A Chantal …

 

(trop lettre tardive)

 

à Chantal Mauduit disparue prématurément dans l’Himalaya

 

Je t’avais rencontré le jeudi 5 mars de cette année là.

C’était au Comptoir Joffrin une grande bijouterie de la rue Hermel.

Tu étais alors l’ambassadrice d’un sponsor de montre de luxe.

Il y avait peu de visiteurs cet après-midi là.

J’étais venu seulement pour te voir et te rencontrer.

Tu ne me connaissais pas.

Je t’avais vue offrir des autographes répondant à toutes les questions toujours avec une infinie patience et douceur à des personnes venant vers toi. Une heure auparavant ils n’avaient jamais ouï de tes aventures, ne les découvrant que par le récit de tes exploits lus dans le magasin.

Je m’étais dit intérieurement « jamais je ne pourrais monter un 8000 m comme toi» et je pensais « combien de force morale représente cet ascension ». Et j’avais alors exprimé « combien je vous admire beaucoup », un peu comme on déclare sa flamme à la femme aimé.

Tu voulus me retenir encore, mais devant tant de gentillesse et de simplicité, Peut-être par humilité et parce que j’étais impressionné,

je n’avais voulu t’ennuyer d’avantage. Par timidité, je m’étais retiré.

Tu m’avais vraiment charmé et j’aurais voulu être de tes amis.

Mais des scrupules infondés m’avaient retenu ... me disant

que tu ne pouvais être bien, comme les chamois, que parmi les montagnes, et que je n’étais pas de ce milieu.

 

J’avais aussi compris que tu vivais avec 6 francs 100 sous

à chaque retour dans ton beau pays des Houches.

Tu ne se préoccupais pas de ce que l’avenir serait fait.

Tu vivais ta passion entièrement.

Et tu fus alors dès cet instant, dans mon esprit,

l’idéal de l’amitié et du dépassement de soi.

Tu étais dans mon imagination comme un oiseau

qui voulait monter jusqu’aux cieux,

Comme les goélands désirant atteindre les plus hauts nuages.

Tu étais le gracile isard voulant atteindre les neiges éternelles.

 

La sensation en mon cœur, était que tu ne souffrais aucun mensonge, que tu étais la pureté même.

 

Il y avait tant de beauté, de gaieté et de générosité

dans ton sourire ...et dans ton âme.

 

Si j’avais su quel destin t’attendais,

et si j’avais pu un seul instant penser

que ta vie s’arrêterait si jeune, si courte,

si j’aurais pu dévier le cours du temps,

je serais alors resté à tes côtés ce jour là,

au lieu de fuir comme un voleur.

 

Je t ‘aurais alors proposé le pôle, la lune

pour que tu ne partes pas et te détourner

de cette funeste montagne dans l’Himalaya.

 

Mon Dieu, le sort t’a retirée

prématurément à l’affection des tiens

te foudroyant, en te faisant reposer

pour l’éternité dans un linceul immaculé.

 

Chantal, jamais je ne t’oublierais !

 

Un ami inconnu

 

Paris le 18 mars 1998