Mes motivations pour la reforestation dans le monde

 

Par Benjamin LISAN

Le 8 juin 2011.

 

Je suis né à Madagascar. Et mes premiers souvenirs y ont été ces multiples feux de brousse et feux de la culture sur brûlis (appelé Tavy sur l’île),  allumés par les agriculteurs ou éleveurs malgaches et que nous observions partout dans le paysage de l’île.

 

Puis j’ai vécu en Afrique _ Algérie, Côte d’Ivoire, Maroc … _ entre 73 et 85.

 

J’y avais constaté une déforestation galopante, déplorable et catastrophique, les belles forêts primaires étant remplacées par des cultures monotones _ d’ananas, de caféiers, de cacaos, d’hévéas … _ à perte de vue sur des milliers de km2.

 

Par ailleurs, en d’autres lieux, les quelques moignons de forêts encore préservées et lentement grignotées par l’homme, sont implacablement et progressivement remplacées par des savanes ou landes pauvres où ne subsistent que quelques fromagers géants, quelques palmiers « chasse-mouches ». Ou bien encore sont remplacées par une terre latéritique rouge stérile ou bien du sable 

Quand on survole, en avion, Madagascar, on ne voit que terres et savanes pelées, ravages de l’érosion _ les lavakas, sortes de ravines d’érosion creusées dans la terre du pays _, la désertification de l’île à cause des tavys _ feux allumés dans les forêts par les agriculteurs _  et les feux de brousse allumés par les éleveurs. Les paysages de l’île ressemblent de plus en plus aux paysages ravagés d’Haïti.

 

Et plus récemment, en 2008, à Madagascar, j’ai encore vu des feux, dans le Parc National d’Isalo … Bref, j’ai toujours l’impression que cette catastrophe permanente (cette déforestation) ne s’arrête jamais à Madagascar.

Tous ces feux que je vois partout sur l’île, depuis mon retour à Madagascar, en 2008 … me font mal au cœur.

Et ce problème semble s’aggraver avec la crise politique à Madagascar, depuis 2009. En tout cas, je ne vois pas d’amélioration, à court terme. Et il faut vraiment faire quelque chose à Madagascar. C’est vraiment URGENT !

 

Au Maroc, des espèces d’arbres précieuses à pousse lente, comme l’arganier ou le genévrier thurifère, sont en voie de disparition. Leur ère de répartition est à peine 10% de celle qu’ils occupaient en 1900.

 

Cette déforestation rapide, qu’on observe dans les pays en voie de développement, est liée soit à la mise en place de gigantesques plantations d’espèces végétales productrices d’une richesse économique particulière. Celles-ci sont alors toujours motivées par des raisons économiques[1].

 

Ces gigantesques monocultures tiennent rarement compte (ou jamais) de la biodiversité locale, qui pourraient pourtant être source de nouvelles richesses insoupçonnées, pour la recherche médicale, pour la connaissance de notre planète et de ses mystères, pour le développement du tourisme _ d’un tourisme respectueux de l’environnement etc.

 

                La déforestation, dans les pays les plus pauvres (comme Haïti, Madagascar …), est surtout liée à la recherche, par les hommes, de bois pour le feu, pour la cuisson, le chauffage et de bois d’œuvre pour la construction… mais aussi liée à la culture sur brûlis, consistant à brûler une partie de la forêt originelle, pour obtenir une parcelle de terre défrichée, qui n’est fertile pour les cultures de l’agriculteur que durant une moyenne de 5 ans, avant que la parcelle devenue stérile soit abandonnée par ce même cultivateur.

 

A force de défricher, ce dernier, un jour, n’aura plus de forêt à défricher, pouvant encore alimenter son système d’agriculture itinérante. Et n’ayant définitivement plus de terre fertile sous la main et sa houe, il deviendra encore plus pauvre.

 

Car aucun d’entre eux ne pense, après leur passage, à replanter les arbres détruits.

 

                J’ai constaté que tous les pays pauvres, qui ne cessent de déboiser sans fin (comme Haïti, Madagascar …) mais sans jamais penser à reboiser pour les générations futures, s’appauvrissent économiquement et durablement sur le long terme. En plus de perdre la richesse de leur biodiversité, ils perdent tout court sur le plan du bien-être de leur population.

 

                Et à cause de la disparition du phénomène d’évapotranspiration liée aux forêts, leur climat devient plus sec … Et ces pays sont plus souvent soumis aux sècheresses dramatiques, aux phénomènes de désertification, aux aléas et catastrophes climatiques, cause de famines locales.

 

                Sans le couvert forestier protecteur, qui retient l’eau, les sols sont mis à nu. Ils sont alors soumis à l’érosion et au ruissellement. Les nutriments du sol sont emportés avec le ruissellement et les terres s’appauvrissent. Les fleuves deviennent limoneux et rouges, comme à Madagascar. De ce fait, certaines espèces de poissons utiles à l’homme disparaissent de ces rivières. Ces limons, apportés par les fleuves, peuvent aussi recouvrir les coraux littoraux et les tuer.

               

Sans « l’effet éponge » des forêts, en cas d’orages violents, l’eau ne pénètre plus dans le sol en profondeur, mais ruisselle, coule rapidement, ce qui favorise la multiplication des crues catastrophiques des rivières dans la région déboisée.

 

                Par ailleurs, nous constatons tous un réchauffement climatique global et une élévation du niveau des océans, concomitant à ce réchauffement, depuis 1850, parfaitement mis scientifiquement en évidence par les climatologues, qui, selon l’immense majorité d’entre eux, est liée à la production de gaz à effets de serre (CO2, CH4…), elle-même due à l’activité humaine[2].

 

Selon ces mêmes climatologues, si ce réchauffement actuel continue, alors l’humanité risque de subir, plus fréquemment, des épisodes climatiques extrêmes, catastrophiques (tels que cyclones, sècheresses …).

 

Et si cette élévation du niveau de océans continue, c’est plusieurs millions de km2 de côtes et de terres fertiles, sans compter des millions villages et villes côtières, dont certaines très importantes, qui seront peut-être menacées[3].

 

                Selon ces mêmes climatologues, la déforestation actuelle participerait aussi pour 20 % au réchauffement climatique actuel.

                Et la forêt et les projets de reforestation peuvent avoir un rôle essentiel à jouer pour lutter contre ce phénomène. Or si nous reboisons à grande échelle, sur toute la planète, nous luttons contre le réchauffement climatique.

 

                En plus, une forêt est toujours belle, magique et reposante pour l’âme … à mes yeux du moins. On s’y sent bien.

Par exemple, pensez à vous arrêter, un instant, sans bouger, dans un de ces petits paradis forestiers, tels ceux du Parc National des Tsingy de Bemaraha à Madagascar. A cet instant, cette forêt, qui semblait vide de toute vie … s’anime alors, les chants d’oiseaux s’élèvent des sous-bois, charmant et émerveillant nos oreilles. On y observe aussi discrètement des centaines de vies fragiles vaquant consciencieusement à leurs occupations …

 

                Ce sont donc tous ces images et pensées qui motivent mes actions dans le monde, même si elles restent très modestes (mon but n’étant qu’être un incitateur de cette reforestation dans le monde en fournissant ces documents pour les acteurs de la reforestation dans le monde _ ONG, organismes, sylviculteurs etc.).

 

Benjamin LISAN

Paris, 2010 (mise à jour le 25 juillet 2012).



[1] Comme vouloir obtenir des devises pour le développement du pays ou l’enrichissement personnel des propriétaires de ces plantations …

[2]  An particulier avec la combustion du charbon et des hydrocarbures fossiles … utilisées dans l’industrie, la production d’électricité, les transports …

[3] Bien sûr, on peut toujours accuser de catastrophisme ces climatologues _ qui avancent leurs arguments en fonctions de certains modèles numériques complexes et de données paléo-climatiques sur l’effet du CO2 sur les climats passés (et sur certaines extinctions de masse etc. …) _, mais quand plus de 1400 climatologues du monde entier tirent la sonnette d’alarme (dont ceux du GIEC), il faut alors en tenir compte.