« NDE et OBE »

 

Les expériences « de sortie hors de son propre corps » au regard des expériences du Pr Olaf Blanké et d’autres expériences scientifiques.

 

Par Benjamin LISAN

 

Résumé : Les expériences du professeur Olaf Blanké, de l’hôpital Universitaire de Genève sur les expériences de « sortie hors du corps » (OBE), et d’autres connaissances et expériences, remettent en cause le paradigme, « de l’immortalité de sa propre conscience, après la mort physique de son corps », soutenus par bon nombre de scientifiques croyants.

1         Introduction

 

La conscience spatiale du « moi » et de notre « schéma corporel » peut être soumis dans certains cas à de fortes perturbations, sous l’effet de stress cérébraux (accidents, actions de drogues …).

Une de ces expériences parmi les plus connues est "l'expérience de sortie du corps" (en anglais « Out of Body Expérience » ou OBE) pendant laquelle notre perspective visuelle et notre conscience du moi sont ressenties comme extérieure, par rapport à l’endroit où nous nous situons habituellement dans notre corps.

Ces expériences de « décorporation » _ « d’avoir sa conscience hors de son corps » (ou encore l’impression d’être « hors de soi ») _ ont été ressenties par de nombreuses personnes, de part le monde, par exemple suite à un accident grave, mettant en jeu un pronostic vital, par exemple lorsque le cerveau est dans une situation de détresse vitale ou grave (suite à un manque d’oxygénation _ comme dans le cas d’une anoxie, due à la haute altitude (cas du mal aigu des montagne ou MAM) ou d’une narcose azotée lors d’une plongée profonde, provoquant alors des hallucinations …) _, dans le cas de perturbations métaboliques etc. …) [1].

 

En fait, ces expériences sont très diverses.

 

Certains personnes ayant vécues ces expérience ont aussi ressenti l’impression d’être happées dans un tunnel de lumière.  Certaines personnes affirment que leur "tunnel" débouchait sur une lumière brillante ou aveuglante. D’autres ont affirmé rencontrer personnes décédées, des saints de leur religion, le Christ, des anges, etc. … Certaines témoignent avoir vu défiler, devant leur yeux, une résumé de leur vie.  Certaines affirmeraient que cette expérience est si merveilleuse, si agréable qu’elles ne veulent plus « retourner dans leur corps ».

 

Certaines on dit voir, d’un lieu situé en haut de la salle d’opération, le chirurgien les opérer et le personnel médical, alors qu’elles étaient normalement inconscientes sous anesthésie [2].

 

Mais Il existe aussi d’autres nombreux témoignages, faisant état d’expériences plutôt désagréables, impliquant des tortures par des elfes, des géants, des démons, etc. … [1].

 

Dépendant souvent de leur croyance et de leur tentative d’explication, ces témoins ressentent ces expériences soit comme inquiétantes, soit comme bénéfiques, pouvant même, d’après elle, remettre en cause leur vie. Pour certains, cette expérience aurait changé leur conception et la perception de la mort (ils n’auraient plus désormais peur d’elle).

 

2         Le paradigme « de la persistance de sa conscience après la mort de son corps » et ses « preuves »

 

Le paradigme de « l’immortalité de la conscience (encore appelée « âme »), après la mort de son corps » existe depuis des siècles et est encore très populaire. Elle est toujours véhiculée par les religions actuelles [3].

 

Selon le docteur Raymond Moody [2] et la psychiatre américano-suisse Elisabeth Kübler-Ross [3], qui ont popularisé les NDEs auprès du grand public, en particulier par leur ouvrage « La vie après la vie » et « Vivre avec la mort et les mourants », ces NDEs seraient la preuve de la persistance de la conscience (de « l’âme ») d’une personne, après sa mort clinique.

 

Par son statut de chercheuse scientifique dans le domaine de l’accompagnement des mourants où son travail était reconnu, Elisabeth Kübler-Ross a remis au goût du jour et modernisé ce vieux paradigme et y apporté sa « caution scientifique ».

S’en est suivi une abondante littérature, sur les « preuves scientifiques » de la persistance de la conscience (et de ses émotions et de son intelligence, i.e. de « l’âme »), après la mort de son corps [biologique].

 

3         Données sur la conscience corporelles

 

Nous savons que plusieurs systèmes participent à la perception de notre schéma corporel :

 

Ø      La vision (vision de son propre corps, du monde extérieur …)

Ø      La sensibilité tactile (par les récepteurs de la peau), et sensibilité proprioceptive (par des récepteurs dans nos muscles, au niveau de nos tendons, en particulier des récepteurs ligamentaires de Golgi, …), qui permettent de sentir nos positions corporelles et musculaires successives, l’étirement de nos muscles etc … Récepteurs participant à la kinesthésie [4]_ c'est à dire la conscience des parties du corps, leur rapport, leur amplitude et la sensation des mouvements ...

Ø      Le système vestibulaire de l’oreille interne (nous permettant de sentir la gravitation, les accélérations, l’espace centré sur notre personne_ espace « égocentré ». Ce système participant au mécanisme maintenant notre équilibre vertical, quand nous sommes debout).

Ø      L’hippocampe (ayant un rôle dans la sensation de l’espace, perçu par projection, comme l’image que l’on se fait d’un lieu par la lecture d’une carte du lieu …).

 

Or ces informations provenant de ces divers systèmes sont intégrés au niveau du cortex pariétal. A partir des informations sensorielles, le cerveau construit un schéma cohérent de notre environnement. Dans certains cas, il construit des illusions ou hallucination (selon que le sujet reste critique ou non, face à toute construction cérébrale improbable).

 

4         Les expériences du professeurs Olaf Blanké

 

Le Professeur Olaf Blanke, neurologue et chercheur à  l'Hôpital Universitaire de Genève et directeur du Laboratoire des Neurosciences Cognitives à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne [MB1] , a étudié, en 2002 et 2003, l’hippocampe _ structure du cerveau, nous permettant, à tout moment de savoir, de savoir l'orientation et la position de notre corps.

Selon ces expérience, sous l'effet , les patients ont eux aussi affirmé avoir l'étrange impression d'être couchés à côté d'eux-mêmes, voire d'être menacés par leurs propres mains [4] [4b] [5]

Ces patients ont aussi relaté des expériences proches des NDEs et OBEs.

 

Blanké a démontré l'activation sélective de la jonction temporoparietal (TPJ), 330-400 ms, après le début de stimulus, par la stimulation magnétique trans-crânien (TMS), de volontaires en bonne santé qui généralement ont rapportés [éprouvées] des OBEs spontanés.  L'interférence avec le TPJ a altéré la transformation mentale de son propre corps chez ces volontaires.  Pour un patient épileptique, ayant des OBEs, stimulés, Blanké a  montré l'activation partielle de certaines parties du cerveaux, pendant les transformations mentales de son corps et ses perceptions visuelles imitant ses « perceptions OBE » habituelles. Ces résultats suggèrent que la TPJ est une structure cruciale pour l'expérience consciente du moi normal, gérant l'unité spatiale du moi et du corps et ils suggèrent aussi que le processus altéré au niveau du TPJ peut mener des individus pathologiques aux OBEs [6].

 

5         Autres informations apportant des éléments critiques

5.1      Actions de la ketamine

 

Le Docteur Karl Jansen aurait aussi reproduit des NDEs et OBEs, avec de la ketamine, un anesthésique à effet rapide et hallucinogène [7]. Durant l'anesthésie par ketamine, une conscience « dissociée » et « extérieure à son corps » est obtenue, différant totalement de l’état « d'inconscience » produite par les anesthésiques conventionnels.

 

Selon docteur Jansen, la ketamine peut reproduire toutes les particularités principales de la NDE, incluant le voyage à travers un tunnel sombre vers la lumière, le sentiment que l'on est mort et qu’on peut converser intimement avec Dieu, les hallucinations, les expériences de sorties du corps, des bruits étranges …

 

5.2      Anoxie facteur de perturbation du fonctionnement de l’hippocampe

 

L’anoxie, dont nous avons parlé plus haut pour les alpinistes, touche particulièrement l’hippocampe, une zone corticale mal vascularisée, et donc plus sensible à la baisse d’oxygène. On peut supposer que l’anoxie peut fortement perturber le fonctionnement de l’hippocampe.

 

6         En guise de conclusion provisoire

 

On peut comprendre que ces expériences peuvent ébranler ceux qui les ont vécu, et que certains, selon leur degré de croyances et d’ignorance des certains connaissances scientifiques, en particulier neurophysiologiques, peuvent se tourner encore plus vers la religion ou le mysticisme.

Certaines expériences mystiques ascétiques extrêmes, accompagnées de rétentions extrêmes de la respiration, d’un état de grande fatigue et d’épuisement, liées à des jeûnes répétés et excessifs, peuvent être à l’origine des sensations de sortir de son corps et/ou des sensations de lévitation … Ces exercices ascétiques peuvent très probablement provoquer l’anoxie cérébrale du sujet et les sensations qu’il vit être facilement expliquées par cette anoxie.

 

Certains scientifiques, du fait de leurs croyances et de leurs attentes plus ou moins inconscientes, confondent leur attente (souvent « fébrile ») d’un phénomène, avec l’existence et la réalité du phénomène lui même (cet état « d’attente » est un phénomène bien connu en psychologie).

A cause de leur « attente », ils négligent d’explorer d’autres hypothèses et pistes que les siennes et négligent de procéder à des investigations poussées concernant les faits confirmant ses propres hypothèses.

Des témoignages de NDEs/OBEs, reportées par des auteurs, comme E. Kuebler-Ross, sont en fait, de seconde main, tels des témoignages d’une infirmière, d’un docteur … reportant qu’un patient lui a relaté sa NDE etc … Ils sont difficilement vérifiables, pour la plupart.

Dans certains cas, ils vont jusqu’à s’enfermer, jusqu’au bout, dans leur convictions, au risque de discréditer au yeux de la communauté scientifique internationale (comme dans le cas de E. Kuebler-Ross soutenant jusqu’à sa mort que ces études prouvait la persistance de notre « conscience » après la mort biologique de notre corps).

 

Dans l’état actuel de nos connaissances, les NDEs semblent explicables dans le cadre d’hypothèses neurochimiques, neurobiologiques et cérébrales connues (perturbation du schéma corporel, à cause de perturbations du fonctionnement l’hippocampe _ une structure participant à notre « connaissance » « intime », de l'orientation et de la position de notre corps). Il n’a donc pas besoin de faire appel à d’autres hypothèses scientifiques pour les expliquer.

 

7         Postface de M. Hervé Chneineiss

 

« L'ensemble des études qui me sont connues, et qui tentent d'analyser sur le plan neurobiologique le phénomène NDE, pointent vers un fonctionnement altéré de l'hippocampe, structure carrefour des processus de mémorisation et de remémoration. ... Certains auteurs suggèrent une forme particulière de récepteur NMDA (probablement en cause dans les expériences utilisant la kétamine), mais je n'ai trouvé aucune étude sérieuse permettant d'argumenter cette hypothèse.

 

Plusieurs auteurs, dont Greyson [7], ont insisté sur la personnalité des personnes rapportant des NDE, souvent enclines au mysticisme voir présentant des états limites de la schizophrénie. Je ne suis pas capable de juger, n'étant pas psychiatre.  »,

 

Hervé Chneiweiss , Responsable de l'équipe de Neuro-Oncologie Moléculaire et Cellulaire Inserm U114, Collège de France, PARIS.

 

Pour leurs aides et contributions concernant cet article, nous remercions :

 

- le Professeur Axel Kahn,

- Monsieur Hervé Chneiweiss,

- le Professeur Olaf Blanké,

- Madame Monique Bertaud.

 

 

Bibliographie :

 

[1] Article “NDE”, sur le site « Committee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal »  éditeur de la revue « Skeptical Inquirer » http://www.csicop.org

[2] ·"Life after loss" de Raymond A. Moody, Ph.D, M.D., traduit en français sous le Titre « la vie après la vie » (J’ai lu, 1980).

[3] “On Death and Dying”, 1969, de Elisabeth Kuebler-Ross, Son livre Best Seller. (Scribner Book Company, réédité en juin 1997) , traduit en français sous le Titre « Vivre avec la mort et les mourants » (Rocher, Paris ; Tricorne, Genève).

[4] Blanke O, Ortigue S, Landis T, Seeck M. (2002) Stimulating illusory own-body perceptions. Nature 419: 269-270.

[4b] Voir aussi Commentaires / Éditorial : Lancet Neurology 2002, 1; 400.; Trends in Cognitive Neuroscience 2003, 5; 104-106.

[5] Near-Death Experiences: In or out of the body? by Susan Blackmore, Skeptical Inquirer 1991, 16, 34-45.

[6] Blackmore, Susan J., Dying to Live: Near-death Experiences, (Buffalo, N.Y. : Prometheus Books, 1993). E-mail : susan.blackmore@blueyonder.co.uk, http://www.susanblackmore.co.uk/research.htm

[7] Jansen, Karl. Ketamine: Dreams and Realities (The Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies, 2001).

[8] S. Brion, “le signe de la main étrangère”, Revue neurologique, Paris, 1972.

[9] S. Brion et C. P. Jedynak, Les troubles du transfert inter-hémisphère, Rapport de neurologie, Congrès de langue française, 1972 (source : Mme Monique Bertaud).



[1] Selon un article sur les états « limites de la mort » (en anglais « Near death experience » ou NDE), paru dans la revue médicale américaine Lancet, du 15 décembre 2001 :  8 à 12 pour cent de 344 patients réanimés après un arrêt du cœur, avaient vécu des NDEs et environ 18 % d’entre eux s'étaient souvenus, en partie, de ce qui leur était arrivée durant la phrase où le pronostic vital, de leur existence, était en jeu Source : «Lancet, 15 décembre 2001, Volume 357, Number 9294 ».

[2] Dans le cas de « sur-stimulation » cérébrales _ de décharges neuronales excessives _, dans le cas des crises d’épilepsies temporales (& temporo-insulaires), le patient peut voir, depuis le plafond, son propre corps resté sur le lit et / ou se vit à l’extérieur de son lit.  Source : Madame Monique Bertaud, neuropsychiatre, collaboratrice à la revue « Sciences et Pseudo-sciences » (SPS), www.pseudo-sciences.org

[3] La croyance à une vie après la mort remonterait peut-être l’époque des premières sépultures néandertaliennes. C’est à dire, il y a plus de 40000 ans. Source : Vandermeersch, Bernard 1976  Les sépultures néandertaliennes.  In de Lumley, Henry, editor,  La Préhistoire Française, Volume 1.   Paris:Centre Nationale de la Recherche Scientifique, pp. 725-7.

[4] A ne pas confondre avec la « sensation cénesthésique », c’est à dire la sensation de bien-être ou de mal-être corporel.

[5] Ces expériences de mains menaçantes, pourraient rappeler, selon l’auteur, les phénomènes de mains étrangères (ou sa propre main est perçue, hors de la vie, comme une main étrangère), opposantes (ou la main droite s’oppose à la main gauche) ou ennemies (qui s’agrippe de façon archaïque et réflexe à tout objet), relatées par la littérature [8][9].

 

[6] J Neurosci. 2005 Jan 19;25(3):550-7. Linking out-of-body experience and self processing to mental own-body imagery at the temporoparietal junction. Blanke O, Mohr C, Michel CM, Pascual-Leone A, Brugger P, Seeck M, Landis T, Thut G.

[7] Dissociation in people who have near-death experiences: out of their bodies or out of their minds?, Greyson B, Lancet. 2000 Feb 5;355(9202):460-3.


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