inconscience, à cause de certaines erreurs administratives, lors des déplacements forcés des populations, dans les Aurès, Kabylie etc. (Source :  une interview de Michel Rocard).

[76] Site : www.containers-solutions.com

[77] A rapprocher de l’adage « la jeunesse veut l'espace, la vieillesse le temps ».

[78] C’est une maladie qui pourrait survenir chez les éleveurs (même si elle n’est pas reconnue comme maladie professionnelle pour eux), peut-être à cause de fréquentes manipulations d’animaux, souvent pesants. Les mouvements répétitifs et les microtraumatismes répétés à une articulation peuvent provoquer une usure anormale conduisant à l’arthrose.

[79] Ou étang à la rosée (dew pond en anglais), un étang intentionnellement creusé au sommet d'une colline pour les besoins du bétail, qui se remplit avec l'eau de pluie.

[80] Décédé le 18 avril 2016, à 86 ans.

[81] Cette famille de plante est intéressante pour ses composés chimiques. La présence d'huiles essentielles signe cette famille. Il y a certainement certains principes actifs encore à découvrir dans certaines plantes de cette famille non encore étudiées.

[82] Elle ressemble à une aconit napel (mais cette dernière étant très toxique), ce qui n’est pas le cas de la sauge.

[83] Que je laisse toujours ouvert juste avant le début de ma tournée.

[84] Je dois tirer mes erreurs envers Lucky et en tirer les conséquences.

[85] C’est un centre de vacances de luxe. Site : http://www.domainedelamale.fr/

[86] Philippe a déjà vu des drailles où les moutons se suivaient à la queue leu leu sur plus de 3 km, dans le Queyras.

[87] Depuis une dizaine d'années ces petits arbustes dépérissent sous les coups de boutoir de deux maladies causées par des champignons microscopiques (Cylindrocladium buxicola et Volutella buxi) quand ils ne sont pas littéralement dévorés par les chenilles de pyrale (Cydalima perspectalis), un papillon importé récemment d'Asie. Source : http://www.lefigaro.fr/jardin/2015/04/02/30008-20150402ARTFIG00426-pyrale-volutella-cylindrocladiose-comment-vaincre-les-ennemis-du-buis.php

[88] En France, la lavande est aujourd’hui aussi en danger, par la présence d’une maladie grave due à un phytoplasme transmis par une espèce de cicadelle. Source : http://www.anova-plus.com/blog/deperissement-lavande-production-mise-en-danger-les-phytoplasmes/

[89] Alors que mon désir est justement qu’il soit satisfait de moi, de ma mission et qu’il ait donc envie de me reprendre.

[90] Site : http://www.florihana.com/fr/

[91] Je ne savais, d’ailleurs, pas que le chiendent était nitrophile, c'est-à-dire aimant l’azote _ l’azote étant, ici, fourni par les déjections des moutons ayant occupé ce parc.

[92] Un agriculteur, en fermage, laisse des cuscutes dans ses luzernes, commet une faute grave pouvant amener à la résiliation de son contrat de fermage. Parce qu’il existe justement des produits phytosanitaires anti-cuscutes, selon Philippe.

[93] Que j’aimerais pouvoir utiliser le captage d’eau utilisé par l’observatoire pour mes moutons !

[94] Julien Gaubert, Apiculteur, 06460 Saint Vallier de Thiey. Tel : 06.67.78.74.91

[95] J’en suis, moi-même, déjà convaincu.

[96] Il vend ses chiots de 2 mois, entre 700 et 750 €. Sites : http://www.border06.com/ & http://bluesdesalpages.chiens-de-france.com/site_eleveur/index.php?ID_ELEVEUR=14275&ID_SITE=15984  

[97] Site : http://www.appam06.fr/

[98] Produisant une entérotoxine.

[99] Une maladie bactérienne chronique des ruminants, caractérisée par le développement lent d’entérite productive, diarrhée intermittente, l'émaciation progressive et la mort des animaux. Source : http://materiel-pedagogique.com/Botanique_et_m_nages_ruraux_dans/33075-La_paratuberculose.html

[100] L'ecthyma contagieux est une maladie de la peau due à un virus de la famille des Poxviridae. Le virus infecte les moutons, les chèvres et les ruminants sauvages. Source : http://www.fodsa.com/index.php/actions-sanitaires/caprins/89-lecthyma-contagieux-des-ovins-et-des-caprins

[101] à moins qu’ils se soient imaginés être réformés … c'est-à-dire destiné à devenir des merguez … en supposant, toutefois, que leur imagination limitée puisse aller jusque-là (!)

[102] Source : http://cardere.fr/doc/Manuel%20VI.pdf