L’Histoire secrète de l’archipel du goulag

Un film de Nicolas Miletitch et Jean Crépu. Public Sénat.

Réalisation : Jean Crépu Image : Jean Crépu, Peter Bolton Montage : Claire Collin

Production : P. PROD, le CFRT, France, 2008

Durée : 52 minutes.

Version originale : français

Mots clés : Alexandre Soljenitsyne, Archipel du goulag

Notes retranscrites par Benjamin LISAN.

 

 

 

 

GOULAG veut dire « direction générale des camps ».

Soljenitsyne commença les plans de « L’Archipel du Goulag » en 1958, pour retracer 40 ans de terreur.

En 1950, il y avait jusque 2,7 millions de détenus.

fin 1962, après la publication de « Une Journée d'Ivan Denissovitch » dans la revue Novy Mir[1], Alexandre Soljenitsyne reçoit plus de 1000 courriers de témoignages en provenance d’anciens détenus du GOULAG.  Il entreprend alors un une correspondance avec certains de des témoins. Puis, il rencontre des gens qui avaient été arrêtés.

Ceux envers lesquels il a le plus confiance sont choisis par Soljenitsyne et forment un cercle étroit, de personnes de confiance, appelé les « invisibles ».  Mise en place du dispositif clandestin d'amis appelés les "invisibles" par Soljenitsyne   qui ont entouré l'écrivain et  lui ont fourni un support technique pour l'écriture de L'Archipel, le tout dans le plus grand secret. 

Fin 1963, début 1964, Soljenitsyne débute la compilation des témoignages, dans le plus grand secret.

Limogeage de  Khrouchtchev[2], en  qui sonne la fin du dégel khrouchtchévien. Retour en force du KGB (dirigé par Youri Andropov). Tout le monde est potentiellement sur écoute.

 

Les consignes permettant de préserver le secret :

 

Pour s’en prémunir, la consigne (au niveau du cercle des « invisibles ») est de ne jamais prononcer les noms (des gens) à haute voix.  L’exigence que Soljenitsyne demande à tous les membres du cercle : ne parler à personne du travail de Soljenitsyne. Tous avaient un nom de code.  Personne n’utilisait le téléphone.

On ne disait jamais rien de ce que l’on avait à faire.  Tout était caché.

Quand Soljenitsyne se rendait chez quelqu’un, il ne sonnait jamais (pour ne pas alerter les voisins) mais frappe au mur. Il ne restait jamais plus de 13 mn, chez la personne rencontrée. Il écrivait tout ce qu’il avait à communiquer à son interlocuteur sur un bout de papier qu’il brûlait immédiatement ensuite.

Les mesures de protection se sont renforcés après l’arrestation de deux écrivains Andreï Siniavski et Youri Daniel, en 1965[3].

En 1965, le KGB perquisitionne chez Soljenitsyne et découvre chez lui une cachette secrète.

Soljenitsyne décide de confier ses manuscrits à 2 invisibles : Nadia Levitskaïa et George Teno.

Ils ont fixé (ensembles ?) une heure d’arrivée et se rencontrent dans un ascenseur. Soljenitsyne leur remet ses manuscrits (cela ne prend pas plus de quelques minutes).

Après s’être assuré qu’il n’est pas suivi, George Teno part en train pour l’Estonie.

En 1965, 1966, 1967, Soljenitsyne trouve un refuge archi-secret dans une ferme isolée en pleine campagne, en Estonie, appartenant à des amis (Arnold Suzy ?). En général, Soljenitsyne tape à la machine toute la nuit.

Les chapitres ne sont jamais stockés aux mêmes endroits (ils sont toujours répartis dans différents endroits, chez différents « invisibles »).

Et donc il ne peut jamais avoir tous sous la main et avoir une vision d’ensemble des chapitres.

Il a toujours des carnets de notes avec lui où sont codés les infos sur les chapitres et leur localisation.

A chaque fois, Soljenitsyne prend d’énormes précautions en venant.  Il change d’apparence, tantôt porte une barbe ou non. Il change de bus, de tramway, parfois descend juste au dernier moment du tramway.

 Ensuite, X (Elena Tchoukovskaïa ?) prend les manuscrits dans son sac à dos, met ses skis et remonte la rivière, dans la nuit (le vent devant effacer ses traces de ski).

 

A la fin, Elena Tchoukovskaïa (et une autre personne ?) retranscrivent, sur deux machines à écrire, durant 1 mois, les 3 tomes de l’Archipel du Goulag, pour en avoir 4 exemplaires qu’ils transportent, dans des sacs à dos, vers le relieur, Andreï  Vanechski. C’est le seul moment où les 4 exemplaires sont réunis ensembles. Après la reluire, les manuscrits sont déposés, ensuite, dans 3 endroits indépendants.

Pendant cette période, personne n’a trahit et fait d’erreur.

 

Ensuite, Valerie X… sauvegarde le « Archipel du goulag » sous la forme de microfilms. Le matériel de « micro-filmage » tient dans un sac à dos. L’opération de « micro-filmage » se déroule durant 14 h, de 8 h du matin à 10 h du soir.

 

Les microfilms sont remis à Sacha Andreiev (?), traducteur à l’UNESCO, arrivé récemment à Moscou.

Pour le rendez-vous, on lui a remis un schéma où est indiquée la station de métro. On lui dit qu’il rencontrera quelqu’un qu’il connait, mais on ne lui dit pas qui (c’est, en fait, Alexandre Ougrimov (?), un des « invisibles »).

Ce dernier lui dit que c’est sous ses pieds, sous le siège (dans le métro ?).

Les micros films sont placés dans une boîte de Caviar, elle-même placé dans du matériel technique de l’UNESCO.

Sacha arrive à Paris à bon port (sans problème). Il remet les microfilms à l’éditeur russe (?).

Pour confirmer leur bonne arrivée à Paris, Sacha téléphone, à Moscou, à X, en indiquant que « la formule sanguine de sa sœur est positive ».  Ce qui veut dire que les microfilms sont bien arrivés à Paris.

Soljenitsyne se cache, car il sait que sa publication aura des conséquences irrémédiables et alors qu’il sait qu’il subit des filatures, des perquisitions et des écoutes.

Pendant cette période, il rencontre le journaliste suédois Stig Frederikson. Il lui remet son discours pour son prix Nobel, sur négatif N/B. Stig le met dans le compartiment des piles (à la place des piles) dans un transistor, qu’il emmène avec lui à Helsinsky (?).

 Après la réalisation des microfilms, Soljenitsyne avait demandé à tous les participants au projet de détruire tous leurs exemplaires de l’Archipel du Goulap. Mais Elizabeth Voronianskaïa, après avoir affirmé à Soljenitsyne avoir détruit son propre exemplaire, ne s’y résout pas. En août 1973, elle est arrêtée par le KGB. Et en décembre, épuisée par les interrogatoires qui ont duré 5 jours, elle craque. Le KGB met alors la main sur le manuscrit. Trois mois plus tard, on la retrouve pendue chez elle.

 

L’arrestation de Voronianskaïa est un tournant : désormais, Soljenitsyne est convaincu qu’il ne peut plus attendre pour publier le livre. De sa campagne, il appelle un journaliste nordique _ Stig Frederikson ( ?) _ à qui il veut demander d’emporter un exemplaire à Helsinki. « Allo c’est la teinturerie ? Non ce n’est pas la teinturerie ? » demande-t-il. Le journaliste comprend qu’il a rendez-vous le jour même à 20 heures avec l’écrivain. Il s’agissait d’un code.

Il lui remet :

1)      Le préambule de l’ouvrage,

2)      Le communiqué de presse,

3)      Une lettre pour son avocat, Ebb, à Zurich, pour déclencher les traductions et les impressions.

4)      Un ordre d’impression pour Nikita Struve, l’éditeur russe en France, pour Claude Durand, l’éditeur en France.

 

Nikita Struve arrive à les publier le 28 décembre 1974, dont des exemplaires sur papier bible, distribués en URSS par le réseau clandestin Samizdat. La consigne sur place, en URSS, est de le lire la nuit et de le passer à quelqu’un d’autre le lendemain.

Après la publication internationale de l’Archipel, le KGB s’en prend physiquement aux proches de Soljenitsyne.

Le 12 février 1974, Soljenitsyne est arrêté, interrogé par le KGB puis expulsé, en avion, vers Frankfort.

En 1974, en Lituanie, un Lituanien Balis Gayuska _ une personne qui avait fait 25 ans de camp (Goulag) pour activités antisoviétiques _ traduit l’Archipel. Il était en possession des 50 derniers pages de sa traduction, quand il est arrêté par le KGB (qui saisit son exemplaire). Il refuse de collaborer. Il en reprend pour dix ans de goulag supplémentaires. Il en fera 6 ans (en tout il aura passé 33 ans dans les goulags). Il est sans regret aujourd’hui car : « Ce n’était pas pour n’importe quel livre. »

 

Source :

L'Histoire secrète de "L'Archipel du goulag". Le Jour du Seigneur Edition, mars 2009, Paris. Film documentaire,

&  http://www.publicsenat.fr/emissions/documentaire/l-histoire-secrete-de-l-archipel-du-goulag/59784

 


Présentation / Résumé :

 

En décembre 1973, paraît à Paris un livre qui fait l’effet d’une bombe : "L’Archipel du goulag" révèle au monde entier l’horreur des camps de travail forcé en URSS.

Alors que le KGB surveillait tout et tout le monde, ce livre fut un tour de force. En prenant des risques inouïs, il fallait rassembler des milliers de témoignages. Le but : dénoncer auprès de l’opinion mondiale un système concentrationnaire infernal, dont on pense aujourd’hui que près de 20 millions de détenus l’ont connu.
Un témoignage exceptionnel d’Alexandre Soljenitsyne, dont c’est le dernier entretien publique, un réquisitoire impressionnant.

Source : http://www.laprocure.com/histoire-secrete-archipel-goulag/3460850105909.html

 

"L’Archipel du goulag" d’Alexandre Soljenitsyne est aujourd’hui considéré comme l’un des livres les plus importants du XXe siècle. Mais il a également représenté une extraordinaire aventure humaine, que retrace ce documentaire. En effet, comment ce manuscrit, écrit dans le plus grand secret à une époque où les frontières de l’URSS étaient hermétiques et le KGB tout puissant, a-t-il pu parvenir jusqu’à nous ? Dans un ultime entretien filmé fin 2007, Alexandre Soljenitsyne livre un témoignage exclusif sur l'épopée de son œuvre. Ce film donne aussi la parole à ceux que le grand écrivain russe appelait les "invisibles" : ses plus proches amis qui, au sein d’un réseau clandestin, ont risqué leur liberté, parfois leur vie pendant des années afin que "L’Archipel du goulag" puisse un jour être publié. Le manuscrit, transporté en cachette d’une ville à l’autre, photographié, microfilmé, a fini par passer en Occident et changer le cours de l’Histoire.

Source : http://www.film-documentaire.fr/LHistoire_secr%C3%A8te-LArchipel_du_goulag.html,film,23964

 

L’armée secrète de « l’Archipel du goulag »

Docu. Public Sénat revient sur l’épopée de l’ouvrage de Soljenitsyne, publié grâce à des collaborateurs « invisibles » qui ont joué leur vie.

par Véronique Soulé

tag : documentaire

 

L’Histoire secrète de l’Archipel du goulag, documentaire de Jean Crepu et Nicolas Miletitch, Public Sénat, 10h30.

Elizabeth Voronianskaïa était « au cœur du dispositif » : en secret, elle avait tapé à la machine l’Archipel du goulag d’Alexandre Soljenitsyne et en cachait un exemplaire chez elle. Mais en août 1973, elle est arrêtée par le KGB. Et en décembre, épuisée par les interrogatoires, elle craque. Le KGB met alors la main sur le manuscrit. Trois mois plus tard, on la retrouve pendue chez elle. Elle devait détruire le manuscrit après qu’il eut été microfilmé clandestinement. Elle avait d’ailleurs assuré l’avoir fait, et même en avoir pleuré. Mais elle n’avait pas pu.

Voronianskaïa était l’une de ces « invisibles » sans qui la somme de Soljenitsyne, décédé en août, n’aurait jamais pu voir le jour. Ce documentaire est d’abord un hommage à cette armée de l’ombre. Un réseau d’hommes et de femmes, souvent eux-mêmes passés par les camps, a caché, relu, corrigé, complété, vérifié des fragments de l’Archipel du goulag, conscients de participer à une œuvre historique qui deviendrait le témoignage ultime de l’horreur du goulag –à son apogée, il compta 2 750 000 détenus. « Je les remercie infiniment, dit Soljenitsyne dans le film, ils ont tout fait. »

 

L’arrestation de Voronianskaïa est un tournant : désormais, Soljenitsyne est convaincu qu’il ne peut plus attendre pour publier le livre. De sa campagne, il appelle un journaliste nordique à qui il veut demander d’emporter un exemplaire à Helsinki. « Allo c’est la teinturerie ? Non ce n’est pas la teinturerie ? » demande-t-il. Le journaliste comprend qu’il a rendez-vous le jour même à 20 heures avec l’écrivain. Il s’agissait d’un code.

Précis et documenté, le film relate l’incroyable épopée que fut l’écriture de ces trois tomes, dont Soljenitsyne commença les plans en 1958 et qui furent publiés en France en 1974. Jean Crépu et Nicolas Miletitch sont allés retrouver les « invisibles » survivants. Soljenitsyne ne sonnait jamais mais frappait à leur porte et ne restait guère plus de dix minutes pour leur donner des missions : relire tel ouvrage, y trouver tel paragraphe, vérifier une citation, etc.

 

En 1974, un Lituanien, qui a fait vingt-cinq ans de camp, commence à traduire l’Archipel... Mais il est arrêté et refuse de collaborer. Il en reprend pour dix ans. Sans regret aujourd’hui : « Ce n’était pas pour n’importe quel livre. »

 

Paru dans Libération du 27 octobre 2008.

Source : http://www.ecrans.fr/L-armee-secrete-de-l-Archipel-du,5531.html

 

Le film contient de très nombreuses et longues interviews de l'écrivain à la toute fin de sa vie (il est décédé en août 2008 à Moscou) qui lui confèrent avant toute chose un intérêt exceptionnel.

 

Le début est assez conventionnel : arrestation en 1945 pour avoir critiqué les compétences militaires de Staline et condamnation à 8 ans de camp ; flash back sur la Terreur et les camps ; fin 1962, publication de Une Journée d'Ivan Denissovitch dans la revue Novy Mir ; après le Dégel, développement de la dissidence,  publication en Occident d'ouvrages de dissidents russes, arrivée  en 1967 de Youri Andropov à la tête du K.G.B., puis répression renforcée.

Puis vient la partie la plus novatrice du film qui  retrace une section peu connue de l'histoire d'Alexandre Soljénitsyne, celle de l'histoire policière, pourrait-on dire, de l'écriture de L'Archipel du Goulag, soit approximativement entre 1965 et 1974. Evocation du dispositif  clandestin d'amis – A.S. les appelait les "invisibles" – qui ont entouré l'écrivain et  lui ont fourni un support technique pour l'écriture de L'Archipel, le tout dans le plus grand secret.  Interview de 3 "invisibles" : Nadia Levitskaïa, dont le père était un généticien célèbre ; Natalia Milevna Voronemskaïa, Elena Tchoukovskaïa. Soljénitsyne se cache en Estonie pour finir son manuscrit : il y passe trois hivers entre 1965 et 1967. Avril 1968, le premier tome est prêt. Il est mis sous microfilm. Un interprète de l'UNESCO le rapporte à Paris en avion sous cette forme. Août 1970 : le prix Nobel de littérature est attribué à A.S. pour Une Journée d'ivan Denissovitch, Le Premier cercle et Le Pavillon des cancéreux. En août 1973, arrestation de Elisabeta Voronemskaïa, qui a tapé la version définitive de L'Archipel : un exemplaire tombe aux mains du KGB. A la foire de Francfort de 1973, Claude Durand, qui dirige les Editions Fayard et sera l'agent littéraire de S. en France, rencontre l'avocat de S. La première édition paraît en russe fin décembre 1973 chez Ymca-Press, à Paris (interview de Nikita Struve). Puis diffusion en samizdat dans toute l'URSS. Le reste est bien connu : traduction en Occident ; attaques dans la Pravda en janvier 1974 ; arrestation de l'écrivain en février 1974 à la prison de Lefortovo à Moscou ; décret du Praesidium du Soviet Suprême. Soljenitsyne est déchu de sa citoyenneté et expuslé le 13 février 1974. A Francfort, accueil chez l'écrivain Heinrich Böll. 10 M d'exemplaires sont vendus dans le monde entier.

(Musique : Parigo, Koka Music)

Source : http://iconotheque-russe.ehess.fr/film/883/

 

 



[1] A la faveur d’un dégel initié par Nikita Khrouchtchev.

[2] Le chef du gouvernement soviétique, Nikita Khrouchtchev, est remplacé par Léonid Brejnev en octobre 1964.

[3] Yuli Daniel, http://en.wikipedia.org/wiki/Yuli_Daniel