Analyse
du livre d’Abdelghani Merah
J’ai lu le livre « Mon frère ce terroriste », d’Abdelghani Merah
et de Mohamed Sifaoui, Ed. Calmann-lévy,
2016.
Ce genre de témoignage, fournissant une radioscopie d’une famille
« criminogène », dysfonctionnelle, nous faisant vivre son
fonctionnement de l’intérieur, est un témoignage rare.
En général, ce genre de famille ou de groupe vit dans la dissimulation, la
méfiance, la paranoïa, le repli sur soi et ne communiquera jamais sur sa façon
de penser. Mais grâce à Abdelghani et son témoignage, l’on sait un peu plus sur
la façon dont a été généré la monstruosité de Mohamed Merah et consors.
J’ai extrait, de son livre, certains textes, ceux que j’estime les plus
significatifs et les plus édifiants, pour décrire :
a)
Le caractère dysfonctionnel,
violent de cette famille, la psychologie des parents,
b)
Sur la
psychologie de Mohamed Merah,
c)
La propre
violence d’Abdelghani Merah, l’auteur de ce long témoignage,
d)
Les propos et
l’atmosphère antisémitismes, racistes, la haine de l’autre, régnant dans ou de
cette famille,
e)
Le salafisme,
l’islamisme, le clanisme de certains membres de sa famille.
f)
Les Théories
du complot ayant été émis, par les islamistes, pour justifier les actes
terroristes de Mohamed Merah.
Voici ces extraits significatifs :
1)
Famille dysfonctionnelle, violente et psychologie
des parents
Cette famille est caractérisée par sa violence, son manque de compassion,
son hypocrisie, son égoïsme, son analphabétisme ou acculturation. Un père
violent, irresponsable. Une mère lâche, hypocrite, démissionnaire,
irresponsable.
Page 20 : « À Toulouse, nous sommes tous
défavorablement connus des services sociaux et des forces de l'ordre. Mon père, un ancien vendeur de drogue, a
fait cinq ans de prison ; mes frères Kader et Mohamed sont des voyous, recyclés
dans le salafisme le plus radical, ma soeur Souad
est une intégriste notoire, ma mère est une femme à scandales, la plupart de
nos proches sont des délinquants. Bref, chez nous les gardes à vue succèdent aux procès et les interventions
de police font suite aux rixes et autres troubles à l'ordre public.
Longtemps, je ne fus pas une exception. Je reviendrai plus loin sur mes
erreurs de jeunesse, mon arrestation pour recel et mon passage par la case
prison ».
Page 38 : « Ma mère ne
craint pas de mentir ; et elle a toujours fait en sorte de couvrir mes frères,
notamment les agissements de Kader. Du temps où il était dealer, elle
n'hésitait pas à cacher ses plaquettes de shit. En contrepartie, il la
récompensait.
Si, dans un premier temps, elle
était d'accord avec moi sur l'implication de Kader dans les attentats — ne
serait-ce que parce qu'il a dû donner une légitimation idéologique —, elle s'empressera, les jours suivants,
à mon avis sous la pression de Souad, de
le défendre et de le dédouaner en jurant sur tous les saints, sur Allah, sur le
Coran et sur ma tête qu'il n'y était pour rien ».
Page 54 : « je connais l'hypocrisie de plusieurs membres de ma famille et leur capacité à mentir avec force ».
Page 55 : « j'étais convaincu que l'on [ma famille] me cachait
des vérités. Généralement, je m'en rends compte lorsque je constate qu'ils
changent de discussion dès que j'apparais dans leur champ de vision ou lorsque
ma mère se met à me raconter de grossiers mensonges. Depuis le début de
l'affaire, c'est le cas ».
Pages 62-63 : « Peuplé par des gens rustres vivant
principalement d'élevage et d'agriculture, ce patelin [Oued Bezzaz,
un petit hameau délabré, d'où mon père est originaire, rattaché à la
sous-préfecture de Souagui, près de Médéa, une ville
située à une de kilomètres au sud d'Alger] est très pauvre et, depuis l'époque
coloniale, sa population est délaissée par les pouvoirs en place. C'est ce qui
explique probablement le caractère dur et souvent violent de mon père, lui-même
élevé dans des conditions très difficiles. Le taux d'analphabétisation est également
très élevé ».
Pages 64-65 : « elle [ma mère] m'a avoué que ma sœur aînée [Fatma-Zohra] avait été tuée par ma grand-mère paternelle
qui aurait empoisonné son biberon. Elle aurait, selon elle, voulu faire la même
chose avec moi. C'est la raison qui aurait incité ma mère à demander à mon
père de le rejoindre en France. Ma grand-mère est décédée depuis ».
Page 70 : « Mon père ne se préoccupait pas outre mesure de notre
sort, pas même lorsque l'un d'entre nous tombait malade. [...] Ce jour-là, seul
avec elle à la maison, j'ai eu une fièvre si forte que je grelottais dans mon
lit. [...] Elle voulait qu'il m'emmène aux urgences. Il a d'abord refusé,
prétextant que je n'avais rien du tout. Elle a dû vraiment insister et quand il
a fini par venir, il lui a lancé : « Tu ne vois pas qu'il joue la comédie ? »
Finalement, il m'a conduit chez un médecin au moment où je commençais à avoir
des convulsions. J'avais près de 41 degrés de fièvre ».
Page 71 : « elle avait pris l'habitude d'envoyer Rachid lui
chiper des petites choses du magasin Casino, situé à proximité de chez nous. Mon demi-frère était devenu, à la grande
joie de ma mère, un spécialiste du vol de sous-vêtements féminins et notamment
de soutien-gorge ».
Pages 72-73 : « Progressivement, je devenais son souffre-douleur.
Je n'ai jamais vu un père battre, de cette manière, son propre fils. Alors que
j'avais moins de 10 ans, il me corrigeait comme on frappe un adulte. Il était
d'une violence inouïe. II tapait avec les poings. Parfois, c'était des gifles
et des coups de pied. D'autre fois, il s'armait de la ceinture ou du mémorable
fil d'antenne. Il faisait cependant attention à ne pas laisser de traces sur le
visage. À cause de l'école [...] Parfois, quand il revenait à la maison aux
alentours de minuit, il me réveillait et me faisait descendre au garage. Là, il
m'obligeait à effectuer des pompes et des exercices physiques. J'en faisais par
dizaines ! J'en faisais jusqu'à l'épuisement.
Dehors, je n'avais plus peur des bagarres. Même des personnes plus âgées ne
m'impressionnaient pas. Adolescent et jeune adulte, je pouvais mettre en pièces tous ceux qui me cherchaient querelle.
Chez nous, la violence était chose banale ».
Page 77 : « dès que mon père partait en Algérie, ma mère était
obligée de nous emmener aux Restos du cœur ou au Secours populaire afin que
nous puissions manger à notre faim. Devant sa radinerie et son égoïsme, je me
suis mis à lui voler de l'argent. À l'extérieur, j'ai dû chiper à deux ou à
trois reprises. Notamment des jouets à quelques copains. Je récupérais parfois
ce que les voisins jetaient. Mes frères et sœurs faisaient généralement de
même. J'ai vu plusieurs fois Souad, […] revenir à la maison avec des produits
d'origine suspecte. Elle devait avoir 10 ou 11 ans et j'ai des raisons de penser
qu'elle piquait dans les magasins. Naturellement, mes parents ne voyaient aucun
inconvénient que nous nous servions de cette manière. En vérité, ils nous
réprimandaient quand nous nous faisions arrêter par les vigiles et nous félicitaient lorsque nous passions à
travers les mailles de la surveillance ».
Page 79 : « Nous évitions en effet d'évoquer, [à l'école et] y
compris entre nous, nos souffrances respectives. Nous étions beaucoup plus
prompts, au contraire, à user de
violence et de méchanceté les uns à l'égard des autres ».
Page 80 : « J'avais demandé à mon géniteur [mon père] de
m'inscrire au club de foot du quartier, l'USB, l'Union sportive de Bagatelle,
mais il a refusé. […] La radinerie de mon père et son égoïsme l'empêchaient, là
encore, de me permettre d'avoir, comme la plupart des enfants de mon âge, des activités
extrascolaires. J'ai donc été obligé de me débrouiller seul. Au football, il ne
venait jamais ou presque me regarder jouer ».
Page 81 : « habillé d'une gandoura transparente qui lui servait
de pyjama, il était venu faire des remontrances à mes enseignants et taper un
vrai scandale parce que je redoublais une classe. Mon père est ainsi fait.
Incapable d'assumer ses responsabilités, il rejette systématiquement les torts
sur les autres. À l'entendre, rien n'est jamais de sa faute.
En réalité, de nos études, il n'en avait cure. Parfois, juste parce qu'il en
avait décidé ainsi, nous restions en Algérie au-delà de la période des vacances
[…] Il pouvait nous faire rater tout un trimestre. Je n’ai jamais vu ma mère
protester contre une telle irresponsabilité. […] Après son divorce, elle
oubliait parfois d’emmener Mohamed à l’école, préférant faire la grasse
matinée. Et quand par la suite mes résultats étaient mauvais, [mon père]
m’injuriait ou me battait sans que ma mère réagisse ».
Page 93 : « Au lieu de cadrer Mohamed, ma mère préférait le «
protéger » et le laisser faire ce qu'il voulait. Pour avoir la paix, elle
allumait le magnétoscope et lui mettait souvent des films violents à la place
des dessins animés. À l'époque, sa fiction préférée était : Le Monstre de la lande,
un film d'horreur, particulièrement terrifiant pour les plus jeunes, théoriquement
déconseillé aux moins de 12 ans [plus tard, elle ne laissait jouer aussi, toute
la journée, à un jeu vidéo ultra-violent, « Call of duty »] ».
Page 97 : « C'était à l'école primaire. Durant la récréation,
elle [Souad] et Kader ont visité les salles de classe et volé toutes les
trousses et les goûters de leurs camarades. À leur retour à la maison, ils ont
raconté leur « exploit » à ma mère qui,
au lieu de les punir ou de leur faire la morale, leur a dit : « Je vous tire
mon chapeau ! Vous avez très bien agi. » Aussi incroyable que cela puisse
paraître, mes parents nous ont toujours indirectement encouragés à voler ».
Page 113 : « je savais néanmoins que ma mère ne voulait plus s'occuper de ses enfants. Dès 1996, elle a décidé de placer Mohamed en foyer.
Il avait 8 ans et demi. Puis ce sera le tour de Kader, âgé, lui, de 15 ans.
Ma famille était régulièrement signalée aux services sociaux, dès le milieu
des années 1990, tantôt par les établissements scolaires, tantôt par les
éducateurs qui s'occupaient de mes frères dans les foyers.
Ma mère promettait à Mohamed, par
exemple, d'aller le récupérer pour les week-ends, mais elle ne tenait jamais
parole. Chaque fin de semaine, il l'attendait patiemment pour rentrer à la
maison, mais elle ne venait pas ».
Page 117 : « Un jour, je ne me souviens plus si c'était en 1997
ou en 1998, alors que ma mère
s'apprêtait à partir en Algérie, elle a demandé à Mohamed, à la dernière
minute, de se rendre chez mon père. Ce qu'il fit mais, en arrivant chez mon
géniteur, il ne trouva personne. Les voisins lui apprirent qu'il était, lui
aussi, parti au bled depuis quelques jours déjà. De retour chez ma mère, la
maison était fermée : elle avait déjà pris son avion ! Se voyant à la rue,
mon petit frère a rejoint Sophie dans notre appartement. Il est arrivé avec une
terrible rage de dents. Le soir, en rentrant à la maison, je l'ai trouvé
fiévreux, souffrant de violentes douleurs dentaires. Le lendemain, Sophie s'est
empressée de l'emmener chez le dentiste. Elle eut terriblement honte quand le
praticien lui a conseillé de mieux s’occuper de la dentition de ce « petit
garçon » […] Un exemple, parmi tant d’autres, qui montre à quel point
cet enfant est délaissé ».
Page 131 : « [...] même si mes parents ont toujours été
pratiquants, leur profonde intolérance n'était pas dictée par une idéologie
extrémiste ou par la religion, mais par
une totale inculture et une profonde ignorance. Deux ingrédients qui ont permis
de faire d'eux des êtres entièrement perméables à des idées rétrogrades.
Mon père a reçu, sur le tard, par bribes, durant ses voyages en Algérie, un
semblant d'enseignement islamiste. Il est néanmoins incapable de citer un texte
d'un idéologue ou de conceptualiser une pensée. Il répète bêtement ce que des imams intégristes peuvent dire. Sans
plus. Son attitude est davantage mimétique qu'activiste ».
Page 143 [témoignage d’Abdelghani] : « Après mon rétablissement, ma mère ne cessait de revenir vers moi afin
que je retire ma plainte [que j’avais déposé contre Kader, pour les 7 coups
de couteaux qu’il avait porté contre moi]. La voyant pleurer et supplier avec insistance, j'ai fini par céder ».
Page 226 : « Nos parents ne
nous ont transmis aucune valeur, si ce n'est le rejet de l'autre et de la «
différence » réelle ou supposée, si ce n'est la haine de la France, et des
Français, de sa culture et de ses valeurs. Ils nous ont appris à nous
accommoder de ce qui relève de l'illégalité et du délit ».
2)
Sur la psychologie de Mohamed Merah :
Page 121 : « Un rapport social que je consulterai plus tard
tirait la sonnette d'alarme dès mai 1997. Il présentait Mohamed comme un enfant
« en danger par manque de cadre éducatif
minimum dans lequel il pourrait trouver des repères stables et cohérents » ».
[…].
« Je ne pense pas que Mohamed était fou, au sens où il serait
irresponsable, mais il était
incontestablement atteint de pathologies psychiques qui l'ont désensibilisé à
la souffrance de l'autre et qui, probablement, ont banalisé la violence à ses
yeux ».
Page 122 : « En 1997, les services sociaux indiquaient, dans un
autre rapport, que Mohamed était un « enfant qui se confi [ait] très peu. Livré à lui-même, il a [vait]
beaucoup de difficultés à se concentrer sur ses acquisitions scolaires » ».
Page 164 : « En septembre 2009, à l'issue de sa peine, [Mohamed]
était de nouveau libre. […] Il est
devenu moralisateur, intolérant et ne cachait pas son attirance pour la «
guerre sainte ». Il allait désormais suivre des « cours d'arabe littéraire
» et des « cours de religion » prodigués par des idéologues autoproclamés qui
regroupaient clandestinement leurs adeptes dans des appartements » […]
Page 165 : « [Mohamed] comptait filmer des SDF et des ivrognes,
dans la rue, pour « montrer la déchéance
de la société française » […] à chaque fois qu'un soldat français était tué
en Afghanistan. Il répétait alors à qui voulait l'entendre : « Dieu est avec nous ! » »
Page 168 : « L'attitude de Mohamed à l'égard des femmes avait
également changé. Il engueulait ma mère
pour un oui ou pour un non. Lorsqu'il la voyait en discussion avec un homme
dans la rue, quand il la surprenait en train de danser toute seule chez elle ou
de regarder la télévision. Il lui interdisait d'écouter de la musique ou de
regarder des films. « C'est contraire à la religion », répétait-il. Ma mère
évidemment avait une peur bleue de lui et de Kader. Au lieu de s'affirmer,
cette femme sans personnalité a préféré se cacher derrière sa lâcheté habituelle.
Mohamed ne ratait pas une occasion de critiquer
le mode de vie d'Aïcha dont il disait souhaiter la mort.
Par exemple, il répétait, à maintes reprises, devant moi, qu'il la considérait comme une « étrangère
» et que sa mort ne lui ferait « ni chaud ni froid » ».
Page 174 : « Mohamed développait par ailleurs une attitude
morbide. Il aimait aller aux
enterrements et évoquer les morts. Quand il s'y rendait, il n'hésitait pas à
prendre en photo, avec son téléphone portable, des cadavres. Dès qu'il entendait
parler de la disparition d'une personne, il s'empressait d'aller aux
funérailles. Il s'était également rapproché de certains salafistes, qui
dirigent à Toulouse des pompes funèbres, pour les aider lors de la toilette
mortuaire. J'ai constaté qu'il
glorifiait la mort dans son discours et il avait pris l'habitude de
s'introduire dans les morgues comme dans un moulin pour aller voir les cadavres.
« La mort est belle ! », répétait-il
alors sur un ton joyeux ».
3)
La propre violence d’Abdelghani Merah, contre les
autres et lui-même :
Page 92 [témoignage d’Abdelghani] : « J'ai commencé par goûter
d'abord à la cigarette, ensuite au shit et à traîner dans les rues jusque tard
dans la nuit. Je fréquentais tous les jeunes du quartier, mais mes meilleurs
amis étaient des Gitans. Avec eux, j'ai appris à ouvrir des voitures et à les
faire démarrer avec un simple tournevis ».
Pages 106-107 : [à cause du rejet par ma famille de Sophie et de moi]
« Je me suis mis à boire de façon régulière, je devenais violent, je
me suis mis à fumer du shit, à prendre
des anxiolytiques et à injurier le monde entier. J'avais la haine. J'allais
dans des bars et je provoquais des
bagarres pour un oui ou pour un non, parfois pour un simple regard. […] Dehors,
je me suis mis à voler des voitures pour
les essayer avant de les écraser contre un mur ou contre un arbre, histoire de
tester les airbags ».
Abdelghani a fait plusieurs tentatives de suicides, dont une décrite, aux
pages 111 et 112.
Page 116 : « [...] d'autre fois je la poussais. J'usais d'une indescriptible violence avec
[Sophie, son ex-épouse], à la fois physique et verbale. Il m'arrivait de casser
tous les objets que je trouvais devant moi à la maison. Cela n'arrivait que
sous l'effet de l'alcool. Je buvais pour ne pas leur ressembler, mais plus je
me saoulais plus je me mettais à agir comme eux. [...] Chaque cycle de violence était, à l'époque, ponctué par une tentative
de suicide ».
Page 141-142 : « mon propre frère [Kader] sortait un couteau pour me
poignarder une première fois au thorax, une seconde fois à la cuisse et ainsi
de suite. Je recevais, ce jour-là, sept
coups de couteau. La lame était passée à un centimètre du cœur et avait touché
le poumon ».
Page 151 : « [Le 25 mai 2007, après mon accident de moto, à cause de
ma prise de risque et d’alcool] Quelques heures après mon réveil, j'ai appris
que, touché à la colonne vertébrale, un nerf avait cédé, j'avais perdu l'usage
de mon bras droit. Je me suis dit : « Bien fait pour toi, c'est cette main qui
parfois a giflé Sophie ! » ».
4)
Antisémitisme, antichristianisme, racisme, haine
de l’autre
Page 9 : « je lui ai
fait un serment [à son frère Mohamed] : « […] comment nos parents t'ont élevé
dans une atmosphère de racisme et de
haine avant que les salafistes ne te fassent baigner dans l'extrémisme
religieux ».
Page 11 : Ces derniers [mes oncles maternels,
notamment Hamid] n'ont eu de cesse de
propager devant nous, depuis notre tendre enfance, la haine, le racisme et
l'antisémitisme. Chez nous, l'intolérance a toujours occupé une place de
choix. Et même après le drame, ma mère me dira, avec une incroyable
décontraction : « Les Arabes apprennent,
dès leur naissance, à détester les juifs. » Ce qui n'est vrai que dans certaines familles, dont la mienne, devient
dans la bouche de ma mère une quasi « vérité historique ».
Page 27 : « Sophie ne
voulait plus voir, non plus, mon autre sœur, Souad et
son voile intégral. Elle ne voulait plus entendre ses paroles haineuses et ses louanges bellicistes du terrorisme. Elle
ne voulait plus se faire traiter de « sale juive » par ma mère, une femme
lunatique et hypocrite qui, parfois, lui crachait à la figure comme s'il
s'agissait de sa pire ennemie et d'autres fois l'embrassait comme elle le
ferait avec sa propre fille ».
Page 47 : « J’ai attiré leur attention sur
l'antisémitisme culturel dans lequel nous avons baigné en évoquant clairement
quelques envolées de cet oncle qui
n'hésitait pas parfois à dire sa détestation des juifs, y compris devant ses
propres enfants ».
Page 48 : « Je voulais seulement
expliquer [aux policiers] que, lorsque
l'on banalise la haine de l'autre et la déshumanisation, il ne faut pas
s'étonner que des crimes se produisent. Mon jeune frère était certes un
salafiste, mais avant de le devenir il a grandi dans cette atmosphère détestable
qui s'accommode de l'antisémitisme ».
Page 58 : « Ma femme, ils
l'appellent la « descendante des porcs » ; mon fils, ils l'ont affublé du titre
de « bâtard » ; moi, ils m'appellent le « juif ». Pour eux, l'utilisation d'un
tel qualificatif équivaut à la pire des Insultes ».
Page 76 : « Lorsque j'ai eu environ 8 ans, je l'ai supplié [mon
père] de nous acheter un sapin de Noël. Je voulais faire comme les copains, y
compris maghrébins qui étaient, à cette occasion, comblés de cadeaux. Il a
sèchement refusé. Devant mon insistance, il m'a doctement expliqué que se procurer un tel symbole serait «
contraire à l'islam », car, selon lui, un « juif voulant tuer le Prophète
s'était caché derrière un sapin ». Bien que je sois encore loin d'en saisir la
portée antisémite, cet enseignement me semblait déjà illogique et inexact.
Dans ma tête d'enfant, le sapin de Noël n'était rien d'autre qu'un symbole de
cadeaux et de joie ».
Page 105 : « Quoi qu'il en soit, j'ai tenu à préciser aux
membres de ma famille, qu'ils devaient, eux aussi, faire attention à
d'éventuels dérapages en présence de Sophie. Je ne voulais pas que ma petite
amie soit blessée par leurs sorties, habituellement indélicates sur les juifs.
Mal m'en a pris. Dès qu'ils ont su
qu'elle avait un ascendant juif, ma mère d'abord, mon père ensuite ont commencé
à la qualifier, en son absence, de « sale juive », ou de « sale Française » ».
Page 107 : « Lorsque j'allais demander de l'argent à mon père, il
me répondait : « Débarrasse-toi d'abord
de ta sale juive, ensuite je te donnerai ce que tu veux. » ».
Page 110 : « très vite, dans ma famille, on s’est mis à l’appeler
[mon fils, Thibault] « le bâtard » ».
Pages 118-119 : « Au lendemain de la naissance de Thibault,
j'étais allé le voir pour lui emprunter un peu d'argent. Mon besoins salaire ne
me d'un jeune couple avec un bébé. Il me dira, une fois de plus : « Débarrasse-toi d'abord de ta juive, ensuite
viens me réclamer de l'argent, espèce d'ivrogne. » ».
Page 141 : « Quelques mois plus tard, je me suis de nouveau
disputé avec Kader. En effet, après qu'il m'a cassé la voiture pour la énième
fois et après avoir traité ma compagne
de « sale juive », je m'étais énervé et je suis parti, à mon tour, lui détériorer son véhicule ».
Page 152 : « Kader et ma mère ont bousculé et insulté Sophie,
désignée comme bouc émissaire. Elle sera traitée de « sale pute » et de « sale
chienne » dans l'enceinte même de l'hôpital ».
Page 187 : « [Kader] m'a expliqué comment les mauvais esprits,
ceux qu'il appelle les « djinns », le pourchassaient parfois. Il n'omettra pas
de préciser que des « djinns juifs » lui
voulaient du mal ».
Page 218 : « Je lui ai rappelé [à mon oncle Hamid] certaines de ses
diatribes, comme cette fois où il avait souhaité devant moi que les « juifs meurent jusqu'au dernier » ».
5)
Idéologie salafiste, islamisme, clanisme
Page 6 : « Je veux rompre avec cette connivence malsaine qui pousse, y compris
des membres de ma propre famille, à se sentir beaucoup plus proches d'un
criminel que de ses victimes. Sous prétexte que le tueur est un fils, un
frère, un neveu, un cousin, un voisin ou un coreligionnaire et les seconds des
« inconnus » ou, pire, des « militaires » ou des « juifs », beaucoup ont utilisé les liens du sang, le
clanisme, le communautarisme ou des considérations idéologiques pour ne pas
dénoncer l'infâme [L’antisémitisme] ».
Page 87 : « J'avais 11 ans et demi et j'entends encore mon père qui, en regardant les informations
à la télévision, injuriait le régime algérien et applaudissait les intégristes.
Il avait déjà pris fait et cause pour les islamistes. Mon géniteur est à
l'image de ces tartufes qui s'adonnent à des pratiques contraires à la « morale
religieuse », mais montrent une sympathie pour les intégristes et leurs
discours violents, moralisateurs et intolérants ».
Page 88 : « Au bled, l'écrasante majorité de la famille
paternelle était acquise aux thèses du Front islamique du salut, le FIS, ce
parti intégriste qui voulait instaurer la charia dans le pays. Ils étaient, par
ailleurs, tous des sympathisants des GIA, les Groupes islamiques armés. Mon Père, jusque-là un simple pratiquant,
sans prises de positions religieuses extrémistes se mit, lui aussi, à adopter
le discours des salafistes [...] Mon père a suivi l'intégrisme religieux comme
on suit un phénomène de mode. ».
Pages 100-101 : « Pendant l'une de mes balades avec Kader, nous
sommes tombés sur les corps de quatre barbus qui venaient d'être tués par les
forces de l'ordre. [...] Pétrifiés, nous sommes restés une vingtaine de minutes
à regarder les cadavres. Et puis nous sommes repartis en courant. C'était la
première fois que l'on voyait des morts. Je garderai longtemps en tête l'image
de ces visages hirsutes, les yeux ouverts et l'expression hagarde de ces
hommes, surpris probablement par une mort qu'ils ont souhaitée au « nom d'Allah
» ».
Page 111 : « ma famille a toujours argué que Thibault devait
recevoir une « éducation musulmane » ».
Page 120 : « Officiellement, Aïcha et Souad résidaient avec [ma
mère], mais l'une comme l'autre passaient plus de
temps à droite et à gauche qu'à la maison.
Toutes les trois fuyaient mon oncle Hamid qui les persécutait. Il exigeait que
mes deux sœurs arrêtent l'école, mettent le voile islamiste et restent à la
maison. Il voulait importer en France l'intégrisme qui régnait en Algérie et
dont il s'était imprégné ».
Page 162 : « Les
salafistes savent récupérer les jeunes qui sont fragiles, canaliser leur fougue
et donner du sens à la vie de quelques paumés comme Mohamed qui était en quête
d'aventure et d'adrénaline. Mon jeune frère avait un terrible besoin de
reconnaissance. Il voulait exister. Je suis convaincu que Sabri Essid et ses semblables ont réussi à combler, à leur
manière, les nombreuses failles qui existaient dans la personnalité de Mohamed.
Ils ont probablement mythifié ses
actions délinquantes en l'invitant à les pratiquer au « nom de l'islam ».
Désormais, tout comme Kader, il ne volait plus pour
voler ou pour s'enrichir, mais pour « plaire à Allah » et servir la « cause »
en dépouillant les « mécréants » ».
Page 170 : « Leur vision de l'islam leur permet probablement de dissimuler leurs nombreuses frustrations et
leurs complexes et de trouver ainsi, du moins le croient-ils, un certain «
équilibre » à travers ce mode de vie malsain ».
Page 173 : « Mes frères, ma sœur et certains de leurs complices
salafistes ont essayé de manipuler Thibault, un mineur de 14-15 ans, afin qu'il
rejoigne leur secte obscurantiste. Ils sont allés jusqu'à lui inculquer des
idées dangereuses en lui tenant des propos qui visaient à banaliser la mort à
ses yeux. Ils lui ont offert des livres sur la mort qu'il lisait derrière notre
dos, notamment chez Souad. Il nous
montrera, après les attentats, l'un de ces petits fascicules intitulés Demain
la mort. Il est précisé par exemple que le croyant ne découvre sa « sincérité »
qu'en « s'exposant à la mort », bien évidemment en « martyr ». Dans un
autre chapitre, il est conseillé de passer du temps devant les tombes car ce
serait « un remède qui parvient à guérir des formes graves de dureté du cœur ».
[…] Il l'avait également sondé un autre jour en lui lançant : « Serais-tu capable de te faire exploser dans
le métro de Toulouse ? ».
Page 202 : « Les enfants de Souad, je le rappelle, ont longtemps
été déscolarisés et sont soumis à un dangereux endoctrinement. Ils n'ont pas le droit d'écouter de la
musique, ils ne vont pas au cinéma et leurs loisirs se résument à quelques
heures de sport, pour l'aîné qui a 12 ans. Souad et son concubin leur parlent
de moudjahidine, de mécréants et d'enfer ».
[Abdelghani, parlant du réseau salafiste
toulousain _ constitué de Mohamed, Kader, et de leurs proches _ et qui ne croit
pas à l’hypothèse du loup solitaire pour son frère Mohamed] Page 212 :
« Pour moi, ce sont des activistes
impliqués, de près ou de loin, dans des délits de toutes natures : économie
parallèle, arnaques aux services sociaux, banditisme, parjures, vols, détention
d'armes, appel à la haine, antisémitisme, apologie de crimes, etc. ».
Pages 214-215 : « aux yeux de mes frères, le vol ne devient « licite », d'un point de vue « religieux », que
s'il sert la « cause d'Allah ». Je les entendais, au cours de ces
dernières années, répéter qu'il était « permis
de voler les biens des non-musulmans », considérés comme une ghanima, en d'autres termes un butin de guerre, comme il
serait licite, à leurs yeux, de dérober un bien (une arme, un véhicule, du
matériel...) qui pourrait « servir à combattre les mécréants » ».
[Lors de la cérémonie d’enterrement de Mohamed] Page 220 : « « Sois fière ! Ton fils a mis ce pays à
genoux », lancera une vieille mégère à ma mère ».
6)
Théories du complot
Page 104 : « elle [Sophie, son ex-épouse] m'a appris que sa mère
avait découvert, vers la trentaine, que son père biologique était juif. [Mais]
contrairement aux rumeurs qui ont circulé, propagées notamment par Abdallah Zekri, le responsable régional du Conseil français du culte
musulman (CFCM) qui s'est occupé de l'enterrement de Mohamed Merah, Sophie
n'est pas juive, encore moins israélienne. Je précise cela, car tous les
tenants des thèses complotistes ont cru bon de laisser croire que mes prises de
position et ma condamnation du terrorisme islamiste seraient le résultat de
l'influence d'une compagne, prétendue « franco-israélienne ». Je tiens donc à
rappeler que notre rejet commun de l'extrémisme n'est pas dû à une quelconque
appartenance ethno-religieuse de Sophie, mais bien à
notre attachement aux principes républicains. »
[Note : les islamistes ont porté la même accusation contre Emmanuel
Valls, parce que s’étant rendu en Israël et parce que son épouse actuelle, la
violoniste Anne Gravoin, a un grand-père maternel, le
docteur Corenfeld, juif].
Page 226 [Témoignage d’Abdelghani] : « J'ai voulu aussi,
indirectement, répondre à toutes ces chapelles, dont l'avocate de mon propre
père, qui aiment à propager des idées farfelues visant à faire croire que mon frère, ce terroriste, aurait été «
manipulé » par la DCRI ou je ne sais quelle obscure officine, qu'il serait
lui-même victime d'un quelconque « complot » ou qu'il aurait même été un «
indicateur » de la police.
Mohamed, je le précise, tous ceux qui l'ont côtoyé le savent, portait en
lui depuis longtemps une profonde détestation de la police et aimait montrer
une défiance à l'égard de l'autorité. Les
thèses fantaisistes, propagées sur Internet et les réseaux sociaux, relayées,
entre autres, par des sites islamistes ou pro-islamistes, qui constituent le
fonds de commerce idéologique de cette obscure avocate algérienne, ne cadrent
aucunement ni avec la personnalité de Mohamed Merah ni avec son histoire. Mon
frère _ et je mets au défi tous ceux qui prétendent le contraire de me le
prouver _ ne pouvait pas être au service d'une quelconque institution. Il
haïssait le système dans son ensemble et il a toujours défié l'ordre. Mohamed
Merah était tout simplement devenu, après plusieurs années de délinquance, un
islamiste fanatisé qui voulait lancer sa « guerre » contre l'État et contre
ceux qu'il appelait les « mécréants ». Toute autre explication serait fantaisiste
et relèverait du fantasme ».