Manuel de savoir-vivre de
la rumeur sur Internet
LEMONDE.FR
| 17.11.03 | 13h58 • MIS
A JOUR LE 17.11.03 | 15h25
Attention danger, votre
rouge à lèvres contient des molécules cancérigènes ! En plus votre crème
solaire peut rendre vos enfants aveugles ! Qui n'a jamais reçu ce genre
d'alertes dans sa boîte de réception de courriels ? Elles inondent le réseau
Internet et ne sont en fait que des canulars (hoax en anglais). Elles font circuler une information dont le caractère scandaleux
ferait bondir n'importe quel humain normalement constitué et font partie de la
grande famille des rumeurs, "ces informations non encore vérifiées et
dont la source est non officielle", explique Jean-Noël Kapferer,
professeur à HEC, président de la Fondation pour l'étude et l'information sur
les rumeurs.
Pour fonctionner, une
rumeur doit procéder de manière tactique, selon une stratégie élaborée en
plusieurs étapes :
1. Interpeller
l'internaute. Pour que l'hoax ne soit pas supprimé des boîtes
électroniques avant même d'avoir été lu, il doit agir à grands renforts de
propos alarmistes : "URGENT", "DANGER" ou
"ATTENTION". Tout est fait pour retenir l'attention et installer un
climat de panique. Car la panique suscite le flou et rend difficile la perception
du vrai ou du faux.
2. Révéler et non pas
informer. Seul compte le scoop, une information au caractère nouveau et
volontiers sensationnel. Plus c'est spectaculaire, plus c'est gros et plus ça
marche.
3/ Se déguiser en message
officiel. Afin d'asseoir sa crédibilité, la rumeur doit se faire passer pour un
"message de santé publique" en se parant d'une caution scientifique.
Car une source au sérieux reconnu bénéficie d'attributs ancrés dans le réel.
Ainsi, une dénommée "Arlette, du centre d'hydrogéologie de la faculté des
sciences de Neuchâtel" signale l'arrivée sur le marché suisse de bananes
costaricaines infectées par la "fasciite nécrosante". Mangez-les et
vous risquez de voir votre chair ravagée à la vitesse de 2 centimètres par
heure. Plus la spécialité médicale est compliquée, plus le nom de la maladie
est exotique, et plus les gens y croient. Qui sait exactement ce qu'est
l'"hydrogéologie" ? Et la "fasciite nécrosante" ? Pour
encore plus de vraisemblance, le texte du message est rédigé sur un ton lapidaire,
à la manière d'un flash info, histoire de passer pour une dépêche d'agence de
presse.
4. Evoquer le quotidien.
Les rumeurs se propagent avant tout parce qu'elles se focalisent sur le
quotidien de chacun, sur la canette de soda que l'on boit, sur le restaurant
chinois où l'on fait sa pause-déjeuner, sur le rouge à lèvres avec lequel on se
maquille.
5. Amplifier et déformer.
Un de ces hoax réapparaît régulièrement dans les boîtes de messages.
Il prétend qu'une femme serait décédée d'une leptospirose fulgurante après
avoir bu une canette de Coca souillée par l'urine d'un rat. Basée sur des faits
partiellement vrais (un rat peut effectivement véhiculer la leptospirose et la
transmettre à l'homme par son urine), la rumeur aime l'exagération. En réalité,
il n'existe pas de forme fulgurante de leptospirose, sachant que la période
d'incubation varie de 4 à 19 jours, et que cette maladie peut se soigner à
l'aide d'antibiotiques.
6. Réveiller peurs et
fantasmes. Pour solliciter l'attention des internautes, rien de mieux que de
réveiller une peur ancestrale, celle des rats. Depuis la légende du joueur de
flûte, le rat est l'animal porteur de tous les maux. Et quand les rats
délaissent les canettes, ils réapparaissent dans la nourriture des restaurants
asiatiques, où leurs os se coincent dans la gorge des clients.
7. Faire appel aux
sentiments. La rumeur joue sur la corde sensible et préconise obligatoirement
de "faire suivre ce mail à vos amis et autres personnes de votre
entourage". En imaginant qu'un mail mensonger soit envoyé à dix internautes,
qui, suivant le dicton "mieux vaut prévenir que guérir", le renvoient
à leur tour à dix de leurs connaissances, la chaîne aura atteint un million
d'internautes au bout de la sixième génération d'envois.
Grâce à Internet, une
rumeur électronique ainsi élaborée se propage à la vitesse de la lumière, sans
que rien ne semble en mesure de l'arrêter. Puis, un jour, elle s'éteint, aussi
vite qu'elle est venue. Elle ne meurt pas pour autant. Plusieurs années plus
tard, il arrive qu'elle ressuscite. Rien de bien étonnant, alors, à ce que l'hoax
de la canette de Coca souillée par l'urine d'un rat, en circulation en 1998,
resurgisse aujourd'hui, remise au goût du jour. Certains mails ont parfois
révélé de vrais scandales. Depuis, la rumeur instille le doute. Pour démêler le
vrai du faux, reste encore Internet, qui, s'il diffuse des hoax,
participe aussi à leur éclaircissement grâce à des sites qui font la chasse aux
rumeurs.
Alice Antheaume
"Urgent.
Du Coca souillé par de l'urine de rat." Hoax ou pas hoax ? | AFP
sur le net |
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Site
signalant les hoax Site en
anglais sur les virus, hoax et autres rumeurs qui circulent sur le web |