Madeleine
Madeleine infirmière intérimaire,
remplaçait l’infirmière en titre de mon entreprise, en congé de maternité.
Madeleine avait presque maintenant
50 ans, au moment de notre rencontre. Ayant fait beaucoup de natation, dans sa
jeunesse, sa carrure était anormalement large. Son visage et ses cheveux foncés
raides lui donnaient un air de femme indienne. Et je sais pourquoi elle
m’évoquait l’indien gigantesque du film « vol au dessus d’un nid de
coucou ».
Cette forte carrure, du type femme
d’armoire à glace, alliée à son âge, représentaient pour moi l’image de la
femme forte et mature, que je recherchais à l’époque et m’attirait.
En réalité, sous des dehors de
force, Madeleine était, en fait, handicapée par sa forte carrure et son fort
poids (car elle avait, en plus, bon appétit). Ces dernier ayant provoqué une
usure prématurée des rotules des fémurs de sa hanche. Handicap dont elle
soufrait fortement chaque fois qu’elle marchait. Sa force n’était donc qu’apparente. Son handicap la conduisait à
ne pouvoir plus assumer, que de temps en temps, quelques missions d’Intérim de
plus en plus rares.
En 82, je m’étais présenté dans le
petit local de l’infirmerie, pour un problème de maux de tête. Elle
m’avait alors proposé de m’allonger sur le lit du patient pour me reposer et
nous avions discuté. Puis, par la suite, c’est devenu un rituel. Chaque fois
que les maux de tête m’assaillaient, je venais me reposer sur ce lit. Et petit
à petit, nous avons fais connaissance.
Cette année 82, je devais partir
en tant que moniteur scout, dans un camps dans l’Aveyron, pour m’occuper de
scouts d’une quinzaine d’années.
A l’époque, j’étais souvent assailli par le désir (ou le
feu) sexuel pour les femmes. Je les désirais constamment, et en temps je
n’osais pas assouvir ce désir pour elle. Au contraire, cela faisait des années
que j’y résistais, croyant que le feu ou la punition du ciel s’abattrait sur
moi, si j’assouvissais, un seul instant, un quelconque désir charnel, même le
plus anodin.
Or, juste avant mon départ dans l’Aveyron, Madeleine ne ma
cacha pas qu’elle désirais m’inviter, chez elle, pour coucher avec moi. Selon
elle, sachant que j’étais toujours vierge à 27 ans, elle m’affirmait que cela
me ferait du bien de coucher avec une femme (et en quelque sorte, que cela me
« déniaiserais »). Or il y avait plus de 20 ans de différence entre
nous. Cela m’impressionnait.
Au camp scout, j’essayais de faire
consciencieusement mon travail d’éducateur (ou de mono). Mais je ne cessais de
penser à Madeleine. J’étais torturé entre mon désir de ne pas commettre de
faute, par rapport à ma croyance en Dieu et mon immense désir pour cette femme.
J’étais plongé dans l’atmosphère chrétienne du ce camp scout
et, en même temps, dans les affres des plus affreux désirs. J’étais sûr que je ne
pourrais résister, à mon retour, à Madeleine … Je la voyais comme une terrible
tentatrice. Je la redoutais mais en même temps elle m’attirais puissamment
comme un électro-aimant ou comme la lumière pour un papillon de nuit.
Je sentais que sort était scellé et je serais mangé
tout cuit ou cru par la « grande indienne », la « grande squaw
sioux », à mon retour.
Pour me perturber encore plus, Madeleine m’avait envoyé une
sympathique lettre, à mon adresse à mon camp, lettre où au dos de laquelle,
elle avait dessiné un chemin conduisant à une forêt de sapin, représentant le
« chemin » vers lequel je devais aller.
Au retour à Paris, comme je l’avais prévu, ce qui devait
arrivé arriva. Madeleine m’invita chez elle. Et comme je m’y attendais,
j’acceptais. Le sort en était finalement jeté.
J’étais ébloui par son
appartement, situé sur la grande terrasse d’un petit immeuble situé en
face de la gare de Lyon. Un très beau couché de soleil illuminait l’intérieur
des pièces à travers ses grandes baies vitrées. Les murs étaient couverts de
tableaux modernes d’excellente facture. Nous dînâmes d’un très bon repas sur la
terrasse.
Madeleine était bonne cuisinière
et un fin gourmet. En plus d’être cela, on pourrait rajouter qu’elle était
aussi une grande gourmande.
Malgré ma petite déception d’avoir
à me doucher pour être très propre
(alors que je l’étais déjà, mais Madeleine était très maniaque, question
propreté), je me retrouvais heureux et nu à ses côtés. Je ne dormais pas de la
nuit, lové contre elle, dans son petit lit de 90 cm de large. Je me fus pas
très « performant » mais Madeleine semblait s’en contenter. Le matin
nous déjeunâmes sur la terrasse.
Tout s’était bien passé. Le feux
ou la Géhenne du Ciel n’était pas tombé sur moi. Je me demandais même si les
enseignements chrétiens qu’on m’avait inculqué ne m’avait pas seriné des
sornettes. Et comme chaque fois que je couchais avec une femme, je tombais
éperdument amoureux de Madeleine.
Madeleine me relata sur la
terrasse (ou bien plus tard) qu’elle avait été mariée à un iranien
intellectuel. C’était un homme cultivé, intelligent, dissident du régime
iranien du Shah, mais fragile, qui avait du mal à s’adapter à la France.
N’arrivant pas à trouver un travail en France, et en ayant trouvé un à
l’université de Téhéran, il voulait que Madeleine l’accompagna là-bas. Mais
elle même ne voulait s’enfermer dans un pays musulman. Après 6 mois de
séparation, elle demanda le divorce. Cet homme revint en France, pour la
solliciter et lui demander de revivre ensemble. Mais elle refusa. Et alors, cet
iranien alla se pendre une nuit dans le bois, situé derrière la faculté
d’Orsay. Depuis, par moment, Madeleine se culpabilisait de la mort de son
ancien mari.
Elle m’a
aussi souvent parlé de son père, pour lequel elle avait une admiration ou amour
sans borne. Elle aimait aussi les intellectuels, bien qu’elle n’en soit pas une
elle-même.
Par la suite, allant à un
vernissage à l’espace culturel suédois à Paris, elle rencontra un artiste
suédois connu en Suède, Stig Elq. C’était un homme petit, blond, d’une forte
personnalité, cultivé, parlant très bien le français, attiré par les femmes
plus grandes que lui. Il était marié. Il devint son amant. Il entretenait
Madeleine. C’est lui qui finançait en parti le loyer de ce bel appartement. Tout
les tableaux qui en couvraient ses murs, étaient de Stig.
J’appris par la suite à vivre dans
l’ombre de Stig. Elle parlait de temps en temps de lui. Stig était l’amant
principal. J’étais l’amant secondaire, le faire valoir. Stig était souvent
loin, le plus souvent en Suède. Et je compensais donc affectivement en partie
son absence. Je n’étais pas jaloux, d’autant que je savais que Stig était un
homme bien, sincère [1].
J’acceptais cette relation à
trois. J’acceptais même le rituel de la douche obligatoire, chaque fois
que je venais. J’étais heureux, juste en raison de mon amour pour Madeleine.
Sinon, je sentais, sans le savoir,
qu’il y avait un conflit, au loin, entre Madeleine et la femme en titre de
Stig. Madeleine était orgueilleuse et n’arrivait à se contenter de son statut
d’amante et de femme entretenue. Elle aurait voulu être l’unique femme en titre
de Stig, quitte à aller vivre à Stockholm avec Stig. Elle agissait et
manœuvrait dans ce sens.
Je me suis souvent demandé pourquoi elle n’avait pu se contenter
de son statut de femme entretenu, d’autant que Stig était un homme bien.
Peut-être la peur de la précarité, lié à son statut actuel ?
A plusieurs milliers de km de
distance, l’épouse de Stig agissait dans le sens inverse.
Finalement, c’est elle qui gagna. Stig coupa avec Madeleine,
tout en proposant de continuer à l’entretenir.
A la longue, le loyer de son
appartement, d’une soixantaine de m2, fut de plus en plus difficile à payer
pour Madeleine. Elle accumulait les retards de paiement de ses loyers. D’autant
que son handicap se renforçait et quelle avait de moins en moins de jobs et
pouvait assurer de moins en moins de missions d’intérim médical. Madeleine
faisait régulièrement de la dépression, mais elle le cachait. Pendant ces
phrases, elle passait son temps à manger, à grignoter, ce qui contribuait à
renforcer sa surcharge pondérale, et donc par là-même son handicap.
Un jour son propriétaire,
prétendant vouloir récupérer son appartement, lui demanda de quitter les lieux,
en lui laissant toutefois suffisamment de temps pour le faire.
Madeleine possédait un petit appartement d’une vingtaine de
mètres carrés, qu’elle louait. Malheureusement, ce petit studio n’était
seulement accessible que par un escalier sans ascenseur.
Je lui proposais de vivre avec
moi. Mais en fait, j’étais pauvre et je ne pouvais lui assurer le train de vie,
que Stig lui avait fait connaître. Malgré tout mes parents, connaissant son
handicap, lui proposait de vivre dans la maison familiale de campagne, située à
100 km de Paris dans la Val de Loire. Ils souhaitaient son bonheur et par voie
de conséquence, le mien.
Cette maison ancienne, située en
face d’un château, était belle. Déjà, mes parents avaient proposé que Madeleine
occupe, à demeure, la chambre des invités, celle qu’on nommait la
« chambre Empire ».
Cette chambre, avec sa grande
porte fenêtre, donnait sur l’extérieur, sur le jardin. Madeleine aurait donc pu
avoir son indépendance. L’hiver, elle aurait cette maison pour elle toute
seule. Bien sûr, on ne lui ferait payer aucun loyer … puisqu’elle était la
grande amie de la famille.
A ma grande
surprise, elle refusa cette solution, qui pourtant aurait pu assurer ses vieux
jours.
Entre
temps, elle avait rencontré, Michel, un géologue à la retraite, possédant une
magnifique maison, avec vue sur la mer sur l’île de Ré. Michel était riche.
Mais ce dernier souffrait d’un handicap non négligeable : il était
alcoolique au dernier degré.
Madeleine pensait qu’en bonne infirmière, elle arriverait à
s’occuper de Michel et à le guérir de son handicap. J’en doutais. Par moment,
Madeleine s’aveuglait ou faisait preuve d’angélisme, quand elle préférait
croire ce qui l’arrangeait.
Je m’aperçu
petit à petit que Michel était méchant et même pervers. Et plus grave, il était
paranoïaque. Il me cessait de rabaisser Madeleine (et elle marchait
malheureusement dans son jeux). Et il ne cessait de la pousser à rompre avec
moi. Je pense qu’il lui tirait sans cesse les vers du nez, et que naïve, elle
lui avouait tout, y compris sur moi et notre relation passée.
Sachant que j’avais été son amant, Michel devait voir en moi
un danger potentiel pour lui et voulait par tous les moyens me faire
disparaître de sa vie. Un jour Michel m’envoya une lettre très méchante, disant
que les lettres que j’envoyais à Madeleine étaient pleine de fautes
d’orthographe et qu’il voulait plus que je lui envoie de lettres. Madeleine et
moi, nous voyions désormais en cachette, chaque fois qu’elle venait à Paris. Il
n’était plus de question de relation physique entre nous. J’avais tenté à
plusieurs reprise de la prévenir de la méchanceté de Michel. Mais j’avais
obtenu l’effet inverse. Et Madeleine prenait de plus en plus de distance avec
moi.
Elle semblait totalement sous la coupe de Michel.
Je n’arrivais pas à comprendre qu’une femme comme elle, qui
jouait la femme forte, voire dominante, avec moi (et qui paraissait forte),
pouvait être à ce point être si soumise, si dominée, par un être tel que
Michel, si plein de duplicité et de malignité. Je n’arrivais pas à comprendre
comme une géante, au niveau physique, comme Madeleine, si fière, parfois même
méprisante, pouvait se soumettre, jusqu’à la perte de dignité, à de petits
hommes, petit par la taille, mais de forte personnalité, comme Michel ou Stig.
Et pourquoi surtout pouvait-elle être si aveugle ou naïve, face à certaines
malices des hommes ?
La dernière fois, que nous nous vîmes, à son appartement
parisien qu’elle quittait, elle disait qu’elle allait bien et que l’air de
l’océan atlantique, à l’île de Ré, lui faisait du bien. Mais, je voyais bien,
au contraire, que son teint était crayeux et qu’elle n’allait pas bien.
Elle m’annonçait qu’à la demande de Michel, elle était
obligé de rompre définitivement avec moi. Et je voyais qu’elle était sérieuse.
Cet instant précis fut extrêmement douloureux pour moi.
Je me comprenais pas comment elle pouvait jeter à la
poubelle, une vraie relation, qui même quand elle a été épistolaire, avait
toujours été fidèle depuis plus de 8 ans (et j’ajouterais même d’une fidélité
exemplaire).
Je ne comprenais pas comment moi qui avait consacré tout mon
amour, toute mon affection, à elle, qui avait été si gentil avec elle, je
n’étais l’objet que d’une petite affection, alors qu’elle se pâmait pour des
hommes de plus forte personnalité que moi.
Dans l’instant, j’étais tellement révolté, que j’avais
presqu’une envie de viol (alors que je l’avais jamais eu de ma vie et que je
serais bien incapable). Je fis le geste de lui mettre la main entre les jambes.
Mais je m’arrêtais à temps. Elle compris le geste (du moins je le pense). Je pense que ce geste ou cet amorce de geste
cassa alors tout entre nous.
Et moi-même, je regrettais éternellement ce geste. Ce geste
n’avait pas été prémédité. Pourquoi, une telle réaction ?
Comment une relation que je trouvais si belle de mon côté
(si désintéressée, à ce qu’il me semblait, ou telle que je l’imaginais
candidement), avait pu se terminer ainsi et si mal ?
D’ailleurs, cet épisode, par son ambiance et son intensité,
me rappelle, par moment, une nouvelle d’Ismaël Kadaré, dans laquelle il décrit
comment avec des camarades, il avait failli violer une jeune fille de son
village.
Madeleine était restait, de mentalité, une bourgeoise. Elle
avait grand soucis de sa respectabilité. Elle désirait tant être une femme bourgeoise,
respectable, rêvant de sa grande et belle maison bourgeoise. Elle souhaitait
être « casée » … bien casée.
Son physique était trompeur. On aurait cru qu’avec un
physique particulier, elle aurait été une originale, voire marginale, hors
norme, mais en fait, elle était très conformiste.
Avec le recul, je pense que ses préjugés de classe l’ont
conduit à son propre malheur.
Vivre soutenue, assistée, ne lui convenait pas … Elle avait
besoin d’être mariée, d’une vie, intégrant son incontournable grande maison
bourgeoise, une vie ayant tout de la façade de la respectabilité.
Après cet incident, Madeleine ne m’avait plus jamais
contacté. Et moi-même, j’avais préféré ne pas la contacter.
Dix ans s’était passé. Puis, j’appris, peut-être par son
amie maghrébine ou par l’un de ses sœurs, que Michel était mort d’une cirrhose
du foie.
Bien, qu’elle fut sa compagne pendant 10 ans, il ne l’avait
jamais couché sur son testament. Les héritiers de Michel ne laissèrent rien à
Madeleine, pas même le cheval que Michel lui avait offert, hormis le petite
Citroën AX, qu’il lui avait donné en cadeau, 10 ans auparavant.
Elle survivait, d’une pension d’invalidité, avec une COTOREP
de 30%. Elle habitait maintenant, dans un petit studio, dans le village de
Charron, en Charente Maritime.
Ce nom, semblable au nom du gardien des enfers, dans
l’antiquité grecque, semblait être prédestiné.
Mon amour pour Madeleine n’était pas encore mort. Je tenais
de renouer avec elle. Mais elle ne semblait pas vouloir renouer avec moi, à ma
grande déception. Elle semblait m’ignorer et ne me contacta pas de nouveau.
Et j’essayais alors d’oublier Madeleine, qui avait été
peut-être le plus grand amour de ma vie.
Le temps s’écoule toujours lentement sous les ponts.
Puis un jour _ peut-être 5 ans après (?) _ , elle m’appela.
Elle m’appelait, de sa chambre de la maison médicale de soins palliatifs,
Jeanne Garnier, située à Paris dans le 15°, appartenant à l’église catholique.
Elle m’apprit qu’elle était atteinte un grave cancer du lobe frontal, inopérable, certainement inguérissable, qui
lui provoquait un début de paralysie, des pertes de mémoire, et de forts maux
de tête. Je compris alors qu’elle s’était souvenue de ma présence sur cette
terre, au moment le plus critique, aux derniers instants ou aux derniers feux
de son existence, pour que je vienne la soutenir dans la terrible épreuve
qu’elle traversait. J’avoue que j’étais extrêmement déçu par cet appel au
secours et que cela contribuait à achever le dernier reliquat d’amour que
j’avais pu encore conserver pour elle. Car c’est toujours quand elle avait
besoin de moi, qu’elle faisait appel à moi. C’est quand Stig était éloigné et
insaisissable, qu’elle se sentait délaissé, puis au moment où elle faisait de
la dépression _ et seulement quand elle avait besoin de moi _, qu’elle
m’invitait chez elle. Je suppose que mon Amour indéfectible pour elle la
flattait aussi et flattait son ego.
Et peut-être, par raisons ou devoir chrétien, je décidais de
la soutenir jusqu’au bout, même si mon amour, pour elle, était définitivement
mort à cet instant et que je ne ressentais plus rien.
Bien qu’elle soit en maison de soins palliatifs, Madeleine
prétendait que la maladie n’avait pas encore gagnée et qu’elle se battrait
jusqu’au bout. Mais j’avais l’impression qu’elle n’avait pas la pleine
conscience de sa situation.
Pendant 6 mois, je venais la voir régulièrement, pour la
soutenir, même quand elle commença à perdre la raison et qu’elle tomba dans le
coma [2].
Madeleine, dans son malheur, avait eu beaucoup de
« chance », en ayant pu être placée dans la maison Jeanne Garnier.
C’était un des endroits les plus beaux, les plus humains qu’il m’ait donné de
connaître. Une remarquable institution de l’église catholique. Combien, de
personnes j’y vit mourir paisiblement, rassérénés, pendant mes 6 mois de
visites. Si je devais mourir, c’est là où j’aurais aimé mourir. Quel personnel
remarquable, aussi.
Pendant mes visites, je retrouvais, de temps en temps, sa
famille et le carré des derniers amis de Madeleine, dont son amie maghrébine.
Je pensais qu’elle avait de la chance d’avoir une amie comme celle-ci, si
fidèle et dévouée
Sa famille (dont une de ses sœurs), des personnes riches,
lui déclara un jour, que vue sa situation, elle ne pouvait garder son
appartement de Charron, qui coûtait trop cher et qu’il faudrait que sa famille
se charge de brader ses affaires.
Après cet épisode, j’ai senti que Madeleine avait changé et
avait cessé de se battre.
Cette famille, avide ou avare, sans cœur en tout cas, lui
avait fermé la porte de l’espoir, au lieu de lui financer son loyer, le lui
financer en tout cas juste pour quelle puisse conserver l’espoir. J’avais été
profondément choqué et révolté, contre cette famille et son attitude. Mais je
n’ai rien dis à l’époque.
Vint le jour de l’enterrement de Madeleine. Sa famille m’y
invita. La cérémonie se déroulait un mardi matin. Mais peut-être parce qu’il me
restait un reste de christianisme en moi, je décidais de ne pas me rendre à
l’enterrement, voulant signifier à Madeleine, par delà la mort, que je
désapprouvais toute son attitude passée, le fait qu’elle m’a toujours utilisée,
sans retour, toujours quand elle allait mal. En plus, je n’avais vraiment pas
envie de rencontrer cette famille qui m’avait tant écœurée. Je prétextais donc,
auprès de la famille, une astreinte professionnelle pour ne pas m’y rendre. De
toute façon m’y rendre était au-delà de mes forces. C’était trop dur.
Sa famille ne répondit pas,
d’ailleurs, à ma lettre de condoléances. Je suppose qu’ils avaient du être
choqué par mon attitude. Elle devait croire, que durant mes 6 mois de visite,
j’étais encore amoureux. Celle-ci ne connaissait toute l’histoire.
Je sais que c’est seulement
maintenant, par l’effet émollient et anesthésiant du temps _ ce temps qui
raison de toutes les douleurs _, que je pourrais enfin me rendre sur la tombe
de Madeleine. Et un jour, je m’y rendrais.
Benjamin
LISAN, Paris, le 10 janvier 2005.
[1] En tout
cas, à l’époque je l’ai cru. Comme Stig « couvrait d'argent »
Madeleine, il m’était apparu, à l’époque, comme quelqu'un de très généreux.
Mais en fait, n’était-il pas un homme, comme beaucoup d’autres, profitant de sa
situation confortable d'homme marié, à l’aise matériellement, suffisamment à
l’aise pour avoir une maîtresse et vouloir profiter des deux sans vraiment
promettre quoique ce soit à la maîtresse. Cette situation est un grand
classique connu illustrant souvent la lâcheté masculine s'appuyant sur le
pouvoir qu'a l'homme dans la société sur la femme ...
[2] Sinon,
d’ailleurs, combien de fois, dans m vie, ais-je à accompagner des cancéreux,
dans leur dernier combat. Quelle terribles souvenirs cette terrible maladie m’a
laissé, dont celle de Madeleine.