Petits rappels sur la méthode scientifique

 

Par Benjamin LISAN, 2007 (Version courte).

 

Voici un certain nombre de règles qui sous-tendent la démarche critique de la méthode scientifique :

 

·        Remettez l’Autorité en question.

·        Une hypothèse n’est pas vraie, simplement parce que quelqu’un l’affirme, y compris moi.

·        Pensez par vous-même.

·        Remettez-vous en question.

·        Ne croyez pas en une théorie, uniquement parce qu’elle vous séduit.

·        Croire n'est pas détenir la vérité.

·        Confrontez les idées aux preuves établies, grâce à l’observation et à l’expérimentation.

·        Si une hypothèse privilégiée échoue à un test bien conçu, c'est qu'elle est fausse. Passez à autre chose.

·        Si vous n’avez rien de tangible, réservez votre jugement.

·        N’oubliez pas que vous faites peut-être fausse route. Les meilleurs scientifiques, eux-mêmes, se sont trompés sur certains sujets.

 

Pour la science, il n’existe pas de suspension des lois connues de la nature, suite à l’intervention de phénomènes magiques ou de forces supérieures, qui ne procéderaient pas de lois globalement déterministes[1]. Le surnaturel aux yeux de la Science, n’existe pas.

La Science admet l’existence d’une réalité ultime et certaine. La démarche scientifique est aussi basée sur la conviction _ la confiance _ que le monde observé n’est pas essentiellement trompeur et que des vérités intangibles, voire immuables, existent dans l’univers. De cette réalité ultime découlerait toutes les lois. Aucune loi ne peut contredire une autre loi.

Ces lois sont vraies en tout lieu et tout temps, vraies sur terre au XX° siècle, encore vraies, le siècle suivant ou même dans des millions d’années et dans tout l’univers (à n'importe quel endroit de l'univers, hors trous noirs).

 

Les scientifiques préfèrent utiliser la Raison, pour connaître et comprendre la Réalité, plutôt que de faire appel à d’autres démarches : démarche mystique, démarche métaphysique ... La Science conserve un optimisme certain dans les capacités de la Raison Humaine, à pouvoir percer tous ou presque tous les secrets de la Nature. Ils partent du principe que l’univers reste intelligible à la Raison Humaine.

Ils mettent en avant le Doute systématique. C’est un des fondements de la démarche scientifique. La science admet que toute vérité doit être vérifiée et peut-être remise en cause, chaque fois qu’un nouveau fait est apporté. Elle prône le libre examen de toute théorie, à condition que ce libre examen ne soit pas gratuit et puisse apporter de nouveaux éléments.

 

Elle procède par étapes, selon le cycle « observation de nouveaux faits-> élaboration d’une nouvelle théorie -> vérification de la théorie par l’observation ».

 

Plus précisément, elle procède par :

1.  une phase d’observations précises, si possible quantitatives, et pas seulement qualitatives, d’un phénomène ou d’un ensemble de phénomènes, attirant l’attention, par leur nouveauté ou/et par leur difficulté à pouvoir être expliqués par une théorie connue.

2.  une décomposition du phénomène complexe observé, en phénomènes simples, faciles à appréhender pour l’esprit et à mesurer,

3.  une tentative de ramener, sans a priori, ces observations simples, à des explications simples connues,

4.  si ce n’est pas le cas, une tentative d’élaboration d’une nouvelle théorie, composée d’explications simples, déduites de la généralisation des faits et lois constatés par l’observation (C’est la phase du processus d’induction, l’étape la plus intuitive de la démarche scientifique),

5.  une phase de vérification de la théorie, par observations rigoureuses des faits particuliers prévus par la théorie (c’est la phase de déduction). Cette étape est celle qui est menée avec le plus de minutie. Toutes les conséquences d’une nouvelle théorie doivent être vérifiées, sans exception. Aucune anomalie entre la théorie et l’observation, aucun doute ne doivent subsister.

 

Contrairement au religieux, le scientifique n’affirmera jamais posséder la vérité infuse, absolue, mais simplement une vérité relative aux connaissances acquises à l’instant présent, et pouvant être remise à l’importe quel moment en fonction de l’acquisition de nouvelles connaissances, obtenues par l’expérimentation.

La démarche scientifique est faite de discussions, si possibles sereines, et de remises en cause permanentes.

Concernant un fait nouveau, les doutes concernant son explication (voir principe du rasoir d’Ockham, ci-après), doivent être poussés au maximum, jusqu'à leurs extrémités les plus radicales, mais sans fanatisme.

Le fanatisme et la croyance ne peuvent strictement pas coexister avec l’esprit scientifique.

 

La démarche scientifique admet que nos sens et notre raison peuvent se faire abuser par des apparences et par des erreurs de jugement. En effet :

 

· nos opinions, a priori, préjugés, jugements, en particulier les phénomènes inconscients d’attente, peuvent déformer toute vérité ou recherche de vérité,

· nos propres raisonnements peuvent comporter des erreurs, des méprises et des failles (voir exposé ci-avant, les exemples d’erreurs de jugement lié au bon sens)

· nous pouvons être abusés par les charlatans, les escrocs, les mystificateurs,

· nos cinq sens, fort utiles pour toute observation, peuvent nous abuser (par exemple par les illusions optiques, sonores),

· l’instrument employé pour une observation, la déformera intrinsèquement.

 

Un des principes, les plus intuitifs de la démarche du scientifique, est connu sous le nom de « rasoir d’Ockham », ou « principe d’économie ».

Guillaume d’Ockham, un théologien et philosophe du moyen âge, l’inventeur du principe, a insisté sur le fait que les fondements de la science devaient être tirées de l’expérience et que l’explication la plus simple devait être toujours être préférée pour expliquer le monde et ses mécanismes. Le fil du rasoir de ce principe, est souvent utilisé pour trancher entre toutes les théories, utilisées pour expliquer le monde.

Si l’on ne peut trouver d’explications connues, les ayant toutes épuisées, on part du principe que tout phénomène nouveau et inconnu peut être ramené à un succession d’explications simples à rechercher et trouver.

C’est un garde-fou, pour éviter toutes les dérives et les délires.

 

Par exemple, plutôt qu’avancer une explication hautement improbable scientifiquement ou délirante, pour le « voyage nocturne à Jérusalem, de Mahomet, sur le cheval volant Bouraq[2] », et affirmer que ce genre de cheval volant existe réellement, plutôt choisir des explications plus rationnelles comme :

 

1)      C’est un rêve nocturne qu’a vécu Mahomet (où il confondait rêve et réalité).

2)      C’est une vision (hallucination) causée par a) une épilepsie du lobe temporale, b) une psychose.

3)      C’est une vision (hallucination) obtenu par un état hypnagogique (un état proche du sommeil).

4)      Il a menti (du fait de sa mythomanie ou pour des motifs politiques, afin de galvaniser ses troupes etc.)

 

Selon une citation de Louis Pasteur qui est vraisemblablement authentique[1] [2] : « Quand j’entre dans mon laboratoire, je laisse mes convictions [religieuses, politiques …] au vestiaire »[3].

 

« [Actuellement] un scientifique qui, en quête d’explication d’un phénomène nouveau, se permettrait ne fût-ce qu’une légère allusion à une intervention divine verrait son travail éjecté du monde scientifique. Il serait évidemment recalé au cours de la procédure de relecture par ses pairs : un argument de ce type est irrecevable pour une revue scientifique qui ambitionne de l’être »[4].

 

En 1847, Victor Hugo nous rapporte que le savant François Arago aimait à raconter l’anecdote suivante : lorsque Laplace publia les derniers tomes de sa Mécanique céleste, l’empereur Napoléon, vers 1802, le convoqua et l’apostropha, furieux : « Comment, vous donnez les lois de toute la création et, dans tout votre livre, vous ne parlez pas une seule fois de l’existence de Dieu ! – Sire, répondit Laplace, je n’avais pas besoin de cette hypothèse »[5] [6].

 

« [...] Le parti pris matérialiste n’est pas le résultat d’une preuve que « la Science » nous fournirait _ il est au contraire une condition sine qua non pour faire de la science.

 

C’est en ce sens que la science [la démarche scientifique] est [une démarche matérialiste] athée. Pasteur ne signifiait pas autre chose en déposant sa foi au vestiaire de son labo. Chacun comprendra que tous les vêtements que les chercheurs du monde entier ont déposés au vestiaire depuis que le monde est investigué, disséqué, modélisé, théorisé, ont fini par dépouiller le royaume des cieux de nombre de ses atours. Ce qui prouve au moins que le partage des magistères est évolutif, et pas en faveur des religions.

 

En fin de compte, l’athée que je suis se contente sans hésiter de la posture précisée ici : je m’efforce de comprendre le monde que j’habite, de le changer, de l’améliorer, d’agir dans lui et sur lui, et pour ce faire, l’hypothèse divine est un frein [à la démarche scientifique] »[7].

1         Bibliographie

 

[1] La démarche scientifique face à la parapsychologie : méthode et prudence scientifiques, Benjamin LISAN, 20 pages, http://benjamin.lisan.free.fr/jardin.secret/EcritsScientifiques/pseudo-sciences/DemarcheScientifiqueFaceParapsycho.htm  ou sur le site de « Science et pseudosciences », http://www.pseudo-sciences.org/article.php3?id_article=138

[2] La science est athée, Pierre Gillis, http://www.atheeshumanistes.be/blog/tag/science-athee/

[3] Qu'est-ce que le matérialisme ? : Introduction à l'analyse des complexes discursifs, Patrick Tort, Belin, 2007.

 

 



[1] La science rejettera, comme impossible, le fait suivant est relaté par la Bible (Josué 10,13) : l’arrêt, pendant un jour entier, de la course du soleil vers le couchant et de la lune, sur une simple injonction du chef du peuple d’Israël, Josué.

[2] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouraq & https://fr.wikipedia.org/wiki/Isra_et_Miraj

[1] Vraisemblablement : on a en général intérêt à vérifier l’authenticité des prises de position attribuées aux savants en matière de religion, nombre d’entre elles font partie des légendes construites autour de personnages d’exception – mais pas pour Pasteur.

[2] Source : https://qqcitations.com/citation/154288

[3] Mais Pasteur, catholique, aurait aussi écrit : “Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène.”, Source : QQ Citations - https://qqcitations.com/citation/107254

[4] La science est athée, Pierre Gillis, http://www.atheeshumanistes.be/blog/tag/science-athee/

[5] Choses vues 1847-1848, Paris,Victor Hugo, Gallimard, 1972, 505 p.

[6] http://www.eoht.info/page/Napoleon+Laplace+anecdote

[7] La science est athée, ibid.