Le profil psychologique des gourous

Version courte. Par Benjamin LISAN, le 25/05/2018

 

Malgré leur présentation sympathique, certaines sectes, à l’instigation de leur gourou, sont tueuses : Temple du peuple (Guyana), Aum Shinrikyō (Japon), OTS (Canada, France), Heaven’s Gate. Et si l’on remonte dans un passé lointain : la secte musulmane des Assassins, la secte juive des Sicaires …

Leur dangerosité dépend, le plus souvent, du profil psychologique de leurs gourous.

1         Le profil des gourous

 

La plupart des créateurs de sectes (i.e. les gourous) sont très narcissiques, ayant un énorme besoin de reconnaissance, d’être admiré et célèbres, recherchant la toute-puissance sur leurs fidèles. Ils sont souvent mégalomanes et paranoïaques, intelligents, très imaginatifs, ayant beaucoup de culot, provocateurs, doués pour médiatiser leur mouvement sectaire, démagogues, manipulateurs, bon vendeurs, escrocs, mélangeant sincérité (déroutante) et mythomanie et n’étant pas à un mensonge près. La plupart sont obsédés par le pouvoir, la richesse et le sexe (beaucoup sont addict au sexe). Ils trompent les adeptes, par leurs discours prônant des valeurs morales. Derrière les beaux idéaux affichées, leurs motivations sont souvent sordides.

 

« Pour sa part le gourou ressent un besoin constant d'être rassuré et flatté quant à son rôle dominant et à sa grandeur. Il se doit de préserver la ferveur de ses membres. Il arrive que le gourou dépende également de plus en plus de la gratification narcissique que lui apporte l'existence et la présence de ses adeptes.  C'est alors une façon de combler ses blessures narcissiques insoutenables pour lui. L’intensification de cette dynamique relationnelle peut conduire à des comportements extrêmes (menaces, violences physiques... », Gérard Vignaux, psychologue.

2         L’enfance des gourous

 

Leur enfance a été souvent dysfonctionnelle (abandons, humiliations, maltraitances, blessures narcissiques infectées, relation fusionnelle avec un parent, ou enfance durant laquelle ils sont, au contraire, adulés, gâtés …).

 

·         Claude Vorihon, alias Raël, enfant unique et, élevé par sa tante et sa mère, semble avait été gâté ( ?).

·         Enfant, Jim Jones était déjà connu comme fourbe et manipulateur. Il était prêt à faire tout et n'importe quoi pour être le chef, celui à qui l'on obéit[1].

·         L’enfance de David Koresh est solitaire ; certaines sources disent qu'il aurait été violé de façon répétée par des garçons plus âgés. Dyslexique, avec de mauvais résultats scolaires, qui lui valent le sobriquet de « mister retardo » (« monsieur le demeuré »), il quitte rapidement l'école. Amoureux de la fille du pasteur de l’église de sa mère, ce dernier l'expulse de la congrégation à cause de son insistance à vouloir épouser sa fille. À 19 ans, il a une liaison avec une jeune femme qui, découvrant qu'elle est enceinte, l'abandonne parce qu'elle le juge incapable de s'occuper d'un enfant.

·         Eventuellement, certains gourous expriment un intérêt excessif pour la religion ou la spiritualité : a) Jim Jones : Son intérêt pour la religion apparaît tôt dans son enfance et, dès la fin de ses études, il songe à fonder sa propre Église, b) David Koresh : Selon sa mère, à l'âge de 12 ans, il connaissait le Nouveau Testament par cœur.

3         La passion du pouvoir

 

·         Jim Jones travaillait dans les coulisses politiques de la Californie, il avait dans l'idée d'y faire lui-même carrière et connaissait plusieurs sénateurs et membres du Congrès. Jones a cherché à perturber les liens familiaux, se positionnant comme le « père de tous ». Jim Jones contrôlait ses fidèles et le village de sa communauté, Jonestone, qu’il baptisa de son propre nom, grâce à une milice armée, à ses ordres. Jones organisait, certaines nuits, via des alertes lancées par haut-parleurs, jusqu’à une centaine de séances de simulations de suicide collectif, réunissant tous les membres, appelées « nuits blanches » [ce qui entretien le contrôle de Jones sur ses adeptes].

·         Lorsque Leo Ryan, le membre du Congrès, est venu à Guyana avec les journalistes, Jim Jones savait que sa fin était proche, et il cherchait à la rendre dramatique et imposante, à en faire quelque chose qui resterait gravé dans les mémoires. Cela a été un énorme suicide collectif.

·         Jo Di Mambro se permettait tout, martyrisant ses adeptes, faisant et défaisant les couples à sa guise, auréolant du titre d'Enfant-Dieu la fille que lui avait secrètement donnée l'une de ses adeptes ...

·         Koresh se faisait appeler « le Père » (de la communauté). Dès l'âge de 6 ans, les enfants de la secte de Koresh étaient astreints à un entraînement paramilitaire intensif. Korsesh était passionné par les armes.

 

4         Passion pour l’argent, la belle vie et les richesses

 

·         Raël touche ses droits d’auteur, vend des "stages" de "méditation sensuelle" à 500 dollars l’unité, perçoit les dons de ses adeptes (3 à 11 % du salaire), destinés soi-disant à la construction d’une ambassade pour recevoir les extraterrestres. Douze millions de dollars américains, déjà, appartiennent au "Mouvement raélien international", que préside bien sûr Raël. Le pactole est dissimulé dans des paradis fiscaux. Grace à l’argent récolté par sa secte, Claude Vorilhon a pu s’adonner à sa passion pour la course automobile.

·         Jo Di Mambro possédait plusieurs villas, grâce à l’argent donné par les fidèles à la secte.

5         Une frénésie pour le sexe

 

·         Raël s’est entouré d’un harem composé de jeunes et jolies femmes, dévouées sexuellement au gourou, dénommé « l'Ordre des Anges »[2]. Il préconise la « méditation sensuelle », c’est à dire des caresses érotiques, entre membres, y compris entre parents et enfants.

·         Tout en décourageant le sexe et les relations amoureuses, Jones, consommateur de drogues, avait, lui, plusieurs relations adultères, dont une avec un administrateur de l'église, Carolyn Layton, avec qui il avait un fils[3].

·         En septembre 1986, Koresh prêche que 140 femmes lui sont destinées, 60 en tant que ses « reines » et 80 en tant que concubines. Il a alors une relation avec Karen Doyle, une jeune fille de 14 ans qu'il nomme sa seconde femme. Selon Jeannine Bunds, ancien membre de la communauté, qui lui a fait sept enfants, Koresh avait « au moins 15 enfants, issus de différentes femmes et jeunes filles de la résidence ».

6         Escroc et mythomane

 

·         En 1983, David Koresh déclare avoir acquis le don de prophétie. en 1985, Koresh dit avoir la vision qu'il est le Cyrus moderne et que la résidence du Mont Carmel à Waco est le centre du royaume de David.

·         En 1965, Jim Jones commence à affirmer qu'il est l'incarnation de Jésus, d'Akhénaton, de Bouddha ou de Lénine. Il disait aussi qu'il était un Dieu et prétendait pouvoir guérir miraculeusement les gens[4] [5]; tout était mis en scène.

·        L’Ordre du Temple Solaire utilisaient des trucages du type « théâtre noir » ou lasers, pour faire apparaître « des esprits », provoquer des phosphorescences et projeter des objets aussi magiques qu'une coupe du Saint Graal.

·         Jo Di Mambro, l'ancien guérisseur d'Annemasse, se prétendait médium et représentant du monde de l'invisible. Sur ordre des « fantomatiques maîtres » [...], il exigeait des dons de plus en plus importants. Pour justifier l'acquisition à son profit de magnifiques villas, il avait inventé le concept de « maisons de survie ».

·         Raël a créé plusieurs organisations (Clitoraid, Clonaid, …), pour récolter des fonds pour construire un hôpital, pour créer des enfants clonés ou une ambassade pour accueillir des extra-terrestres. Or aucun de ces projets n'a jamais vu le jour.

 

7         La secte du gourou narcissique

 

Ce qui suit est une description de la secte du narcissique. Voyons d'abord ce que Vaknin en dit :

 

« La secte du narcissique est 'missionnaire' et 'impérialiste'. Il est toujours à la recherche de nouvelles recrues — les amis de son épouse, les petits amis de ses filles, ses voisins, les nouveaux collègues au travail. Il tente immédiatement de les 'convertir' à son 'credo' ¬à leur inculquer combien il est tellement merveilleux et admirable. En d'autres termes, il tente d'en faire des Sources d'Alimentation Narcissique.

Souvent, son comportement lors de ces 'missions de recrutement' est différent de sa conduite au sein de la 'secte' Dans la première phase de séduction de nouveaux admirateurs et de conversion de nouvelles 'recrues' — le narcissique est attentif, compassionnel, empathique, accommodant, humble et serviable. Chez lui, parmi les anciens, il est tyrannique, exigeant, entêté, agressif et exploiteur.

Comme chef de sa congrégation, le narcissique s'estime digne de faveurs spéciales et d'avantages refusés à la 'base'. Il exige qu'on soit toujours à sa disposition, de pouvoir user librement de l'argent et de la disponibilité des autres, et d'être cyniquement exempté des règles qu'il a lui-même établies (si une telle violation est agréable ou profitable).

Dans les cas extrêmes, le narcissique se sent au-dessus des lois — de n'importe quelle sorte de loi[6]. Cette conviction hautaine et grandiose le conduit à des actes criminels, inceste ou relations polygamiques, et à des problèmes récurrents avec les autorités.

D'où la panique et parfois les réactions violentes quand des gens quittent sa secte. Il y a beaucoup de choses qu'il veut garder secrètes. De plus, le narcissique stabilise le sens fluctuant de sa propre importance en obtenant l'alimentation narcissique de ses victimes. L'abandon compromet son équilibre personnel précaire.

Ajoutez les tendances paranoïdes et schizoïdes du narcissique, son manque d'introspection, son manque de sens de l'humour (incapacité à se remettre à sa place), et les risques de frustration des membres de la secte sont grands.

Le narcissique voit des ennemis et des conspirations partout. Il se pose souvent lui-même en victime héroïque (martyr) de forces ténébreuses et incroyables. Dans toute infraction à ses principes il suspecte une subversion malveillante et menaçante. Donc, il est porté à dévaloriser ses dévots — par tous les moyens. Le narcissique est dangereux[7] ».

 



[1] Jim Jones : de militant pour les droits civiques à gourou meurtrier, https://www.vice.com/fr/article/vva3ba/jim-jones-de-militant-pour-les-droits-civiques-a-gourou-meurtrier

[2] Raël : "Sexe, arnaque et soucoupes...", Roland Planchar, 15 mai 2009, http://www.lalibre.be/culture/medias-tele/rael-sexe-arnaque-et-soucoupes-51b8aaefe4b0de6db9b6c58a

[3] Jones, https://www.biography.com/people/jim-jones-10367607

[4] Faire semblant d'extraire des tumeurs cancéreuses de la gorge ou de l'abdomen de compères, en manipulant adroitement des entrailles de poulet, faire marcher une fausse paralytique amenée en fauteuil roulant.

[5] Jim Jones disait que les miracles permettaient d'attirer les gens simples à son église, qui a rassemblé, dit-on, jusqu'à 20.000 fidèles.

[6] C’est justement le cas de Mahomet, qui n’hésitait pas à faire commettre des meurtres.

[7] Sam Vaknin, The Cult of Narcissist, http://samvalc.tripod.corn/journa179.html