Par
Benjamin LISAN
Président
de l’association la TRANSHIMALAYENNE pour le TIBET
Plusieurs amis, 11
marcheurs occidentaux et 4 tibétains, et moi, revenons d’une marche de 45
jours, dans l’Himalaya, pour la cause du Tibet.
A la fin de cette marche, nous avons lu les affirmations concernant le Tibet, de K. Ping Chang Lee and Li Huo, dans le « forum des lecteurs » du n° d’août du « National Geographic, France ».
Elles
laisseraient penser que tout se passe bien au Tibet et que la Chine apporte la
civilisation et un meilleur niveau de vie aux pauvres tibétains.
Pourtant quand on
s’intéresse ou parle du Tibet, on ne peut pas ignorer les faits suivants :
Ø
le génocide de 1,2 million de tibétains, soit un
tibétain sur cinq _ selon la commission internationale des juristes en 1960 …
les chiffres les plus sûrs étant 175000 morts en prison, 156000 sommairement
exécutés, 92000 morts sous la torture, 10000 par suicide, 413000 de famine lors
des « réformes agraires » des années 60, …, cela malgré les
résolutions de l’ONU de 1959, 1961 et 1965, quand aux violations des droits de
l’Homme au Tibet,
Ø
la purification ethnique,
Ø
les avortements et les stérilisations forcées de
tibétaines à rapprocher de l’immigration massive de chinois, toujours en cours,
au Tibet _ en 1998, 9 millions de colons chinois, face à 6 millions de
tibétains, les chinois ne cachant pas cette immigration. A Lhassa, capitale du
Tibet, en 98, il y a sept chinois pour un tibétain,
Ø
la suppression progressive de la langue tibétaine
_ par différents moyens subtils au niveau de l’administration, des études
supérieures, le tibétain n’étant plus enseigné après l’école primaire,
Ø
la destruction de 6259 monastères, dont
d’immenses trésors du patrimoine mondial,
Ø
plusieurs milliers d’antiques bibliothèques
monastiques et plus de 10 % de la littérature tibétaine _ ouvrages médicaux,
littéraires, religieux … _ perdus à tous jamais. Huit monastères seulement
restaurés et en fonctionnement en 79,
Ø
la mise à sac du pays au niveau de ses forêts de
conifères (85 %), de ses richesses minières, faunistiques, sans aucun soucis de
considération écologique,
Ø
le fait que les tibétains ne trouvent plus de
travail face aux colons chinois, et que toutes les magasins et échoppes
accaparés progressivement par les chinois (par exemple dans le quartier face au
Jokhang à Lhassa), les tibétains n’ayant pas
l’argent pour acheter ces magasins, alors que les colons chinois peuvent se le
procurer, les tibétains étant rejetés dans la pauvreté et la marginalisation,
dans des quartiers à part dans les grandes villes du Tibet (devenant des sortes
d’objets folkloriques, dans leur propre pays),
Ø
toutes les horreurs commises passées ou
présentes _ les enfants obligés de
tirer sur leur parents, les gens jetés vivants des avions, personnes enterrées
vivantes ou noyées, brûlées au fer rouge, les moines forcés de copuler avec les
nones, les matraques électriques introduites dans le vagin des nones, les
policiers chinois tirant des toits sur des foules désarmés lors des grandes
manifestations de à Lhassa du 27/9/87, du 1/10/1987, du 5/3/1988 et en 89 …
tortures toujours actuelles, la répression des manifestations avec des
matraques à clous pouvant tuer, défigurer, la listes des autres faits
révoltants étant trop longue à exposer ici …,
Ø
milles de cent seize prisonniers politiques
tibétains, certains condamnés à 5 ans de prisons juste pour avoir protesté
pacifiquement de l’occupation du Tibet, d’autres même à 2 ans juste pour la
détention de la photographie du Dalaï-lama.
Peut-on passer aussi
sous silence les cas de Ngawang Sangdrol, jeune none tibétaine indépendantiste
pacifique, condamnée à 23 ans de prison en 92 (détenue en 1987 dès l’âge de 10 ans, venant d’être
libéré le 17/10/02 pour raisons de santé), et du 11ème Panchen Lama, né le
25/4/89, plus jeune prisonnier politique du monde, enlevé en mai 95 et
disparus depuis des années et le cas de bien d’autres prisonniers politiques Phuntsog Nyidrol, Ngawang
Phulchung, Chadrel Rinpoche, Jigme Sangpo etc …
Dans cet article, se
trouve quelques contre-vérités. Par exemple celles sur la liberté religieuse.
Quand la Chine affirme
le respect de la liberté religieuse au Tibet, il occulte l’expulsion, en 48
heures, de 6000 à 10000 moines du centre monastique de Sertal (Tibet), au début
de cette année,
Et la présence d’espions ou de réguliers passage
coup de poing de « comités de surveillance » policiers, dans les
monastères …
Ou bien celles sous-entendant l’appartenance du Tibet à
la Chine, ces derniers arguments avancés par le gouvernement chinois pour
justifier l’annexion du Tibet.
Par exemple, M. Legqog,
Président de la Région autonome du Tibet, prétend que "Le Tibet fait
partie intégrante de la Chine depuis l’antiquité" (article "Evolution
et changement au Tibet" paru dans "La Chine en marche"),
oubliant que le Tibet a été un état indépendant et souverain avant 1950 _ date
de son invasion et de sa « libération » par la Chine, selon la
terminologie chinoise.
A ce genre
d’affirmations, il faut répondre, qu’à de nombreuses périodes de son histoire,
le Tibet a été de fait indépendant, par exemple entre ~ 400 ou 641 et 1720,
puis entre 1750 et 1792 et enfin entre 1914 et 1950. Soit, entre 400 et 1950,
1340 années sur 1550 ans. Ce qui signifie que le Tibet a été indépendant
durant plus de 90 % de son histoire sur 1500 ans.
Pendant ces périodes de
relative indépendance, le Tibet a eu
ð
un gouvernement central indépendant,
ð
une monnaie nationale, le Sang (le Tibet a
d’ailleurs émis des timbres et des billet après 1912),
ð
une armée nationale (faite de 6000 hommes avant
1950).
L’histoire du Tibet,
très complexe, n’est connue que de rares spécialistes. Il est donc facile de
falsifier l’histoire du Tibet et de ses relations avec la Chine.
Cette falsification est
malheureusement admise par plus d’un milliard de chinois du fait de la
propagande chinoise soutenue, de la constante réécriture de l’histoire, sous le
régime communiste chinois. S’opposer à cette réécriture n’est, d’ailleurs pas
sans danger (car de Tohti Tunyaz emprisonné, pour 11 ans,
pour ses travaux de recherche sur l'histoire ouïghoure ….).
Le problème est que les
dirigeants chinois ont fini par croire eux-même à cette réécriture ou
falsification et tente donc de nous l’imposer. Il existe pourtant de nombreux
ouvrages érudits qui rétablissent la vérité sur l’histoire du Tibet (voir
bibliographie ci-dessous).
Aucune personne
s’intéressant au Tibet, ne peut sinon totalement ignorer :
Ø
les rapports « d’Amnesty
International », sur le Tibet et la Chine, dont celui de l’an 2002 [8],
Ø
les rapports de « Reporters sans
Frontière » (www.rsf.fr),
Ø
le rapport en 70000 caractères chinois du 10eme
Pachen-lama, concluant que l’apport de la Chine au Tibet n’est pas globalement
positif (www.tibetinfo.net , The Secret
Report of the 10th Panchen Lama),
Ø
les très nombreux livres parus sur le sujets
(voir biographie ci-dessous) ….
Ø
les nombreux témoignage sur la situation
dramatique du Tibet, apparaissant régulièrement dans les journaux.
Se battre pour l’autonomie ou l’indépendance du peuple tibétain, c’est se battre :
Ø pour la diversité culturelle (source d’enrichissement pour l’humanité),
Ø pour sa langue et ses 200 dialectes,
Ø ses nombreuses cultures et ethnies,
Ø sa riche littérature,
Ø sa haute philosophie morale dans ce qu’elle a de plus élevée au niveau du bouddhiste tantrique tibétain,
Ø pour faire cesser les tortures sans fin, et pour les droits de l’homme, pour un peuple qui essaye d’éviter si possible la violence.
c’est refuser :
Ø l’ethnocide, la purification ethnique pratiquée là-bas depuis 50 ans,
Ø contre la mort programmée et violente du peuple tibétain,
Ø de voir disparaître la faune du Tibet, les yacks sauvages, les mouflons argalis, les ânes sauvages Kyans, les antilopes tibétains chirus, les grands oiseaux qu’on ne voient plus dans le ciel du Tibet (cigognes etc …), les yacks sauvages …
Si cette culture disparaît nous le regretterons un jour. La disparition d’une culture, c’est comme si de nombreuses bibliothèques brûlent.
C’est se battre contre la loi du plus
fort et le fait accompli, ne pas admettre un second Munich et c’est agir contre
une politique amorale à courte vue.
Le Tibet se meurt de
nos silences.
Bibliographie :
[1] La Civilisation Tibétaine, de Rolf STEIN, Ed.
L'ASIATHEQUE,
[2]
Tibet, pays des neiges, Giuseppe TUCCI, Robert Latour, Katia
Buffetrille,
Ed. KAILASH , 1998
[3] TIBET, CIVILISATION ET
SOCIETE. de Meyer/Beguin, Maison des Sciences de l'Homme, 1990
[4] Histoire du Tibet, de Laurent Deshayes, Fayard, 1997.
[5] L’épopée des Tibétains, entre mythe et
réalité, Laurent Deshayes et Frédéric Lenoir, Fayard, 2002
[6] Le Tibet tel qu'il
était, de D
Tsarong, J-P. Claudon, Anako Editions, 1996
[7] Chine envahit le Tibet- 1949-1959, de de Claude B. LEVENSON , Ed.Complexe,
1995.
[8] Chine Tibet répression au Tibet 1987 1992, Amnesty
International Vpc, 2002
[9] Le Tibet est-il chinois
?, de Anne-Marie Blondeau, Katia Buffetrille, Albin Michel, 2002
[10] Tibet
mort ou vif, Pierre-Antoine DONNET, Folio Actuel, 1993
[11] Tibet : le pays sacrifié de Claude Arpi, Calmann-Lévy,
2000
[12] Tibet,
otage de la Chine, de Claude B. LEVENSON, Philippe Picquier, 2002
[13] Tibet, l’envers du décor, Collectif, Ed.
Olizane, 1993
[14] Tibet : les exilés, de Davidson et Davidson,
Albin Michel, 1993
[15] Tibet, une culture en exil, collectif, Albin Michel,
1985
[16] Panchen Lama Guendun, l'enfant oublié du Tibet, de Van Grasdorff, Pocket,
2002
[17] Le feu sous la neige, de Päldèn Gyatso et
Tséring Shakya, Actes Sud, 1997
[18] Tibet, les horizons perdus ?, Aide à
l’Enfance Tibétaine, 2000
Résumé de l’Histoire du Tibet en terme d’indépendance ou de dépendance par
rapport à la Chine
Ici ci-dessous, un résumé de cette histoire,
composée de flux et de reflux (de transgression et de régression) de la
domination chinoise, tâche délicate entre toute.
A) Haut Moyen âge, âge féodal (~ 641 -
1720) :
Depuis l’empire
tibétain du grand roi tibétain bouddhiste Songten Gampo (7e siècle),
(ayant épousé une princesse Tang Wen-Cheng en 641 et une princesse
népalaise Tsu-Tsuang (Bhrikuti), jusqu’à l’invasion mongole au 13e
siècle, on observe une indépendance totale par rapport à la Chine.
Pendant
cette période, il n’y aucune relation de vassalité envers les empereurs Tangs,
contrairement ce qu’affirment les chinois. Sur un pilier érigé en 822 devant le
temple du Jokhang à Lhassa, il est
écrit « Le Tibet et la Chine se maintiendront dans leur limite
d’aujourd’hui. Tout ce qui est à l’est appartient à la grande Chine, tout ce
qui est à l’ouest est incontestablement le pays du grand Tibet. Dorénavant, il
n’y aura ni guerre, ni saisie de territoire d’un côté, ni de l’autre … ».
Après
l’invasion mongole du Tibet de Godan Khan en 1240, les mongols semblent
dominer.
Vers 1250, avec Kubilaï
Khan, l’autorité spirituelle sur l’empereur, et l’autorité temporelle de
l’empereur sur le Tibet, dans une
relation de suzeraineté, sont alors unis par une relation de maître à disciple,
relation qui liera les lamas tibétains aux empereurs mongols, puis mandchous
jusqu’en 1911.
En fait pendant la
période mongole, le Tibet resta indépendant, en raison de la faible
armée mongole sur place (une centaine de soldats). De plus en 1254, Kubilaï
confére à son maître spirituel, le Lama Phagpa, l’autorité spirituelle et temporelle
sur le Tibet (contrairement aux affirmations des communistes chinois).
Au XVIIe siècle, le V°
Dalaï-lama (1617-1682) étend le territoire du Tibet, fait reconquérir par les
armées mongoles Dzoungars, alliées du Tibet, des territoires conquis auparavant
par la Chine.
B) Sous dépendance chinoise (1720 – 1750) :
Suite
à des dissensions entre tribus mongoles, l’empereur mandchou Kangxi en profite
pour envahir le Tibet en 1720, pour imposer une garnison chinoise d’une
centaine de soldats, à Lhassa et l’amban, représentant de l’empereur
auprès du gouvernement tibétain. Profitant de la faiblesse du Tibet, il fait
rattacher, en 1724, les provinces tibétaines (et occupées majoritairement par
des tibétains) du Kham à celle chinoise du Sichuan et intégrer l’Amdo à celle
du Qinghhai. Etat de fait qui dure jusqu’à maintenant.
C) nouvelle indépendance, de fait
(1750-1792) :
Mais en 1750, la
population tibétaine se déchaîne, tuant l’amban et exterminant la
garnison chinoise. En 1751, le Dalaï-lama assure tous les pouvoirs au Tibet,
imposant un conseil de ministres nommés par lui, système resté en vigueur
pendant 200 ans. Pouvoir en fait assez absolu.
La
monnaie tibétaine, le Sang, est fabriquée par les népalais depuis plusieurs
siècles, les tibétains leur fournissant l’argent. Suite à une querelle sur la
pureté de l’argent contenu dans le Sang et la pureté du sel livré par les
tibétains, les Gurkhas népalais envahissent le Tibet, en 1788
et 1792.
D) de nouveau sous dépendance chinoise
(1792-1914) :
L’empereur de Chine
profite, de cette invasion népalaise, pour « libérer » le Tibet et
battre les népalais Gurkhas. A partir de cette époque, le gouvernement tibétain
n’est plus qu’un gouvernement fantoche. Le Tibet se ferme alors aux étrangers,
laissant les chinois parler en leur nom.
Durant cette période, il eut plusieurs révoltes
tibétaines, contre la Chine en particulier au Kham, révoltes réprimées avec
férocité.
E) de nouveau indépendant (1914-1950) :
Les
tibétains infligent une lourde défaite aux chinois au Kham en 1914.
Un traité de paix tri-partite, Tibet, Angleterre,
Chine, est mis sur pied, reconnaissant l’indépendance du Tibet, un état avec sa
propre monnaie et son système éducatif, lors d’une conférence arbitrée par les
anglais entre la Chine et le Tibet à Simla en Inde. Mais ce traité,
semble-t-il, n’est pas ratifié, par la Chine nationaliste, celle-ci refusant la
ligne de partage « Mac Mahon » entre la Chine et le Tibet, proposée
par les anglais.
Il
semble que l’on n’ai pas gardé trace de ce traité. Et de ce fait, le
gouvernement tibétain en exil et la Chine se s’accordent toujours pas, encore
actuellement, sur la reconnaissance ou on de l’indépendance du Tibet par la
Chine (Chine Nationaliste à l’époque).
En 1939, les relations
se réchauffent entre la Chine et le Tibet, les membres du Congrès tibétains
écrivant l'Article sur le Tibet dans la Constitution de la Chine Nationaliste.
Cette constitution admettant un statut d’autonomie au Tibet.