L’apprentissage de l’esprit critique

 

Par Benjamin LISAN, le 30/07/2017 (texte inachevé en cours de rédaction).

1         Introduction

 

Je vais aborder, aujourd’hui, un sujet plutôt sérieux : « comment accroitre notre esprit critique ? ».

 

Par nos expériences, durant notre vie, nous rencontrons beaucoup de personnes débitant volontairement des mensonges ou des informations imprécises ou approximatives, qu’elles n’ont pas eu la volonté ou l’honnêteté de vérifier.

Nous nous faisons souvent abuser par des informations ou des rumeurs souvent fausses et malveillantes. Même des personnes de bonne foi peuvent se faire abuser par des informations fausses et les véhiculer à leur tour.

De plus à cause et selon notre niveau d’instruction de culture, et de croyances, nous pouvons nous faire abuser par nos sens et par une interprétation erronée des faits et phénomènes extérieurs auxquels nous avons été confrontés.

Des politiciens, des dictateurs flattent votre ego, vous promettent des lendemains qui chantent ou abusent de votre loyauté et confiance, tout en vous conduisant à la catastrophe.

Avec un peu de jugeote et d’esprit critique, le peuple allemand, se retrouvant pourtant, à l’époque, dans un grand état de vulnérabilité (victime d’un chômage de masse …), ne serait pas fait abuser par le chant des sirènes d’Hitler.

Bien des malheurs _ guerres, escroquerie _ leur auraient été évités, si les êtres humains étaient conscientisés, formés à détecter les escroqueries et nos conditionnements, les discours faussement prometteurs (car mensongers, irréalistes etc.) etc., bref s’ils étaient formés à l’esprit critique.

 

Mais l’esprit critique est une disposition intellectuelle aussi mal partagé dans le monde que l’intelligence, l’honnêteté intellectuelle, une grande culture.

 

Nous constatons avec la facilité à la laquelle une partie des êtres humains se font abuser par les « fake news », les théories du complot _ qui leur donnent l’illusion d’avoir de l’esprit critique, d’être plus intelligents et vigilants que les autres _, ou par des manipulations conduisant à des emballements et lynchages médiatiques.

 

C’est souvent par et suite à l’électrochoc, en raison de la douleur morale, causées par notre prise de conscience de s’être fait abusé, trompé, non respecté, moqué, que notre confiance en quelqu’un, en une idéologie, en une religion, en une que notre esprit critique, notre prudence et notre méfiance s’accroissent alors, après coup, étapes après étapes.

 

Or il y a énormément de régimes politiques (en général dictatoriaux), de religions (intolérantes …), de personnes (intolérantes, malhonnêtes, mafieuses …) qui ont intérêt à ce que l’esprit critique ne soient pas développés, au sein de leur propre pays, idéologie, religion, et qui le combat violemment. Elles trouvent souvent de bonnes raisons « morales » pour le combattre _ telles l’atteinte à la sûreté de l’état, le trouble à l’ordre public, l’incitation à la subversion du pouvoir de l’état etc.

 

Les personnes manipulatrices feront tout pour vous convaincre de ne jamais vous poser de question, de ne pas écouter les personnes critiques et leurs points de vue, vous empêcher de lire la littérature critique, qui pourraient les dénigrer ou dénigrer leur idéologie ou religion.

 

Sinon, combien de personnes justifient le mensonge par la raison d’état, par le fait que « la fin justifie les moyens ».

 

Donc avoir de l’esprit critique demande aussi de la volonté, du courage et de l’honnêteté. D’autant que posséder chacune de ces qualités séparées ne suffit pas pour vous transformer en une personne douée d’esprit critique.

 

Pour illustrer la qualité du courage, il faut se souvenir ici par exemple des phrases du pasteur Martin Niemöller, qui avait été déporté par les nazi et qui l'auteur de " Quand ils sont venus chercher...  " :

 

« Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.

Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. ».

 

Or bien au contraire, durant toute l’entre-deux-guerres, la plupart des européens ont été enfermés dans une attitude d’apaisement aveugle (« tout sauf la guerre ») ou lâches. On parle « d’attitude munichoise » (en rapport avec les accords de Munich de 1938). Le « munichois » incarne la faiblesse et le renoncement des représentants des démocraties face à la détermination des partisans des totalitarismes.

Encore actuellement, personne ou presque, y compris au niveau des institutions européennes, ne réagit adéquatement ou ne s’insurge suffisamment contre le processus d’instauration de dictature justement actuellement à l’œuvre dans la Turquie d’Erdogan, dont ne étape importante de ce processus est maintenant l’arrestation de la directrice et des dirigeants d’Amnesty en Turquie[1] [2]. Or il faut se souvenir que pourtant, en 1998, Amnesty International avait, adopté Erdogan en tant que prisonnier d'opinion et a fait campagne pour sa libération[3]. Erdogan ne fait pas preuve de beaucoup de reconnaissance.

 

A noter, qu’Amnesty a commis plusieurs reprises de telles semblables erreurs de jugement en soutenant des personnes ou des mouvements liberticides (ennemis de ma démocratie), au nom du respect de leurs opinions ou traditions.

 

Parfois, à cause du respect rigide de principes et d’aveuglements idéologiques (dont nous reparlerons plus loin), des associations de défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression _ SOS-Racisme, LDH, MRAP, LICRA, Amnesty … _peuvent défendre des ennemis et fossoyeurs de la démocratie et de la liberté d’expression, comme cela a été le cas quand certaines se sont liguées contre l’historien Georges Benssoussan qui dénonçait l’antisémitisme inculqué très tôt durant l’enfance des musulmans[4].

 

La philosophe Hannah Arendt, connue pour ses travaux sur le totalitarisme, a écrit : « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez ».

 

Remarquons aussi qu’Arendt, en tant qu’ancienne amante du philosophe Heidegger _ pourtant un soutient du nazisme _, avait du mal à vilipender ce dernier, car elle s’identifiait à lui. Une part de l’œuvre d’Arendt a été consacrée à disculper Heidegger, en le différenciant d’Eichmann qu’elle considère comme dénué de pensée[5]. L’amour peut rendre aveugle.

Personne, même la personne plus critique, n’est à l’abris d’un tel aveuglement, d’une telle démission (partielle) de son esprit critique, du fait d’avoir eu les yeux de Chimène pour une religion, idéologie, une personne etc. Le croire qu’on ne se fera jamais abuser est faire preuve d’une grande présomption (ou fatuité).

 

Quelques facteurs psychologiques et cognitifs renforçant en vous une conviction excessive (ou un fanatisme) :

 

1)      La paranoïa, une tendance à l’hyper-susceptibilité maladive, le fait de croire que tout le monde est votre ennemi, du fait que vous détenez la vérité avec un grand V (elle vous empêche de vous remettre en cause).

2)      Une anxiété, une dépression, une fragilité psychologique profondes, inconfortables, têtues, en nous, que nous cherchons à faire disparaître grâce à l’adoption de certitudes rassurantes (qui nous donnent alors l’impression d’être « sauvé » spirituellement etc.) ou grâce à l’environnement « amical » de la communauté que l’on vient de rejoindre (où nous pensons y trouver l’amour et la solidité intérieure qui nous manquent). Le sentiment d’unanimité, partagé par tous les membres de la sectes, communauté, nous rassurer.

3)      Un ego surdimensionné, un narcissisme extrême, l’impression fallacieuse de se croire supérieur aux autres, du fait d’être adepte d’une religion, d’une idéologie qui vous font croire que vous êtes supérieur aux autres, que vous possédez un important secret (un secret ultime) que les autres ne détiennent pas (ils vous empêchent de vous remettre en cause). Elles peuvent vous donner aussi un sentiment de puissance, de faire partie de l’élite.

4)      A cause de notre ego, de la peur de perdre la face et aussi par la peur de la dépression que nous pourrions subir en raison de l’effort intense, le temps, l’argent en quantité, consacrés à la « cause », il nous est difficile de reconnaître, après coup, que nous sommes engagés dans une voie fausse (c’est ici qu’interviennent les mécanismes de a) l’escalade de l’engagement, b) de la dissonance cognitive, qui renforcent notre aveuglement, que d’autres appelleraient « l’enlisement ou l’acharnement dans l’erreur »).

5)      Un faible niveau d’instruction et de culture, en particulier scientifique _ qui vous empêche de comprendre des vérités complexes et la complexité du monde environnant _, l’absence, en vous, de tout outil d’analyse intellectuel, qui pourrait vous aider à mieux repérer les connaissances fausses, les manipulations chez les personnes qui cherchent vous tromper (dont la méthode et démarche scientifiques). Votre isolement (au sein d’une secte, religion …) relativement à toutes sources d’information critiques, vous enferme alors dans le faux confort intellectuel de convictions et certitudes rassurantes. La surcharge d’activités procède du même mécanisme d’isolement qui vous empêche de réfléchir.

6)      L’impression d’agir pour la bonne cause, ce qui vous valorise, à vos yeux, et vous déculpabilise. Nous pouvons aussi avoir l’impression qu’il est plus beau, agréable, de faire confiance totalement en une personne (dans le prophète, le gourou, la personne séduisante et charismatique), que se méfier d’elle (car l’amour est toujours beau). Quand nous sommes dans la prédication, nous nous convainquons que nous agissons pour la bonne cause, même si la secte, la religion, l’idéologie vous conseillent pourtant de mentir (par omission …), en ne révélant seulement que les aspects de celles-ci les moins critiquables et en éludant les points les plus ennuyeux (« la fin justifie les moyens », vous dira-t-on, puisque, de toute façon, « la cause est bonne »).

7)      La peur de mesure de rétorsion (d’être tué, emprisonné, torturé, soumis à la pression psychologique, au harcèlement …), de la part des adeptes de la religion, idéologie, secte, communauté (auxquels nous appartenions), si nous prenons le risque de quitter cette religion, idéologie, secte ou communauté. 

 

L’esprit critique vous demander de vérifier, avec soin et honnêteté, beaucoup d’information. Or nous ne pouvons avoir un temps infini pour tout vérifier. Nous devons alors établir des priorités entre les informations importantes qu’il est vraiment nécessaire de vérifier et les informations qui ne sont pas prioritaires. Voici ce que j’écrivais, justement, à des amis au sujet de quelles information j’ai tendance à partager sur Facebook :

 

« En général, je ne partage que les informations qui me semblent vérifiées, crédibles ou que j'ai constatées moi-même.

En général, je partage les informations qui me semblent importantes, selon mon échelle de priorité. Normalement, selon cette échelle, je n'aurais pas partagé les informations qui ne sont pas importantes, pour éviter d'augmenter excessivement le flux de messages superflus sur FB. Mais parfois, je fais une exception à cette règle, quand cette information est amusante, distrayante, surprenante ».

 

Même en vérifiant l’information, il peut arriver que je me trompe encore (en général, à cause d’une vérification insuffisante par manque de temps).

 

2         Précautions

 

Avant d’avancer ses idées critiques, il faut tenir compte de précautions méthodologiques et oratoires.

 

2.1        Tenir compte du contexte

 

Dans une atmosphère hostile, intolérante, électrique, conflictuelle et un contexte ethnique, sociologique etc. soumis à de fortes pressions _ politiques, morales … _, il nous est souvent très difficile de communiquer nos idées.

 

Dans une dictature et/ou un contexte où règne une chappe de plomb d’idéologies ou/et de religions sourcilleuse envers toute remise en cause de leur pouvoir, ou face à une personne excessivement convaincue, nous sommes obligés de marcher alors sur des œufs et de faire preuve de prudence, en choisissant ses idées et ses mots, avec soin et discernement.

 

Il est déjà certain qu’il est très risqué d’apporter un regard critique sur le Prophète Mahomet ou de proposer la réforme de l’Islam, dans bon nombre de pays musulmans, en particulier en Arabie saoudite.

 

Comme il est très risqué de dénoncer la corruption dans beaucoup de pays où les droits de l’homme sont réprimés.

Comme il est très risqué de dénoncer la répression de la liberté d’expression en Chine, Iran, Russie …

 

Les dictatures justifient leur politique oppressive, envers ses propres habitants, par la défense de leur idéologie ou religion, considérés comme vérités incontestables et incritiquables, mais aussi pour d’autres raisons, souvent plus dissimulées dont a) la paranoïa collective qui y règne ,justifiant toutes sortes de théories du complot (complot de l’occident, complot des juifs …), souvent à l’image de la paranoïa du fondateur de la dictature, b) le goût du pouvoir absolu de ses dirigeants, c) la corruption (qui gangrène ces dictatures et que celles-ci cachent, en particulier celle de ceux qui sont, à la tête de l’état, les plus impliqués).

Les dictatures, qui refusent tout garde-fou et contrôle du pouvoir de ses dirigeants (devenu souvent absolu), favorisent les psychopathes au sein de leur appareil dirigeant.

Les dictatures inculquent toujours à ses habitant un devoir d’obéissance à la dictature (y compris par la contrainte et par la peur) et de méfiance envers toute source critique extérieure. Et donc il est souvent difficile à ses habitants de se libérer de leur conditionnement à obéir, appris souvent dès la prime enfance.

 

Qu’est-ce qui explique que certains arrivent à faire passer leurs idées, dans un contexte difficile, et d’autres non ?

 

Nous allons illustrer cette question par plusieurs exemples.

 

Avant d’avancer ses idées, en particulier mécanistes, le philosophe René Descartes, pour ne pas être accusé d’athéisme, « aménageait » une place à Dieu (à son existence) dans ses œuvres. Ainsi, il put diffuser sa pensée, sans subir un grave procès en sorcellerie. Mais il était déjà né dans un contexte plus favorable.

 

Alors que philosophe Averroès, qui voulait faire cohabiter foi et raison au sein de l’islam, n’eut pas cette chance. Car à partir de 1195, en raison du simple fait qu'être philosophe rendait suspect, Averroès avait été victime d'une campagne de diffamation,  par le « parti de ceux qui craignaient Dieu » (les oulémas, des théologiens malikites). Averroès avait alors été exposé et humilié dans la mosquée de Cordoue et exilé en 1197 à Lucena, une petite ville andalouse peuplée surtout de Juifs en déclin depuis que les Almohades avaient interdit toute religion autre que l'islam. Ses livres avaient été brûlés, lui-même accusé d'hérésie et d’être un « traître à la religion ».

Par contre, le théologien Thomas d’Aquin, a réussi à faire passer les idées d’Averroès, dans l’occident chrétien, à la même époque.

Echaudé par le sort subi par Averroès, Thomas d’Aquin avait pris d’énormes précautions pour exposer ses idées : a) en ne contredisant pas directement Saint-Augustin, b) tout en s'appuyant sur la philosophie d'Aristote, en s’appuyant sur les écrits des « pères de l’église », et c) en critiquant dans la pensée d’Averroès (qu’il utilise pourtant) la négation de l’immortalité de l’âme.

Thomas d'Aquin soutient que la foi chrétienne n'est ni incompatible, ni contradictoire avec un exercice de la raison conforme à ses principes (par la quête de « l’intelligence de la foi », par la raison naturelle). Les vérités de la foi (la révélation) et celles de la raison peuvent être intégrées dans un système synthétique harmonieux, sans se contredire.

Malgré ses précautions, ses propositions ont été plusieurs fois condamnées, au sein de l’église :

1)      par Etienne Tempier, évêque de Paris, le 7 mars 1277, parce que l’aristotélisme de Thomas d'Aquin était amalgamé à l’averroïsme (c’est donc son volet averroïste qui est condamné).

2)      par l'archevêque anglais Robert Kilwarby, le 18 mars 1277. 

3)      Puis par Guillaume de La Mare, franciscain, en 1279, parce qu’il les considérait contre trop audacieux.

 

Enfin, il est réhabilité par la suite, notamment par l'influence grandissante de l'ordre dominicain, dont il faisait partie, et il est même canonisé en 1323. La pensée de Thomas d'Aquin a indirectement aidé à l’éclosion de la pensée scientifique en occident.

Or nous voyons rien n’était gagné dans le succès de la pensée de Thomas d'Aquin. Peut-être même, il y a-t-il eu une part de hasard dans ce succès (?). Donc, son succès est-il lié à sa prudence dans la présentation de ses idées et à l’intelligence de ses propositions ou à la finesse de sa dialectique ?

 

Quand l’on discute avec une personne aux convictions très arrêtées, il arrive souvent que notre discussion débouche sur le « point Godwin », c'est-à-dire : le moment où, dans un débat, les adversaires s'injurient ou caricaturent grossièrement les positions de l'autre, toute discussion constructive devenant alors impossible.

 

Personnellement pour essayer d’éviter le point Godwin, je m’efforce :

1)      De rester humble, de ne jamais affirmer que je possède la vérité avec un grand V.

2)      De rester respectueux des opinions de l’autres (je ne les dénigre jamais, mais je les analyse avec soin et la rigueur méthodologique de la démarche scientifique)

3)      De rester toujours poli.

4)      De rester toujours honnête dans mon argumentation (en sachant reconnaître mon ignorance quand je ne sais pas …).

 

Ce qui dans certains cas, ne nous empêchera pas, malgré tout, dans ces cas rares, de se faire insulter ou menacer, comme dans cette menace : « Mécréant ! Allah le très miséricordieux, va te brûler en enfer, si tu ne crois pas ».

 

 

2.2        Savoir se remettre, soi-même, en cause

 

2.2.1        L’humilité

 

Rien de plus dangereux qu’un ego trop important ou surdimensionné. Dans ce dernier cas, l’on risque d’être victime de ceux qui flattent votre ego (comme les escrocs, sectes, mouvements populistes …). Combien de fois, l’on a été confronté à des groupes (sectes, mouvements nationalistes, entreprises, grandes écoles …) qui vous font croire que « vous faites partie de l’élite », du « meilleurs peuple » ou du « peuple qui doit dominer le monde ».

Ces flatteurs vous hypnotisent, et vous mènent alors par le bout du nez, jusqu’à la catastrophe (le fait que vous vous faites dépouiller de toutes vos économies par la secte …), jusqu’à ce que vous vous rendez compte que l’individu issu d’une petite école est plus compétent que vous (qui est pourtant issu d’une grande école), que l’entreprise, qui n’a pas cessé de vous faire croire que vous fassiez partie de l’élite, vous licencie finalement comme un malpropre, que vous vous rendez compte que la secte et son gourou, qui vous ont tant enthousiasmé, n’en voulait, en fait, qu’à votre argent et à votre soumission, que le mouvement nationaliste vous entraine, à la catastrophe économique, à la guerre et au casse-pipe …

Toutes ces mauvaises expériences devraient vous conduire à être bien plus circonspect, que dans le passé, envers la flatterie, en comprenant qu’il nous est bon de privilégier l’humilité _ une l’humilité nécessaire qui vous faire comprendre que vous ne détenez pas la vérité, que vous n’avez pas la science infuse, toutes les connaissances, que vous possédez, peuvent être fausses, vous pousser à vous tromper, que vous n’êtes pas tout puissant, que vous êtes mortel, fragile, faillible ….

Se souvenir, d’ailleurs, dans la fable de la Fontaine « le corbeau et le renard » de la phrase « tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute ».

 

Nous savons que le narcissique admire tout ce qui vient de lui, boit ses propres paroles et se « subjugue » ou d’aveugle lui-même (comme dans le cas d’Hitler, de Mussolini …). Evitons d’être à son image.

Quand on manque d’humilité, nous avons toujours l’impression de faire partie de l’élite, nous avons tendance à mépriser le faible, voire à éprouver du plaisir à s’en prendre à un bouc émissaire, à lancer contre lui « haro contre le baudet » _ ce que renforcera votre sentiment de domination.  Ce sentiment de supériorité supprime en vous tout questionnement, puisque l’élite, dont vous faites partie, a toujours raison (argument, pourtant faux, tout comme l’argument prétendant que la vérité issue du plus grand nombre, du peuple, ou argumentum ad populum).

Fort de notre sentiment de supériorité, nous devenons plus enclins à nous faire abuser par les lynchages médiatiques.

 

2.2.2        L’honnêteté

 

Beaucoup de philosophies et de politiques affirment que « la fin justifie les moyens », que le mensonge est un moyen comme un autre pour faire gagner, le plus efficacement possible, votre cause (Clausewitz, Hitler, Staline …). C’est sûr, dans un premier temps, le mensonge marche le plus souvent. Mais que de dégâts à la clé, quand la vérité finit par se faire savoir (les camps de concentration, les goulags, les laogaïs …).

Mais surtout, il ne peut y avoir découvertes scientifiques et progrès de la science, sans honnêteté. Sinon, c’est votre crédibilité et celle de vos découvertes qui sont remis en cause, sur le long terme.

Derrière une remise en cause, l’esprit critique, il y a toujours une exigence d’honnêteté et d’humilité.

C’est un des arguments le plus difficile à faire passer, surtout auprès des narcissiques et des dictateurs.

 

2.2.3        Le refus de la paresse intellectuelle

 

Une des composantes de l’honnêteté, souvent associée à la curiosité intellectuelle, est le refus de la paresse intellectuelle, c'est-à-dire le fait de se contenter d’opinions, de jugements, voire de l’autorité des anciens, de la tradition.

Une personne, animé par un esprit scientifique, doit résister à toutes les fatwas, diktats et oukases scientifiques, religieuses et/ou idéologiques. On doit toujours laisser une place au doute (raisonnable), dans son cerveau, surtout si la « vérité » vous est imposée de force, sous la menace (avec interdiction de la mettre en doute).

Car l’on sait par expérience, que le jugement, les opinions pouvaient déformer toute vérité ou recherche de vérité.

C’est grâce à une démarche calme, dépassionnée, qu’on a pu éviter de se perdre de façon stérile, dans la diversité des opinions, comme cela a été le cas, durant les siècles passés, avant la survenue de la méthode scientifique.

On doit éviter tout « a priori » devant tout nouveau fait ou toute précipitation.

Par exemple, Grignard, prix Nobel de chimie, a observé un jour, lors d’une expérience, un précipité de couleur marron. Il a d’abord supposé avoir affaire à un précipité d’iode. Mais il ne s’est pas arrêté là et a cherché à déterminer la composition exacte du précipité, suite des investigations plus poussées, et, de ce fait, a découvert les organo-magnésiens (de nouveaux composés chimiques).

Il aurait pu de satisfaire d’une explication a priori, poussé par une certaine paresse intellectuelle ou par un certain conformisme. Mais, il a préféré suspendre son jugement, avant l’examen de son problème, et avant d’être totalement sûr de son hypothèse. La démarche scientifique nécessite toujours beaucoup de travail et d’exigence intellectuelle.

 

« Celui qui cherche la vérité n'est pas celui qui étudie les écrits des anciens et qui, suivant sa disposition naturelle, place sa confiance en eux, mais plutôt celui qui doute d'eux et qui conteste ce qu'il reçoit d'eux, celui qui se soumet à la discussion et à la démonstration, et non aux dires d'un être humain dont la nature présente toutes sortes d'imperfections et de carences[6] », selon Alhazen [Ibn al-Haytham], mathématicien, philosophe et physicien, d'origine perse (965-1039). 

 

2.2.4        Une ouverture d’esprit prudente

 

Toute investigation doit être animée d’un esprit d’ouverture et de curiosité. Conditions préalables souvent difficiles à obtenir ou à réunir dans la pratique. Seule souvent l’expérience de la pratique scientifique permet d’atteindre, à la longue, cette discipline et façon de penser, conciliant ouverture d’esprit mais grande rigueur d’analyse en même temps.

Mais l’ouverture d’esprit ne doit pas être la porte à toutes les divagations, à tous les délires d’interprétation (telles les théories paranoïaques du complot, les théories improuvables, infalsifiables …). Elle doit suivre une discipline scientifique _ conduisant à l’emploi du principe d’économie (ou critère du rasoir d’Ockham) et du critère de validité (voir plus loin).

Plus l’assertion est extraordinaire (l’existence d’extraterrestres …), plus elle nécessite de preuves.

« Une affirmation extraordinaire nécessite une preuve plus qu'ordinaire », Henri Broch.

3         Les emballements et lynchages médiatiques (les boucs émissaires)

 

Il est très important de résister à l’effet « mouton de Panurge », à cet entraînement grégaire collectif, qu’on observe dans la recherche, au sein d’une communauté, plus ou moins soudée, du bouc émissaire et dans les emballements et lynchages médiatiques.

 

Pour aborder ce sujet précis et illustrer mon propos, je vais aborder ma propre expérience et sur les raisons qui m’ont rendu finalement très circonspect face à de tels emballements.

J’ai été militant pour la cause tibétaine durant 10 ans. Pendant 3 ans, pour cette cause, j’ai préparé la « marche transhimalayenne », qui devait traverser, en juin et juillet 2002, l’Himalaya, du sud vers le nord, pour la cause du Tibet. Or la personne M., qui avait déjà organisé une marche semblable dans les Alpes, refusait d’en parler et de médiatiser mon projet autour de lui (idem pour d’autres responsables d’associations). J’étais plutôt mécontent de l’attitude de blocage de M.

Peu de temps avant le départ de notre marche, P. directrice d’une association pro-tibétaine m’a donné l’impression de soutenir totalement mon projet, en organisant une réunion pour mon projet à Lyon. A cause de son initiative, j’ai eu la reconnaissance pour elle et pour son aide, même tardive.

La « marche transhimalayenne » de 2002, se déroula bien, reçue une petite médiatisation, surtout en Inde, ce qui contribua à augmenter indirectement ma confiance en moi.

Par la suite, en me valorisant, P. a tout fait pour me convaincre, d’organiser une seconde marche transhimalayenne (une sorte de marche de rattrapage), au prétexte que beaucoup de personnes n’avait été suffisamment été prévenues à temps de cet évènement, en 2002, et donc n’avaient pas pu y participer.

Or durant, cette nouvelle marche en 2003, alors qu’elle avait toujours été charmante jusque-là, je constatais qu’elle faisait tout pour prendre ma place à la tête de la marche, en me critiquant systématiquement devant les autres marcheurs participants, en donnant presque l’impression que c’était elle qui avait organisé la marche _ alors que c’était pourtant moi qui avait tout organisé avec l’aide d’une agence de trek tibétaine.

Elle donnait l’impression de tout faire pour attirer la médiatisation sur elle.

Après la marche, je lui ai pardonné. Et je lui ai alors proposer d’organiser, avec une autre association pro-tibétaine lyonnaise, l’étape, à Lyon, de la tournée européenne de 3 ex-prisonniers politiques tibétains _ faisant suite à la marche transhimalayenne _, que j’étais en train d’organiser avec Sandrine, une participante de la marche.

Mais N., la présidente de l’autre association, refusait toute collaboration avec P., sans vouloir me donner une quelconque raison.

P. prétendit alors que N. était une personne malhonnête, qu’elle avait cherché à fusionner son association avec la sienne. Et qu’en faisant l’analyse des comptes de l’autre association, elle s’était aperçue que N. avait dissimulé un énorme trou financier (dans ses compte), raison pour laquelle P. avait refusé la fusion. Selon P., N. se vengerait d’elle pour avoir refusé cette fusion et d’éponger les dettes de l’association de N.

P. semblait tellement sincère, honnête, victime de N., que j’ai été très en colère contre l’attitude de blocage de N.

Et j’ai alors exprimé ma colère devant l’attitude supposé de N., en révélant tout ce que P. m’avait révélé.

Finalement, le trésorier de l’association concurrente m’a ouvert ses comptes et j’ai pu constater que, pour la période correspondant à la date du projet de fusion, cette association était nettement bénéficiaire.

Par la suite, j’ai apprès aussi après, par d’autres sources, que P. était connue pour être mythomane et très mensongère.

J’ai indiqué à P. qu’elle m’avait menti et elle m’a répondu avec aplomb, que c’était moi-même qui m’était mis dans la merde (sans jamais s’excuser de m’avoir menti).

A la longue, mais après, l’on m’a prévenu qu’elle avait un ego surdimensionné, ayant un besoin incessant d’être admirée.

Par ailleurs, G., le trésorier d’une précédente marche pour la cause tibétaine, ayant traversée les Alpes, m’avait contacté pour me demander de régler un conflit entre M., le responsable de ce précédente marche, H., sa compagne, et lui, concernant un détournement d’argent. M. et H. prétendaient que cette accusation était fausse.

G., me lisait au téléphone les chiffres incriminés. Et tous ses chiffres semblaient crédible.

G. (qui s’affirmait fils de résistant) me disait qu’il fallait mettre tout cela en place publique, immédiatement, et qu’il m’enverrait immédiatement par la poste le dossier complet listant toutes malversations. Ce que j’ai fait, lui faisant confiance. Finalement, malgré sa promesse, G. n m’envoya jamais la photocopie du dossier et me laissa me débrouiller seul, avec mon accusation en place publique.

J’ai été obligé de m’excuser. Et je pense que ma crédibilité, au niveau du mouvement pro-tibétain, en a pâti.

J’avais été tellement écœuré d’avoir été trompé, deux fois de suite, à peu d’intervalle de distance, par des personnes que je considérais comme des amis, et par la honte ressentie, que je me suis retiré du mouvement pro-tibétain.

 

Ce que j’ai retiré de cette expérience, est que :

1)      Il existe des personnes malintentionnées, qui par des manipulations et par les rumeurs infondées qu’ils lancent, peuvent générer un emballement médiatique, afin de détruire une autre personne, pour en tirer une gloire ou une vengeance personnelles.

2)      Que l’on n’est pas à l’abris des telles personnes flatteuses, surtout si l’on a été au centre de l’attention médiatique (positive), sur le moment_ cette dernière médiatisation vous poussant alors à avoir la grosse tête _, leurs flatteries vous renforçant dans l’idée de votre propre valeur. Cette croyance renforcée en vous peut vous faire alors croire que vous avez les qualités d’un chevalier blanc ou d’un redresseur de tort (positif) (ce qui est en général une image fausse, mais très valorisante de vous).

3)      A la lueur de cette expérience, il faut, tout le temps, rester humble.

 

4         Les faux et « fake news » sur Internet

 

5         Les phénomènes de mauvaises interprétations

 

6         Les phénomènes collectifs de foule, les hystéries collectives

 

7         Les sectes

 

7.1        Leur propagande

 

7.2        Les mensonges en cascades

 

7.3        L’enfumage

 

7.4        L’enthousiasme sur commande

 

7.5        Théorie du complot

 

7.6        L’obscurité et l’incohérence d’une théorie.

 

7.7        L’utilisation d’un langage nouveau et savant.

 

7.8        La psychologie des gourous

 

7.9        Le fanatisme

 

8         Développer l'esprit critique

 

8.1        Les difficultés rencontrées pour développer l’esprit critique

 

8.2        La pensée magique et religieuse et ses résistances mentales

 

8.3        Une atmosphère non favorable au développement de l’esprit critique

 

8.4        L’apprentissage par cœur

 

9         Le dénigrement de l’enseignement de l’histoire, de la philosophie

 

9.1        Le bas niveau d’éducation à la démarche scientifique (son incompréhension)

 

9.2        Préparer et mettre en place un « débat » et un cadre favorables au développement de l’esprit critique

 

9.3        Le développement de la curiosité et de la lecture

 

9.4        L’incitation aux études aussi poussées que possibles

 

9.5        La vigilance face aux biais de raisonnement (biais cognitifs)

 

9.6        La vigilance face à la propagande

 

Nécessité de décoder l’implicite, d’extrapoler, de « lire entre les lignes »

 

9.7        La vigilance face aux phénomènes d’entrainements mentaux et collectifs

 

9.8        Une question de discernement entre prudence et théorie du complot, faire la part des choses

 

10    Conclusion

 

 

L’Education aux médias et à l’information, l’Enseignement moral et civique, l’Education artistique et culturelle, fournissent un cadre propice à des mises en œuvre pédagogiques pour développer l’esprit critique.

Faire preuve d’esprit critique repose sur l’acquisition de compétences, tout azimut, visant à développer la capacité à argumenter et à débattre.

 

Bibliographie

 

La complotisme : décrypter et agir, Didier Desormeaux et Jérôme Grondeux.

Apprendre à apprendre, Jean-Michel Zakhartchouk, 2015.

 

 

 

 

Plan

 

Table des matières

1       Introduction. 1

2       Précautions. 3

2.1         Tenir compte du contexte. 4

2.2         Savoir se remettre, soi-même, en cause. 5

3       Les emballements et lynchages médiatiques (les boucs émissaires). 7

4       Les faux et « fake news » sur Internet. 8

5       Les phénomènes de mauvaises interprétations. 8

6       Les phénomènes collectifs de foule, les hystéries collectives. 8

7       Les sectes. 8

7.1         Leur propagande. 8

7.2         Les mensonges en cascades. 8

7.3         L’enfumage. 8

7.4         L’enthousiasme sur commande. 8

7.5         Théorie du complot. 8

7.6         L’obscurité et l’incohérence d’une théorie. 8

7.7         L’utilisation d’un langage nouveau et savant. 9

7.8         La psychologie des gourous. 9

7.9         Le fanatisme. 9

8       Développer l'esprit critique. 9

8.1         Les difficultés rencontrées pour développer l’esprit critique. 9

8.2         La pensée magique et religieuse et ses résistances mentales. 9

8.3         Une atmosphère non favorable au développement de l’esprit critique. 9

8.4         L’apprentissage par cœur. 9

9       Le dénigrement de l’enseignement de l’histoire, de la philosophie. 9

9.1         Le bas niveau d’éducation à la démarche scientifique (son incompréhension). 9

9.2         Préparer et mettre en place un « débat » et un cadre favorables au développement de l’esprit critique. 9

9.3         Le développement de la curiosité et de la lecture. 9

9.4         L’incitation aux études aussi poussées que possibles. 9

9.5         La vigilance face aux biais de raisonnement (biais cognitifs). 9

9.6         La vigilance face à la propagande. 9

9.7         La vigilance face aux phénomènes d’entrainements mentaux et collectifs. 9

9.8         Une question de discernement entre prudence et théorie du complot, faire la part des choses. 9

10          Conclusion. 9

 



[1] Turquie : la directrice d'Amnesty arrêtée, Le Figaro.fr avec AFP, le 06/07/2017,, http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/07/06/97001-20170706FILWWW00032-turquie-la-directrice-d-amnesty-arretee.php

[2] Turkey must free jailed human rights defenders | Amnesty International, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2017/07/turkey-must-free-jailed-human-rights-defenders/

[3] In 1998, Amnesty International adopted Erdogan as a prisoner of conscience and campaigned for his release. Now he jails its director and chair, https://www.reddit.com/r/europe/comments/6lokbf/in_1998_amnesty_international_adopted_erdogan_as/

[4] Georges Bensoussan : «Nous entrons dans un univers orwellien où la vérité c'est le mensonge», Alexandre Devecchio, 07/07/2017, http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/07/07/31003-20170707ARTFIG00059-georges-bensoussan-nous-entrons-dans-un-univers-orwellien-o-la-verite-c-est-le-mensonge.php  (Une partie de cet article est inaccessible sur cette page. La suite de cet article se trouve sur la page Web suivante : https://www.pressreader.com/topics/521805 ).

[5] Systèmes totalitaires : de Hannah Arendt à Johann Chapoutot, https://noussommesnotremonde.com/2017/02/26/systemes-totalitaires-de-hannah-arendt-a-johann-chapoutot/

[6] In « Traité d’optique », Citation tirée et retranscrite de l'épisode n°5 "Caché dans la lumière", de la série documentaire du National Geographic "Cosmos A SpaceTime Odyssey" (en français l'Odysée du Cosmos", avec l'astronome Neil DeGrasse Tyson, sur une idée de Carl Sagan