Carnet de route de la marche TRANSHIMALAYENNE 2002

Du 12/6/2002 au 10/8/2002

Par Benjamin LISAN

 

 

Pourquoi cette marche Transhimalayenne ?

 

La Transhimalayenne était un message fort à l'attention du Monde et de la Communauté Tibétaine, un geste désintéressé, un véritable don de soi pour les autres, par une marche, sur le modèle d'un pèlerinage, où symboliquement les occidentaux partagent les souffrances des Tibétains sur les chemins de l'exil.

 

Plutôt qu'être riche matériellement, nous voulions être riche de cette expérience humaine de partage et de compassion avec les Tibétains.

 

On aurait pu décrire froidement ainsi la marche TRANSHIMALAYENNE :

 

Ø      « une marche sportive, de 45 jours, de 11 Français et 4 Tibétains, à travers l’Himalaya indien, entre DHARAMSALA (Inde) et LEH (Ladakh), entre le 17 juin 2002 et le 30 juillet 2002 »

 

Mais cette courte description occulterait la véritable dimension de cette marche et laisserait le lecteur sur sa faim.  Or l’histoire de cette marche fut bien plus riche humainement que laisserait entrevoir cette courte description.

 

Son organisateur s’intéresse au Tibet, depuis l’âge de 18 ans. Ayant dévoré la lecture des ouvrages d’Alexandra David-Neel, puis une dizaine d’années plus tard, des ouvrages, comme “ Crier avant de Mourir ”, sur le génocide Tibétain, il prend conscience du drame tibétain. Il veut alors agir. Il adhère à une association humanitaire tibétaine “ DON et ACTION pour le TIBET ”, en parrainant un jeune moine Tibétain Thempel Nyima. Ensuite, il rejoint à une association plus politique FRANCE-TIBET. Enfin, il décide après avoir étudié plusieurs projets (+), de lancer une grande marche dans l’Himalaya pour le Tibet, en créant sa propre association.

 

Voici la véritable histoire de cette aventure.

 

(+) Partir à la rencontre de son filleul, en Inde. Marcher seul sur un parcours traversant treize camps de réfugiés, situés à la frontière du Tibet au Nord de l’Inde. Marcher 3 mois à travers le Népal de Lukla à Katmandoo. Enfin un trajet de 1,5 mois, dans l’Himalaya indien, préparé par un ami tibétain Sonam et finalement retenu.

 

12 juin 2002, aéroport de Roissy (Paris), Delhi :

 

Le 12 juin 2002, 11 marcheurs français sont au départ à Roissy, pour la Transhimalayenne :

 

Aurélie, journaliste, parisienne, 25 ans,

Christine, cordonnière, de Montélimar, 30 ans,

Huguette, éducatrice, alsacienne, 40 ans,

Sandrine, responsable de publication, parisienne, 35 ans,

Benjamin, informaticien, parisien, 45 ans,

Jean-Pierre, le doyen du groupe, retraité, ancien ingénieur en Génie Civil, 65ans,

Joël, retraité, ancien viticulteur, du Languedoc, 55 ans,

Maurice, retraité, ancien agent de maîtrise à la SNCF, savoyard, 55 ans,

Pascal, éducateur, à Laval, dans la Mayenne, 32 ans,

Sébastien, étudiant en mathématiques, jurassien, 22 ans,

Marine, 21 ans, la benjamine du groupe, parisienne, étudiante aux Arts Appliqués.

 

 Nous avions beaucoup de bagages excédentaires, que nous n’avons pu emmener. Nous les remettrons ultérieurement, cet hiver, à leur destinataire Tibétain, Monsieur Dawa T. NAWA, directeur de la SOS Tibetan Children Village de Leh, en Inde.

 

Notre avion, est presque vide.  Nous sommes les seuls occidentaux.… certainement en raison du risque imminent d’une guerre Indo-Pakistanaise.

 

La décision de partir a d’ailleurs été difficile : fortes pressions familiales en raison du risque de conflit régional, mises en garde du Quai d’Orsay sur la situation en Inde, scepticisme sur l’intérêt d’une telle marche en Inde pour la cause tibétaine, envers la solidité de son organisateur, difficulté à trouver des sponsors, des aides, difficultés financières, difficulté à trouver des soutiens dans son entourage professionnel.

 

               L’organisateur, avec cette marche, se rendra compte que la démarche humanitaire ou la démarche pour lutter contre l’injustice faite à un peuple lointain, sont loin d’être naturelles, chez un bon nombre de français.

 

               Pour emporter la décision, l’organisateur déclare aux candidats « je vous déconseille de faire cette marche à cause du risque de guerre, mais je ferais cette marche tout seul, ne serait-ce en raison de la promesse que j’ai faite aux Tibétains ». Finalement, 11 français ne sont pas dissuadé, et 6 autres se désistent.

L’organisateur ne croyait en fait pas à cette guerre, à cause de fermes moyens de pression, de l’Occident, sur l’Inde, touchant “ à son portefeuille ”, la ressource touristique, sa principale source de revenus. De plus, le conflit réel dure depuis des années, en général toujours circonscrit à la région de Karghil au Cachemire, éloignée de 200 km de notre zone de trek etc… Or 200 km, c’est comme aller de la Terre à la Lune, dans l’Himalaya. De plus notre téléphone satellite nous permettait aussi de suivre, jour après jour, l’évolution du conflit ... au cas où.

 

Arrivée à minuit à Delhi. Volumineuse paperasse à remplir à la douane indienne, nombreux coups de tampons à donner. Longue file d’attente. En Inde, règle de base : la patience.

 

A l’aéroport, perte du sac à dos d’Huguette, où il y a toutes ses affaires, dont l’équipement alpin ! L’affaire est sérieuse. Nouveaux formulaires à remplir. Nouvelle heure d’attente supplémentaire.  Au bureau de change, les roupies sont délivrés sous la forme de grosses briques de billets.

              

Joël, étourdi, ayant oublié son énorme couteau lors du passage en douane à Roissy, le récupère maintenant au bureau indien des réclamations.

Le téléphone satellite, passe lui  tous les contrôles.

 

A la sortie nous attendait patiemment, depuis plusieurs heures, dans la canicule nocturne, Tsering DORJEE, responsable de l’agence de trek “ Shangri la Adventurer ”, organisateur de notre marche et les membres du “ Tibetan Young Congress ” (TYC) de Delhi, avec son président Mr NORBU. Nous sommes très heureux de les retrouver. Eux aussi. Déjà nos premières katagh autour de notre cou, l’écharpe en soie de bienvenue tibétaine.

 

Nous partons dans 2 taxis. L’un doit guider l’autre. Sur le chemin, il y a des embouteillages monstres à cette heure tardive, un camion citerne s’étant renversé sur une artère vitale.  Un taxi perd l’autre. Il n’a pas pris la peine de noter l’adresse. Heureusement, ce taxi, sera joint par l’autre, avec les téléphones portables. Miracle de la technique.

Les occupants du dernier taxi, arrivent enfin, fatigués, 2 heures après à l’hôtel SOS Tibetan You  Hostel de Ronini, notre hébergement à Delhi.

Sommeil difficile, dans la grande pièce ventilée : il fait plus de 35 °C à Delhi.

 

Jeudi 13/6 : Delhi (jour de “ repos ”) :

 

Jean-Pierre, notre comptable et moi (qui es-tu, tu apparaît soudain, sans te présenter, moi je le sais mais un lecteur qui ne te connais pas va se poser la question. Tu changes à nouveau de style en reprennant le récit à la première personne, là encore je te conseille de faire un choix pour symplifier les choses) Bon, je ne vais pas plus loin pour le moment, je pense que tu as vu de quel genre sont mes modifications. Je te laisse décider si et ce que tu veux modifier.

 

 

passons toute la journée à rediscuter les prix du trek avec Dorjee, en raison de l’augmentation considérables des prix, due à la défection de dernière heure de 6 d’entre nous. Discussions souvent difficiles. Comptes d’apothicaires. Le trek entier plus le trajet en avion devaient nous revenir au départ à 1790 Euros (11903,5 FF) et il augmente maintenant en moyenne de 2500 FF par personne ! C’est dur ? Nouvelle difficile à annoncer aux marcheurs les moins argentés. Quand à Dorjee, il sera lui-même en déficit à la fin du trek.

Pendant ce temps, le reste du groupe, affrontant la circulation automobile et les coups de klaxons, tentent de se rendre, en rickshaw, vers les lieux touristiques connus.

Il fait 43° C dans la journée ! On passe son temps à boire.

 

Le soir, 2 grosses “ Ambassador ” blanches avalent notre énorme cargaison de 15 sacs militaires. Ces 2 antiquités nous transportent ensuite vers le quartier Tibétain de Majnu-ka-Tila. Puis vers 18h30, un bus de nuit à 18h nous emmène à Dharamsala siège du Dalaï-Lama et du gouvernement Tibétain en exil.

 

Vendredi 14/6 : Dharamsala (jour de “ repos ”) :

 

Arrivée à Dharamsala (Dar ou Dara, pour les locaux), au petit matin, après 15h de route. Tout le monde est fatigué.. Les chambres, offerte par le TYC, sont vraiment les bienvenues.  Dehors, grand beau.

Retrouvailles joyeuses avec Sandrine. Arrivée seule en Inde par l’Iran et le Pakistan, en bus, elle nous attendait depuis 1 semaine. Durant cette semaine, elle n’a pas chômé. Elle a découvert 3 candidats marcheurs Tibétains ex-prisonniers politiques tibétains, d’une association tibétaine, le Gu-Chu-Sum (ces 3 candidats palliant à l’absence de candidats sûrs proposé par le TYC, 2 semaines avant le départ, que nous avons relancs constamment, durant 6 mois).

L’après-midi, conférence de presse, avec le TYC, dans les locaux du ministère de la communication du gouvernement tibétain en exil, devant les journalistes.

Puis réunion avec le TYC.

Le TYC ne comprend pas le choix de notre itinéraire où l’on ne rencontrera personne. Eux-même ont réalisé 2 marches (l’une de Delhi à Dharamsala, l’autre de Dharamsala à Leh), toujours le long des routes, passant par une majorité de villes, afin de toucher le maximum de personnes.

Ses responsables nous proposent 7 candidats très jeunes et dont 6 ne parlent pas anglais, aucun ex-prisonnier politique comme nous l’avons demandé.. Surtout, ses 2 responsables refusent de s’associer avec l’association tibétaine concurrente, le Gu-Chu-Sum. Les discussions durent plus de 4h, débouchant sur une impasse. Le TYC décide de se retirer de la marche. On doit prendre 6 de ses marcheurs ou rien. Mauvaise nouvelle. Je maintiens fermement ma position. Je sens que ces 6 jeunes marcheurs venu par bus sont déçus.

 

Lorsque nous quittons le TYC, un des marcheurs proposé par le TYC, Ngawang WALDO, nous rejoint dans la rue, se proposant spontanément de participer à la marche.

Finalement, le choix est fait. Nous partons avec les 3 marcheurs du Gu-Chu-Sum, M. Ngawang KYONMEY, 30 ans, moine célibataire, Madame Namdol TENZIN mariée, un enfant, 30 ans, Gynsang (ou Kunsang), 35 ans, mariée, 2 enfants, et un des marcheurs du TYC, Ngawang WOLTHOE, 25 ans, célibataire, étudiant en anglais, le seul parlant anglais.

Nous n’aurons jamais à nous plaindre de ces 4 Tibétains.

 

Les 3 du Gu-Chu-Sum sont vraiment heureux et nous congratulent chaleureusement.

Le soir, nous allons manger dans le restaurant de Tenzin, fervent soutien à la cause tibétaine.

 

Samedi 15/6 : Dharamsala (conférence et marche symbolique), Bir :

 

Nous remettons au Gu-Chu-Sum les cadeaux du Bureau du Tibet, pour le Dalaï-Lama (un lourd tome d’une encyclopédie géographique maritime portugaise. Enfant, le Dalaï-Lama s’intéressait fortement à la géographie, dit-on) et un autre pour un ex-prisonnier politique du Gu-Chu-Sum (une veste polaire pour cet hiver).

A 9 heure du matin, conférence de presse au grand Temple de Dharamsala. Plusieurs centaines de personnes sont rassemblée sur le parvis (présence d'environ 300 personnes dont des journalistes indiens selon des témoins Tibétains. Il y avait aussi un journaliste de l’AFP).

Le secrétaire du TYC, malgré l’annonce de son désistement d’hier, introduit la conférence. Notre marche est présentée comme une marche conjointe du TYC et de notre association LA TRANSHIMALAYENNE.

L’organisateur de la marche déclare que “ cette marche a pour but de mettre au courant le reste du monde de ce qui se passe au Tibet ”.

Le premier ministre du gouvernement en exil, le professeur Kanlon Tripa Samdhong Rimpoché nous remercie d’avoir organisé cette marche et remercie tous les étrangers qui prennent fait et cause pour le Tibet depuis de nombreuses années et particulièrement le peuple français qui a toujours milité en sa faveur.

Il prie pour nous pour que cette marche soit un succès et que tout se passe au mieux.

Difficulté de compréhension, les discours étant en tibétain ou en anglais.

A la fin de la conférence, nous sommes couvert de Katagh, remises par les différentes autorités tibétaines.

A cet instant, j’ai la joie et le plaisir de revoir Palden Gatsyo, auteur du livre “ Le feu sous la neige ”, le plus ancien prisonnier politique tibétain. Il a vécu 33 ans dans les camps de concentration chinois et a pardonné à ses tortionnaires chinois. Je l’avais rencontré en France, sur la marche TRANSALPINE TIBETAINE.

Et il est à nos côtés, avec le public tibétain, pour la marche symbolique de Mac Leod Gang au bas de Dharamsala, 5 km plus loin. Il fait très chaud durant cette marche.

Nous nous quittons tous, les larmes aux yeux, pour un mini-bus, sur lequel flotte nos drapeaux tibétains. Ce bus doit nous transporter 50 km plus loin à Sherab Ling, le monastère d’où partira effectivement notre marche.

 

Sur la route, au village de Yol, détour par le palais du Karmapa, 3ème autorité religieuse du Tibet. Ce jeune chef spirituel âgé de 18 ans, s’est enfui il y a seulement trois années du Tibet. Malheureusement, pas de photo de notre rencontre, la sécurité du Karmapa étant tatillonne : no photo ! Autour du palais, beaucoup de militaires indiens. Peut-être peur d’un mauvais coup chinois.

 

Le monastère (Gonpa) de Sherab ling, que j’avais déjà visité il y a un an et à côté duquel est situé notre campement, est toujours aussi impressionnant, avec son imposante masse, surgissant au milieu d’une forêt de pins.

Notre campement est déjà dressé par le staff. Juste après le montage de nos tentes, se lève une forte tempête, après la forte chaleur de la journée (nous sommes à environ 1300 m d’altitude). Heureusement, nous avons eu le temps de les monter juste avant l’orage.

Le soir, briefing de Dorjee et  présentation des 7 membres du staff (le personnel de l’agence de l’agence de trek “ Changrila Aventurers”) :

 

1)     Jampa CHOMPHEL, guide de tête (Tibétain),

2)     Yeshi KELSANG (prononcer KAZAN), guide du milieu  (Tibétain),

3)     Inder, guide de queue (indien)

4)     Yeshi LAMA, Chef des cuisiniers et chef du staff (Head Cook) (Tibétain),

5)     Raj, cook (indien),

6)     Karma TENZIN, cuisinier (cook) (Tibétain),

7)     Chandan (ou Chandon), assistant (helper) (Tibétain).

 

Il y aussi les 6 muletiers (“ horsemen ”) , Mamoo, Palu, Anil, Ramla, Tenzin, Mogol, qui ne font pas vraiment partie de l’équipe mais dont les services et chevaux sont loués par “ Changrila Adventurer ”. Nous avons aussi 30 chevaux.

 

Dorjee édicte les règles de vie du trek (obéir aux ordres de nos 3 guides, se partager les tâches au moment du service pendant le repas etc…).

Pour tout le reste : “ No problem, no problem ”, l’Inde étant le pays du “ no problem ”.

 

Dimanche 16/6 : journée de repos à Bir / monastère de Sherab Ling (1300 m) :

 

Grande assemblée annuelle dans le grand temple, réunissant de nombreux jeunes moinillons élèves dans le monastère et leurs parents, pour une grande Punja, un rituel de purification. Peut-être vu comme un rituel d’initiation ou de passage, l’équivalent de notre communion solennelle. Des moines distribuent constamment, à la foule compacte,  thés et jus d’orange. La fête dure plusieurs heures.

Dans la journée, je discuterai avec un moine bouddhiste sud-africain, qui a découvert le bouddhisme en Angleterre.

 

Dans un journal indien, lu au monastère par un moine, une nouvelle peu rassurante : on parle d’infiltration par Al Quaida, au Cachemire indien  ...

 

Le soir, rencontre avec le supérieur du monastère, Tai Situ Rinpoché.

D’emblée, cet homme, d’une trentaine ou quarantaine d’années, souriant et calme, me plaît tout de suite. Ma sympathie immédiate pour lui ne provient pas du fait qu’il soit Rinpoché ou bouddhiste. Il a de l’humour.

Exemple de conversation entre lui et moi.

Moi : “ par cette marche, je souhaite apporter une petite pierre à la cause tibétaine ”,

lui : “ pourquoi ne pas apporter plutôt un gros rocher ? ”.

Moi : “ on souhaite aider les personnes sur notre marche ”.

lui : “ pour aimer les autres, il faut s’aimer soi-même. Il faut se ‘trouver’. Beaucoup de personnes au XX° siècle, se perdent. Vous chercher quelque chose. Votre marche est une marche de recherche. Je pense que vous trouverez. ”.

 

D’après lui, le bouddhiste, par nature, est patient, ne voulant pas choquer. Mais à force de trop attendre, le Tibet risque de disparaître. Voilà le difficile dilemme, on ne veut pas choquer, agir discrètement, mais pourtant il y a urgence à agir.

Je rencontrerais beaucoup de Tibétains témoignant de ce dilemme.

 

D’après lui, il y aurait 4 monastères en France dépendant du monastère de Sherab Ling. Il a d’ailleurs visité notre beau pays et parle un peu français.

Puis, notre conversation se déroute sur les recherches sur les particules fondamentales dans les accélérateurs du CERN à Genève. Il n’a pas compris les explications des chercheurs mais il reste très intéressé. Il serait demandeur pour des cours de physique des particules.

Je sens que cet homme est bon et ouvert. Je souhaiterais vraiment garder le contact avec lui.

Derrière lui et son siège doré, un mur rempli d’une centaine d’alvéoles vitrées à l’intérieur desquelles niche, dans chacune d’entre elle, une petite statue dorée, attirant constamment notre regard.

 

Le soir, sous la tente mess, musique.

 

Lundi 17/6 : début réel de la marche : Bir (1300 m) => Billing (2600 m), 8 h, J1 :

 

Le grand jour : départ réel de notre longue marche.

Qui sait ce qui nous attend durant ces 45 jours ?

Pluie de mousson diluvienne à notre départ. On dit que cela porte bonheur. Cela ne me rassure qu’à moitié. La mousson, qu’on souhaite éviter à tout prix, par le choix d’un trajet en direction du nord, du Ladakh, zone désertique, n’est-elle pas en avance, cette année ?

Nous passons à côté d’une grande école Tibétaine, une SOS Tibetan children village, où Gynsang (prononcer “ Goussain ” comme Goussainville), une de nos 2 marcheuses Tibétaines, retrouve une de ses amies d’enfance. Pleurs et embrassades.

 

Surprise, lors de la traversée du grand village de Bir, une délégation tibétaine nous rejoint et nous invite à une grande réception par la communauté tibétaine. Autour du village, il y aurait 3 grand camps tibétains et 5 grandes lamaseries réunissant plus de 6 000 Tibétains.

Remise de Katagh à tous les marcheurs et d’enveloppes, dans lesquelles j’ai la surprise de découvrir environ 4 000 Roupis, environ 700 F. C’est un beau cadeau de la part de réfugiés. Les autorités nous disent que la mousson est peut-être en avance !

 

En quittant Bir, le beau temps revient. Surprise : Tenzing NORBU président du TYC local de Delhi,  vient à notre rencontre. Que fait-il ici ? On comprend qu’il s’est absenté 2 jours (manquant 2 jours de cours à son université), venant par le bus, pour rapporter le sac à dos d’Huguette. Un beau geste. Du sac a disparu un réchaud, un sac polaire et d’autres affaires… C’est l’Inde. Nous nous souviendrons longtemps de cet exemple de dévouement dont les Tibétains sont souvent coutumiers.

Des Indiens curieux sont interloqués par nos drapeaux tibétains. Nous leur montrons notre trajet sur notre carte.

 

Un chien jaunâtre nous suit en permanence. Battu par un petit boutiquier à Bir, nous l’avions caressé.. Il a rejoint ensuite une caravane indienne puis la nôtre. Nous décidons de l’adopter et de le surnommer KAKI, à l’instigation de Maurice.

La SPA aurait fort affaire ici, beaucoup de chiens errants étant maltraités en Inde.

 

Maintenant, une montée très raide, partant de 1 300 m, vers le micro bourg de Billing, situé à 2 400 m, sous le cagnard, le trajet serpentant en partie dans une forêt basse. 

Fatigue générale, même pour notre Ngawang senior, notre Obélix, une force de la nature. Dans une petite buvette de Billing, nous avons le choix entre plusieurs variétés de jus de mangue. Aucun autre choix possible.

 

Mardi 18/6 :  de Billing à Palachak Deota (2900 m), 7 heures, J2 :

 

Lever à 6h, départ à 7h30.

En général, nous avons ½ heure pour nous lever, ranger nos affaires et faire notre toilette, puis ½ heure pour prendre le petit déjeuner et l’éternel “ Milk tea ” (le thé au lait) et enfin ½ heure pour plier notre tente ou terminer notre toilette. Chaque matin, le même rituel.

 

Le soleil tape toujours aussi fort (nous sommes en Inde et proches de l’équateur).

 

Un trajet facile aujourd’hui : 25 km sur du plat avec seulement 300 m de dénivelé, prochaine étape du soir Palachack Deota. Nous rencontrons régulièrement des caravanes des chevaux, conduites par des indous.

Sur le chemin, un bloc énorme dont la face plate striée, semble tranchée nette, peut-être lié à un phénomène géologique de miroir de faille inverse.

On a l’impression de se promener en Vanoise. La région est particulièrement belle.

En fin de soirée, nous croisons une procession religieuse hindouiste bruyante. Un musicien souffle dans une sorte d’olifant spiralé, à la forme d’olifant viking.

Un blessé : Joël s’étant heurté son front contre une branche base.

Le soir, camp dans une vallée profonde. Remontée d’humidité par le sol. Humidité partout. Forte envie irrésistible de sommeil pour tout le monde.

 

Mercredi 19/8 : de Palachak Deota (2900 m) à Panihartu (3600m) 8 heures, J3 :

 

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La pluie est de retour.

Vers midi nous arrivons à un abris en pierre, où tout le monde se réfugie, chacun se serrant les uns contre les autres, comme on peut. Tout le monde est frigorifié, claquant des dents. Des chants réchauffent l’ambiance. Finalement, nous installons notre camp à cet emplacement, Panihartu, parmi les rochers d’un ancienne moraine et sur des tapis de crottes de chèvres.

 

Jeudi 20/6 : de Panihartu (3600m), Thamser pass ( 4700m), à  Marhu à (3800 m), 10 h, J4 :

 

La pluie a tout mouillé. Le gel couvre notre tente ce matin.

Levé à 4h du matin, car ce matin nous devons franchir le col de Thamser pass à 4700 m.

La longue marche d’approche, sur la moraine et sur de longs névés, est éprouvante.

A chaque courbe de la vallée, on croit être arrivé, mais la courbe cache la vallée suivante. Le soleil revient d’abord épisodiquement, puis définitivement. Ses rayons dardent cruellement.

Malgré notre bon entraînement, les pas sont lourds. Tout paraît dur, la montée dont on ne voit pas le bout, le soleil, la marche sur névé ou les pierres  ... 

A moment, nous  arrivons sur une partie plate, du glacier, s’étendant sur plus d’un km. La réverbération du soleil est intense. Ceux n’ayant pas pris de crème, ou pris une crème d’indice de protection insuffisante, seront brûlés sérieusement. Nos guides, pourtant noirs de peau à force de l’avoir “ tannée ” par le soleil, prennent de la crème.

A ces altitudes, il est d’ailleurs conseillé se protéger avec tout ce que l’on peut trouver : vêtement couvrant tout le corps, casquette à rabat sur le cou, crème solaire protection totale ou intolérance solaire, indice 60 minimum. La Biafine sera utile pour nous soigner.

En plusieurs ressauts pénible à franchir, nous parvenons enfin au sommet du col vers midi. Sébastien a le mal aigu des montagnes (le MAM) et vomit au sommet. Tout le monde a plus ou moins desmaux de tête à la descente, effet retard du MAM. Heureusement, aucun vent au col où nous pique-niquons et même beau temps avec vue relativement dégagée sur des pics à 6 000 et 7 000 m. Pour tous, ce premier col à plus de 4 000 m est un grand moment.

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La descente est difficile, épuisante même, en partie dans un léger brouillard, sur des névés glissants, puis des cônes d’éboulis et de la pierraille. Il n’y pas de chemin tracé et notre guide de tête Champa cherche constamment notre route. Par moment, les guides se perdent.

Nous arrivons enfin le soir, sur un promontoire herbeux, Marhu, à 3 800 m, dominant 2 torrents et un paysage grandiose, où nous sommes heureux de nous reposer. Le choix d’enchaîner un dénivelé de 800 m en montée, et un dénivelé de 600 m aurait pu se révéler dangereux, surtout à ces altitudes, sans caisson hyperbare. Mais nous n’avions pas assez d’argent pour en louer ou en acheter.

La flore alpine, constellée de boutons d’or, de renoncules blanches et des sortes de fraisiers aux fleurs à la robe rouge bordeaux, resplendit en ce mois de juin.

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A l’arrivée, Pascal et Maurice ont encore le courage de jouer à Star War, en ferraillant avec leurs bâtons de marche.

Pascal, mi sérieux mi amusé, me confie “ Pourquoi je marche ? parce que cela fait du bien quand cela s’arrête ”. Il est vrai que cela fait du bien quand on se repose au bivouac.

Après de genre d’intense exercice, une intense envie de dormir nous gagne tous le soir. Puis, nous tombons dans sommeil profond sans rêve.

 

Vendredi 21/6 : Marhu (3800 m) à Bara Bangahal (2554 m), 6 heures, J5 :

 

Au petit matin, il a encore gelé. Huguette a eu très froid durant la nuit et a mal dormi.

Un pont en bois s’écroule sous le poids d’une mule, et nous sommes obligé de passer la rivière sur un pont de vieille neige. “ Heureusement ” les fréquentes avalanches dans la région, en créent un grand nombre.

D’ailleurs, j’entends parfois des explosions dans les hauteurs, caractéristiques des avalanches d’été.

Sur le bord du chemin, des fraises assez fades et des pare-terre de menthe. Bizarrement, les muletiers ne reconnaissentt pas cette variété de menthe. Il faudra que je la fasse infuser, pour les convaincre.

A 3 500 m, nous retrouvons les arbres en particulier les rhododendrons géants couverts de fleurs roses.

Le soir, après la descente d’une pente extrêmement raide, éprouvante pour les genoux - ces derniers et nos chevilles étant nos seuls amortisseurs (de bonnes chaussures et de bons bâtons de marcheurs constituant ici une aide appréciable) -, nous arrivons au village de Bara Bangahal, située dans une vallée encaissée. Celle-ci vaut bien celles du parc de Yosemite aux USA pour sa beauté.

Nous plantons notre tente sur le terrain de jeu d’une école. Nous sommes immédiatement entourés d’enfants. Personne ne mendie.

Dans cette vallée, souffle un fort vent de fœhn chaud et sec, desséchant les gorges. 

Le soir, Huguette et moi visiterons le village avec ses jolies maisons de bois au toit de lauze.

Une jeune fille indou, Phinky ( ?), nous accueille dans sa famille qui nous offre du lait de chèvre chaud. Echanges de sourires, de gestes, de regards. Ils ne parlent qu’hindi et ne nous demandent rien.

Nous visitons une maison, appartenant à une association sportive de trekeurs indiens, en fait des fonctionnaires du ministère des impôts indiens. Un de ses membres me fait remarquer que les montagnes environnantes sont bien plus sauvages que les Alpes et que si l’on veut retrouver la nature sauvage, il vaut mieux aller dans l’Himalaya indien. Pub.

Au dessus d’une porte sous la véranda de bois, l’image de Duruga, le dieu préféré de cette famille et demoiselle. Ils vivent l’hiver à Bir comme la plupart de ses habitants.

Accueil chaleureux des villageois.

Certains cherchent à savoir d’où l’on vient, si l’on est marié. On nous parlent de la coupe du monde football où la France s’est récemment distinguée. On cherche à nous faire plaisir. Sinon, il aurait environ 10 groupes de touristes par ans, passant par Bara Bangahal.

On constitue une curiosité pour tout le village. Celui-ci vient voir le campement.

Certains réclament des soins pour des affections oculaires (dues aux vents de poussière actuels) ou pour leur pieds (beaucoup ont des ampoules). Finalement, prudents, sans personnel  médical sur la marche, nous ne distribuerons que des solutions oculaires salines et des Compeeds.

Comme nous nous rendrons souvent le compte, les populations locales sont vraiment “ pharmacivores ”, c’est à dire avide de médecine occidentale. Peut-être une forme de médecine magique pour eux.

Que de casse-tête à résoudre, devant ces nombreuses demandes, sans médecins avec nous, avec seulement notre dizaine de kg de médicaments et notre Vidal de poche.

 

Samedi 22/6 : journée de repos à Bara Bangahal, J6 :

 

Ce matin au petit déjeuner, un énorme scolopendre, en forme de fil de fer barbelé, accroché au toit intérieur de notre tente mess manque tomber sur Marine. Frayeur respective de celle qui l’a débusqué.

Rencontre à 10 h, avec le headmaster (directeur) et les 3 instituteurs, et les 70 élèves, de notre école. Nous montrons notre trajet, sur nos cartes. Soupirs admiratifs du corps enseignant. Nous avions d’ailleurs rencontré un de ces enseignants, lors d’une rencontre avec une autre caravane dont il faisait partie.

Remise d’affaires scolaires (cahiers stylo) aux enseignants. Les enfants n’ont pas de cahiers et écrivent avec une sorte de stylet sur une planchette en bois. On ne peut imaginer plus grand dénuement que celle des populations de l’Himalaya.

 

Nous apprenons que le village n’est occupé que 6 mois de l’année, l’été, par ses habitants et que l’hiver,  ils retournent à Bir. Pourtant le village est inaccessible, la route carrossable la plus proche étant à 60 km. Une route est en construction qui rejoindra le village vers 2004.

Nous avons ensuite vu le matin un aide-soignant, adepte de la médecine ayurvédique, la médecine traditionnelle indienne, enfin le docteur du village formée à la médecine occidentale. Il récupère, avec avidité, bon nombre de nos médicaments (Clamocyl, Doliprane …), suite à notre proposition de le laisser choisir. Pas de merci, tout cela lui paraîtra normal de la part d’occidentaux. Le soir même, ce bon docteur, vendra 50 /-, un litre d’une distillation de sa fabrication, à Huguette.

 

Le vent sec souffle toujours aussi fort, soulevant la poussière. Il fait toujours aussi terriblement chaud. Et on a eu du mal à dormir cette nuit avec la chaleur.

Tout le monde est crevé. Un vent de révolte souffle. Tout le monde sent que si l’on continue à ce rythme, on ne tiendra plus très longtemps. On discute de raccourcir la ou les prochaines étapes.

On est aussi très inquiet sur les mesures à prendre, en cas de problèmes graves (que faire en cas d’appendicite, de fracture ouverte…) n’ayant plus de notre femme médecin, ni d’infirmière, celles-ci s’étant désistées 2 semaines avant le départ.

 

Je me dis que si l’on doit renouveler cette marche, une autre année, je prévoirais moins de dénivelés, des étapes plus courtes. Je note qu’au niveau du matériel additionnel, de prévoir plus de sacs plastiques Ziplock et/ou “ à gravas ”, des sardines (piquets de tentes) supplémentaires, des lacets de chaussures (en raison de leur usure et du grand nombre de franchissement de rivières), plus de tubes de crèmes solaires écran total, des tee-shirts chauds ou légers avec manches longue (en raison des risque de brûlures dues au soleil), des feutres marqueurs alcool, plus de ficelle et de la colle Araldite (Epoxy) pour la réparation de mâts de tente et d’autres usages. Un inventaire sans fin. Mais on ne peut tout prévoir.

Par contre, tout le monde se félicite qu’on ait choisi de mettre une seule personne par tente.

Sébastien a la bonne idée d’apporter un album de photos de sa famille et de son pays. C’est un bon moyen d’entrer en contact avec les populations locales.

Autres remarquables idées : les flûtes, l’harmonica d’Huguette, le carnet de chant d’Aurélie.

L’après-midi, certains font une sieste malgré la chaleur.

Huguette a posé de l’argile, sur la figure de Tenzin, pour calmer ses brûlures.

Le soir, premiers communiqué de presse satellite.

 

Dimanche 23/6 : de Bara Bangahal (2554 m) à Dalmarh/Suni Lana (3 125 m), 6 heures, J7 :

 

Levé à 7h30. Ce matin, montée rapide. A 10h20, nous sommes déjà à 3 125 m.

Sous nos pas, les plaques de micaschiste scintillent. Toujours la canicule.

Au loin, une énorme plaque de schiste en forme de losange, presque parfait, de plus de 500 m de haut, une grande entaille sur cette montagne lointaine. Peut-être un miroir de faille.

Ce matin, comme un touareg, une écharpe (une Katagh) me couvre la figure, vaine protection contre le soleil.

 

Aujourd’hui, l’étape est exceptionnellement coupée en 2, suite à la “ grosse fatigue générale ” du groupe.

 

Un magnifique vol d’une vingtaine de vautours beiges de l’Himalaya plane dessus de nous. Quels magnifiques planeurs, pratiquement aucun battement d’ailes, se jouant sans cesse des courant aériens pendant des heures. Je tente de m’approcher de leur aire de nidification situé sur des éminences calcaires, mais ils s’envolent lourdement à mon approche.

 

KAKI, notre chien, nous suit toujours.

Le soir, gros shampoing anti-poux pour notre compagnon de route, couvert de parasites.

Maurice est piqué par une tique. Le même épisode surviendra, plus tard à Gynsaing, le résultat sera plus inquiétant pour elle, le volume de son bras doublant sous l’effet de l’allergie.

Ce soir, l’orage menace. Camping fortement en pente, parmi les plantins. Altitude 3 200 m.

 

Lundi 24/6 : de Dalmarh (3125 m) à Lamba Parao (3150 m), 6 heures, J8 :

 

Les muletiers ont fait un feu de bois ce matin.

 

Ce matin, tout le staff est malade d’avoir mangé de la viande (pas les marcheurs végétariens par choix). Avant le trek, méfiant en ce qui concerne la viande en Inde, j’avais donné des consignes au staff et à Dorjee, d’éviter la viande et les épices, durant tout le trek. Notre seule source de protéines étant les oeufs. Nous serons végétariens, par nécessité et non par convictions philosophiques ou religieuses. Dans la pratique, nous transportons sans cesse de grandes quantités de plateaux d’œufs. Seul Ngawang senior, totalement végétarien, ne mangera jamais d’œufs.

 

L’orage éclate dru, accompagné de rafales de pluies et de vents. Pascal tente de filmer sous la pluie à partir d’une hutte en pierre.

Nous montons à 3 700 m pour redescendre à 3 200 m.

Durant la progression, Jampa, me présente des plantes médicinales, utilisées par la médecine Tibétaines, semblables à des bouquets de bruyères et une sorte de petite azalée, rare, servant d’encens.

Le soleil revient. Les pâturages alpines vers 3 600 m, couverts de fleurs sont magnifiques. On y trouve des boutons d’or, des sortes de œillets roses, des myosotis, mais aucune gentiane, étoile d’argent, centaurée des Alpes ou aucun pavot arctique jaune.

L’Himalaya est vraiment le paradis des botanistes (et celui des géologues aussi).

Le camp à 3 200 m, est OK.

Sébastien passe son temps à taquiner tout le monde (fait diversement apprécié).

Dans le doute, Maurice et moi aménageons une rigole de drainage autour de notre tente. Nouvel orage le soir, la tente mess est inondée.

J’examine avec Marine, Gynsaing, qui souffre toujours d’une forte allergie suite à une piqûre d’insecte. Mais nous ne pouvons rien faire. Ngawang senior souffre des yeux, suite à des lunettes mal adaptées lors de la traversée du glacier de la Thamsar pass, que nous traitons avec des gouttes de sérum physiologique. A Suni Naha ( ????), nouvel orage ( ?????). 

????

 

Mardi 25/6 : Lamba Parao (3150 m) à Danko Tach (3570 m), 6 heures, J9 :

On ne cesse de monter et de descendre sur la moraine glacière du fleuve Kaliheni. Le sentier est souvent improbable, les guides se perdent souvent. On rencontre un berger, au look d’Asterix, aux grosses bacchantes tombantes, s’empressant de nous offrir du lait de chèvre.

 

Lui aussi nous réclame des médicaments pour une toux tenace. Nous lui donnerons finalement seulement du Doloprane. Il vit ici à cet endroit de juin à septembre. On arrive à Dan Mari à 3 570 m (entre Lama Parao et Guwala Got).

 

Tout va bien, le moral est bon, malgré la fatigue de nos aînés, dont celle de notre doyen Jean-Pierre.

 

Mercredi 26/6 : Danko Tach (3570 m ?) au camp de base de Kaliheni (3845 m), J10, 5h :

 

Nous marchons sur des névés et des champs de pierre. Pas de chemin matérialisé.. Sur notre route, quelques edelweiss et asters violets.

Nous arrivons, vers 11h, au camp de base de Kaliheni, au lieu-dit Devi Mar (à côté de Gwari).

Le temps, est constamment changeant. Une belle pluie froide, se met à tomber de 11 h à 13h. Nous entendons le tonnerre. Nous sommes de nouveau frigorifiés. Nous nous réfugions dans une sorte de borie, une hutte en pierre, où nous nous serrons frileusement les uns contre les autres. Nous chantons des chants français et tibétains en attendant la fin de la pluie.

Le soleil revient. Le camp est monté parmi les rocher sur la terre nue. Après le montage de nos tentes, nous faisons sécher nos affaires. Gyssaing me fait découvrir les massages tibétains et un type de fromage tibétain dur comme de la pierre (pour le manger et le ramollir, on doit le faire macérer longuement dans la bouche).

Nous devons aller dans cette même journée au col de la Kalihani pass (4 640 m), et arriver à Shangor (3 600 m). Nous avons maintenant 2 jours de retard. D’après le staff, nous devons pouvoir rattraper ce retard après Manali, dans le Lahaul, le Zanskar ou le Ladakh, là où les vallées sont plus “ plates ”.

Cet après-midi, continuation de l’interview des 3 Tibétains ex-prisonniers politiques, pour le futur livre “ Chemin d’exil ” prévu pour recueillir le témoignage des tortures des Tibétains. Cet ouvrage racontera aussi notre aventure.

Ne parlant pas anglais, c’est Jampa qui traduit. Je crois comprendre qu’une des 2 Tibétaines avait été tellement torturée par les chinois, qu’elle a failli perdre la raison. Elle semble toujours avoir du mal à surmonter cet épisode.

 

Voici des extraits des interviews de Gynsang et Ngawang, par Sandrine :

 

“ Ngawang Kyon Mey :

 

Deux yeux rieurs et un sourire éclatant fendent son visage de lune. Il a dans le regard une candeur que l’on pourrait prendre pour de la naïveté ou de l’innocence… jusqu'à ce que ce jeune homme solitaire vienne, presque timidement, s’asseoir à vos côtés et commence a parler. Sans jamais se départir de son irrésistible sourire, il évoque son enfance dans la ferme de ses parents, à Toelung, un petit village de 600 âmes des environs de Lhassa. Il travaille la avec ses sept frères et sœurs, ne fréquentant que durant six mois l’école Tibétaine du village. A 18 ans, quand il entre au monastère de Drepung, l’une des trois plus grandes universités monastiques du Tibet, il a tout a apprendre. Il étudie le bouddhisme, la dialectique, le chant, mais aussi l’histoire de son pays, le Tibet, dont ses parents n’ont jamais osé lui parler par crainte des représailles. “ C’est alors seulement, avoue-t-il, que j’ai pris conscience qu’il me fallait agir pour sauver mon pays, ma religion, ma culture… ” 

 

En 1998, Ngawang Kyon Mey a 26 ans. Il participe pour la première fois a une manifestation pro-indépendantiste a Lhassa et, quelques mois plus tard, placarde jusqu'à 200 affiches “ Free Tibet ”, “ Longue vie au Dalai Lama ” ou “ Chinois dehors ” sur les murs de la capitale. “ J’agissais seul, explique-t-il, car conscient du danger que j’encourais, je ne voulais pas risquer de trahir qui que ce soit en cas d’arrestation. Dix jours plus tard, le 17 septembre 1998, la police vint m’arrêter au monastère. Je ne sais pas qui m’a dénonée, car j’avais pris soin de ne parler de mes activités à personne, mais les Chinois paient les gens pour favoriser la délation… ” Puis, sur un ton que l’on pourrait croire presque badin, il raconte les deux jours d’interrogatoire qui suivent, les menottes qui lui entaillent poignets et chevilles, les matraques électriques, les tortures auxquelles il est régulièrement soumis… Il raconte ses journées au centre de détention de Gutsa ou il est incarcéré avec 600 à 700 prisonniers politiques, et où il partage une cellule de 12 m2 avec sept codétenus. “ On venait chaque jour me chercher vers 9h du matin pour m’isoler dans une pièce voisine. La, de trois à sept policiers chinois se relayaient pour me questionner, me battre sans merci et me torturer, avant de me reconduire, souvent inconscient, dans ma cellule. ” Un mois plus tard, transféré sans aucune forme de procès à la prison de Sitru, il est place dans une pièce de 5 m2 dont il ne sortira pas pendant deux ans. Le confinement est une autre des nombreuses tortures utilisées par les Chinois… “ On me donnait très peu a manger, tout juste un peu de riz et d’eau chaude. J’étais affamé et totalement désespéré. Je ne pensais alors qu’à mourir. ”

 

A sa libération, le 18 septembre 2000, il retourne travailler dans la ferme de ses parents, mais à peine quatre mois plus tard des villageois viennent le prévenir qu’il est de nouveau recherché par la police… Il n’a alors d’autre choix que de fuir. Sans avoir pu s’y préparer, sans avoir même le temps de prévenir sa famille, Ngawang Kuon Mey se jette sur les chemins de l’exil pour échapper à ses tortionnaires. C’est ainsi – mais à quel prix – que commence son long voyage vers la liberté : le bus jusqu'à Shigatse, puis une marche de 45 jours, seul à travers l’Himalaya, dans les conditions les plus rudes qui soient et sans même connaître la route à suivre. On est alors au cœur de l’hiver et Ngawang Kyon Mey, mal équipe comme la plupart des candidats au départ, n’a pour tout bagage qu’un petit sac en toile dans lequel il a tout juste eu le temps de fourrer un peu de tsampa. Des journées et des nuits entières à progresser tant bien que mal dans la neige et le froid, malgré la faim et la peur d’être, à tout moment, repéré par les soldats chinois. Ils sont nombreux à patrouiller dans les montagnes et sont sans pitié pour les fugitifs qu’ils ont le malheur de rattraper. On croirait entendre le récit de l’un de ces explorateurs du 19e s. qui, au péril de leur vie, cherchèrent à pénétrer sur le “ Toit du monde ”, pour être le premier Blanc à entrer dans Lhassa, la “ Ville interdite ”… mais nous sommes en 2000 et ce garçon qui force l’admiration est un Tibétain fuyant sa terre natale. Quand on considère les difficultés qu’il a dû surmonter, on s’étonne moins de le voir aujourd’hui trottiner sur un glacier en chantant, à plus de 4 600 m d’altitude, alors que les autres marcheurs de la “ Transhimalayenne ” avancent péniblement et que chacun cherche son souffle !

Aidé par quelques nomades rencontres en chemin, il parvient finalement un mois et demi plus tard à la frontière, qu’il traverse de nuit pour ne pas attirer l’attention de la police népalaise. Au centre d’accueil des réfugiés Tibétains de Katmandou commencent les premières formalités administratives : enregistrement, interrogatoire, visite médicale, délivrance d’un laissez-passer pour l’Inde. Grâce à un réseau aujourd’hui bien organisé, il est conduit a Dharamsala où il pourra, comme tous ses compagnons d’infortune, rencontrer sa sainteté le Dalaï-lama, celui qu’il dit avoir été sa seule raison de survivre quand il était le plus désespéré.

 

A sa sortie de l’hôpital, six mois plus tard, il contacte une association d’ex-prisonniers politiques installée à Mc Leod Ganj, le Gu Chu Sum, qui le prend en charge jusqu'à ce qu’il puisse enfin s’assumer. Il travaille aujourd’hui dans leurs ateliers de confection et milite avec eux pour la libération des quelque 250 personnes toujours retenues dans les geôles chinoises. “ Je ne pense pas retourner un jour au monastère, conclut-il. Je veux maintenant m’investir dans des actions plus politiques, témoigner de ce que j’ai subi et de ce que subissent encore mes amis retenus au Tibet ; je veux me battre pour leur liberté et celle de mon peuple ; je veux agir pour retrouver un jour ma famille, dont je suis depuis sans nouvelles. ”

 

Kunsang (ou Gynsang) :

 

A toute heure du jour, où qu’elle soit, Kunsang ne cesse d’égrainer les 108 perles de son mala tout en psalmodiant ses mantra. Quand, à 18 ans, elle décide de quitter le Tibet, elle ne pense pas encore à l’exil. Nee en 1968 à Toelung, un petit village des environs de Lhassa, elle a toujours travaillé dans la ferme familiale. N’ayant connu que le régime chinois et n’étant jamais allée à l’école, elle ignore tout de l’histoire de son pays. Alors fuir… Quoi ? Pourquoi ? Non, elle, ce qui la pousse ce n’est pas un rêve de liberté, mais l’espoir de rencontrer celui pour qui vont toutes ses pensées, sa sainteté le 14e Dalaï-lama. On dit qu’il vit par-delà les montagnes, qu’a cela ne tienne, elle les franchira. Elle ne se doute pas alors que ce pèlerinage va bouleverser sa vie…

 

N’étant pas autorisée à voyager hors du pays - seuls les Chinois et les Tibétains travaillant pour le gouvernement chinois ont ce privilège -, Kunsang doit emprunter le même chemin que les candidats à l’exil. Premiere étape à Ngari, où elle se joint à d’autres jeunes Tibétains pour former un groupe et s’assurer les services d’un guide. Ils ignorent encore qu’il leur faudra six mois pour atteindre leur but. “ Notre traversée fut particulièrement difficile, se souvient Kunsang. Nous étions en plein hiver et devions faire face à des conditions climatiques vraiment extrêmes. Tempêtes de neige et avalanches nous empêchaient d’avancer, les routes étaient fermées et nous sommes parfois restes bloqués plusieurs semaines dans de petits villages de montagne. Les nombreux postes de contrôle chinois nous obligèrent souvent à faire de grands détours et nous avons été interceptés à la frontière par la police népalaise. Par chance, celle-ci s’est contentée de nous renvoyer d’ou nous venions sans nous livrer aux soldat chinois. Finalement, nous sommes parvenus à franchir la frontière clandestinement quelques jours plus tard et nous sommes arrives sains et saufs au centre de transit de Katmandou. ”

 

Empruntant le circuit que suivent tous les réfugiés, Kunsang est donc conduite à Dharamsala pour y rencontrer le Dalaï-lama. “  Au cours de l’audience qu’il nous accorda, il nous conta brièvement l’histoire du Tibet et nous exposa la situation dans laquelle se trouvait notre pays depuis l’invasion chinoise. Tout cela était nouveau pour moi. J’ignorais tout jusqu’ici de la répression exercée contre notre peuple, notre religion, notre culture. Je suis arrivée en Inde en mars et le 10 de ce mois il y eut de grandes manifestations pour commémorer le soulèvement populaire de 1959 a Lhassa. C’est alors que j’ai vraiment pris conscience de ce qui se passait et que je décidai, malgré les recommandations du Dalaï-lama, de ne pas rentrer au Tibet. ”

 

Kunsang reste un mois au centre d’accueil des réfugies Tibétains de Mc Leod Ganj, avant de partir étudier au Tibetan Children Village de Bir.  Elle revient toutefois à Dharamsala un an plus tard pour s’y faire hospitaliser et finit par y rester. La chance veut qu’elle rencontre un tailleur travaillant pour le Dalaï-lama qui lui apprenne le métier de couturière. Loin des siens et de sa terre natale, Kunsang se reconstruit doucement. Comme l’écrit Palden Gyatso, “ dans l’exil, il faut apprendre à oublier ceux que l’on aime, à vivre comme un orphelin. ” En 1989, elle rencontre Gonpu Namgal dont elle a aujourd’hui deux beaux garçons : Tenzin, 13 ans, et Tenzin, 12 ans.

“ Depuis, je ne suis retournée qu’une fois au Tibet, en 1992. Mon mari enseignait alors au Népal et il put nous procurer des cartes d’identité népalaises qui nous permirent de rentrer illégalement au pays. J’en ai profité pour rendre visite en prison à ma sœur et à mon cousin, arrêtés en 1987, un an après mon départ, pour avoir participé à une manifestation pro-indépendantiste. ”

 

C’est grâce à ce même cousin, exilé en Inde à sa libération, qu’elle rencontre les responsables du Gu Chu Sum et qu’elle intègre l’un des ateliers de l’association. Des que l’on pénètre dans la boutique de Jogibara Road, le ronronnement des machines à coudre couvre l’agitation de la rue. Chemises pourpres ou oranges, drapeaux à prière et chuba tapissent les murs du petit local où, avec une dizaine d’autres jeunes filles, Kunsang excelle dans la confection de robes traditionnelles… une manière aussi de perpétuer la culturetTibétaine. “ Je ne sais pas ce que le futur me réserve. Ma famille me manque, bien sur, mais je ne souhaite pas retourner dans un Tibet chinois. Je veux offrir à mes fils le meilleur avenir qui soit et souhaite qu’ils se battent un jour, à leur tour, pour un Tibet libre. ” ”.

 

Si l’on n’était pas déjà concerné, ce genre de témoignages finirait par nous convaincre d’agir.

 

Ce soir, nouvelle vacation téléphonique, la réception est mauvaise.

Nuit froide et humide, mauvais sommeil.

 

Jeudi 27/6, Gwari (3845 m), Kaliheni pass (4620 m), Shangor Tach (3850 m), J11, 10h :

 

Lever à 4h30. Grand soleil, ce matin. Montée sur un névé sans fin. Paysages âpres, rudes. On est entouré de glaciers sur tous les sommets semblant très proches à portée de main.

Ici s’observe partout le recul de glaciers.

Maurice, toujours prudent, est blanc comme un linge, à force de se couvrir de crème solaire.

Les Tibétains perdent souvent les lunettes dont on les équipe (Vuarnay, Lacoste ! …).

Candides, ils ne semblent pas toujours conscience de la valeur de l’argent. Mais, peut-être devrais-je être plus détaché des biens matériels et être plus décontractés comme eux.

Avant col, un grand mur de glace et des petites moulines, sans danger, créées par le soleil. Au col atteint à 13h30, photo de groupe. Pour Jean-Pierre, un verre d’alcool serait le bien venu pour fêter cet événement.

Du col magnifique, une vue sur la chaîne himalayenne.

Le temps change, à la descente. Le brouillard arrive sur nous. Descente raide.

A Shangor Tach notre arrivée, Sébastien et Pascal joue au Jiu-jitsu (Taï Kan Do).

Le camp est situé sur un promontoire, cerné de chaque côté par 2 précipices.

Pour le film, Sébastien, par une cascade, fait semblant de basculer au delà du précipice qui borde notre terrain. Heureusement, cette chute n’est que simulée !

Nouveau communiqué téléphonique. On prévient DORJEE de notre retard.

 

Vendredi 28/6 : Shangor Tach (3 850 m), Ryali, Lamadug (3 436 m), 10 heures , J12 :

 

Aujourd’hui, nous rattrapons notre retard, grâce au regroupement de 2 étapes en une. Soleil. Très belle vue de notre belvédère. De magnifiques prairies alpines nous entourent.

Partout de la rhubarbe, d’une variété moins haute et différente de celle de nos contrées. Les Tibétaines en raffolent (la tige est très acide).

De Saghor, descente de 500 m, jusqu’à 3 320 m. Là traversée de la rivière sur un névé, puis “ à pieds mouillés ”. Cette fois-ci Jampa jette Kaki à l’eau pour lui apprendre à traverser les rivières. Ce chien pilote nous “ pilote ” (parfois dans la mauvaise direction), parce qu’il se tient toujours en tête de la troupe, nous attendant régulièrement.

Puis nous remontons de nouveau de 500 m. Cette montée nous paraît très dure. Sur l’herbe repose d’énormes blocs de quartz blanc, de plusieurs tonnes. Etonnante géologie.

Puis longue randonnée, sur un sentier plat ou légèrement ascendant, dans le brouillard. Après un col, d’autres prairies remplies de primevères géantes mauves, ou de rhododendrons géants.

Rencontre avec un taureau, puis avec une femme nomade seule (en général, nous ne rencontrons toujours que des hommes dans ces lieux isolés). Petit repos, le matin, parmi un troupeau de vaches, dont quelques unes agressives.

 

Nous déjeunons, avec nos boîtes pique-nique sur une crête, entouré par des nuées de grands corbeaux coassant, semblant annoncer un mauvais présage.

A la fin de cette longue étape, descente cassante, à travers des bosquets de bouleaux géants, … nos genoux encaissent drôlement. Les chevaux dans cette forte descente pierreuse, sont de vrais acrobates.

Si un de ses chevaux se brisait une jambe, cela serait une véritable catastrophe pour les vrais propriétaires, les muletiers, et pour l’agence de trek, … car il n’y a aucune assurance sur les chevaux en Inde.

Cette étape a été vraiment très longue. Mais grâce à elle, nous rattrapons une journée de retard.

Vision radieuse : le camp déjà monté par le staff, dans une grand clairière, bordée par un étang. Le lieu est magique. Proche de Manali, il serait le lieu de prédilection des “ Moon parties ”, des fumeries de haschich au clair de lune, et des soirées “ rave / techno party ”.

Les fraises des bois abondent. Nous en faisons une abondante récolte.

Huguette apprend à préparer les “ momos ” les grands raviolis tibétains.

Le soir, grande fête, belle veillée autour d’un feu de camp, sous un magnifique ciel étoilé. Une fête parallèle se fait entendre toute proche, de la part de trekkers indiens, installés en même temps que nous, ce soir, leurs tentes étant disposées sous les sapins tout proches.

 

Samedi 29/6 : Lamadung (3 436 m) Manali (2 000 m), 6h, J13 :

 

Forte pluie orageuse ce matin. Nous descendons dans une très belle forêt de sapins et de cèdres de l’Himalaya, cernée de brume.

Nous arrivons vers 11h dans les faux-bourgs de Manali, où nous attend Dorjee.

Partout des pommiers.

Dorjee gêné m’annonce qu’il a oublié de prévenir Marine de notre retard d’un jour et du changement de lieu de rendez-vous (il a prévu pour nous un logement dans le quartier tibétain de Manali, “ Dickyiling ”, en lieu et place de l’école tibétaine Tibetan Central School (TCS) de Manali, pressentie au départ). Marine doit déjà nous attendre depuis 1 jour et demi. Et sans aucune nouvelle de nous et de Dorjee, elle doit être vraiment très inquiète. Dire que je suis fort inquiet, est un emphémisme : que va-t-elle faire ? Et elle n’a que 21 ans, venue seule en taxi de Delhi à Manali. J’imagine le pire, je la voie affolée. De plus cette école, située à 5 km de Manali, n’a pas du tout été prévenue de son arrivée !

Je me précipite, par un bus local. Mais l’école est vide. Heureusement, je retrouve le factotum que j’avais connu l’année dernière. Il confirme que Marine est bien passée hier et lui a remis un papier avec le nom de son hôtel et son téléphone.

Malheureusement encore une fois, les 2 informations révèlent fausses. Cet hôtel n’est pas répertorié par l’office de tourisme et n’existe peut-être pas. Je me demande dans quel boui-boui elle est tombée. Je suis vraiment inquiet, car Manali, capitale locale du cannabis, peut être assez malfamée. Après avoir téléphoné à tous les hôtels, avec un guide de l’agence, en désespoir de cause, j’écris un email à son frère en France, lui donnant un nouveau lieu de rendez-vous, le restaurant MOUNTAIN VIEW, où doivent se retrouver tous les marcheurs à 18 heures. Je suis étonné et “ énervé ” que personne ne s’inquiète pour Marine.

Le message email parvient enfin à destination : Marine est là au restaurant à 18 h.

Mes craintes étaient réellement fondées. Marine, seule dans Manali, a failli être violée par un faux guide. Mais elle a su se défendre. Durant ces 2 jours, elle a changé 2 fois de logements.

A la fin du repas, Marine nous présente son carnet d’aquarelle et ses forts jolis dessins.

Au restaurant, Jacqueline, artiste peintre, agissant dans le domaine humanitaire, un soutien indéfectible de la TRANSHIMALAYENNE, habitant un petit chalet de bois, sans électricité, au dessus de KULLU (à 50 km de Manali), nous tient compagnie.

Elle me fait connaître l’existence d’un peuple inconnu bouddhiste, en voie de disparition, constitué d’un millier d’individus maximum ( ???), les “ hommes fleurs ”, de la vallée de la Noubra, à la frontière indo-pakistanaise au Cachemire. Les autorisations pour s’y rendre sont rares et seules les personnes en mission humanitaire comme Jacqueline peuvent s’y rendre. Elle m’en reparlera plus tard “ on pourrait y aller avec Thupstan Palden l'historien ladakhi ,qui est un ami de longue date, passionné et passionnant. …

Pour allez dans la vallée de Dha ... il faut compter vers juin ou fin mai ”.

Les peuples inconnus me fascinent toujours et je voudrais me rendre à cet endroit. 

Etrange de constater l’existence d’autres tribus “ d’hommes fleurs ”, l’une aux Philippines et l’autre au sud de l’Arabie Saoudite.

Jean-Pierre parle ensuite d’une autre vallée extraordinaire “ le Val Toro ” ( ?) au Pakistan.

               Je n’en oublie pas pour autant Marine. Je l’accompagne ensuite à sa chambre située dans le quartier des tentes de toiles de réfugiés du Rajasthan, pour récupérer ses sacs. Etrange impression que ces tentes éclairées, dans la nuit, par des lampes à pétroles, par des réchaud à essences ou par quelques écrans de télévisions installées dans certaines tentes ! Le quartier est assez mal famé. “ C’est chaud ! ” dirait Pascal. Enfin, on rapporte les 2 sacs, sans encombre.

Nous atteignons notre logement dans le quartier tibétain par un escalier assez raide (c’est assez courant chez les Tibétains).

Pascal a un nouvel hobby, celui de casser les cadenas à coup de masse (il a perdu toutes ses clés, y compris celle de son appartement de LAVAL, dans notre logement de Dharamsala).

 


Dimanche 30/6 : jour de repos à Manali, J14 :

 

Les cybercafés sont fermés, ce qui n’arrange pas mes affaires. Par contre, nous pouvons retirer de l’argent en grande quantité avec notre carte bancaire à un bureau de change ouvert (commission entre 7 % et 10 %).

Pendant la longue attente avant d’arriver au guichet, je discute avec une Française, secrétaire dans un cabinet d’avocat lyonnais, vivant ici depuis presque 6 mois, avec un chauffeur de bus, d’origine népalaise. Elle voudrait bien qu’il s’installe en France, mais ne sait comment faire. Elle doit bientôt rentrer en France, son visa expirant.

Le midi le repas au restaurant est offert par un des dirigeant du Gu-Chu-Sum, venu de Dharamsala, Mr. Ngawang TENZIN (ou THARDOE ????), époux de Nandol. Jacqueline déjeune encore avec nous.

L’après midi nous avons une réception au Grand Temple et Monastère de Manali, présidée par Mme Tsamchoe LHAKHANG, tibetan walfare officer (responsable de l’entraide Tibétaine), et Sonam GYALTSO, président de l’assemblée Tibétaine locale.

La réception est émouvante, bien qu’on n’en comprenne pas les discours, nos 2 Tibétaines se mettent à pleurer. Mme Tsamchoe LHAKHANG nous offre un drapeau tibétain.

Le soir, nous retournons au Moutain View. Jean-Pierre, Pascal et moi devenons vraiment “ accro ” à la bière indienne en particulier l’excellente “ Goodfather ”.

Longue discussion du groupe avec DORJEE, qui nous a informé que notre dîner sera servi dans nos chambres surpeuplées. Je crois que le groupe est impatient d’avoir attendu deux heures dans nos chambres, tandis qu’il discutait avec un ancien client anglais.

Finalement, le dîner offert se passe sur la terrasse d’une habitation du quartier.

 

Lundi 1 juillet : de Manali (2000 m) à Kothi (2445 m), 14 km, 5 hrs, J15 :

 

Excellent petit déjeuner sur la même terrasse qu’hier. Nous sommes comme des coqs en pâte.

Sébastien et Maurice nous quittent à la première heure de l’aube. Nous les voyons s’éloigner à regret, dans un rick-shaw vers la station de bus. 

Huguette nous quitte aussi (cela a été convenu ainsi). Elle aurait voulu venir, mais elle craint d’avoir des problèmes avec ses dents en mauvais état. Si elle trouve un dentiste indien pour les soigner, elle nous rejoindra.

Les Tibétains organisent une sorte de fête pour notre départ. Durant le "Sang Sal", rituel de purification par le feu et la fumée accompagné de souhaits de bonheur, de prospérité et de réconciliation avec l'environnement, ils projettent de la farine blanche en l’air, après 3 “ faux lancers ”. A la fin, après la projection de farine, tous le participants crient « KI KI SO SO LHA GYAL LO » (Puissent les divinités qui se trouvent du côté de la vertu et être victorieuses). Deux femmes âgées en chuba (robe Tibétaine) pleurent.  Tout le groupe a reçu des Kataghs, même notre chien KAKI.

Une quarantaine de Tibétains nous accompagnent sur plusieurs km à la sortie de Manali. Embrassades et pleurs au moment de la séparation.

Durant la journée, lors de cette longue marche, le long route conduisant à la Rhotang Pass, nous sommes en nage, à cause de la canicule et la lumière crue.

Avant d’arriver au camp, j’en profite pour m’arrêter sur la route à un magasin d’alcool (une échoppe autorisé à vendre de l’alcool), une “ wine shop ”. Jean-Pierre et moi nous partageons l’achat d’une bouteille “ d’english wine ”  … du Whisky (indien). Le vin blanc indien, conservé au réfrigérateur du magasin, semble coûter 900 Roupies (150 FF ! !). 

Les WC, tout proches, bordant la route et installés par l’office du tourisme de l’Himalachal Pradesh sont “ immondes ” (jamais ou peu nettoyés), l’eau des toilettes, y compris les crottes, coulant partout sur le carrelage.

Lors d’un nombreux raccourci emprunté par les guide, pour couper les lacets de la route, nous rencontrons des jeunes filles effectuant du rappel sur une paroi à pic. Je suis effrayé par le point de fixation de la corde de rappel, un simple petit sapin accroché au rocher.

Notre camp, une prairie aménagée au bord d’un large torrent, au fond d’une vallée profonde. Nos voisins immédiats sont une colonies de vacances sous toile, des jeunes d’un collège de l’Himachal Pradesh. Ici, dans cette belle région, foisonnent un grand nombre de colonies de vacances sous camp de toiles. Certainement une façon d’offrir des vacances bons marchés aux jeunes ( ?). 

Un camp pour une trentaine de Japonais et d’Américains semble le camp du Drap d’Or.

Yeshi LAMA m’a raconté, un jour, qu’il a eu a gérer un trek de 130 Japonais, ce qui l’obligeait alors à préparer les repas dès 1 heure du matin.

En jouant au “ Frisbee ”, je heurte, avec mes grosses chaussures, un piquet de ma tente en cassant net le mât. Heureusement, j’avais prévu des arceaux de rechange. Le problème, c’est qu’ils ne sont pas de la même dimension. Mais le lendemain, avec une scie à métaux et le marteau des muletiers, je fabriquerai des mâts de la bonne dimension. Piètre qualité pour cette tente norvégienne achetée à un prix élevé.

A tea-time, 17h, nous imaginons d’autres actions sérieuses, farfelues ou extravagantes pour la cause du Tibet, peut-être à cause de notre fatigue :

·        Une ligne de mode “ Save Tibet ”, des boissons “ Save Tibet ” (des colas etc …)

·        Des courses de scolopendres (mille-pattes) indiens, pour la cause du Tibet,

·        La confection de bougies portant le drapeau Tibétain,

Le soir, le staff fait un bon accueil à notre whisky. Chanden boit plus que raison.

 


Mardi 2 juillet : Kothi, 2445 m, Rohtang pass, 3978 m, Gramphu, 3450 m, 21 km, 10 hrs, J16 :

 

Lever à 4h30, ce matin. La montée est raide, un passage au dessus de la rivière acrobatique. KAKI, qui porte toujours sa katagh au cou, a du mal à nous suivre.

Nous retrouvons nos Japonais peu curieux de notre marche et de nos drapeaux tibétains.

Au village touristique de Mahri à 3300 m, où nous observons une pause bienvenue, nous perdons KAKI qui semble avoir rejoint le groupe des Japonais. On peut se demander si KAKI n’est pas un chien un peu opportuniste, passant d’une caravane à l’autre.

Nous observons plusieurs magnifiques vols de vautours.

Encore d’énormes blocs de quartz blanc sur notre chemin (je suis sûr que ce n’est pas du marbre blanc). Après Marhi, la neige persiste dans les couloirs d’avalanche (1 mois après, à notre retour, il ne restera pas trace de cette neige aperçue au mois de juin). Partout où la route est bordée par un mur de neige, de nombreux touristes indiens en 4x4 s’arrêtent pour toucher, peut-être pour la première fois, la neige, là où l’on a peint ou sculpté des motifs religieux sur le banc de neige.

Nous parvenons fourbus au col de la Rhotang Pass dans les nuages. Le lieu est très touristique. Nombreux sont les touristes indiens qui viennent louer, aux marchands locaux, des manteaux en une horrible fourrure synthétique (certains sont même roses) et venir se faire photographier sur la neige. 

Il y a même un charmeur de serpent tentant de réanimer ses najas, malgré le froid.

A niveau de la plaque commémorative du col, tous les Indiens (militaires ou non) veulent se faire photographier en présence de Marine, sa blondeur et ses yeux bleus les fascinant. Elle en a assez à la longue. Elle refuse net à la fin.

De l’autre côté de la Rhotang pass, la descente est raide. Nous sommes accueillis par le beau temps, belle illustration de l’effet de fœhn. La végétation est plus rabougrie.

Nous atteignons le camp situé à 100 m (à 3 450 m selon le GPS) au dessus du village de Gramphu. Les montagnes, au loin, avec ses sommets enneigés à 6 000 m ou plus, sont majestueuses. Un vent fort balayent nos tentes. Nous avons du mal à les monter. Marine est frigorifiée cette nuit, avec son petit sac de couchage et sa tente simple toit.

A la tombée du jour, Joël s’amuse à se laver nu dans le torrent et le vent glacial.

 

Mercredi 3 juillet : de Gramphu à Chatru (3 340 m), 17 km,  7 heures, J17 :

 

La route goudronnée est longue, semblant sans fin. Elle se transformera plus loin en simple route macadamisée.

Le vent de foehn dessèche tout. Nous avons soif. La luminosité est saharienne.

Nous sommes dans la longue vallée du Lahaul au fond de laquelle coule un torrent furieux et gris, le genre de torrent que l’on ne pourrait franchir, même encordé.

Joël a attrapé froid hier : il a la fièvre et se sent mal. Il ne sais pas s’il va pouvoir continuer à marcher.  Nous arrivons à faire arrêter une camionnette 4x4 remplie de bouteilles de Coca-Cola pour transporter Joël jusqu’au prochain camp au village de Chatru.

Pascal me parle de socialisation de ses ouailles (ses jeunes en rupture de société à LAVAL). Tout le monde parle de sa vie. Sinon, le groupe chante le long de la route pour faire passer le temps (“ un kilomètre à pieds, ça use etc… ”).

On observe le long de cet axe stratégique conduisant à la région du Spiti beaucoup d’éboulements de terrains que des centaines de cantonniers s’évertuent chaque année à réparer. Un travail de fourmis et de titans ou de Sysiphe. Marine joue à la cantonnière avec les ouvriers. On apprendra que ces cantonniers, des indiens du Bihar, pour ce travail saisonnier (on pourrait dire ce travail de forçat sous le cagnard), gagnent en moyenne 100 à 150 /- par jour. Le personnel du trek qui nous accompagne est aussi saisonnier et doit trouver des petits boulots, l’hiver, voire doivent aller dans le sud de l’Inde.

 

Vers 11 h, nous faisons halte dans un modeste tea-house, tenue par une Népalaise.

Arrivée à destination, Marine s’aperçoit qu’elle a oublié sa pochette contenant tous son argent et son passeport au Tea-house.  Jampa imagine immédiatement une solution. Il emprunte un vieux vélo chinois lourd, à une échoppe de Chatru et arrête un camion benne qui les conduit au tea-house.

Au retour, ne rencontrant aucun camion ou véhicule, et Jampa et Marine se relayeront à tour de rôle pour pédaler et atteindre notre camps, le vélo n’étant pas muni de frein, les chaussures les remplaçant le plus souvent. La traversée à deux sur le vélo, des nombreux torrents coupant la route, sera périlleuse.

Finalement, Marine retrouve sa précieuse pochette, la gérante du Tea-House ne s’étant aperçu de rien. Les 8 km seront fait à vélo en 40 mn. Beau record avec cet antiquité.

Un pont suspendu métallique traverse, à cet endroit, la rivière qui semble toujours être en crue, mais une crue qui serait sans fin, comme la plupart des rivières du Ladakh à cet époque.

Selon le GPS, Chatru est à 3 340 m (à 32°19.065’ N et 077°21.921’ E).

 

Jeudi 4 juillet : de Chatru à Chotu Dara (3800 m), 17 km. 6 heures, J18 :

 

La veille, le staff s’est alcoolisé au “ raki ”, une distillation locale.

Le temps se couvre, un temps gris parisien. La piste est poussiéreuse et chaque passage de camion nous couvre de poussière. Encore une longue marche sur cette piste monotone.

Joël est en meilleure forme.

Nous arrivons le soir à Chotu Dara, quelques maisons dont un gîte d’étape pour les camionneurs, géré par le gouvernement indien. Il fait froid ce soir.

Sur la prairie à l’herbe clairsemé, où nous plantons nos tentes, nous cohabitons avec les moutons. Un autre arceau de ma tente casse de nouveau au montage. Mais j’ai réussi enfin à réparer ma tente, en remplaçant la totalité des arceaux du mât.

Le froid est vif ce soir. Le GPS indique 3 780 m, N 32°17.582’ et E 077°31.327’. Mon altimètre électronique indique lui 3 655 m.

Ce soir, après un long débat avec Marine sur les risques allergiques des antibiotiques, nous donnons du Doliprane à un berger souffrant d’un mal de gorge. Elle lui avait d’abord donné un antibiotique et se ravisant, s’est précipité pour lui reprendre les cachets.

 

Vendredi 5 juillet : Chota Dara - Batal (4 030 m),  18 km, 7 heures, J19 :

 

L’orage a éclaté la nuit. Un fort soleil est de retour au matin.

Toujours la route macadamisée et les camions nous couvrant de poussière.

Vers 11h, une pause à 3 850 m, face de très beaux paysages de glaciers.

Plus tard, nous entendons des explosions que nous prenons d’abord pour des avalanches, mais trop régulières et nombreuses (nous en attendons au moins 6). Elles se révéleront être des tirs de mines, des explosions de pains de dynamites, réalisés par des ouvriers, afin de sécuriser la route.

La région est de plus en plus minérale et l’herbe verte de plus en plus clairsemée.

La faune semble rare, mais on l’on voit fréquemment des moineaux, des oiseaux blancs et noirs, peu farouches, semblables au grosses perdrix bartavelles, des chukars. On observe aussi des oiseaux type passereaux, type serins, d’autres au dessus noir et au ventre rouge, des “ rouges queue noire ”.

A un moment, la route est bloqué par un camion, lourdement chargé de cornières en fer, n’arrivant pas à franchir un ressaut rocheux de la route. Un embouteillage s’accumule progressivement des 2 côtés. Tout le monde prend cela avec philosophie, y compris les cantonniers à l’origine de la déclivité.. La circulation est rare sur la route et tout au plus y oberve-t-on une dizaine de véhicules camions ou 4x4, et même parfois des véhicules de tourisme, courageux ou inconscients. On reverra la circulation des camions une heure plus tard.

Betal ou Batal, notre prochain terrain de camping (non équipé) est payant (20 /- la tente). Une colonie de vacances en toile de jeune sikhs d’un collège sikh de Shimla occupe déjà le terrain. Le vent est fort et déforme dangereusement nos tentes.

Selon le GPS nous sommes à 4 010 m, N 32°21.428’, E 77°37.007’.

Là aussi un pont suspendu métallique franchit la rivière en furie.

Une plaque commémorative à proximité indique qu’une alpiniste indienne Mme Sujaya Guhu, est morte à 32 ans, le 26 août 1970, à Kurchu Nula, lors du retour victorieux de l’ascension du pic LALANA (6 136 m), conquis par une expédition féminine le 21/8/70.

 

Samedi 6 juillet : Batal, Kunzom pass (4551 m), lac Chandertal (4270 m), 6 heures, J20 :

 

Nous pérégrinons interminablement, avec les gamins sikhs, tous portant le turban avec chignon caractérisque de leur statut d’adolescent, sur un long chemin de 10 km quittant la voie principale. Chemin qui fut carrossable, mais est maintenant entrecoupée d’éboulements jamais réparés. Un autre chien errant, de type tibétain, lui noir, que nous appelons BLACKY, semble nous suivre et semble s’attacher aux gamins sikhs. Ce chemin court-circuite la Kunzom pass, nous évitant des efforts inutiles dans l’état de fatigue où nous sommes.

A moment donné, un petit chevreau semble irrésistiblement attaché aux pas d’Aurélie et elle devra le rapporter au berger du lieu.

Les roches multicolores des parois des montagnes ont un lointain rapport avec les paysages du Lanmanalaugar que j’avais observés en Islande.

Enfin, après la franchissement d’une longue colline, apparaît le beau lac Chandratal (ou Chandertal selon la carte géographique choisie), lac de la Lune, dans son bel écrin montagneux. Nous campons au bord du lac bleu, parmi les moutons.

Tout autour de nous, des km2 de prairies d’Edelweiss. Ici elles ne sont pas rares comme dans les Alpes. Partout dans le couvert herbeux, s’observent les buttes dues au phénomène de solifluxion, lié au gel de la nuit.

Au bord du lac, des centaines d’asters. Je lève 2 oies à têtes barrées (grises, blanches et noires) très craintives. Ces sautes-nuages peuvent franchir des altitudes supérieures à 8 000 m et donc l’Everest.

Des sortes de mésanges jaunes et noires sautillent à proximité de nos tentes.

Les Tibétains nous font une séance de cartomancie.

Aujourd’hui ce sont les anniversaires d’Aurélie (25 ans) et du Dalaï-Lama (67 ans).

Champa a suspendu mon drapeau Tibétain et la photo du Dalaï-Lama (celui offert par Mme Tsamchoe LHAKHANG de Manali et que porte depuis plusieurs jours Jampa) au fond de la tente mess.

Jampa a installé une sorte d'hôtel, sur lequel repose 2 verres remplis de fleurs jaunes et des bougies allumées. 

Les cuisiniers ont préparé un beau gâteau d’anniversaire avec du chocolat acheté dans une petite boutique de Batal. Les Tibétaines offre à Aurélie une coiffe traditionnelle de Berger, très colorée, de la région de KULLU. Et tout le groupe offre une jolie feuille, aux bords brûlés, décorée par Marine, portant les bons vœux de chacun.

Nous finirons, jusqu’au bout, la bouteille de Whisky achetée à Khoti.

La fête, où tout le monde même Joël (qui n’aime pas chanter) a chanté, a été extraordinaire. Elle a duré longtemps. Heureusement que demain est jour de repos.

 

Dimanche 7 juillet : Repos au lac Chandertal (4150 m), J21 :

 

Au lac, je mesure 4 154 m au GPS. Je n’y observe pas de poisson, mais de minuscules crevettes noires. Ce matin, beau ciel bleu immaculé.

Il a gelé cette nuit. On campe sur un terrain marécageux, et l’humidité a renforcé le dépôt de givre épais sur les tentes. On a eu très froid. Marine, pour avoir plus chaud, finalement dort dans la tente mess avec les guides Tibétains.

La nuit, nous avons le souffle court. Et à plusieurs reprise, je me réveille avec une désagréable impression de manquer d’oxygène. Christine et Pascal, fumeurs, parlent de diminuer leur consommation de tabac et de cigarettes. Tous ayant fini leur réserve de tabac hollandais (Drum …) se sont mis aux cigarettes indiennes à l’eucalyptus, les Blidis. Leur caractéristique : s’éteindre tout le temps. A cette altitude, je ne sais pourquoi, les briquets à gaz ont du mal à s’allumer ( ?).

Les contrastes thermiques entre le froid de la nuit (il peut faire moins dix °C) et la chaleur de la journée (où il semble faire plus de 30 °C) sont impressionnants.

Joël fait le tour du lac vers 5 heure du matin. Je le ferai plus tard.

Souvent des oiseaux gris foncés à tête mélanocéphale fouillent les crottes.

 

Deux courageux, Pascal et Sandrine, ont tenté de se baigner, mais sont ressortis frigorifiés au bout d’une minute (le lac de doit pas faire plus de 10 °C).

En apparence le lac semble propre, mais l’eau de la rivière servant de déversoir du lac, est mousseuse, comme si on y avait déversé du savon ou des détergents et son fond est constellée de plastiques et de bouteilles de cocas.

Il y aussi ici un grand problème de respect de l’environnement dans ces belles montagnes de l’Himalaya et les routes qui le traversent sont bordées de rochers couverts de publicités peintes. D’ailleurs Coca-cola sera condamné récemment par un tribunal indien de l’Himachal Pradesh, pour avoir maculé les rochers de l’Himalaya de ses pubs.

 

Je tente d’apprendre le tibétain. Je n’apprendrai que “ Bonjour : Tashi Delek, Merci : Tou det che (que je connaissais déjà) et Bonne nuit : Sindia nango ou Bon appétit : Shela Niepa Nango ”.

 

Au début de l’après-midi, pendant que les marcheurs somnolent, les 4 Tibétains et moi décidons d’inscrire, à l’aide de grosses pierres, un énorme “ FREE TIBET ” sur la paroi de la montagne la plus proche. Mais en raison de la raideur de la montagne et de la distance des pierres blanches que nous avons choisis pour réaliser ce travail de titans, nous renonçons rapidement. Sur la suggestion d’un Tibétain, nous décidons de déplacer l’inscription “ LMSA / K ” d’une agence de trek japonaise, pour pouvoir placer notre inscription, sur une petite éminence de terre, visible du lac.

Nous suerons  sang et eau sous le soleil, pour la réaliser.

A notre retour, Sandrine est très critique sur cette initiative. De son côté, Jampa me reproche d’avoir déplacé le texte de l’agence japonaise, ce qui ne se fait pas chez les Tibétains.

Je suis assez furieux, fatigué et lui rétorque que l’on n’a pas diminué la taille des lettres de l’inscription japonaise. De plus on s’est tous décarcassé pour la cause du Tibet. Enfin venimeux, voyant qu’il a rangé le drapeau dans une malle (drapeau que je lui avait confié pour qu’il le porte), je lui fais remarquer que “ j’espère que tu n’a pas l’intention de garder le drapeau ”. Visiblement, j’ai été trop loin. Jampa est blessé par la mise en cause sous-entendue de son honnêteté. Il rapporte mes propos à Sandrine, devenue subitement en froid avec moi.

Plus tard, nous réparerons notre relation. En fait, ce genre de tension est normale, lors un trek aussi long, surtout quand on est fatigué, épuisé par la marche. Les tensions durant ce trek ne seront jamais importantes, s’attachant plutôt à des choses infimes. Heureusement, pas de tensions pour les problèmes graves, l’esprit de solidarité jouera.

Le soir Sandrine et Christine confectionnent des plats français : une soupe à l’oignon, de la ratatouille et du gratin dauphinois. Le staff est convaincu par le gratin, moins par la soupe.

 

Lundi 8 juillet : Lac de la Lune =>  Tokpo Yongma (4 400 m), 8 heures, J22 :

 

Le départ s'est effectué à 4h30, afin de franchir une rivière, avant la fonte des glaciers l’après-midi (la fonte diurne renforce la force des torrents l’après-midi).

Nous quittons notre chemin macadamisé, pour des sentiers “ aventureux ”.

Vent, poussière et beaucoup de cailloux.

Aujourd’hui étape interminable. On n’est en voit pas le bout. On sera content d’arriver. Les constants et nombreux pierriers traversés nous détruisent les genoux.

Nandol qui a souvent mal à une hanche se tient souvent à côté de la file de marcheurs.

Je sais qu’elle souffre en silence et qu’on ne peut rien faire. Les crèmes ou gels anti-inflammatoires ne sont souvent qu’un “ cautère sur une jambe de bois ”, dans son cas.

La piste monte et descend. Après 8 heures de marche et la traversée d’une rivière dangereuse, sur un névé, atteint après un gros détour d’une heure, nous arrivons au camp à la confluence de 2 rivières torrentueuses.

Selon le GPS nous sommes à 4 370 m, N 32°36.353’ E 77°30.305’.

On observe de nombreuses cheminées de fées (ou colonnes coiffées) sur d’anciennes buttes morainiques.

Le thé traditionnel est toujours le bienvenu à l'arrivée !

 

Mardi 9 juillet : Tokpo Yongma => Tokpo Gongma (4700 m), 7 heures J23 :

 

Magnifique soleil. Toujours le vent. Levé ce matin aussi tôt que possible, à cause du franchissement d’une rivière considérée comme dangereuse. On doit arriver à celle-ci le plus tôt possible, pour éviter sa crue, en raison de la fonte des neiges des glaciers, l’après-midi, sous l’effet du soleil.

Vers midi, nous atteignons la rivière Tokpo Gongma à 4 500 m, dont la traversée se révèle épique, en raison de la force de son courant, alors qu’elle ne paraît pas très large. Nous la traversons encordés, utilisant une corde de 30 m. Malgré cela, une de nos Tibétaines drossée par le courant “ boit la tasse ”. Le baudrier de Joël renvoyé à plusieurs reprises de l’autre côté sert à faire traverser les personnes. Pour une raison inconnue, le baudrier pourtant en apparence bien attaché, se détache. Personne n’arrivera à le rattraper et le récupérer.

Un moment pour se sécher et manger le pique-nique, se reposer ou lire un livre. Puis les marcheurs réchauffés repartent de bonne allure.


D’après Yeshi LAMA (resté dans l’eau froide, pour nous aider durant le temps de cette traversée), un couple d’Anglais, sans corde, se serait noyé à cet endroit. D’abord la femme drossée par le courant et emportée, puis le mari qui s’est jeté à l’eau pour la secourir. Ce cours d’eau les auraient transportés rapidement au grand torrent furieux tout proche, où il n’auraient eu aucune chance de réchapper.

Devant la couleur terre de Sienne de certaines roches, je me demande si je n’ai pas affaire à des ignimbrites volcaniques. En fait, je suppose qu’en raison de forte réaction physico-chimiques liées au soleil, la couleur brune ou rouille de certains rochers ne serait due qu’à des effets d’altération, en oxydes ferreux, de la roche mère.

A un moment donné, Joël attire mon attention. Quel n’est pas ma surprise de découvrir un torrent dévalant une montagne, couleur rose bonbon anglais. Une rivière de lait à la fraise, qui nous fait envie, avec notre soif, si ce n’est qu’elle se trouve de l’autre côté de cette terrible rivière grise.

L’après-midi, nous arrivons dans un site extraordinaire, couvert de verdure et de rocher, au bord de cette impressionnante rivière grise, entouré d’un panorama de montagnes enneigées à perte de vue. Beau ! Beau à en pleurer ! Si beau qu’on ne le peut le décrire !

Kusang et Nandol se proposent de laver ma lessive. Elles l’ont déjà fait pour Jean-Pierre, elles l’entourent d’affection, comme deux filles pour leur vieux père, et Jean-Pierre est comme un coq en pâte. Ce sont d’ailleurs des remarquables consolatrices et elles détecteront souvent mes moments de spleen.  Elles sont adorables. Quelle gentillesse, que d’attentions. Courageuses et humaines. Si l’on pouvait trouver de telles femmes, à la si belle philosophie bouddhiste, dans notre riche et beau pays ! Je ne pourrai jamais les oublier.

Avec Pascal, nous parlons de nos jobs. Il est possible que je perde mon emploi. Mais j’ai confiance en mon “ employeur ” (en fait le client chez lequel je suis placé par ma société de service). Il a promis oralement devant mes collègues, que je retrouverai mon travail à mon retour. De plus il a signé ma demande de congés. Pourquoi ne tiendrait-il pas parole ?

Ce soir, c’est mon anniversaire. Bon anniversaire, monsieur l’organisateur.

D’après le GPS, notre camp est à 4 640 m, N 32°40.713’ et E 077°27.980’.

 

Mer.10 juillet : Tokpo Gongma, Baralacha La pass (4890 m)  Bharat pur (4600m), 7 hrs, J24 :

 

Ce matin traversée d’un torrent vraiment glacial. “ On se les pèle ” déclare Christine.

Toujours ces roches couleur caramel, non comestibles.

Un magnifique et immense glacier sur notre gauche, de la taille d’un ilandsis.

Enfin nous atteignons le col de la “Baralacha la ”, à environ 4 900 m. La montée est graduelle, donc moins pénible que prévue.

On retrouve une nouvelle route, elle goudronnée, et ses nombreux camions. C’est la route stratégique de Manali à Leh. Sur cette route, fréquents sont les convois militaires, parfois de plus de 30  camions.

Longue marche sur cette route en lacet, croisant sans cesse les camions, vers des gorges extravagantes et folles. En contrebas, dans la vallée, une grande étendue sableuse humide, couverte d’un entrelacs sans fin de petit ruisselets. Le décors est irréel et magique, aussi fou, fantastique, que certains paysages d’Afghanistan. Certaines roches sont rouges.

 

Barat Pur, situé à côté de notre camp, est un village saisonnier de tea-houses, l’équivalent des relais de routiers pour les camionneurs, constitué de tentes coniques en forme de yourtes mongoles, en toile de coton cousu, probablement faite d’anciens parachutes.

Il se situe dans une vaste cuvette entourée de montagnes colorées.

Le tea-house qu’on a choisi est tenu par une Tibétaine népalaise qui travaille ici de juin à septembre (3 mois) et retourne l’hiver à Katmandou.

 


Jeudi 11 juillet : Barat pur => Kelang Sarai (4600 m), 5 heures, J35 :

 

Aujourd’hui petit marche. Toujours la route goudronnée, dont le revêtement fond et ses lacets. On passe à travers une gorge, où 2 torrents se rejoignent, l’un bleu, l’autre brun. La couleur brune l’emporte finalement. Au fond, la carcasse d’un camion citerne. La route, au-dessous, est taillée dans le calcaire blanc à flanc de falaise. Auparavant, encore des remontées de gypses, comme des remontées de sel ou de sucre, le long des parois de la rivière avant la gorge. D’après Inder, le guide de queue, ce “ sel ” servirait à chauler les murs des maisons (c’est pourquoi, je penche pour la thèse de gypse, plutôt que de salpêtre surtout en aussi grosse quantité en région désertique).

Pique-nique à côté un entrepôt de cantonniers, semblable à une caserne. Certains viennent nous voir. Ngawang junior leur offre des bonbons. A noter, les Tibétains ont acheté un énorme stock de bonbons et nous en offrent régulièrement. Joël lui nous offre, régulièrement dans 2 boîtes, appelées boîtes de Pandore, un mélange télévision et un de graines de courge (dont il raffole).

Sur le bord de la route, ce qui semble être des petites orties. Ce sont bien des orties, plus urticantes que les variétés françaises. Les 2 Ngawangs rient de ma mésaventure.

Notre camp est situé à l’intérieur d’un lacet de la route. Nous verrons continuellement la noria des camions s’arrêter en face de nos tentes, en raison d’un énorme nid-de-poule.

Certains roulent même la nuit, malgré les trous et les rochers tombés sur la route. Leur pinceau lumineux balayent la montagne la nuit.

Altitude du camp, mesurée au GPS 4 490 m (à l’altimètre moins précis 4 365 m),

Coordonnées, latitude 32°50.133’ Nord et longitude 077° 27.832’ Est.

 

Vendredi 12 juillet : Kelang Sarai  Sarchu (4253 m), 21 km, 7 heures, J26 :

 

Nous sommes dans une vaste plaine, située dans une vallée, de plus en plus désertique, coupée en son milieu par un grand canyon, bordée d’étranges créneaux naturels et de cheminées de fées, et fond duquel serpente, dans ses alluvions caillouteux, un fleuve de couleur blanc-vert. Celui-ci, vu de loin, semble paisible. La route, souvent submersible, est rectiligne. Partout dans la steppe piquante environnante, le rose des touffes d’origan (l’ingrédient obligé de la ratatouille). Nous nous dirigeons vers le nord-est (44°). Par moment l’herbe est tellement rase, le terrain tellement plat, qu’on pourrait imaginer ici la construction ici d’un grand aéroport.

A main droite, un grand hôtel de toile constitué d’une centaine de tentes canadiennes, pour les camionneurs. A main gauche, un héliport au goudron défoncé.

A cause du manque de pont, la route de Leh à Manali, tournicote sans-cesse.

Nous sommes obligé d’effectuer un grand détour de plus de 8 km, alors que le village que nous voulons rejoindre Sarchu, est visible en face de l’autre côté du canyon.

Je ne sais pas comment les muletiers ont fait, mais ils ont réussi à emprunter un raccourci en traversant ce fleuve dangereux avec tous les chevaux, contrairement à nous.

Nous rencontrons un couple de 2 cyclistes, Slovènes, peu causants, au grand dam de Joël passionné de vélo.

On entend régulièrement les sifflements et les terriers des marmottes, très semblables aux nôtres. Les pigeons des rochers (pigeons biset) sont présents, par volées entières, partout dans ces montagnes arides. On en trouve jusqu’à 5 000 m d’altitude.

Nous arrivons au Check-Point de Charchu, campement militaire, où nous montrons patte blanche, avec nos passeports. Nos Tibétains n’ayant pas de passeport, contournent adroitement le check-point, profitant de la descente des passagers d’un car.

Ce soir, nous campons à côté d’un des baraquements militaire, au pied d’une montagne, en forme de château grandiose et fantastique. Pascal lit adossé à un petit temple hindouiste dédié au “ Lingam ”, le Dieu Phallus, au pied du quel sourd une source.

Les militaires qui doivent s’ennuyer à mourir dans ce trou perdu, viennent nous voir et discuter avec nous. Certains ne font que de nous regarder comme les villageois de Bara Bangahal. Un d’eux est herboriste.

Relevé GPS 4 330 m, N 32°54.201’ E 77°34.873’

 

Samedi 13 juillet : Sarchu  Brandy Nallah / Takh (3950 m), 19km, 6 heures, J27 :

 

Suite à un important rhume, j’ai assez mal dormi. Toujours cette impression, la nuit, de manquer d’oxygène.

Toujours une longue marche le long de la route. Partout la poussière et la sécheresse.

Marine me raconte sa vie dans un collège d’une cité sensible, “ souvenirs chauds ”.

Selon les guides, il est strictement interdit au Ladakh d’utiliser des Talky-Walky. Pourtant, très utiles pour les reconnaissances du trajet, ils sont utilisés par les guides, prenant la précaution de ne pas les utiliser près des zones militaires.

 

Nous atteignons enfin dans l’après-midi notre camp, Takh, installé sur un terrain aussi plat qu’un tarmac d’aviation.

On attend notre ravitaillement par la route. Nous en avons bien besoin, car notre provision de nourriture, transportée par les chevaux, touche à sa fin.

Finalement, Dorjee et Huguette arrivent vers 17h, en 4x4 Mahindra, rempli jusqu’au “ raz la gueule ” de provisions. La visibilité sur la route ne devait pas être facile pour le chauffeur.

Tout le staff et nous même faisons la fête à Dorjee et Huguette, car normalement elle ne devait pas venir. Mais elle a réussi à trouver un dentiste indien qui a su la soigner pour un prix dérisoire.

Le soir, Huguette nous décrit son passé de militante anti-nucléaire. Elle a d’ailleurs marché sept mois entre le lieu d’une centrale nucléaire ???? (Allemagne) et Saint-Jacques de Compostelle (Espagne) sur le sentier de Saint-Jacques, réalisant un bon nombre de seat-in sur le parcours, avec des militants anti-nucléaires. Huguette est une personne courageuse.

Sachant notre goût pour la bière, elle nous en a apporté 4 grandes bouteilles.

C’est l’occasion d’une nouvelle belle fête ce soir.

Coordonnées GPS du lieu : 4 190 m, N 33°01.658’ 77°035.379’.

 

Dimanche 14 juillet : Brandy Nallah / Takh,  Tso Mesik, 6 heures, J28 :

 

Ce matin le chauffeur de la Mahindra a placé la flamme d’un réchaud à essence sous le moteur du 4x4, afin de le faire démarrer, à cause du froid vif de ce matin (méthode russe).

 

Nous quittons la route, celle-ci escaladant la montagne par 21 grands lacets où s’écoulent sans fin une noria de camions.

Nous engageons en direction de l’amont, dans une belle vallée, canalisant le même grand fleuve blanc que celui nous longeons depuis 2 jours. Le soleil est toujours intense.

Celui-ci est souvent bordée de buissons d’aulnes ressemblant à des jeunes saules.

Encore, une fois, la flore change. Ici des carrés couverts de grandes inflorescences jaunes.

Sur la rive opposé nous voyons nos premiers yacks. Des cavaliers ladakhis nous interpellent de l’autre côté de la rivière. Ils ont reconnu les drapeaux Tibétains et veulent en savoir plus. Informés par Ngawang jr, ils nous souhaitent bonne chance et nous envoient leurs bénédictions. Les familles de nomades d’en face veulent nous inviter mais le flot de la rivière est trop fort. Discours surréaliste de part et d’autre de la rivière entre Ngawang junior et ces nomades.

A un moment, tous les chevaux de notre caravane refluent en galopant comme des mustangs sauvages. « Anil », le plus jeune muletier de 24 ans, est à leur trousse.

Je le vois, sans cesse durant tout ce trek, courir après les chevaux, sans paraître essoufflé (si nous Français effectuons une partie de foot, nous sommes tout de suite sans souffle après une dizaine de minutes, à cette altitude). Anil est un vrai marathonien. Je lui ai suggéré de participer à des marathons (d’autant qu’il souhaite arrêter ce travail, en raison de son maigre salaire, n’étant pas lui même propriétaire de chevaux). Je pense qu’il serait parmi les champions du monde en raison de sa rapidité et endurance.

 

Notre camp est installé au bord du fleuve à la lisière des aulnes, dans un charmant endroit. Tout le monde s’est mis à ramasser du bois mort d’aulne, avant la nuit. Beaucoup de branches sèches proviennent de la coupe des aulnes. D’après Jama, la coupe de bois est illégale. Je culpabilise, car j’ai l’impression de contribuer à la désertification de la région.

C’est ainsi dans tous les pays en voie de développement.

La plupart des arbres ont été attaqués pour leur bois par les hommes, mais il semble que cet arbre repousse vite. C’est l’arbre providentiel du pays.

Le soir, autour d’un feu de camp, nous fêtons le 14 juillet (fête nationale française).

La fête durera jusqu’à épuisement de la réserve de bois, c’est à dire tard. Le bois d’aulne brûle bien. Heureusement, l’embrassement de l’herbe steppique sèche toute proche n’aura pas lieu.

Les Tibétains nous offrent des pommes de terres cuites sous la braise.

Toujours les même chansons, dont notre chanson indienne culte “ Tiketi Tiketi ”, notre préférée.

 

Lundi 15 juillet : Tso Mesik, camp de base du col de la Morang la, 5/6 hrs, J29 :

 

Ce matin de bonne heure, je tente de remettre en eau un bras de la rivière à sec peu de jours avant notre arrivée suite à la baisse la rivière, en creusant avec une pierre, 2 mètres du bras.  Il me manque juste 20 cm à la fin de ces travaux pour remettre à flot ce bras de rivière.

Chanden (ou Iner ????) court toujours après les chevaux.

Les églantiers en fleurs, aux roses rouges, dans la région sont magnifiques. Nous en sommes entourés lors de notre pause de ce matin .

Suite à la défection de 6 d’entre nous avant le départ, nous avions été obligé de nous séparer de 2 membres du staff, Tenzin et Karma, pour des raisons financières. Et j’en étais très désolé.. Finalement, Karma nous a rejoints, continuant le trek avec nous, pour le plaisir, sans être payé (il avait 2 touristes français à cornaquer à partir de Leh, mais ces 2 derniers se sont désistés au dernier moment, pour des raisons de santé).

Je l’avais vu jouer à des jeux d’argent à Manali. Et peut-être, était-ce mieux, pour lui, de participer à la totalité de ce trek … J’étais toujours vraiment désolé, de tous ces problèmes d’argent. Si seulement, nous avions trouvé des mécènes ou sponsors. Un maximum de personnes auraient pu venir. Pas sympa les gens pour la cause du Tibet (je suis attristé par l’indifférence générale partout pour cette cause - déjà sur le lieu de travail -, malgré l’information de bonne qualité partout disponible sur ce problème).

Nous provoquons régulièrement l’envol de volées de perdrix et de nombreux groupes d’une vingtaines de pigeons biset à la queue noire et blanche.

Toujours les remontées de sels de gypse sur le bord de la rivière. 

Marche et montée difficile dans une gorge étroite. C’est une oasis de fraîcheur grâce à ses parois ombragées. Dans celle-ci coule une rivière que nous traversons à de nombreuses reprises.  Paysage des Aurès. Toujours un soleil intense.

Au début de la gorge un canal d’irrigation hors d’usage, preuve qu’une présence humaine a existé à cet endroit.

Chute douloureuse, sanction d’une glissade sur une pierre polie à la traversée d’une rivière.

Gynsang et Namdol ne cessent de parler (on dirait jacasser). Que j’aimerais savoir ce qu’elles peuvent se dire en Tibétain.

Je suis admiratif d’Huguette, qui par conviction, persiste dans son désir de marcher constamment, en sandales, quelque soit le terrain, sur les pierres, les roches glissantes etc…

A un moment, j’observe à pause du midi, une roche noire, une sorte de marbre noir ou calcaire noir très dur, couverts de d’arcs de cercle blancs, comme des clés de Fa, comme si l’on avait affaire à des traces de fossiles de grands bivalves (mais déformés). Très étrange.

A la pause de l’après-midi, Jampa nous montre ses talents d’alpiniste, montant une paroi à main nue. Le problème est la descente : finalement plusieurs personnes aideront Jampa à retomber sur le sol. Il ne suffit pas de monter.

Après une forte montée, dans des canyons pierreux, arrivée au camps installé parmi les cailloux. Il y a très peu de place pour les tentes, certains doivent se retrancher sur un terrain situé à 500 m plus loin et 100 mètres plus haut. Dur pour ceux qui sont déjà fatigués.

Coordonnées du camp : altitude au GPS 4 510 m (à l’altimètre 4310 m), N 33°08.144’ (ou …146’) E 77°33.549’ (ou … 550’).

Yeshi LAMA, une force de la nature, me relate, qu’ayant dirigé seul un groupe de 7 trekeuses japonaises, une Japonaise était tellement fatiguée qu’il l’a portée, sur ses épaules, jusqu’au sommet du col de la Morang la, notre prochain but demain. Ce qui m’étonne chez Yeshi LAMA c’est son éternelle bonne humeur (mêlée d’une forte personnalité).

 

Mardi 16 juillet : camp de base du col Morang la (5 300 m), Lun / Yabook, 6/7 heures, J30 :

 

Ce matin, lever de bon heure. Décollage à 7h30. Nous avons 900 mètres de montées avant la Morang la. Le sentier monte raide mais nous avançons lentement et calmement.

Joël nous donne à sucer des pastilles de vitamines C … effervescentes.

Joël … notre éternel boute-en-train.

Et à 11h nous sommes déjà au sommet. 900 m de dénivelé, en seulement 3h30, c’est remarquable.

Relevé GPS 5 360 m (à l’alti 5110 m), N 33°09.186’ E 077°33.974’. C’est notre plus haut col. A chacun des cols en région bouddhiste, on trouve un chorten (un édifice de pierre), un petit hôtel et des drapeaux de prière.

Il fait beau. Quelques congères persistent au col. Les tempêtes doivent y être terribles l’hiver. Quand je pense que les exilés Tibétains franchissent, à la frontière Tibéto-Indienne, des cols à plus de 5 000 m, l’hiver, comme c’était le cas de Ngawang senior et Gynsang.

Jampa réalise un exploit, en allant fixer un drapeau tibétain au sommet d’un pic au dessus du col. Je le suis, un instant, mais renonce vite à le suivre. Le fanion tiendra-t-il jusqu’à cet hiver, malgré les tempêtes. Ou sera-t-il rapidement lacéré par le vent et réduit en charpie ? 

La caméra, au moment d’immortaliser cet instant, ne fonctionne plus, batterie interne déchargée (malgré sa charge par la batterie du panneau solaire, cette nuit).

L'altitude donne des problèmes de souffle à certains, et limite l'énergie. Le paysage toujours magnifique et constitué de gorges profondes, d'escarpements rocheux, de cascades, toujours des tons bruns et gris. Le tout donne une apparence de "Croisière Jaune". Nous sommes les membres d’une expédition lointaine. Cette expédition reviendra-t-elle ?

La descente après le col est très raide dans les cailloux.

Je retrouve le niveau géologique de calcaire noir avec ses fossiles ( ?) en bas du col. Certains arcs de cercles blancs dans la pierre forment un cercle complet. On dirait une pierre orbiculaire comme la diorite orbiculaire. Une roche que je n’ai jamais vue de ma vie. Cette roche, dont le niveau est peu épais, forme un petit verrou avec cascade, dans cette vallée étroite, preuve de sa dureté. Certaines orbes font jusqu’à 20 cm de diamètre.

Je prend en photo ces dessins orbiculaires sur la roche (mais fait extrêmement dommageable, cette photo fera partie du lot de photos perdues. J’en reparlerai). Il aurait fallu que je vienne avec mon marteau de géologue.

A côté de la cascade, Pascal, Christine, Marine et moi jouons à nous éclabousser. On se met à courir oubliant qu’on est à 4 000 m.

Ensuite, une longue vallée étroite, remplis d’éboulis. Camp installé, juste au niveau d’un grand verrou, d’une faille très étroite dans une falaise, où par une brèche verticale continue la rivière.

Nous devions continuer plus loin une heure de plus, malgré notre fatigue, mais les muletiers sont revenus, car l’emplacement prévu est sec pour les chevaux.

Le panneau solaire ne fonctionne et ne charge plus. Après vérification : faux-contact.

Ce soir, c’est l’anniversaire de Jean-Pierre et pour l’occasion, il ressort une petite bouteille de Pastis, qu’il a conservé précieusement jusqu’à maintenant. Occasion aussi de fêter le BAC de son fils, résultat dont on a été informé par un SMS satellite.

Le camp s’appelerait Loumoutché ( ?) ? Pas de relevé GPS. Nous sommes très encaissés et la réception satellite est très mauvaise, le signal de réception réapparaît toutes les 10 minutes.

 

Mercredi 17 juillet : Loumouthché ( ?) - Yackbu, J31 :

 

Ce matin nous passons en altitude sur les flancs de “ mesas ” immenses, sorte de  châteaux délirants, fantastiques, immenses, d’un architecte génial ou fou. La géologie du Ladakh est vraiment inimaginable. Jampa s’amuse à jeter aussi loin que possible des cailloux dans les précipices. Je sais que cela fait depuis plusieurs jours qu’il a le spleen.

Plusieurs rivières franchies à pied ou peut-être plus. Certaines sont très belles, certaines bleus, d’autres marrons. Une des rivières est relativement chaude et invite à s’y baigner. Nous passons à côté d’un village abandonné, où l’on voit des traces de canaux d’irrigation. La région est plutôt plate. Certaines bordées de structures étranges dues à l’érosion, évoquant des châteaux fantastiques. Marine attend toujours les résultats de son examen. Elle a appelé plusieurs fois, son frère, à partir du téléphone satellite, sans résultat. On arrive à Yackbu. Campement près d’un village de nomades qui semble abandonné.

 

Jeudi 18 juillet : Yabook, jour de repos, J32 :

 

Yackbu, Yabook ou Yabok. Repos à Yackbu, grand prairie dominée par une falaise de 40 m, constituée de poudingue, creusée à sa base, par la rivière ou les hommes. Notre camp est bordée par une jolie rivière transparente, tout près de sa source. Ce matin, Ngawang junior, lui aussi un bon grimpeur, va placer le drapeau tibétain en hauteur. La prairie abondante et verte est couverte d’asters et de jolies fleurs roses à l’odeur de bonbon anglais.

Les deux Tibétaines veulent encore me laver mes vêtements. En échange, je leur offrirai un bouquet de fleur.

 

L’après midi, les Tibétains et moi réalisons une grande inscription FREE TIBET, avec des rochers, sur une éminence, à côté du village. Ngawang montre sa force en déplaçant des blocs de plusieurs centaines de kg, que je suis incapable de déplacer. Malheureusement, on a du mal à voir de loin (tout est plus ou moins blanc, vu de loin. Dommage).

 

Visite du village abandonné de Yackbu, en fait un village d’hiver des nomades, faite de petites cabanes basses, au toit plat, dont les murs sont faits de gros galets joints par de boue.  On a l’impression d’être dans une sorte de site néolithique ou un de ces sites de monastères bouddhistes troglodytes abandonnés, du nord de la Chine, découverts par la croisière jaune. Mais ici aucun monastère ou abris d’ermites, alors que le lieu est pourtant magique et conviendrait à la méditation. Mais peut-être ce poudingue est-il trop dur à creuser?

Tout juste 3 stupas, installés dans un renfoncement au-dessus du village.

Le rouge est celui de PALDEN HAMO, le Dieu des cultures,

Le blanc celui de TARA, déesse de l’harmonie,

Le noir celui de NAY CHUNG, celui qui écarte les mauvais esprit.

 

Echanges avec les Tibétains sur leur histoire.

 

Le soir, cuisine sur un feu de bouse de yacks, l'odeur est intéressante, une odeur de bitume.

Coordonnées : 4 340 m (au GPS, 4160 à l’alti), N 33°16.807’ (ou ..806’) et E 077°40.337’.

Toujours un jour de retard sur le planning de la marche.

 

Vendredi 19 juillet : de Yabook à Lungmo Che (4 550 m), 6 heures, J33 :

 

Au départ 2 traversées faciles de rivières.

D'énormes stupas peintes en blanc, dans une enceinte quadrangulaire, sont visibles autour d'un village abandonné. A partir ce village (où l’on voit nos 1er panneaux solaires, preuve qu’il doit être habité), part une piste carrossable. Tout le long du sentier de trek, des murs de manies, des pierres gravées, couvertes de mantras, des prières, que l’on contourne, par la gauche, dans le sens des aiguilles d’une montre. Visiblement, ces peuples bouddhistes, ont imaginé la circulation à gauche, bien avant les anglais.

Au loin nous voyons des cavaliers, mais malgré nos cris, ils s’éloignent désespérément dans une vaste plaine désertique. Il est pénible de ne jamais rencontrer personne, sur notre trek. On se sent esseulé.. Si on refait ce trek, on choisira des régions plus peuplées.

Marche sur un grand plateau, chaleur écrasante. La région est peu attrayante.

Nous longeons une rivière totalement boueuse, ayant débordé récemment et dont le limon boueux de la crue a cimenté les berges. La marche sur ces bancs solidifiés est facile.

L’eau de cette rivière boueuse est totalement impropre à la consommation (et nous n’avons pas de filtre avec nous), Marine s’y essaye, y renonce. Le problème d’eau semble maintenant sérieux. Les gourdes se sont vidées un peu trop vite. Mais heureusement, un ravitaillement en thé et un petit torrent d’eau clair, nous attendent au campement, que nous atteignons au début de l’après-midi. Les tentes sont montées dans une vague vallée d’altitude, sur un plateau aride à 4 600 m (selon le GPS, 4 640 m (selon l’altimètre 4 455 m), N 33°22.950’, E 77°38.616’).

Longue discussion avec un cavalier ladakhi, surgi de nulle part, qui veut nous faire payer tous les campements où nous avons planté nos tentes, pratiquement 6 camps, depuis la Morang la, soit 30 Roupies par trekeur et par jour. Tout le monde ayant “ marre ” de payer, se concerte et  décide de ne rien payer … “  0 F ”. La révolte gronde, car il a été convenu avec l’agence que nous payerons que 2 ou 3 campings durant notre trajet.

Gynsang et Nandol sont véhémentes dans la discussion, et finalement obtiennent que les trekkeurs agissant pour la cause tribétaine n’aient rien à payer. Seul les muletiers et l’agence de trek aura à payer quelque chose. Je suis étonné par la détermination des 2 Tibétaines et leur force morale. Je les admire beaucoup.

Au camp, nous observons un phénomène étonnant. Le torrent rapide d’eau claire où nous nous sommes abreuvé à l’arrivée, se tarit totalement vers 16h. Son cours reprendra comme si de rien était le lendemain, vers 6h. On suppose que c’est le coucher de soleil sur certains versants du glacier situé au-dessus, qui en est la cause.

Un camion bleu roulant sur la piste toute proche s’arrête. On voit dans ce “ truck ” le retour de la civilisation. Mais il n’a rien à vendre au grand dam des fumeurs. La rumeur qu’il avait des cocas et des blidis était un canular.

Au camp, sont déjà installé 2 muletiers et leurs 4 chevaux (ne faisant par partie de notre agence). Le soir nous rencontrons un trekkeur anglais solitaire, venant en sens inverse, qu’attendaient ces 2 muletiers.

C’est un Anglais globe-trotter, prénommé Benjamin, portant le portrait brodé du capitaine Hadock sur son tee-shirt, sillonnant à pied l’Himalaya depuis 5 ans. Il a fait pas mal de petits boulots, peintre en bâtiment etc… puis a construit une maison à Pool, à côté de Plymouth. Depuis, la location de sa maison finance ses voyages. Il n’a pas de famille, pas d’attache et ne revient à Londres qu’une fois par an à Noël.

Il aurait vu deux loups en bas du col de Yar la (vers lequel nous rendrons demain).

Il loue les services des 2 muletiers de leurs chevaux, 700 Roupies par jour. C’est lui même qui achète la nourriture.

Il nous raconte son voyage au Tibet, où à Lhassa, il aurait déposé des photos du Dalaï-lama dans les cabines publiques.

Il dîne avec nous le soir. Nous espérons qu’il appréciera la bonne cuisine de notre cuisinier. En tout cas, cela le changera des repas préparés par l’autre staff.

Après son départ, mes compagnons ne comprennent pas comment on peut voyager seul pendant des années. Personnellement, je peux le comprendre … quand on n’a plus d’attache.

La nuit, problèmes de respiration, sommeil difficile.

Devant la tente, de nombreuses souris ou mulots creusent leur terrier. Notre présence ne semble pas les déranger. Une belette rôde au loin.

Nous sommes inquiet, depuis le 14 juillet, nous ne recevons plus aucun SMS.

 

Samedi 20 juillet : Lungmo  Che,  col de Yar la (4 960 m), Dat (4 200m), 7 heures, J34 :

 

J’ai mal dormi à cause des remontées d’humidité, au niveau de l’emplacement choisi, un joli carré d’herbe bien verte, dans ce décor steppique jaunâtre. Je n’ai pas eu le courage dans la nuit, d’isoler mon duvet, avec ma couverture de survie.

Région au doux moutonnement, totalement aride. Nous déambulons sur la même piste que celle partant du précédent village vide que nous avons traversé.

Pascal me fait part de son idée de créer un gîte de montagne, dans la Drôme, avec activité montagne (alpinisme ...), pour les “ jeunes en rupture ”. Cette idée, qui je trouve “ superbe ”, lui tient vraiment à cœur. Pourvu qu’il puisse la mettre en œuvre.

 

Passage du col de Yar La (4 950 m au GPS (4 750 à l’alti), N 33°24.709’, E 77°38.913’).

Rencontre de deux cavaliers Ladhakis en habits traditionnels, sur leur chevaux, se rendant à un pèlerinage. Nous les prenons eu photos. Ils nous font le signe caractéristique du pouce et de l’index signifiant “ des sous ! ”. Nous leur offrons des bonbons. Souriants, ils s’en contentent.

Nos 4 Tibétains font 7 fois la circumbulation, du chorten, placé au sommet du col, couvert de manis, de drapeaux de prières et des grosses cornes de bovins (de yacks ?). Peut-être une réminiscence du chamanisme, existant avant le bouddhisme et persistant dans certains rituels tibétains (en particulier Bön). Un de nos Tibétains, en déambulant, tient un bâton d’encens, comme pour attirer les Dieux ou leur bonnes grâces.

En redescendant du col, un mur de manis, de plusieurs centaines de mètres de long.

Partout des énormes dépôts de sels gypseux, sur la pente. Les Tibétaines ramassent encore de la rhubarbe.

Après le pique-nique, aperçu deux grands ânes sauvages roux et blancs, assez farouches, galopant dans la vallée, des “ Kiangs ”.. Ils sont rares et c’est assez exceptionnel d’en voir.

Les paysages deviennent de plus en plus fantastiques, comme les paysages des tableaux de Léonard de Vinci. Pendant 2 jours, nous découvrirons les paysages les plus extraordinaires du Ladakh.

L'après-midi un violent orage glacial, avec rafales de vents, ralentit la progression. Notre première pluie au Ladakh.

Aurélie, qui avait oublié ses jumelles le long du sentier, fait marche arrière pendant quelques heures, pour les retrouver, puis rejoint le groupe avant la tombée de la nuit. Elle est heureuse de les avoir retrouvées. Pas un chat sur nos sentiers de trek, donc pas de risque de vol.

Le village de Dat, aussi vide que les autres, est dans une vallée magique de bout du monde. J’ai l’impression que s’il n’y avait la dureté du climat, l’aridité environnante, on serait heureux de vivre dans un site d’une telle beauté. Sur les toits, des panneaux solaires.

Il y a des libellules et des oiseaux. Comment font-ils pour vivre avec les rigueurs de hiver ladakhi ? (Dat est à 4 350 m selon le GPS. Coordonnées de Dat : N 33°29.971 E 77°31.138’).

 

Dimanche 21 juillet : Dat - Sorra (4 200 m), 6 heures, J35 :

 

Ce matin, Au village de Dat, visite du monastère (gompa) vide, en mauvais état, avec de magnifiques fresques, dans une ambiance mystique. Malheureusement, son unique occupant, un lama, était absent.

Comme papy, Huguette fait de la résistance, ne voulant plus se plier aux ordres des guides, retournant en arrière pour photographier le village. Les guides sont médusés. Pourtant, rien d’autoritaire dans leur commandement.

Nous levons encore un groupe de perdrix Chukar, semblables à une escadrille de petits poulets blancs, courant devant nous, peu farouches.

Toujours ces paysages hors du commun : des montagnes nues, mouvementées, escarpées, torturées. Comme des enchevêtrements de cristaux concassés cyclopéens.

Encore un mur d’enceinte religieux, entourant quatre chortens.

Nous nous engageons dans de belles gorges colorées aux dominantes rouges, traversées de belles rivières cristallines. Le pique-nique se passe sous les aulnes au bord de la rivière.

Nous rencontrons une famille de 4 trekkeurs, du 6° à Paris, amis d’Olivier Fölmi.

La route, est encore longue, après la traversée de plusieurs rivières à pieds mouillés.

Etrange, je découvre un tournesol unique de petite taille, aux fleurs constituées.

               Petite discussion avec Jampa qui retrouve le moral.

A la sortie des gorges, nous remontons une longues vallée bordée d’une cordillère, aux montagnes en dents de scies régulières, comme taillées par un coutelier surnaturel.

Au passage de la dernière rivière, en face du camp, Sandrine a failli perdre sa chaussure, d’autant que le débit de la rivière augmente soudainement et prend une couleur noire. Il pleut en pleine nuit.

Coordonnées GPS : 43290 km (alti 4 175 m), N 33°37.507’ E 077°29.078’.

 

Lundi 22 juillet : Sorra,  Zalung Karpo la (5 100 m), Lang Thang chu, Hankar Sumdo, 10 hrs, J36 :

 

Longue montée dans une vallée interminable, sur une moraine. Puis montée très raide, pénible, dans les pierres, avant le col.  Passage du col de Zalung Karpo la à (GPS : 5 200 m, N 33°41.992’, E 77°27.249’). On souffre du manque d'oxygène. Tout le monde est exténué au col. Jampa et les 4 Tibétains trouvent la force d’inscrire avec cailloux blanc, un grand “ FREE TIBET ”. Personne ne les aide. Jean-Pierre me dit qu’il ne fera plus un tel trek.

Longue descente, dans une vallée profonde. Les rivières y sont en crues et impossible à traverser. Le chemin semble sans fin. Nous rencontrons une Allemande masculine trekkant seul avec un couple de muletiers. Pour l’instant, ce couple est à la recherche de ses chevaux enfuis, qu’ils retrouveront quelques km plus loin.

Finalement, à 200m du camp, nous traversons la rivière en crue, profonde et torrentielle, à l’aide de la corde et de notre cuisinier Yeshi LAMA assurant la sécurité.

Il nous demande de ne pas quitter nos chaussures. Je ne sais pas si c’était une bonne idée, car il fait froid, de plus il pleuvra la nuit et nos chaussures auront du mal à sécher.

Gynsang passe assez mal la rivière. Je me demande si elle sait nager.

Nos deux Tibétaines souffrent de problèmes à la hanche et aux dents.

Coordonnées GPS du lieu : 4440 m, N 33°45.693’ E 77°30.099’ (ou …098’).

Nous rattrapons une journée de retard par cette marche forcée.

 

Mardi 23 juillet : Hankar Sumdo (4460 m), repos, J37 :

 

Journée de repos. Mauvais temps gris et froid. Pas de soleil.

Le soir, nous discutons de la paix.

Aurélie, Joel et moi discutons sur la Paix et les moyens de l’obtenir. Nous notons les idées au fur et à mesure, dans un carnet :

“ Il y a des gens qui cherchent les conflits, d’autres la paix. Pour obtenir la paix, il faut une volonté commune, l’écoute, l’attention, le respect, la tolérance.

Cette marche est pour montrer notre opposition au non respect des droits d’un peuple (droits religieux, au respect de sa culture, ses traditions, sa langue.

Le recours à la force, à la violence est la solution de facilité. L’esprit de conquête, lié à l’orgueil, pousse à vouloir avoir toujours plus. Il a perte de son âme.

Il n’y a jamais eu dans l’histoire de l’humanité, une période de paix (sauf dirons-nous ironiquement pendant la guerre du Biafra, où il y eut absence d’autres guerres sur tout le globe). ”. Aurélie est l’ange de la paix.

               A force de discuter avec le SAV d’Iridium par le tél., les SMS reviennent. Cette longue conversation nous coûtera fort cher (total des communication satellite durant le trek environ 3000 FF). Nous avons perdu 7 jours de SMS.

 

Mercredi 24 juillet : Hankar Sumdo  Nimaling (4700 m), 8 hrs, J38 :

 

Nous arrivons sur un sentier entretenu. Dans la vallée, quelques champs d’orge.

A un moment, au loin, nous apercevons le plus grand rassemblement de cheminées de fées vues dans ma vie, plus d’une centaine disposées le long d’une crête, de couleur violette.

 

Reprise de la route accompagnés par un Ladhaki et ses trois ânes, dont un craquant ânon, dans l’après-midi. Le berger ( ?) passe son temps à les pousser vers l’avant.

Le campement est installé à Nimaling, 4 685 m, selon la carte.

Bizarrement le GPS indique au niveau de notre camp, 4 850 m (N 33°47.174’, E 77°35.604’).

A cette altitude, vivent pourtant un groupe de nomades dans des baraques en dur.

De jeunes yacks broutent autour de nous.

 

Certains marcheurs se désaltèrent à l'aide d'une petite bière au tea-house local, en admirant la vue du Yang Katse (6 400 m) enneigé.

Le soir, danses et chants autour du feu de bouses de yack. J’ai vu une belette dorée.

“ J’ai vu le renard et la belette ” comme dirait la chanson.

Une des chansons françaises qui a le plus de succès chez les tibétains, c’est “ Alouette, Alouette ”. “ Je te plumerais le bec … ” .. “ … et le Bec ” etc... Cela me fait penser au succès de ce chant à l’époque coloniale. Les chants faciles ont le plus de succès “ Jean Petit … ”.

Gynsang et Namdol font sécher de la ciboulette, sur des bâches, dans le but de la revendre sur les marchés.

Je découvre, le soir, que les pieds de Chenden et Karmas sont très abîmés, fort crevassés,  certainement par les nombreux de passages de rivières glaciales, et par le manque de bonnes chaussures l’hiver. Je suis inquiet, mais cela les fait rire. Ils se contentent de Compeed et d’Elastoplaste.

Victime d’un œdème facial à cause du mal de l’altitude, Sandrine a le visage gonflé, source d’inquiétude pour nous.


Jeudi 25 juillet : Nimaling - Kongmaru La (5150 m)  Shang Sumdo, 7 hrs, J39 :

 

Tout le monde se réveille bien fatigué après une nuit très froide. “ On se les pèle ” dirait Pascal. Des glaçons sont accrochés à nos tentes, aux berges de la rivière, et sur un tronc d’arbre la traversant.

Inder, malgré le froid ambiant et celui de l’eau, proche du zéro, les pieds dans l’eau, nous aide à traverser la rivière. Il prendra froid.

Nous donnons des bonbons aux enfants des baraques en dur. Toujours une question difficile : doit-on donner des bonbons aux enfants ? Jena-Pierre, plaisantant, nous dit que dès que ces enfants auront des caries, on créera une ONG pour soigner ces caries !

Montée raide de 400 m, et, malgré la fatigue, passage du col de Kon maru la (5 150 m sur la carte. Selon le GPS, altitude : 5 290 m, N 33°47.420’, E 77°37.047’).

Au col, nous rencontrons, dans le vent fort et le froid, un famille d’Anglais, la mère, le père, la fille bien équipés (puis les chevaux et leur staff).

Après le col, de nombreuses fleurs jaunes, entre la chrysanthème et le pissenlit.

Jampa nous montre un groupe de d’une dizaine de “ chèvres sauvages ” ( ?) (ou mouflons ou argalis ?), à une centaine de mètres sur la paroi d’une montagne. Ils n’ont pas l’air farouche.

Puis, commence la longue descente vers Leh. Je rencontre une famille française, le père, la mère, le fils, membre d’une association pro-Tibétaine, le CSPT.

Je perds mon bandeau FREE TIBET,  j’allais remonter pour le retrouver, mais heureusement, Ngawang junior l’a déjà retrouvé.

En fin d’après midi, le long d'une belle gorge de schiste, au pendage vertical, alternant violet et vert, comme les rayures d’un costume rayé. Partout le schiste se délite. Un moment, une chute de pierre nous surprend. Les gorges sont vertigineuses.

A un endroit, les 2 parois d’un verrou sont comme les battants rouges d’un temple égyptien cyclopéens. Drôle de monde en rouge vineux et vert pâle.

Sur le versant d’en face, des hommes construisent un chemin à flanc d’une paroi verticale. Les travaux de titans sont réalisés à la main. Ils ne seront pas achevé avant plusieurs années.

Au débouché de la gorge, nous trouvons le camp à côté d’un antique stupa, et d’un champ d’orge, au vert printemps, signe d’espoir.

Le soir, rencontre avec une petite fille, puis de son petit frère, qui souhaitent nous vendre des fossiles et des minéraux, des petits cérites, un petit cardium, des petits cristaux de quartz.

Les champs d’orges qui nous entourent semblent en bonne santé, pourtant fréquemment des épis sont contaminés par l’ergo. Partout de la ciboulette en fleur, utilisée par nos cuisiniers. Plus loin, de magnifiques cheminées de fées, aux pierres tabulaires énormes.

Nous observons un instant, un spectacle grandiose, un troupeau de moutons courant sur la colline d’en face, en arc de cercle, soulevant de grandes volutes de poussière, poussés par des cavaliers. Une scène de cow-boys ou de Far-West (peut-être une pub pour Woolmark). A côté de notre camp, un bivouac de Suédois.

 

Vendredi 26 juillet : Shang Sumdo  Hemis, 8 heures, J40 :

 

Découverte d’une vallée alternant encore rouge vineux et vert pâle, servant d’écrin à de nombreuses oasis. Chacune parsemées de maisons spacieux, aux belles baies vitrées, de style tibétain (aux bordures de fenêtres colorées, et au toit plat couvert de drapeaux).

Journée de descente : la civilisation approche, l'air se réchauffe. On aperçoit les premiers fils électriques depuis bien longtemps, fils chantant et courant le long de la vallée.

Au bord des chemins, maintenant des chardons panicauts, aux grosses boules en fleur, presque identiques aux variétés des montagnes marocaines. Découverte des cristaux de quartz.

A côté d’une école, on rencontre des petites filles en uniforme.

Dans le lit des torrents, des arbustes à plumeaux roses, comme dans nos jardins.

Je rencontre 2 ornithologues espagnols, parlant bien français, munis de belles jumelles, d’appareils photos et objectifs 600 mn et de solides pieds professionnels.

Ils sont la recherche du lagopède blanc et d’autres espèces rares

(leur email : llvisfsanz@hotmail.com ).

A 11 h, nous nous arrêtons à une buvette, sous les frondaisons de grands aulnes d’une charmantes oasis. Des jeunes veaux jouent dans la rivière. Je joue avec l’un des bébés yacks. Nous quittons à regret ce petit coin de paradis.

A côté de notre pause du midi, une formation étonnante : les plissements d’un anticlinal et d’un synclinal superposés, l’accent circonflexe du synclinal et le chapeau de Napoléon de l’anticlinal, formant comme un X géant. La diversité géologique du Ladakh est vraiment impressionnante.

Maintenant nous sommes dans une vallée, où l’on passe ici sans cesse de couches de schistes à d’énormes couches de poudingues fortement multicolores.
Les marcheurs croisent un Zo, croisement entre Yack et vache.

Avant le camp, nous logeons un arboretum, destiné à la replantation des aulnes et des peupliers au Ladakh.

Le campement est installé à une heure de marche d’Hemis, un très beau monastère que nous découvrirons demain matin. Au loin, un grand canal d’irrigation sur un pont, et plus loin encore un immense camp militaire, dans la vallée de l’Indus.


Au camp, nous retrouvons Dorjee, un 4x4 et le ravitaillement. D’après Dorjee :
“L'arrivée est prévue dans deux jours à Leh. Il est prévu de passer du 28 juillet au 2 août à Leh. Le groupe sera logé dans le bureau du welfare du camp Tibétain de Choloma, à 7km de Leh. ”. Dorjee nous présente le nouveau modèle de tee-shirt de la TRANSHIMALAYENNE.

 

Le soir, nous cherchons désespérément une buvette, que nous ne trouverons pas.

Pour la première fois, à l’instigation de Dorjee, de la viande au repas.

Grande fête avec le staff jusqu 23 h. Une terrible nouba. Les muletiers sont déchaînés.

 


Samedi 27 juillet : Hemis, Karu (3 963 m) Tiksey 21 km, 6/7 heures, J41 :

 

Arrivé au magnifique monastère d’Hemis. Malheureusement, aucun responsable pour nous accueillir. Ils sont tous partis en WE ( ?).

Surprise, je rencontre Lotus Sonam Sara, un directeur d’agence de trek de Leh, que j’avais rencontré à Villard-de-Lans, lors d’une réunion des anciens marcheurs de la Transalpine. Il est très heureux de me revoir, et souhaiterait qu’on soit reçu par son agence dimanche, mais je lui dit que cela ne sera pas possible. Dommage.

Ensuite longue route monotone fatigante (soif).

Sur la route, de nombreuses casernes ou des ouvrages hydrauliques liés au fleuve indus en contrebas. Devant chaque caserne, souvent la même et intriguante inscription “ ELAN, PRIDE, PROFESSIONALISM ” ou bien “ EDN for Adult ”.

Nous sommes arrêtés par la police militaire. Après discussion avec nos guide, la jeep repart.

Les buvettes ou cafés sont les bienvenues sur le trajet.

Traversée d’un village, une oasis aux belles maisons luxueuses sous les arbres.

Vu des huppes couleur abricots, des pies (nombreuses) et des bleu-gorges.

Le soir, nous dormons dans un champ de camomille aux fleurs bleus et jaunes et à l’odeur entêtante. Tenzin est de retour. Il nous parle de son crève-cœur d’avoir eu à quitter la marche à MANALI.   

Fête d’adieu. Pour l’occasion, nous avons composé un chant en anglais pour la Transhimalayenne, sur l’air de la mélodie de “ Tiketi Tiketi … ”. Les paroles sont composés par Aurélie. Sinon, chacun a rédigé un poème en 5 lignes sur la marche.

 

Dimanche 28 juillet : Tiksey She - Choglamsar, 6 hrs, J42 :

 

Ce matin, visite du monastère de Thisksey, réception par moines avec le thé offert dans un grand réfectoire. Malheureusement, le Khenpo Rinpoche, Ven. Nawang Chamba Stanzin, le supérieur du monastère n’est pas présent.

Ce monastère monte à l’assaut d’un pic rocheux de plus de 200 m de haut. La plupart des monastères du Ladakh, à l’image de ce dernier, sont de véritables nids d’aigles, sauf celui d’Hemis, installé dans une vallée.

N’ayant plus de pellicule, j’en achète une papier, à la boutique du monastère.

La vue du monastère embrasse un magnifique panorama, sur la vallée de l’Indus.

Cela ne me déplairait pas de me retirer dans un des ces monastères ladakhis.

A la sortie du monastère, rencontre avec un cycliste suisse Claude MARTHALER (+).

Joël le connaît bien et est heureux de la chance d’avoir pu le rencontrer.

 

(+) Claude, parti le 12 mars 1994 de Genève, sa ville natale, a traversé les républiques du sud de l'ancienne Union soviétique, le sous-continent indien, la Chine, la Corée du Sud et le Japon.

De Tokyo, Claude s’est envolé pour l’Alaska et a pédalé depuis le point le plus septentrional de l'Amérique du Nord, jusqu’au point le plus au sud de l'Amérique du Sud, Ushuaia, atteint le 28 mars 1999. Il est reparti de Cape Town le 22 mai 1999 et roule jusqu’au Maroc, à travers tout le continent africain. Ses roues ont finalement, de nouveau, touché l'Europe le 10 avril, retrouvant sa la maison à Genève le 16 juin 2001.

Il vient de repartir, pour un tour du Ladakh, avec une amie suisse allemande.

ses sites : www.redfish.com/yak , www.songwheels.com , www.explora.ch

son email : yak83@hotmail.com , son adresse : 55 rue Vermont, CH-1202 GENEVE.

J’aurais aussi perdu la photo de notre rencontre avec lui (Voir plus loin épisode des photos développés).

 

Après le monastère, un étonnant champ de stupas, de toutes tailles, à perte de vue. Il doit y en avoir plus de 200 (un peu comme ce champ de temples existant au centre de la Birmanie).

Tout le long de la route, dans chaque village, d’énormes moulins de prière. L’esprit toujours vagabondant durant la marche, j’en imagine mus par l’énergie éolienne.

L’après midi, nous sommes rejoint par des jeunes Tibétains rencontrés dans un restaurant.

Des archers ladakhis, organisant une fête, nous invitent à boire du tchang, la bière Tibétaine acidulée, puis à participer aux épreuves de concours de tir à l’arc. Mais nous sommes particulièrement mauvais au tir (et ce n’est pas l’effet du tchang).

 

Arrivée au camp tibétain de Choglamsar (situé à 7km de Leh).

Dès notre entrée dan la colonie, nous sommes immédiatement conduits dans le bâtiment de réception du Welfare Tibétain, par les officiels qui nous attendent depuis des heures. Gâteaux, discours, remise des Kataghs traditionnelles.

 

Lundi 29 juillet : Repos à Choglamsar, visite de Leh (dernier jour de la marche), 1hr, J43 :

 

Ce matin, visite par le groupe, de l’école SOS Tibetan Children Village School, sous la conduite de M. Dawa T. NAWA. Cette école est impressionnante : plus de 2 000 élèves y sont scolarisés. Les écoles SOS ont été créés par un allemand à la fin de la 2ème guerre mondiale. Nous remettons nos 10 kg de médicaments, notre dictionnaire Vidal, un dictionnaire franco-anglais, au docteur du dispensaire de cet école. Le 10 kg d’affaires scolaires sont remis à M. Dawa T. NAWA.

Je donne mon badge Free Tibet à une petite fille malade dans la grande salle commune du dispensaire. A côté du dispensaire, une salle ultra-moderne de chirurgie dentaire, offerte par l’association “ Aide ontologique internationale ” (Dc Philippe BOURGAIN, 14 rue Billault, 56000 VANVES, tel. : 02.97.43.20.84). Certains médicaments dont la xylocaïne seront utiles pour ce centre dentaire (pour notre expédition, nous avions toutes sortes de médicaments, même de l’adrénaline contre les chocs anaphylactiques ( !)).

Sur l’auvent de la tribune du stade de football une inscription “ Pensez aux autres, avant de penser à vous ”.

Sur un panneau :

“ Les six mots les plus importants pour arriver à être mieux avec les gens  :

"J'admets que j'ai fait une erreur",

"Je pense que vous avez raison",

"Pouvez vous m'aider",

"S'il vous plaît",

"Merci",

"Nous" ”.

C’est très tibétain …

 

Cet après-midi, journée libre à Leh, en attendant l’autorisation de la police de défiler.

Les marchants cachemiris sont redoutables. Quand on rentre dans un de leur magasins, il est rare de ressortir les mains vides. Ils sont désolés par les problèmes du Cachemire. Selon les journaux, le risque de guerre semble s’être éloigné.

Dans tous les magasins, Huguette passe son temps à tester les bols musicaux tibétains. Elle en choisira 3.

Lessive le soir, dans le canal d’irrigation, longeant l’Indus.

Nous logeons dans une grande salle. Fête et photo d’adieu dans ce local.

Un petit cadeau de nous tous pour chaque muletier et le personnel (staff) de l’agence.

Le vin indien acheté (~ 40 FF) pour l’occasion se révèlera imbuvable.

 


Mardi 30 juillet : Choglamsar, Leh & retour à Choglamsar, J44 :

 

Nous recevons, de Dorjee, les très beaux tee-shirts brodés attendus de la TRANSHIMALAYENNE.

Ce matin, départ à 9h, d’une marche pour le Tibet, de 7 km, de Choglamar jusqu’à Leh, ville atteinte à 11h. Les tee-shirts sont portés durant la marche.

 

400 Tibétains, dont des vieilles femmes et des femmes enceintes, nous accompagnent, formant le long de la route une chaîne continue de plus d’un km. Spectacle impressionnant.

Pascal s’amuse à nous filmer de la plate-forme d’un 4x4.

 

A l’arrivée, réception et discours devant une grande foule, au temple bouddhiste de Leh.  Nous leur disons de toujours garder l’espoir. Certains pleurent. Nous sommes émus.

Des Tibétains nous diront à quel point ils se sentaient abandonnés par la communauté internationale.

 

L’après midi, repos chez Jacqueline, venue nous accueillir à la fin de notre marche. Elle loge dans un charmant hôtel, situé dans l’oasis de Leh.

 

Le soir, réception au restaurant par la communauté tibétaine. Autre discours.

Le représentant du Dalaï-lama et du gouvernement en exil prend le contre-pied de mon discours, qui parlait d’indépendance. Il présente la position du Dalaï-lama. Seule et unique revendication, l’autonomie. Le mot “ FREE TIBET ” n’est pas toujours bien vu de toutes les autorités tibétaines.

Nous n’aurons pas le temps, lors de ce séjour trop court à Leh, du fait de la réception prochaine par le Dalaï-Lama, de visiter l’autre camp tibétain de Leh, Agling.

Ni de poser un drapeau au sommet du col le plus haut du monde près de la frontière Tibétaine, le col de Khardung La (5 602 m), situé à 25 km de Leh. Dommage.

Pour une autre fois peut-être ?

 

Mercredi 31 juillet : départ en bus tôt le matin vers Manali (halte de nuit à Keylong) :

 

Lever 3 heures du matin, dans la nuit. Le bus de l’administration de l’Himachal Pradesh est bien au rendez-vous.

Le style de freinage du chauffeur est étonnamment doux, sur cette route, la 2ème route la plus haute du monde. Route vertigineuses, 2 cols a plus de 5 000 m. Fatigue. 

Pourtant, il n’est pas toujours prudent, quand il coupe certains lacets qu’il dévale, empruntant de vagues pistes. Pourvu, que les freins ne lâchent pas !

A un moment, il coupe à travers une grande étendue sableuse, pour gagner, à la course, un autre bus resté sur la route goudronnée, faisant à cet endroit un détour. Il gagnera. Mais, si nous basculions dans des vallées dont le fond est mille mètres plus bas, nous serions récoltés à la petite cuillère. Justement, on lit qu’un bus a basculé dans le ravin au Népal, suite à la mousson, 45 morts dont des Français ( !).

Nous arrivons à Keylong à 19 heures. Chambre collective à 25 R par personne.

Quelques souvenirs, en vrac, de cette traversée :

ð      notre chauffeur s’arrêtant en pleine voie, notre bus, pour le laver, dans le torrent traversant la route, et de fait, bloquant tous les camions venant des 2 côtés,

ð      le transvasement, dans un seau, de l’essence d’un camion citerne (en général chargé de ravitailler les caserne du Ladakh) au véhicule d’un particulier (cette essence de contrebande lui coûtera 5 R/L au lieu de 30 R/L),

ð      l’arrêt par la police du bus, après que son chauffeur ait doublé dangereusement sans visibilité dans un virage, ce véhicule de police. Il s’en tire avec un blâme, se confondant alors en remerciements. Je le verrai sourire d’un drôle de sourire en remontant dans le bus.

 

Les genévriers puis les sapins réapparaissent, le soir. Sinon, un magnifique site, au croisement de 3 vallées immenses.

 

Jeudi 01 août : continuation par le même bus vers Manali , arrivée à Manali à 18 h :

 

Ce matin, course poursuite entre notre bus et un autre. Un remake du film DUEL.

Ne pas avoir peur ! Je ne sais pas comment Pascal peut continuer à dormir, à mes côtés, malgré les chaos de la route. Finalement, a lieu une discussion entre les 2 chauffeurs.

La vallée verte du Lahaul que nous traversons est magnifique. Les parois de cette vallée, sont si raides, que, du fond de la vallée avec ses champs de pommes de terre, on observe tous les étages de la végétation, des forêts de sapins, aux prairies alpines, jusqu’aux glaciers sommitaux. Et tout cela semble, par un curieux effet d’optique, à portée de main.

Au bord d’un village, est implanté une antique tour de guet coiffé, en pierres et à base carré, comme on en trouve encore en Arménie et Géorgie.

Encore un check-point dans la matinée.

Arrivée du bus de matin a 13h à Manali. Collation offerte par la communauté tibétaine. On a retrouvé KAKI ! Il est retourné sagement dans la communauté tibétaine et nous attendait sagement. Il a grossi. Nous fait (moyennement) la fête.

Plus tard, KAKI “ débloque ”, mordant à la joue, un bébé qui lui tirait les poils.

Les Tibétains sont fort gentils avec ce chien qu’ils ont adopté.

Ce soir, réception par le mouvement des femmes tibétaines, à un spectacle de danses indiennes et tibétaines, folkloriques et modernes, organisé par la communauté.

Je trouve le spectacle, organisé par des Tibétains, un peu trop hindou, y voyant le risque d’une perte d’identité des Tibétains. Mais ces derniers me rétorquent que ce spectacle est là pour attirer les indiens et permettre d’entretenir de bon rapports avec les autorités locales invitées gracieusement.

J’envoi mon dernier mail, pour le Carnet de route, au “ PC course ” en France. 

Logement dans un hôtel correct, TIBET, avec eau chaude et télé noire et blanc, pour 100 R par personne (18 FF). Une faveur.

Nous n’avons pas le temps de visiter les sources chaudes de Vashisht.

 

Vendredi 02 août : Bus de Manali à Dharamsala, cérémonie de remerciement :

 

Le chauffeur est particulièrement brutal dans ses coup de freins.

Un pneu éclate. Un pneu aussi lisse que celui qui a éclaté est descendu du toit.

Dorjee me dit “ les pneus en Inde sont de mauvaise qualité ”.

L’atelier de bus où le chauffeur échange son pneu est en aussi mauvais état que le bus.

Nous arrivons le soir vers 19h. Il fait déjà nuit.

Nous avons la surprise d’être reçu par les autorités tibétaines, pour une réception au Grand Temple. Les Tibétains, prévenus par Dorjee, nous attendent depuis 17h.

De beaux discours, malgré une panne momentanée des éclairages et projecteurs.

Namdol, une vrai “ passionnaria ”, nous étonne et nous impressionne. Elle est enflammé, déchaînée, comme à Bir, devant la communauté tibétaine locale.

Dommage que l’on comprenne pas son discours en tibétain.

Nous mangeons le soir au restaurant japonais du centre du Gu-Chu-Sum où nous logerons pendant 5 jours (à leur frais).

 

Samedi 03 août : repos à Dharamsala :

 

Chaque jour, le Gu-Chu-Sum nous offre le repas et le gîte dans leur centre.

Ils nous font visiter leurs ateliers de couture, de sérigraphie, leur restaurant japonais, la boutique, la salle informatique, son centre de formation à l’informatique et l’anglais.

Ce centre a été en parti financé par des Japonais.

L’association édite une revue très bien faite, “ Tibetan Envoy ” (l’envoyé du Tibet), le n° 6 actuel étant consacré à la prison de Drapchi proche de Lhassa, avec en couverture la photo de Nawang Sandrol, nonne pacifique, indépendantiste, condamnée à 21 ans de prison.

Vers 17h, Aurélie nous montre ses magnifiques photos papiers développées dans le laboratoire KODAK ultramoderne de Dharamsala.

 

Dimanche 4 août : repos à Dharamsala :

 

Les jeunes filles essayent leur chubas (robe traditionnelles tibétaines), tandis que certains sont passées chez le coiffeur ce matin. Tout le monde se fait beau pour le Dalaï-lama.

Il faut fermer les fenêtres, les chambres étant visitées par des macaques rhésus en quête de nourriture.

 

Lundi 05 août : Dharamsala, réception du Dalaï-lama :

 

Vers midi, sa sainteté le Dalaï-Lama souriant, nous reçoit, dans le Grand Temple de Dharamsala, avec 2 autres groupes, des réfugiés et des moines.

Selon lui, sa santé est rétablie. Puis il nous expose, en tibétain (le traducteur officiel nous traduisant discrètement son discours), la situation dramatique du Tibet actuel risquant de disparaître à court terme, puis présente sa position actuelle sur la façon de résoudre le problème. Il pense que le Tibet est trop pauvre pour être indépendant et que la collaboration avec la Chine peut être fructueuse dans le cadre d’une autonomie, la Chine apportant la technologie manquant au Tibet. Le Tibet a besoin d’aide et il félicite alors, notre groupe et staff, pour notre courage et notre volonté d’avoir voulu aider le Tibet. Avec humour durant son discours, il nous fait remarquer que la marche a due être difficile, avec ces cols à 5 000 m et que nos pieds ont dû souffrir.

Après une heure, il nous serre la main (sa poignée est puissante et on n’en se libère pas facilement), et la séance photo, le groupe entourant le Dalaï-lama, les femmes du groupe en chuba, une robe Tibétaine traditionnelle, formant le fan-club du Saint Homme.

Le Dalaï-lama est pressé et je n’ai même pas le temps de lui “ réciter ” le discours que nous nous étions évertués à lui préparer hier soir tous ensemble.

               Tout le monde n’ayant pas reçu le cadeau du Dalaï-lama, le grand moine Ngawang (pas le marcheur) ira chercher pour ceux qui ne l’ont pas reçu.

L’après midi, Huguette, offre une séance de “ musicothérapie ” ou “ vibrothérapie ”, à Joêl, en faisant résonner les bols tibétains, posés sur son dos dénudé.

Rencontre surprise le soir, dans la rue, d’un ami Mr Acharya Yeshi Phuntsok, président du “ National Democratic Party of Tibet ”, moine et président du “ National Democratic Party of Tibet ”, qui avait participé à l’intégralité de “ TRANSALPINE TIBETAINE ” et dont la joie de nous retrouver est également partagée.

Il m’invite chez lui. Son logement est minuscule, la taille d’une cellule de moine. Je n’avais jamais rencontré de président de parti politique aussi démuni.

 

Mardi 06 août : Repos à Dharamsala :

 

Ce matin, visite du centre des réfugiés Tibétains (le "reception center").

Je fais développer mes propres photos papiers au centre KODAK.

A 11 h, on m’apprend que ma pellicule de vues de THIKSEY est toute noire.

Nous faisons différents essais avec une pellicule neuve. L’appareil remarche.

Je ne comprends rien à cette histoire d’appareil photo ou de pellicule photo.

Selon le gérant du centre, un anglais passionné de photo, il est possible que mon appareil ait des problèmes d’obturateur. Je suis très inquiet pour mes photos non développées.

Visite ce matin, sous une pluie diluvienne de mousson, d’un centre de méditation à DARAKOT (Titchuling Institute), au-dessus de Mac Leod Gang, normalement occupé par des Anglais mais vide à cause du risque de guerre, le chancelier de l’échiquier ayant mis en garde les ressortissants anglais. On est charmé par le calme et la douceur du lieu.

Ensuite, nous allons visiter l’ermitage du grand moine Ngawang, lui même ex-prisonnier politique. Il est surpris et heureux de nous voir et nous offre avec le thé et les meilleurs pan-cakes que l’on ait mangé en Inde. Il nous servira au moins 6 fois.

L’après-midi visite du TIPA, Tibetan Institude of Performing Art, l’institut assurant la conservation de la danse et de l’opéra tibétain. Sandrine reste, tentant d’en trouver les responsables.

Puis, nous allons visiter les piscines rituelles du village de BACKSU. Il n’y a pas beaucoup de baigneurs. Normal, l’eau est à la température de l’eau de source.

A côté d’une grande cascade, un jeune marchand expose, dans une grotte, des pierres sur lesquels sont peints des mots, des pensées, des sentences, en toutes les langues et couleurs.

 

Mercredi 07 août : Repos à Dharamsala, repas d’adieu avec le Gu-Chu-Sum :

 

Cet après-midi, Sandrine, Pascal et moi, visitons la salle de l’Assemblée du Parlement Tibétain en Exil, et rencontrons ses représentants Madame Dolma Gyari vice-présidente et Monsieur Acharya Yeshi Phuntsok.

Madame Dolma Gyari réitère ce que l’on m’a déjà répété sur la route : “ ce que veulent les Tibétains, ce n’est pas uniquement l’amélioration des droits de l’hommes au Tibet, mais tout simplement, la liberté et l’indépendance du Tibet ”.

Nous est expliqué le fonctionnement du gouvernement tibétain en exil :

“ il y a 2 cessions de l’assemblés par an, une pour le budget en mars, l’autre de discussions politiques 6 mois plus tard, en octobre.

Le budget vient des Tibétains (contributions volontaires par le “ Green book ”). Le gouvernement n’est pas très riche. Il y a des donations privées par le “ Blue Book ” (permettant de créer une assurance sociale entre Tibétains, le Welfare), par les ONG, et par les dons du Dalaï-lama.

Au sein de l’assemblée, il y a un seul parti, celui de Mr. Phunstock, non reconnu, car non prévu par la constitution !!

Le département des informations et relations internationales est dirigé par Mr. Samphel et Dhakpo.

L’assemblée est constituée de 46 membres :

3 personnes désignées par le Dalaï-lama,

2 par les Tibétains américains et canadiens,

1 par ceux vivant en Europe,

10 pour chacune des 3 grandes régions du Tibet (U-tang, Amdo, Kham, je crois),

2 membres des chacune des 2 grandes sectes bouddhistes Tibétaines.

Il y a 2 femmes au minimum.

 

Il élit le 1er ministre. Son cabinet a 8 ministres maximum. Il y a 4 ministres actuellement.

Chacun a plusieurs portefeuilles.

Celui du logement  (Home) gère les camps tibétains en Inde et ailleurs,

Celui de la santé (Health) gère aussi l’environnement et 100 écoles.

Au niveau des écoles, il y a :

ð      les CTS, “ Central Tibetan schools ”, gérés conjointement avec le gouvernement indien. Il y en a 70.

ð      les TCV et SOS TCV (“ Tibetan Children Village ”). Il y en a 16, géré par les aides étrangères et le gouvernement tibétain (la sœur du Dalaï-lama Jetsun Pema), non reconnus par le gouvernement indien,

ð       les CTE, gérés par le gouvernement indien avec l’aide du gouvernement tibétain,

ð      les CTA, 85 écoles au Tibet ( ?), en Inde, Népal et Bouthan, contrôlés par le “ Departement of Education ”. ”

 

M. Phunstok reconnaît qu’un certain chemin vers la démocratie est encore à faire, au sein de cette assemblée.

 

Visite de la grande bibliothèque tibétaines où sont stockés plus de 40 000 ouvrages.

Nous visitons la sections des livres modernes. Le fond est essentiellement constitué de dons venant du monde entier, car la bibliothèque est pauvre.

Quand au fond ancien, constitué de livre, rangés par sujets religieux, chaque livre étant rangés dans une housse de tissus d’une couleur différente selon la secte tibétaine auteur de l’ouvrage, il provient de livres sauvés par des personnes leur ayant fait franchir la frontière.

Suite aux autodafés de la révolution culturelle, le conservateur pense que 10 % du patrimoine littéraire tibétain est perdu à jamais.

Dans le musée tibétain dépendant de la bibliothèque, je découvre des pièces de monnaies et des timbres émis par le gouvernement tibétain, ainsi que des photos de l’armée tibétaine des années 30 (avant l’invasion chinoise).

Nous sommes reçu, ce soir, par le mouvement Gu-Shu-Sum qui nous a si bien a aidés et reçus, lors un dîner chic et smart (offert), à l’hôtel TIBET, ce soir, pour un au revoir plein d’émotion.

 

Jeudi 08 août : matin : arrivée et transfert à l’Hôtel Potala, jour de repos à Delhi :

 

Repos en attendant notre départ.

Départ en bus le soir  vers 18h. Pleurs de Namdol et de Gynsang à notre départ. Tous les responsables du Go Chu Sum sont là. Encore des pleurs.

 

Vendredi 09 août : Jour de repos / libre, et transfert de nuit à l’aéroport :

 

Après un long trajet en bus de nuit, nous sommes maintenant au camp tibétain de Majnu-Ka-Tila de DELHI, attendant notre vol KLM à minuit. Notre séjour en Inde s’achève maintenant. Fatigués, nous dormirons la plupart de la journée malgré les bruits de marteaux, à côté. Départ samedi 10 août vers 1 h du matin par la KLM.

Conclusion :

 

Cette marche fut avant tout une superbe aventure humaine. C'était la première fois, que des Occidentaux organisaient une telle marche pour le Tibet en Inde.

Nous avons senti de façon aiguë, l'importance que celle-ci prenait souvent aux yeux des Tibétains. Combien de fois, avons-nous vu pleurer des Tibétains, spectateurs, formant une haie d'honneur autour de notre marche ou de nos conférences, ces mêmes Tibétains, qui avaient jusqu'à présent plutôt l'habitude de se croire abandonnés du monde entier et des instances internationales, plutôt que de se voir soutenus dans leur lutte pour recouvrer leur liberté.

Nous nous souviendrons de la centaine de marcheurs tibétains qui nous accompagnaient à notre départ à Dharamsala, des 300 personnes au Grand Temple et du 1er ministre tibétain en exil, nous accompagnant de leurs voeux de réussite pour notre marche, des 40 Tibétains nous accompagnant à notre départ de Manali au 13eme jour de marche, et surtout de l'exceptionnelle procession de 400 Tibétains, s'étirant sur la route sur plus d'un km, nous accompagnant à notre arrivée à LEH (LADAKH), terme de notre périple.

 

On pourrait encore parler, de façon anecdotique, de la palette extraordinaire et multicolore des roches des vallées traversées du Ladakh, des glaciers et neiges éternelles au sommet de majestueuses montagnes, de la beauté des paysages.

 

Nous retiendrons surtout les événements exceptionnels de cette marche :

- notre rencontre avec le 14e Dalai Lama toujours aussi souriant

- notre rencontre avec le Karmapa, 3ème autorité religieuse des Tibétains

- notre entretien privé avec Taï Sitou Rinpoché, le supérieur du plus grand monastère du nord de l'Inde Sherab Ling

- enfin notre rencontre avec Madame Dolma Dyari vice-présidente du Parlement Tibétain en exil et M. Yeshi PHUNTSOK, nous guidant lors de la visite ce même Parlement.

 

Tout ce que nous avons vécu de fort sur cette marche nous a convaincu d'agir encore plus pour le Tibet, dès notre retour en France.

 

Benjamin LISAN,

Coordinateur de la Transhimalayenne,

le 28/9/02

 


Postface :

 

La plus mauvaise nouvelle, en France, sera de découvrir qu’à partir d’une pellicule diapo défectueuse (de vues prises à Bara Bangahal, dont la gélatine s’est détachée de son support et torsadée), les 11 pellicules diapos suivantes seront noires, concernant toute la fin de l’Himalaya vert jusqu’à la fin de l’Himalaya désertique, y compris la fin du séjour au Ladakh et à Leh. De nombreuses vues de formations géologiques et plantes rares seront perdues à jamais, au total plus de 40 jours de vues et plus de 400 diapos. Une perte inestimable.

Je suppose que la gélatine ou bien un grain de sable a bloqué l’obturateur, jusqu’à son déblocage “ miraculeux ”, après le départ LEH. Les pellicules suivantes seront de nouveau bonnes. Ni NIKON, ni FUJI ne découvriront de la cause du problème.

 

Autre mauvaise nouvelle :

Mon employeur qui semblait soutenir mon action, devant les collègues, a demandé finalement mon remplacement pendant mon absence, sans explication, mais il en a le droit, car je ne suis qu’un prestataire de service informatique (l’équivalent d’un intérimaire).

Je suis maintenant au chômage.

 

Mais je ne regrette pourtant rien. C’était une expérience forte, une expérience dont on se souvient toute la vie, l’expérience d’une vie, comme cela doit être le cas de mes compagnons de marche (qui comme Marine ou Pascal me l’ont dit).

Et surtout, j’ai accompli mon devoir envers un peuple qui le mérite.

C’est sûr que ce n’est pas cela qui me nourrira. Mais c’est une question de dignité.

 

Je pense que nous ne serons plus les mêmes après une telle aventure.

Nous resterons certainement longtemps amis ou en rapport les uns avec les autres pour partager nos souvenirs, tels les combattants d’une lutte belle, héroïque et peut-être sans espoir.

 

Combien de fois, m’a-t-on dit que la cause du Tibet était sans espoir. Ce qui n’empêche pas qu’il faut protester moralement.

C’était le but de notre marche, justement !

 


Annexe : programme/itinéraire de la Transhimalayenne 2002

 

Mercredi              12/6: départ de Paris, Roissy

Jeudi                     13/6: Delhi (jour de “ repos ”), départ en bus de nuit vers Dharamsala

Vendredi              14/6: Dharamsala (jour de “ repos ”)

Samedi 15/6: Dharamsala (conférence et marche symbolique), Bir

Dimanche            16/6: journée de repos à Bir / monastère de Sherab Ling (1300 m)

Lundi                    17/6: J1, début réel de la marche : Bir (1300 m) => Billing (2600 m), 8 h

Mardi                   18/6: J2, Billing à Palachak Deota (2900 m), 7 heures

Mercredi              19/8: J3, de Palachak Deota (2900 m) à Panihartu (3600m) 8 heures

Jeudi                     20/6: J4, Panihartu (3600m), Thamser pass ( 4700m), Marhu (3800 m), 10 h

Vendredi              21/6: J5, Marhu (3800 m) à Bara Bangahal (2554 m), 6 heures

Samedi  22/6: J6, journée de repos à Bara Bangahal

Dimanche            23/6: J7, de Bara Bangahal (2554 m) à Dalmarh/Suni Lana (3125 m), 6 heures

Lundi                    24/6: J8, de Dalmarh (3125 m) à Lamba Parao (3150 m), 6 heures,

Mardi                   25/6: J9, Lamba Parao (3150 m) à Danko Tach (3570 m), 6 heures

Mercredi              26/6: J10, Danko Tach (3570 m ?) au camp de base de Kaliheni (3845 m), 5h

Jeudi                     27/6: J11, Gwari (3845 m), Kaliheni la (4620 m), Shangor Tach (3850 m), 10h

Vendredi              28/6: J12, Shangor Tach (3850 m), Ryali, Lamadug (3436 m), 10 heures

Samedi  29/6: J13, Lamadung (3436 m) Manali (2000 m), 6h

Dimanche            30/6: J14, jour de repos à Manali

Lundi                    01/7: J15, de Manali (2000 m) à Kothi (2445 m), 14 km, 5 hrs

Mardi                   02/7: J16, Kothi (2445 m), Rohtang (3978 m), Gramphu (3450 m), 21 km, 10 hrs

Mercredi              03/7: J17, de Gramphu à Chatru (3340 m), 17 km,  7 heures

Jeudi                     04/7: J18, de Chatru à Chotu Dara (3800 m), 17 km. 6 hrs

Vendredi              05/7: J19, Chota Dara - Batal (4030 m),  18km, 7 heures

Samedi  06/7: J20, Batal, Kunzom pass (4551 m), lac Chandertal (4270 m), 6 heures

Dimanche            07/7: J21, Repos au lac Chandertal

Lundi                    08/7: J22, Lac de la Lune =>  Tokpo Yongma (4400 m), 8 heures

Mardi                   09/7: J23, Tokpo Yongma => Tokpo Gongma (4700 m), 7 heures

Mercredi              10/7: J24, Tokpo Gongma, Baralacha La (4890 m)  Bharat pur (4600m), 7 hrs

Jeudi                     11/7: J25, Barat pur => Kelang Sarai (4600 m), 5 heures

Vendredi              12/7: J26, Kelang Sarai  Sarchu (4253 m), 21 km, 7 heures

Samedi  13/7: J27, Sarchu  Brandy Nallah / Takh (3950 m), 19km, 6 heures

Dimanche            14/7: J28, Brandy Nallah / Takh,  Tso Mesik, 6 heures

Lundi                    15/7: J29, Tso Mesik, camp de base du col de la Morang la, 5/6 hrs

Mardi                   16/7: J30, camp de base du col Morang la (5300 m), Lun / Yabook, 6/7 heures

Mercredi              17/7: J31, Loumouthché ( ?) - Yackbu,

Jeudi                     18/7: J32, Yabook, jour de repos

Vendredi              19/7: J33, de Yabook à Lungmo Che (4550 m), 6 heures

Samedi  20/7: J34, Lungmo  Che,  col de Yar la (4960 m), Dat (4200m), 7 heures

Dimanche            21/7: J35, Dat - Sorra (4200 m), 6 heures

Lundi                    22/7: J36, Sorra  Zalung Karpo la, 5100 m, Lang Thang chu, Hankar Sumdo 10 hrs

Mardi                   23/7: J37, Hankar Sumdo (4460 m), repos

Mercredi              24/7: J38, Hankar Sumdo  Nimaling (4700 m), 8 hrs

Jeudi                     25/7: J39, Nimaling - Kong maru La (5150 m)  Shang Sumdo, 7 hrs

Vendredi              26/7: J40, Shang Sumdo  Hemis, 8 heures

Samedi  27/7: J41, Hemis, Karu (3963 m) Tiksey 21 km, 6/7 hrs

Dimanche            28/7: J42, Tiksey She - Choglamsar, 6 hrs

Lundi                    29/7: J43, Repos à Choglamsar, visite de Leh (dernier jour de la marche), 1hr

Mardi                   30/7: J44, Choglamsar, Leh & retour à Choglamsar

Mercredi              31/7: départ en Bus tôt le matin vers Manali (halte de nuit à Keylong)

Jeudi                     01/8: Continuer par le même bus vers Manali , arrive à Manali à 18 h

Vendredi              02/8: Bus de Manali à Dharamsala, cérémonie de remerciement

Samedi  03/8: Repos à Dharamsala

Dimanche            04/8: Repos à Dharamsala

Lundi                    05/8: Dharamsala, réception du Dalaï-lama

Mardi                   06/8: Repos à Dharamsala

Mercredi              07/8: Repos à Dharamsala, repas d’adieu avec le Gu-Chu-Sum

Jeudi                     08/8: Matin : arrivée et transfert à l’Hôtel Potala, jour de repos à Delhi

Vendredi              09/8: Jour de repos / libre, et transfert de nuit à l’aéroport

Samedi  10/8 : arrivée à Paris.

 


Le budget d’une telle marche

 

Normalement, il était prévu 1790 € (11903,5 FF) pour le trek total (Bir => Leh, 45 j)

+ l’avion par personne.

 

DORJEE nous a annoncé d’autres chiffres à notre arrivée en Inde, suite au désistement de 6 personnes, du fait des risques de guerre.

 

1 Travail de reconnaissance de la part de 3 guides (“ Reiki ”)

 

1)     Transports en bus pour ces 3 guides : 250 R x 2 A/R x 3 =       1 500 Roupies (/-)

2)     Nourriture par jour par personne 250 R x 3 = 750 /-

3)     Salaire des guides 500 par jour par guide x 7 jours = 3500 /-

4)     TOTAL “ Reiki ” = 5750 /-

 

2 Si on achetait soi-même le matériel collectif de camping :

 

1)     2 tentes MESS (prix en Inde) 12000 /- x 2 = 24000 /-

2)     2 tentes cuisines et magasin 10000 /- x 2  = 10000 /-

3)     2 tentes toilettes 2500/- x 2 = 5000 /-

4)     Transport de ce matériel = 1000 /-

 

Sans budget de notre côté, nous avons refusé d’acheter ce matériel destiné à l’agence de trek.

 

TOTAL du prix TREK (nourriture, chevaux, salaire du personnel de l’agence de trek) pour l’ensemble des marcheurs occidentaux :

 

10 marcheurs occidentaux participent à la marche de Bir à Manali,

(Aurélie, Christine, Huguette, Sandrine, Benjamin, Jean-Pierre, Joël, Maurice, Pascal, Sébastien).

 

On prévoit 2 chevaux par personnes. Un cheval pouvant porter 40 Kg.

 

puis après Manali, seuls 8 occidentaux doivent participer à la marche.

(Aurélie, Christine, Marine, Sandrine, Benjamin, Jean-Pierre, Joël, Pascal).

En fait Huguette décidera finalement de continuer avec nous jusqu’au bout.

 

Calculs budgétaires faits avant le changement de participation pour la 2nd partie du trajet, pour Huguette :

410 jours cumulés de treks pour : 7 personnes x 1526 € = 10682 (Dharamsala/Bir => Leh)

12 jours : 3 personnes x 442 € = 1326 (Bir => Manali) (Maurice, Sébastien, Huguette)

28 jours : 1 personnes x 1120 €

BUDGET TOTAL pour tous les marcheurs et tout le trek : 13218 € (581000 /-, 87899,7 FF).

 

BUDGET TOTAL TREK et “ REIKY ” : 643 000 /- (13600 US $)

 


ELEMENTS NATURELS RENCONTRES DURANT CETTE MARCHE :

 

A) Roches et minéraux :

 

1) beaucoup de roches métamorphiques : gneiss, micaschiste (dans l'Himalaya vert) ...

2) schistes verts et noirs (gorge de la Kurma),

3) granites (rouges, blancs ...)

4) blocs cyclopéens de quartz pur (Rhotang pass)

5) poudingues multicolores (à liant schisteux, couches de plus de 100 m de haut,

    longue vallée avant Hémis)

6) calcaires noirs très durs, avec trace fossiles de grands bivalves

7) cristal de roche (avant Hémis)

 

B) fossiles rencontrés :

 

1) cérites,

2) cardium ... (avant Hémis)

 

C) animaux rencontrés :

 

1) ânes sauvages (“ Kiangs ”, avant Hémis)

2) chèvres sauvages

3) bouquetins

4) 2 renard

5) 1 loup

6) belettes

7) marmottes

8) mulots

9) pigeons en grand nombre (colombia livia)

10)  vautours (griffon) (gyps fulvus)

11) tétras / lagopèdes

12) perdrix (chukar)

13) huppe

14) rouge queue noire

15) serins

16) lézard

17) libellules

 

C) flore rencontrée :

 

1) primevères géantes,

2) asters (partout)

3) edelweiss (champs immense d'edelweiss au lac Chandratal)

4) panicaut étoilés

5) sorte de tournesol sauvage

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