Présentation du livre « Islam et science : antagonismes contemporains », d’Alexandre Moatti

 

Benjamin Lisan, 16/05/2021.

 

Bonjour, Aujourd'hui, je vous présente un excellent petit livre universitaire, essentiel pour celui qui s'intéresse au concordisme musulman :

 

Islam et science : antagonismes contemporains, Alexandre Moatti, PUF, 11 janvier 2017, 288 pages, 14€.

 

1         Présentation du livre

 

Pourquoi est-il difficile, dans certains lycées, d'enseigner la théorie de Darwin à une partie des élèves musulmans ? Cette opposition à une théorie scientifique pourtant structurante de la science contemporaine s'inscrit dans une forme d'imbrication entre science et religion, qu'on peut appeler concordisme. L'ouvrage analyse, à partir des discours et écrits de certains penseurs musulmans contemporains - notamment Tariq Ramadan -, la critique d'une science dite « occidentale », certains allant jusqu'à proposer une « science islamique », plus conforme aux principes de la religion. Cette critique trouve ses racines historiques dans une opposition à la modernité technique occidentale dès les années 1920, avec l'effondrement de l'Empire ottoman et la création des Frères musulmans. Si certains de ces arguments critiques sont intéressants et rejoignent dès les années 1970 une critique écologique de la science, ils se sont trouvés amplifiés sur internet, dans des discours radicaux qui n'ont plus rien d'académique. Enfin, l'ensemble de ces discours en arrive à remettre en cause la démarche scientifique en elle-même. C'est pourtant cette capacité de questionnement, induite par la relation à la science, que doit prendre en considération l'islam d'aujourd'hui.

 

2         Biographie de l'auteur

 

Alexandre Moatti est ingénieur en chef des Mines et chercheur associé en histoire des sciences à l'université Paris Diderot. Sa recherche porte sur les discours de critique de la science contemporaine et plus généralement sur les argumentaires de la critique de la modernité technique, de 1780 à nos jours. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont, aux Puf, Au pays de Numérix (2015).

 

3         Mon commentaire personnel

 

Depuis longtemps, le concordisme a été majoritairement abandonné en Occident.

 

Or il n’en est rien, dans le monde musulman, où le concordisme et les courants antisciences ont énormément de succès. Ils se sont même renforcés, après la révolution iranienne de 1979.

 

Ils se propagent, en même temps que se propagent les courants islamistes et radicaux de l’islam, dans le monde.

Et que ce mouvement gagne et "contamine" aussi les musulmans en Europe.

 

Le concordisme islamique sert surtout des fins d'apologétique et de prosélytisme.

Ce concordisme utilise toutes les moyens, même les plus spécieux, pour cautionner, "valider" scientifiquement l'islam et le Coran [ses allégations, ses "vérités"].

 

Les penseurs islamistes, qui soutiennent ce concordisme, entretiennent sciemment la confusion entre "savant religieux" et "savant scientifique", c’est à dire un vrai scientifique (qui applique la méthode scientifique (moderne) et le flou sur le concept de "science islamique" (en fait, la ""science" religieuse").

 

Pour ces penseurs, la recherche scientifique (même selon la démarche ou approche de la méthode scientifique) doit se soumettre à la religion et se doit obligatoirement de contribuer à valider la scientificité, la véracité scientifiques des "vérités" religieuses et doit contribuer à la gloire de l'islam et du Coran.

 

Ce genre de façon peut aller très loin, puisque pour un de ses penseurs, si le Coran parle de djinns, alors la science (moderne) a pour obligation de prouver l'existence des djinns[1].

 

Ces penseurs sont incapables de comprendre la méthode scientifique et l'importance de la séparation et de l'étanchéité des deux magistères, la science (moderne) et la religion.

 

A leurs yeux, la séparation stricte et étanche des deux magistères, la science moderne et la religion, est inconcevable (c'est un blasphème pour eux).

Certains penseurs concordistes musulmans partent du principe que le Coran et l'islam sont parfaits et la vérité absolue, et donc sont incritiquables et infalsifiables.

 

Contrairement aux théories et faits scientifiques qui sont réfutables ("falsifiables"), les allégations de l'islam, pour ces penseurs, sont infalsifiables. Mêmes si elles sont fausses, elles seront vraies, sans fin, puisqu’ils partent de l'axiome absolu que l'islam es la Vérité (c'est leur dogme).

 

Selon leur interprétation du tawḥīd _ le dogme le plus important de l’islam, le monothéisme, compris comme la croyance en un Dieu unique, inaccessible à l'imagination, sans associé et sans égal _, tout doit converger vers l'islam, tout doit y être soumis (la science moderne, la politique ...).

 

C'est, en fait, une vision politico-scientifico-religieuse totalitaire.

 

Dans leur esprit, l'Islam ne peut que gagner, quelques soient les fins employées (tautologies, sophisme, pseudo-cautions scientifiques dont "miracles scientifiques du Coran" ou ijaz ...).

 

Ce courant, en pleine progression chez les musulmans, est un grave danger pour l'indépendance de la science et de la pensée (par rapport à la religion) et pour la culture de l'esprit critique (chez les enfants, adultes ...).

 

C'est, du moins, pour moi, le constat très inquiétant que fait son auteur, Alexandre Moatti.

 

Je rajoute que la religion tenter régulièrement d’empiéter sur les platebandes de la science, dans ses prétentions à la vérité (ou à détenir la Vérité avec un grand V).

 

Mais la science est toujours sortie victorieuse de ces conflits avec la religion (pour le plus grand bien de l’humanité).

La religion peut très bien « valider » ou affirmer l’existence de la lévitation et de la télépathie, alors que la science ne les a pas validés.

 

La science, reposant sur une démarche rigoureuse et méthodique, obtient des modèles et des résultats fiables, robustes et vérifiables.

En fonction des travaux de recherches successives qu’elle entreprend, validés par les pairs, la science moderne ne cesse de préciser et d’améliorer nos connaissances scientifiques sur l’univers.

 

Alors que la religion, qui se base le plus souvent sur des intuitions, des « révélations », n’est pas fiable, robustes (ses vérités immuables, dans ses descriptions et explications des phénomènes de la nature, ne sont pas fiables).

Un « prophète », un gourou peut avoir des intuitions parfaitement géniales et, pourtant, totalement fausses. On peut être subjugué et nous enthousiasmer pour nos propres intuitions, à tort.

 

On peut avoir des « illuminations mystiques », croire recevoir des messages de Dieu ou de « l’au-delà », alors qu’en général, nous avons affaire, en fait, à des phénomènes psychologiques, dont nous sommes l’involontaire victime, liés, par exemple, à des états de conscience modifiés _ visions hypnagogiques … _, à des épilepsies du lobe frontal, à un défaut momentané d’oxygénation du cerveau etc.

 

Et 14€, ce n’est pas la mer à boire.

 

Table des matières

1       Présentation du livre. 1

2       Biographie de l'auteur. 1

3       Mon commentaire personnel 1

 

 

 

 



[1] L’intellectuel et homme politique turc, Fethullah Gülen, imagine que la science acceptera et expliquera, un jour, les djinns, personnages fantastiques tels que décrits par le Coran. Cf. Moatti, Islam et science : antagonismes contemporains, page 123.