Ethique et information - Cambridge Analytica

 

La manipulation politique de l’opinion publique, par des technologies numériques avancées.

 

Par Benjamin LISAN, le 25/11/2020

 

1         Introduction

 

Cambridge Analytica (CA) était une société de publication stratégique combinant des outils d'exploration et d'analyse des données. Créée en 2013 comme une filiale des Strategic Communication Laboratories spécialisée en politique américaine6, elle possède des bureaux à New YorkWashington et Londres. Elle se retrouve en 2018 au centre d'un scandale mondial et est accusée d'avoir organisé l'« aspiration » des données personnelles de plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs de Facebook dans le but de cibler des messages favorables au Brexit au Royaume-Uni et à l'élection de Donald Trump aux États-Unis en 2016. Ce scandale provoque en mai 2018 la mise en faillite et la disparition de Cambridge Analytica, algorithmes et dirigeants se retrouvant ensuite chez Emerdata Limited [1].

La société est principalement financée par la famille de Robert Mercer, un homme d'affaires américain, co-CEO du hedge fund Renaissance Technologies. Milliardaire, ce dernier est connu pour son soutien financier massif à des campagnes politiques conservatrices, telles que l'élection de Donald Trump en 2016, la lutte contre les politiques environnementales, son soutien au climatoscepticisme ou le référendum sur le Brexit.

En octobre 2020, au terme d’une enquête longue de trois ans, l'Information Commissioner's Office (ICO) conclut que Cambridge Analytica n’a joué aucun rôle dans le Brexit [1].

 

Le scandale Facebook-Cambridge Analytica ou la fuite de données Facebook-Cambridge Analytica renvoie aux données personnelles de 87 millions d'utilisateurs Facebook que la société Cambridge Analytica (CA) a commencé à recueillir dès 2014. Ces informations ont servi à influencer les intentions de vote en faveur d'hommes politiques qui ont retenu les services de CA. À la suite de la révélation de la fuite, les publics américain et britannique ont exprimé leur indignation [2]. 

 

2           Qu’est-ce que Cambridge Analytica ?

 

« Data drives all we do » (« Les données déterminent tout ce que nous faisons »). Tel est le slogan de cette entreprise de nouvelles technologies fondée à Londres en 2013. Spécialisée dans l’analyse de données à grande échelle et le conseil en communication, elle se donne pour mission « de changer le comportement grâce aux données » et fonctionne en mélangeant le traitement quantitatif de données, la psychométrie et la psychologie comportementale.

Il s’agit d’une « société fille » de SCL Group, entreprise britannique spécialisée dans le conseil en communication et l’analyse de données, qui compte les ministères de la défense anglais et américain parmi ses clients.

 

3         Que vend exactement Cambridge Analytica ?

 

Essentiellement des outils d’influence. Parmi les produits qu’elle commercialise :

- Siphon, un outil d’analyse de l’efficacité des publicités en ligne ;

- Validity, un service de sondage d’opinions à grande échelle ;

- Data Models, un catalogue de types d’électeurs et de consommateurs ;

- Custom Data Manipulation, un système de visualisation des centres d’intérêt du public étudié, ou psychographics.

 

 

4         Sur quelle méthode s’appuie-t-elle ?

 

Cambridge Analytica s’appuie sur le modèle psychologique des Big Five, une construction empirique des principaux types de personnalités. Inventé dans les années 1980, ce modèle fait relativement consensus, notamment dans les services de relations humaines, mais n’est pas exempt de défauts : son manque de rigueur et la place laissée à l’interprétation sont notamment critiqués.

Par ailleurs, l’efficacité des conseils que l’entreprise prodigue à partir de ses domaines d’expertise est loin de faire l’unanimité, tant auprès d’experts indépendants que d’anciens clients.

 

5         A qui vend-elle ses services ?

 

Cambridge Analytica revendique un réseau de clients parmi les organisations gouvernementales et non gouvernementales, des entreprises privées de toutes tailles, et « des clients politiques issus de tout le spectre idéologique ».

 

6         Est-elle politiquement engagée ?

 

Sur son site officiel, Cambridge Analytica se présentait en 2016 comme « une organisation non partisane ». Elle appartient toutefois en grande partie à la famille du célèbre homme d’affaires de Wall Street Robert Mercer, pionnier du trading algorithmique et principal donateur du républicain Ted Cruz. Les principaux clients politiques de la société britannique sont tous issus des rangs républicains.

Au moins trois candidats républicains à la Maison Blanche ont fait appel à ses services : Ben Carson et Ted Cruz durant la course à l’investiture en 2015, puis Donald Trump durant l’élection présidentielle de 2016. La campagne du magnat de l’immobilier a versé à Cambridge Analytica près de 6 millions de dollars en « gestion de données » et « services de gestion de données ».

Par ailleurs, Cambridge Analytica compte parmi ses fondateurs Steve Bannon, ancien président du site d’extrême droite Breitbart et stratège de Donald Trump durant sa campagne pour la présidence américaine.

 

Le lanceur d’alerte Christopher Wylie, qui a conçu la partie technologie de l’entreprise, présente Cambridge Analytica comme « la machine à retourner le cerveau de la guerre psychologique de Steve Bannon ». Elle a notamment été employée durant la campagne du Brexit par le camp eurosceptique, selon Christopher Wylie ; ce que Cambridge Analytica réfute.

 

7         Pourquoi est-elle dans la tourmente ?

 

Cambridge Analytica est accusée d’avoir utilisé des données de 30 millions à 70 millions d’utilisateurs de Facebook, recueillies sans leur consentement, en passant par un quiz développé par un universitaire anglais, Aleksandr Kogan, et sa société Global Science Research (GSR).

Samedi 17 mars, le GuardianThe Observer et le New York Times ont révélé que les données récoltées par GSR pour le compte de Cambridge Analytica l’ont été à l’insu des internautes concernés, en présentant le quiz comme un simple exercice académique, alors que celui-ci absorbait les données non seulement des participants, mais aussi de leurs « amis » Facebook.

Par ailleurs, la chaîne britannique Channel 4 a révélé lundi dans un reportage en caméra cachée que les pratiques de Cambridge Analytica s’étendent à la diffusion volontaire de fausses informations, à l’espionnage d’adversaires politiques, au recours à des prostituées et à la corruption pour manipuler l’opinion publique à l’étranger, selon les mots de son propre dirigeant, Alexander Nix, filmé à son insu.

 

 

8         Ces révélations sont-elles nouvelles ?

 

Pas totalement. Dès la fin de 2015, au moment de la course à l’investiture républicaine qui a précédé l’élection présidentielle américaine de 2016, le Guardian évoquait l’origine douteuse des données exploitées par la firme [5].

 

9         L’entreprise était-elle au courant que ses données avaient été obtenues de manière malhonnête ?

 

Dans sa page de politique de confidentialité, Cambridge Analytica assume collecter des informations personnelles sur les internautes grâce à des applications tierces, soit d’entreprises extérieures qui leur revendent les données, soit par des formulaires diffusés pour son compte – ce que faisait GSR.

Néanmoins, il n’est pas possible d’affirmer que la firme britannique savait avant la publication de l’enquête du Guardian, à la fin de 2015, que ces données avaient été obtenues sans le consentement des utilisateurs concernés.

L’entreprise a contesté la véracité des enquêtes publiées à son propos et assure ne pas avoir utilisé les données Facebook volées durant la campagne de Donald Trump. Cambridge Analytica a néanmoins suspendu son dirigeant, Alexander Nix, au lendemain de la diffusion de ses propos sur Channel 4 [5].

 

10    Le danger pour la démocratie

 

Il y a peu, de nouvelles révélations ont été diffusées sur le rôle de Cambridge Analytica dans d’autres élections, dans des pays aussi variés que la Malaisie, le Kenya et le Brésil. Des informations communiquées par une ancienne cadre de l’entreprise, Britanny Kaiser, lanceuse d'alerte, qui se bat désormais pour la protection des données personnelles.

Selon Elle « Les gouvernements n’ont plus besoin d’envoyer la police ou l’armée dans les rues pour arrêter les opposants. Il leur suffit de payer les bonnes personnes pour changer la mentalité des gens. Comment ? En les ciblant par le biais de ces écrans qu’ils utilisent en permanence » [7] [8].

 

11    Le documentaire « Vous connaissez peut-être »

 

Ce documentaire suit Charles Kriel, conseiller spécialisé auprès du Parlement britannique sur la désinformation, lorsqu'il découvre que Cambridge Analytica collabore avec des églises américaines pour lancer une plateforme de micro-ciblage visant les personnes vulnérables afin de les orienter vers les partis d'extrême droite. Il voyage à travers son Amérique natale, où il découvre une organisation puissante liée à la Maison-Blanche [13].

 

On y découvre un nébuleuse d'organisations religieuses, en général protestantes, qui attirent les croyants vers l'extrême-droite et les font voter pour Trump, telles que :

 

- United of Purpose, un organisme évangélique, qui a reccueilli auprès de Cambridge Analytica, un fichiers de plus de 191.000 électeurs américains (avec leur dossier), afin réaliser une "sensibilisation micro-ciblée" auprès d'eux.

(Or il n'y a que 75 millions d'Américains qui se déclarent évangéliques. Pourquoi conserver les données de pratiquement tous les électeurs américains, sans que ces derniers soient au courant que leurs données personnelles sont utilisées par les églises évangéliques).

- Communio, dirigée par un John-Paul De Gance, censés accueillir, réunir voire marier au seins des communautés religieuses les personnes isolées, en détresse. Elle se présente comme "une organisation à but non lucratif qui consulte les églises en les équipant d'outils de données du 21e siècle pour favoriser la santé des relations pour les célibataires, les mariés, ceux qui se préparent au mariage et ceux en crise conjugale".

- Griefshare, un réseau de groupes chrétiens de soutien aux personnes ayant subi un deuil.

- Gloo "insight", une plateforme de développement personnel, qui, selon sa présentation, "permet aux organisations de prospérer afin d'aider les personnes et les communautés à s'épanouir".

- Council for National Policy (CNP), une organisation plus ou moins secrète, mais très puissante, une organisation parapluie et un groupe de réseautage pour les militants conservateurs et républicains aux États-Unis. Elle a été décrite par le New York Times comme "un club peu connu de quelques centaines des conservateurs les plus puissants du pays", qui se réunissent trois fois par an à huis clos dans des lieux inconnus pour une conférence confidentielle. L'organisation a été décrite comme une "pluto-théocratie".

- Evangelism Explosion (EE), un ministère d' évangélisation chrétienne et un programme de formation.

- Philanthropy Round Table ...

etc.

 

Toutes ces associations anti-avortement, anti-homo ..., qui sont exemptées d'impôt, car étant des églises, influencent les américains, par micro-ciblage, par leur influence sur leurs membres, pour qu'ils votent Trump. Donc elles font de la politique. Elles sont surtout développées dans le Sud-Est des USA, dans la "Bible Belt"[1] [13].

 

12    Questions

 

En quoi d’après vous ces pratiques sont malhonnêtes ou non éthiques ?

En quoi ces pratiques sont dangereuses pour la démocratie ?

 

13    Bibliographie

 

[1] Cambridge Analytica, https://fr.wikipedia.org/wiki/Cambridge_Analytica

[2] Scandale Facebook-Cambridge Analytica, https://fr.wikipedia.org/wiki/Scandale_Facebook-Cambridge_Analytica

[3] L'ancien chef de Cambridge Analytica reçoit une suspension de sept ans, Rob Davies, 24/09/2020, https://amp.theguardian.com/uk-news/2020/sep/24/cambridge-analytica-directorship-ban-alexander-nix

Alexander Nix a reçu une sanction pour un comportement "potentiellement contraire à l'éthique" lié au scandale.

[4] Christopher Wylie, Mindfuck. Le complot Cambridge Analytica pour s'emparer de nos cerveaux, Grasset, 2020.

[5] Ce qu’il faut savoir sur Cambridge Analytica, la société au cœur du scandale Facebook, William Audureau, 22 mars 2018, https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/03/22/ce-qu-il-faut-savoir-sur-cambridge-analytica-la-societe-au-c-ur-du-scandale-facebook_5274804_4408996.html

Cette entreprise britannique, utilisée par Donald Trump durant sa campagne pour la présidentielle de 2016 aux Etats-Unis, a analysé les données de dizaines de millions d’utilisateurs à leur insu.

 

[6] Cambridge Analytica : tout comprendre sur la plus grande crise de l’histoire de Facebook. En 7 questions, Kévin Deniau, 23 mars 2018, https://siecledigital.fr/2018/03/23/cambridge-analytica-tout-comprendre-sur-la-plus-grande-crise-de-lhistoire-de-facebook/

[7] Le scandale « Cambridge Analytica » raconté de l’intérieur, Gilles Biassette, 09/03/2020, https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Le-scandale-Cambridge-Analytica-raconte-linterieur-2020-03-09-1201082963

Critique. Le Brexit puis l’élection de Donald Trump ont démontré, en 2016, que les réseaux sociaux étaient de puissants outils de manipulation politique pour qui maîtrise l’art obscur des données. Une ancienne cadre de Cambridge Analytica, l’entreprise au cœur du scandale, décrit, de l’intérieur, l’ampleur du phénomène.

 

[8] L'affaire Cambridge Analytica. L'entreprise qui a siphoné les données de 87 millions d'utilisateurs, Britanny Kaiser, Harper Collins, 2020.

[9] Face à la désinformation post-électorale, les géants du web n'ont pas la même approche, AFP, 06/11/2020, https://www.tvanouvelles.ca/2020/11/06/face-a-la-desinformation-post-electorale-les-geants-du-web-nont-pas-la-meme-approche

[10] CAMBRIDGE ANALYTICA, https://www.novethic.fr/lexique/detail/cambridge-analytica.html

[11] La Fabrication du consentement : De la propagande médiatique en démocratie, Edward Herman et Noam Chomsky, (Pantheon Books, 1988).

[12] Propaganda la fabrique du consentement, Arte France, INA, 2017, https://www.dailymotion.com/video/x6kqf6i

 

[13] « Vous connaissez peut-être », documentaire réalisé par Katharina Viken & Charles Kriel, Metrotone Media, 2020,, 40min, https://replay.orange.fr/groups/HISTO1602868458VOUS/videos

Ce documentaire suit Charles Kriel, conseiller spécialisé auprès du Parlement britannique sur la désinformation, lorsqu'il découvre que Cambridge Analytica collabore avec des églises américaines pour lancer une plateforme de micro-ciblage visant les personnes vulnérables afin de les orienter vers les partis d'extrême droite. Il voyage à travers son Amérique natale, où il découvre une organisation puissante liée à la Maison-Blanche.

 

[14] Scandale Cambridge Analytica : 68 pays victimes de propagande électorale ? Geoffrey Lopes, 08/01/2020, https://www.la-croix.com/Monde/Scandale-Cambridge-Analytica-68-pays-victimes-propagande-electorale-2020-01-08-1201070529

Explication Après le référendum sur le Brexit et l’élection présidentielle américaine en 2016, Cambridge Analytica aurait tenté de manipuler d’autres scrutins majeurs. L’entreprise britannique se serait servie des données personnelles des utilisateurs de Facebook pour influencer le choix des électeurs bien au-delà des États-Unis et du Royaume-Uni.

 

[15] Guerre, mensonge et vidéo, Film de François Bringer, 2013, https://www.dailymotion.com/video/x2gef8q

Dix ans après le déclenchement du conflit, François Bringer, journaliste spécialiste des États-Unis, explore la machine de guerre montée par les hauts responsables de l’administration américaine pour légitimer à la fois juridiquement, politiquement et moralement l’intervention en Irak, en 2003 … Ce documentaire retrace le cheminement de la stratégie néoconservatrice de l’administration Bush, avec ses retombées économiques et politiques, pour déclencher ce qui ressemble à une guerre d’agression.

 

[16] Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois, PUG, 2002, http://e.guigon.free.fr/rsc/book/JouleBeauvois02.pdf

 

 

13.1    Théorie du complot ou vraie lutte pour la démocratie

 

[20] Petit manuel de résistance contemporaine, Cyril Dion[2], Acte Sud, 2018.

 

14    Annexe : Qui est derrière Cambridge Analytica ?

 

Voici les principaux protagonistes dans cette affaire.

 

14.1    Aleksandr Kogan

. Ce jeune chercheur à la double nationalité, russe et américaine, est le créateur de l’application qui a permis de collecter via Facebook plus de 50 millions de profils pour Cambridge Analytica. Né en Moldavie, il est élevé en Russie jusqu’à l’âge de 7 ans. Ensuite, il émigre avec sa famille aux États-Unis. Il dit aujourd’hui être utilisé comme le “bouc-émissaire” idéal dans cette affaire. Selon lui, ce qu’il faisait était parfaitement normal et approprié. “Cambridge Analytica m’avait dit que des milliers voire des dizaines de milliers d’applications faisaient la même chose et que c’était un usage normal des données de Facebook”. Le Guardian révèle qu’il a également obtenu une bourse du gouvernement russe pour un travail de recherche sur les réseaux sociaux. “Rien de ce que j’ai fait sur ce projet russe n’est lié avec Cambridge Analytica”, assure-t-il.

 

14.2    Alexander Nix

. Ce britannique de 42 ans était le PDG de Cambridge Analytica au moment des faits. “Etait” car il vient d’être suspendu de ses fonctions. Officiellement, cela n’est pas à cause du scandale lié aux données Facebook, l’entreprise nie les avoir utilisées lors de la campagne de Donald Trump, mais plutôt du fait du reportage dévastateur de la chaîne britannique Channel 4 sur ses méthodes, diffusé dans la semaine. Durant un RDV filmé en caméra caché, il explique notamment ses pratiques pour manipuler des campagnes électorales en évoquant sans détour l’usage de pots-de-vins ou de prostitués. Nix a réagi en parlant de “scénarios hypothétiques ridicules qui sont arrivés au cours de la discussion”. Dans son communiqué, Cambridge Analytica affirme sobrement que ces “commentaires […] ne représentent pas les valeurs de l’entreprise”.

 

14.3    Steve Bannon

. Le président exécutif de Breitbart News, le média politique américain ultra-conservateur, est un proche de l’extrême droite américaine et… il siégeait au conseil d’administration de Cambdrige Analytica – c’est d’ailleurs lui qui a eu l’idée du nom de l’entreprise. En 2016, il rejoint Donald Trump en tant que directeur de sa campagne pour la course à la présidence des États-Unis, et engage Cambridge Analytica pour améliorer les campagnes publicitaires du candidat républicain. Une fois élu, Donald Trump le nomme “conseiller spécial” à la Maison Blanche… jusqu’à sa répudiation en août dernier. Il règle ses comptes envers le clan Trump en lançant des déclarations explosives dans Fire and Fury, le livre polémique autour de la présidence Trump.

 

14.4    Robert Mercer.

Ce milliardaire américain de 71 ans, ultra-conservateur, climatosceptique et pro-armes, est un des financeurs de la campagne de Donald Trump… et de Cambridge Analytica. Il a financé l’entreprise britannique à hauteur de 15 millions de dollars et sa fille fait d’ailleurs partie du conseil d’administration. Proche de Steve Bannon (à l’époque, du moins), il a investi dans Breitbart News et, d’après Le Guardian, il aurait proposé les services de Cambridge Analytica à Nigel Farage, le leader du camp pro-Brexit.

 

14.5    Christopher Wylie

. Cheveux roses et anneau dans le nez, ce Canadien de 28 ans est le lanceur d’alerte de l’histoire. Recruté par Alexander Nix, ce spécialiste de l’exploitation de données est la personne qui a mis en place l’équipe de psychologues et d’analystes de données chargée de développer l’outil pour influencer les comportements des électeurs. Il est à l’origine donc de Cambridge Analytica et c’est d’ailleurs lui qui rencontre le chercheur Aleksandr Kogan à Cambridge. Son interview vidéo dans le Guardian sur le fonctionnement de Cambridge Analytica est glaçante et fait penser à un épisode de la série Black Mirror. Extraits : “Nous nous sommes servis de Facebook pour récupérer les profils de millions de personnes. Nous avons ainsi construit des modèles pour exploiter ces connaissances, et cibler leurs démons intérieurs”. Par rapport à ses anciens employeurs -il a quitté l’entreprise en 2015, il déclare : “Il n’y a pas de règle pour eux, ils veulent qu’une guerre des cultures ait lieu aux États-Unis. Cambridge Analytica devait être l’arsenal pour se battre.” [6].

 

15    Annexe : Propaganda la fabrique du consentement

 

Comment influencer les foules ? À travers la figure d’Edward Bernays (1891-1995), l'un des inventeurs du marketing et l'auteur de "Propaganda", un passionnant décryptage des méthodes de la "fabrique du consentement".

Si les techniques de persuasion des masses apparaissent en Europe à la fin du XIXe siècle pour lutter contre les révoltes ouvrières, elles sont développées aux États-Unis pour convaincre les Américains de s’engager dans la Première Guerre mondiale. Peu connu du grand public, neveu de Sigmund Freud, l'auteur du livre de référence Propaganda et l'un des inventeurs du marketing, Edward Bernays (1891-1995) en fut l’un des principaux théoriciens. Inspirées des codes de la publicité et du divertissement, ces méthodes de "fabrique du consentement" des foules s’adressent aux désirs inconscients de celles-ci. Les industriels s’en emparent pour lutter contre les grèves avec l’objectif de faire adhérer la classe ouvrière au capitalisme et transformer ainsi le citoyen en consommateur. En 2001, le magazine Life classait Edward Bernays parmi les cent personnalités américaines les plus influentes du XXe siècle. Ce documentaire riche en archives retrace, à la lumière d’une analyse critique – dont celle du célèbre linguiste Noam Chomsky –, le parcours de celui qui, entre autres, fit fumer les femmes, inspira le régime nazi, accompagna le New Deal et fut l'artisan du renversement du gouvernement du Guatemala en 1954.

Edward Bernays s'inspirera des travaux du français Gustav Le Bon qui se dernier fera paraître vingt ans plus tôt le livre "Psychologie des Foules" en 1895.

 

16    Annexe : La contribution de cette histoire au renforcement des théories du complot

 

« J'ai largement écrit dans le Petit Manuel de Résistance Contemporaine sur la surveillance de masse notamment via le numérique (Crédit Social en Chine, réseaux sociaux, Cambridge Analytica...), sur les architectures de nos sociétés qui restreignent nos libertés (la création monétaire, l'addiction et la manipulation par les réseaux sociaux...), sur nos systèmes politiques qui s'apparentent souvent plus à des oligarchies qu'à des véritables démocraties, j'ai refusé une décoration pour protester contre les violences policières et largement partagé des éléments sur la dérive autoritaire de nos Etats, profitant notamment de chocs pour faire passer des mesures liberticides (voir la Stratégie du Choc de Naomi Klein notamment), sur les dérives du capitalisme financiarisé et de l'ultra libéralisme, sur la puissance des récits et les manipulations qui peuvent en découler (vous pouvez regarder la conférence que j'ai fait à ce propos ici :

https://vimeo.com/455230630?fbclid=IwAR138lcW0s3s1VqTGV7HytuysS765jnf9PqpKCpaec8VyCQfHRw5DBjRwOw ), sur le lobbying terrifiant des multinationales pour faire primer l'intérêt financier sur l'intérêt général... MAIS, car il y a un gros mais, je suis terrifié par l'amalgame qui est fait de tous ces éléments pour les enfourner dans de grossières théories (ordre mondial et Cie) qui malheureusement ne datent pas d'hier (je renvoie à nouveau sur les 1er épisode du podcast) et qui sont fondées sur ce que l'on appelle aujourd'hui des "faits alternatifs". Pourquoi suis-je terrifié ? Parce que dans l'histoire, l'adhésion massive à ces théories, la victoire des croyances sur les faits, a fait le lit des pires totalitarisme et a donné lieu à des tragédies comme la Shoah. Car, comme vous l'avez sans doute remarqué, ces théories mènent bien souvent à une source commune : l'idée que les juifs sont à l’origine de ce supposé ordre mondial qui cherche à contrôler le monde. Voilà pourquoi, même si vous pensez que je suis un imbécile, que je n'ai rien compris et que vous êtes infiniment plus clairvoyants que moi, je vous encourage à écouter ces podcasts. 

Nous avons besoin, plus que jamais d'écouter ceux qui ont approfondis les sujets, qui ont consacré une partie de leur vie à faire des recherches qui font autorité et à ne pas nous laisser entraîner par notre émotionnel en tirant des conclusions parfois hâtives.

Le Podcast en question : https://www.franceculture.fr/emissions/mecaniques-du-complotisme », Cyril Dion. 13/11/2020.

 

« Vous vous souvenez que Cambridge Analytica est financé par Steve Bannon et Robert Mercer, qu'ils sont les artisans du Brexit, et que ce même Cambridge Analytica bien que dénoncé, a juste changé de nom et s'appelle Emerdata ?

Ils sont toujours à pied d'œuvre pour répandre les idéologies de l'extrême droite, et les preuves viennent de sortir qu'ils sont derrière le financement de PARLER, la nouvelle plateforme de la fachosphère, sur laquelle on trouve (pour la France), Jean Messiha, Marion Maréchal, Robert Ménard, Florian Philippot, Damien RIeu, Jordan Bardella, etc.

Et devinez qui a aussi financé Odysee[3] _ la fameuse plateforme qui permet l'hébergement gratuit de HOLD UP, le monument de propagande anti-GVT et d'intox sur la Covid, pour in fine, amener la désobéissance civile en France, fragiliser le gouvernement et pouvoir dans moins de 2 ans amener leur marionnette au pouvoir _ ?  

Cela fait deux ans que je vous explique que l'extrême droite internationale est très organisée, puissamment financée et bosse dans l'ombre.

Le Royaume Uni, bénéficiant hélas de l'expérience de Cambridge Analytica et son rôle dans le Brexit, a des journalistes d'investigation qui font du bon boulot (dont Carole Cadwalladr - que Mercer vient de poursuivre à cause de ses révélations), a des longueurs d'avance sur la France en matière d'investigation et de mise à jour d'évidences », Murielle S., 15/11/2020.

 

« Votre propos n'est pas clair. Vous posez la question : "qui finance Odyssée ", sans y répondre. Le lien entre odysee et parler n’est pas exposé.  Vos images n'ont aucun rapport les unes avec les autres et certaines ne montrent rien (ex: page de présentation d'Odysee). Cela ressemble au fameux "mille-feuille" et les organigrammes chers aux complotistes. En tant que lectrice, je pense que vous devriez davantage structurer vos propos, et eviter d'utiliser les outils des complotistes (organigramme), sinon ils nous accusent de complotistes nous-même .... (Ça m'est arrivé lorsque j'ai pointé les réseaux russes ou extrême droite américaine sur les pages de désinformation, ou pro-Raoult) », Alexandra Palmieri, 15/11/2020.

 

« La carte Mercer : Rebekah Mercer et son père, Robert, sont devenus un centre de pouvoir dans la politique républicaine, poursuivant leur activisme par le biais des médias, des dons politiques et d'autres projets ».

 

« Christopher Wylie @chrisinsilico • 1h

[La plateforme] Parler est financée par les anciens propriétaires de Cambridge Analytica. Ils ont toujours voulu créer un nouveau réseau social pour collecter des données et diffuser de la propagande. Et maintenant, ils ont :

 wsj.com/articles/ parle ...

21:25. 14 novembre 20

 

 

Carole CadwalladrO @carolecadwalla 1h

En réponse à @carolecadwalla

Les Mercers se sont mis à terre après l'effondrement de Cambridge Analytica, mais il s'agit d'une nouvelle pièce énorme. « Parler » est au cœur de ce qui se passe ensuite avec Qanon et divers groupes suprémacistes blancs.

Et ce n'est sûrement qu'une question de temps jusqu'à ce que Trump rejoigne [cette plateforme] ...

Et suivent sur Parler après avoir été banni de Facebook.

Au cours des dernières semaines, l'application regorgeait d'allégations sur la fraude électorale sans offrir de preuve, du contenu de la suprématie blanche et des messages des partisans de la théorie du complot QAnon, a déclaré « l'AntiDefamation League », dans une publication [blog post], jeudi ».

 

Table des matières

1       Introduction. 1

2       Qu’est-ce que Cambridge Analytica ?. 1

3       Que vend exactement Cambridge Analytica ?. 1

4       Sur quelle méthode s’appuie-t-elle ?. 2

5       A qui vend-elle ses services ?. 2

6       Est-elle politiquement engagée ?. 2

7       Pourquoi est-elle dans la tourmente ?. 2

8       Ces révélations sont-elles nouvelles ?. 3

9       L’entreprise était-elle au courant que ses données avaient été obtenues de manière malhonnête ?. 3

10          Le danger pour la démocratie. 3

11          Le documentaire « Vous connaissez peut-être ». 3

12          Questions. 4

13          Bibliographie. 4

13.1      Théorie du complot ou vraie lutte pour la démocratie. 5

14          Annexe : Qui est derrière Cambridge Analytica ?. 5

14.1      Aleksandr Kogan. 5

14.2      Alexander Nix. 6

14.3      Steve Bannon. 6

14.4      Robert Mercer. 6

14.5      Christopher Wylie. 6

15          Annexe : Propaganda la fabrique du consentement. 6

16          Annexe : La contribution de cette histoire au renforcement des théories du complot. 7

 

 

 

 



[1] La Bible Belt, littéralement la ceinture de la Bible, est une zone géographique et sociologique des États-Unis dans laquelle vit un nombre élevé de personnes se réclamant d'un « protestantisme rigoriste », terme désignant le fondamentalisme chrétien dans la sphère américaine.

[2] Cyril Dion est un écrivain, réalisateur, poète et militant écologiste français. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyril_Dion

[3] Odysee est une plateforme d’hébergement de vidéos créée en septembre 2020 (lié à un protocole de bloc chain LBRY), créé par Jeremy Kauffman (Boston). Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Odysee, https://odysee.com