Contre les guerres et le terrorisme

 

Lutter contre les discours populistes incitant à la guerre et au terrorisme.

 

Par Benjamin LISAN, le 15/09/2021

 

 

1         Nature des discours populistes, extrémistes, incitant au terrorisme et à la guerre

 

Les discours populistes ont tendance à opposer le « peuple » à des ennemis réels ou imaginaires et/ou inventés, des boucs émissaires[1] _ par exemple, le colonialiste, la tribu ennemie, les tutsies face aux hutus (et inversement) etc. _, désignés comme source de tous les maux (la pauvreté, la famine, répression) du « peuple ». C’est souvent un moyen pour les ambitieux, prédicateurs ou politiciens « populistes » de prendre le pouvoir ou l’ascendant sur leurs concitoyens, croyants, électeurs, et/ou pour, quand ils sont au pouvoir, détourner l’attention du peuple des vrais problèmes, en les lançant contre des ennemis montés en épingles, objets de focalisation ou dans des causes « glorieuses ». Le populiste cynique n’hésite pas à mélanger faits véridiques et manipulations ou désinformations, afin que leurs mensonges paraissent crédibles.

 

Ils mettent en opposition le « peuple » _ en fait, ceux qui le suivent, les « bons » _, avec les « mauvais », ceux envers qui il faut prendre de la distance et dont il faut se séparer, qui ne sont plus vos amis, qu’ils faut rejeter, voire éliminer.

 

Certains prédicateurs ou politiciens, tels des apprentis-sorciers, profitent de la frustration des citoyens, pour la détourner sur des boucs émissaires, en excitant leur haine et déchainant la violence contre eux, voire en appelant au terrorisme ou à la guerre (sainte …) contre eux, qu’ils présentent comme la solution à tous leurs problèmes.

 

2         Les discours présentant la guerre comme héroïque

 

Il faut souvent remettre, en face des trous, les yeux des personnes hypnotisées par ce genre de discours. Il faut déconstruire le discours qui présente la guerre comme belle et souhaitable.

 

En effet, par ses discours enflammés, le populiste belliciste enferme ses ouailles dans un imaginaire épique du sacrifice, de guerres glorieuses et victorieuses, de l’héroïsme et de la mort, qui mènent au Paradis, en occultant, dans les mythes guerriers, tous les crimes commis durant les guerres. Lors des celles-ci, la plupart des valeurs morales (solidarité, amour, compassion, générosité …) sont sacrifiées et inversées/renversées, jusqu’à présenter la vengeance comme sacrée, purificatrice et non pas destructrice.

 

Ce discours populiste sacralise, présente comme rédempteurs, la guerre le martyr, le sacrifice de sa vie pour la cause de la religion et du prophète, le courage au combat (considérés comme purs, légitimes, …).

 

Selon certains « va-en-guerre », la guerre serait purificatrice, elle permettrait d’obtenir justice, réparation et de se « refaire » (voir citation ci-après) :

 

« Je pense que ces évènements sont fort heureux, il y a quarante ans que je les attends. La France se refait, et selon moi, elle ne pouvait pas se refaire autrement que par la guerre qui la purifie », selon Alfred Baudrillart, Évêque ou Cardinal[2], Le Matin ou Le Petit Parisien, 16/08/1914.

 

Derrière la présentation morale, légitime, sacrée, des guerres, se dissimulent beaucoup d’actes « immoraux », peu « glorieux » et une absence de garde-fous moraux : menaces, intimidations, exécutions (extra-judiciaires), tortures, terrorisme, délations, trahisons, ruses, espionnages, pillages, massacres, rackets, martyrs kamikazes, …

 

Les adeptes sectaires, agressifs, belliqueux se posent toujours en victimes et sont enfermés dans une bonne conscience irresponsables, sans jamais percevoir les souffrances qu’ils infligent aux autres.

 

Il faut alors faire comprendre aux adeptes de la « guerre sacrée » que les guerres provoquent des souffrances morales et physiques durables, de multiples syndromes de stress post-traumatiques[3], à vie, des morts, des mutilations, des handicaps à vie, la perte d’êtres chers, des pleurs, de douleurs, des ravages, des dégâts, des destructions souvent irréversibles (de biens, de chefs d’œuvre, de l’environnement, de ressources naturelles …), l’appauvrissement économique des pays, des régions, des personnes, le ressentiment et l’humiliation des vaincus, leurs désirs de vengeances et de rétorsion ou de vendettas, dans un cercle vicieux et dans une escalade, sans fin.

 

Il a souvent la croyance irrationnelle que toute situation bloquée, de désespoir, de crise, d'impasse pourra être résolue par la solution miracle d’un bonne guerre, si possible rapide (un peu comme le joueur de casino qui croient irrationnellement qu’en misant gros, il va se refaire).

Or « On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut », Machiavel[4].

 

Kamel Daoud rappelle, dans un article, au sujet des guerres, 1) sur les champs de bataille, "l'odeur de décomposition des entrailles à l’air", 2) les milliers de cadavres, 3) leurs immenses coûts humains et économiques (par leurs destructions économiques, elles ne sont souvent aucunement bénéfiques et économiquement rentables, à long terme)[5].

 

Souvent, on fait la guerre contre des gens qu’on diabolise, alors qu’en fait, l’on ne les connait pas[6].

 

Que la balance entre avantages et inconvénients d’une guerre penche régulièrement dans le sens de son désavantage. En fait, les guerres hypothèquent souvent l’avenir des peuples et des pays.

 

3         Les séquelles à ton terme

 

Souvent, longtemps après la fin de la guerre, les mines continuent à faire des victimes, touchant indifféremment adultes et enfants, dans de nombreux pays (Cambodge, Afghanistan …)[7].

L’agent orange, un défoliant composé, en partie, de dioxine, une molécule cancérigène et mutagène, continue à faire des ravages, maintenant, longtemps après la fin de la guerre du Vietnam, en 1975.

La stabilité de la dioxine, sa bioaccumulation lui confèrent un effet durable sur les habitants des régions touchées, occasionnant ainsi des cas de cancers ou de malformations à la naissance, des années après la fin des combats. Les conséquences de cette accumulation seraient nombreuses : cécité, diabète, cancers de la prostate et du poumon, malformations congénitales[8].

 

Il existe des traumas psychiques impossibles à réparer.

 

« Les mécanismes épigénétiques sont considérés comme des médiateurs possibles entre les stress environnementaux et la santé humaine. Notamment, l'exposition au stress psychologique induit des marques épigénétiques associées à des risques accrus de maladies chroniques »[9].

[…] des études ont montré que les enfants de femmes enceintes durant les événements du 11 septembre 2001 possédaient un taux de cortisol plus élevé. On peut lire dans la même veine que « la mémoire traumatique de l’Holocauste se transmettrait génétiquement » avec la précision « Il s’agit de la première démonstration de transmission d’un traumatisme parental à son enfant, associé à des changements épigénétiques »[10].

 

4         Le cas extrême du désir de vengeance extrême et inextinguible

 

Selon un ami, Yves Montenay, démographe, « le terrorisme rend la guerre plus cruelle que la guerre "normale", mais comme c'est un moyen puissant, on l'utilise. En Algérie, tous les camps en ont usé. J'étais particulièrement navré par l'argument « l'autre me tue, donc j'ai raison [de le tuer à mon tour] » et les représailles et contre-représailles à l'infini. Il paraît qu'en Europe centrale, les troupes turques fracassaient la tête de bébés sur les murs pour terroriser la population jusqu'au XVIIIe siècle ». Cette arme de terreur et de vengeance _ « fracasser la tête des bébés contre les murs » _ a été employée dans de nombreuses guerres, par des troupes coloniales (à Zaatcha, en Algérie, en 1849 …), durant la guerre civile en Algérie (durant les années 90, ou années de plomb), par les nazis ou lors de génocides etc.

 

Dans les massacres, génocides et « purifications ethniques », on observe souvent des cas « de violence ou de cruauté jusqu’au-boutistes, extrêmes ou excessives » (en anglais, on parle aussi « d’overkill », de capacité de « sur-extermination », d’acharnement jusqu’au-boutiste …), qui n’ont pas aucune motivation rationnelle. Les bourreaux s’acharnent sur leur victimes, en continuant à les mutiler, même après leur mort, à humilier, « salir » symboliquement les cadavres. Le but « terroriste » est, en général, de terroriser les ennemis. Mais certaines bourreaux prennent progressivement « goût au sang » et se déchaînent dans la surenchère de l’horreur[11]. Laurence d’Arabie décrit ce processus, lié au désir de vengeance, dans les guerres, conduisant au « pas de quartier ! pas de prisonnier ! »[12]. La guerre nourrit la guerre.

 

 

5         Conclusion partielle sur « l’apport des guerres »

 

Il est donc important de réfuter ces discours « va-en-guerre », cette désinformation sur la réalité des guerres.

 

Toutes les régions et tous les peuples victimes du terrorisme et de guerres s’appauvrissent toujours à terme _ que cela soit au Sahel, en Somalie, au Soudan du Sud, Afghanistan, et pendant longtemps, au Mozambique, en Angola, en Erythrée …

 

La conséquence des guerres est que, souvent, il est impossible de réparer les traumas et séquelles des victimes.

 

Mais « On peut lutter contre la guerre par le dialogue, la paix et l'éducation », si l’on croit la militante de l’éducation des filles, Malala Yousafzai.

 

6         Que faire quand vous devenez insensible moralement, en raison de traumatismes ?

 

Si votre traumatisme est une atteinte ou une lésion du lobe frontal _ centre des émotions et de la raison _, le problème est quasiment insoluble. Certains, qui avaient des valeurs morales avant leur trauma, en ont conscience et font tout pour continuer d’agir comme un être sensible auprès de leur familles et amis.

 

Nous avons aussi le cas de cette perte de sensibilité, en raison de syndromes de stress post-traumatiques, liés :

 

a)       A une enfance dysfonctionnelle (maltraitances psychologiques et carences affectives graves _ comme dans le cas des tueurs en série, à qui l’on n’a pas fourni de garde-fous moraux. Mais heureusement, tous les enfants maltraités et carencés et/ou sans garde-fou, ne deviennent pas tueurs en série).

b)      A une guerre, à une agression, à un attentat terroriste. Il y a, dans ces derniers cas, des possibilités de réparations psychologiques et de résilience. Une longue thérapie psy et des valeurs morales peuvent y aider.

 

7         Quel faire quand l’on est rongé par le désir de se venger ?

 

Si une personne, depuis longtemps en difficulté, se sentant dans une impasse, qui espérait recevoir de l’aide, se fait, au contraire, mettre encore plus en difficulté, rejeter, humilier, à répétition, Il arrive qu’elle soit soudainement envahie (comme possédée) par une haine immense et irrationnelle, avec un désir irrésistible et inextinguible de se venger contre ses persécuteurs ou moqueurs, de leur rendre la pareille, voire au centuple. Une haine si puissante qu’elle n’arrive plus à s’en débarrasser et à en guérir (en tout cas, une haine très difficile à faire disparaître). Malgré les efforts pour s’en guérir, il arrive que cette haine persiste dans son cœur durant des années.

 

Pour pouvoir s’en débarrasser, déjà il faut ne pas rester seul _ la solitude favorisant le « petit vélo ans la tête » et la macération des idées de vengeance _, il faut s’entourer d’amis bienveillants, il faut avoir des occupations gratifiantes et positives, qui, à la longue, vous feront oublier l’objet et les raisons de votre haine, … dont il faut, d’ailleurs, s’éloigner à tout prix (si vous le pouvez).

 

Si une personne, dont vous espériez ardemment l’aide, ne vous aide pas, éloignez-vous elle, ne sollicitez plus son aide.

 

8         Bibliographie

 

[1] Putain de guerre, Tardy, Verney, Casterman, 2008, https://media.electre-ng.com/extraits/extrait-id/59ffe69eb23b79832a3ab4037542b3ed0125aaf8686beabdc0c1756f14cf7861.pdf

 

9         Annexe : Diverses réactions concernant ce texte

 

9.1         Réactions de Michel P. (un ami, chercheur au CNRS)

 

« Bonjour Benjamin.

Tu pourras faire comprendre tout ça à quelques-uns, mais pas aux plus radicaux.

Ils sont heureux de "sacrifier" leur vie (et surtout celle des autres), car persuadés de le faire pour de bonnes raisons, et d'ailleurs, ils ne se sacrifient pas vraiment, puisqu'ils sont convaincus d'aller directement au paradis, avec promesse d'éternité (et d'un harem à disposition pour certains), etc.

D'ailleurs, plusieurs milliards de chrétiens + juifs + musulmans continuent à applaudir le choix d'Abraham d'obéir à dieu et à sacrifier son fils.

Mais ceux qui poussent à ces extrémités en envoyant les jeunes au sacrifice ultime se gardent bien de donner l'exemple !

La guerre, de front ou asymétrique, ne viendra pas à bout de cela., même si des ripostes ciblées sont parfois nécessaires.

Beaucoup de français musulmans réclament plus de fermeté dans l'application de la laïcité.

Cela doit commencer à l'école, et le plus tôt possible.

Et au lieu de faire "progresser les élèves à leur rythme" en leur apprenant soi-disant le sens critique via des bavardages socio-philosophiques, il faut revenir à des programmes scolaires plus ambitieux : lire et écrire (orthographe, grammaire, pas de laxisme), compter, histoire (les dates, les rois, les batailles), géo (les montagnes, les fleuves, les grandes villes), etc., et ceci n'est faisable que si on restaure l'autorité des enseignants.

Les jeunes s'emmerdent à l'école et au collège, car ils n'apprennent rien.

Il y a deux ou trois ans, je me rappelle une étudiante de master (elle venait de passer un semestre à la fac de Strasbourg), nom de famille de type maghrébin, venant de banlieue, qui me disait être ulcérée car elle n'avait pas reçu assez d'heures de cours !!!

Les jeunes veulent apprendre, des choses précises, les faire disserter sur des faits de société, ils le feront d'eux-mêmes le moment venu.

Quant à la laïcité, ce n'est pas faire des concessions en craignant d'être taxé de raciste ou d'islamophobe.

Tout le monde doit se plier aux règles.

La faiblesse et le compromis nous mènent à de nombreuses catastrophes, et ça empire.

Michel ».

 

Table des matières

1       Nature des discours populistes, extrémistes, incitant au terrorisme et à la guerre. 1

2       Les discours présentant la guerre comme héroïque. 1

3       Les séquelles à ton terme. 2

4       Le cas extrême du désir de vengeance extrême et inextinguible. 3

5       Conclusion partielle sur « l’apport des guerres ». 4

6       Que faire quand vous devenez insensible moralement, en raison de traumatismes ?. 4

7       Quel faire quand l’on est rongé par le désir de se venger ?. 4

8       Bibliographie. 5

9       Annexe : Diverses réactions concernant ce texte. 5

9.1         Réactions de Michel P. (un ami, chercheur au CNRS). 5

 

 

 

 



[1] On s’en prend à un objet de détestation de substitution parce qu’on se trouve dans l’impossibilité de s’en prendre à la vraie cause de sa blessure (ou de sa souffrance). C’est le rôle d’un bouc émissaire (un objet sur lequel on peut décharger sa frustration, son désir de vengeance).

[2] Cardinal français, universitaire, historien, recteur de l’Institut catholique de Paris, écrivain, membre de l'Académie française.

[3] Pendant la première guerre mondiale, ce syndrome était appelé « obusite ».

[4] « On sait à quel moment on va commencer une guerre, on ne sait jamais à quel moment, on va la terminer ».

[5] Algérie-Maroc : le dangereux rêve d’une guerre, Kamel Daoud, 09-09-2021, https://www.liberte-algerie.com/actualite/algerie-maroc-le-dangereux-reve-dune-guerre-364706

[6] « La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas », Paul Valéry

[7] Handicap International : Pays où nous intervenons, https://handicap-international.fr/fr/pays-ou-nous-intervenons

[8] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Agent_orange#%C3%89pid%C3%A9miologie, https://en.wikipedia.org/wiki/Agent_Orange

[9] Une journée de méditation suffit à modifier l’épigénome, 16 janvier 2020, https://inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/une-journee-de-meditation-suffit-modifier-lepigenome

[10] Cf. b) https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pig%C3%A9n%C3%A9tique

[11] L’exemple des massacres d'août 1955 dans le Constantinois, dits également massacres de Philippeville (Algérie) : « Ces massacres étaient perpétrés d'un côté contre les populations civiles d'origine européenne, et musulmanes loyalistes, ainsi que contre des notables musulmans modérés signataires d'un appel condamnant « toute violence d’où qu’elle vienne ». De l'autre côté, les tueries commises contre la population musulmane étaient aveugles et ne faisaient aucune distinction : des modérés furent ainsi victimes de la répression. L'indignation suscitée par ces massacres de civils a attiré l'attention de l'opinion internationale sur le combat algérien pour l'indépendance ; c'était justement l'un des buts poursuivis par le FLN, qui voulait par ailleurs semer la peur dans les rangs de l'ennemi, des colons et de leurs auxiliaires musulmans. Même les enfants étaient tués, mutilés. Les attaquant du FLN éventraient, coupaient les pénis et les mettaient dans les bouches de leurs victimes » (Cf. Wikipedia).

[12] Les sept piliers de la sagesse, Thomas Edward Lawrence, 1922.