Randonnée au cirque de Mafate (septembre 2005)

 

Une vue sur le cirque de Mafate.

 

Samedi 17 septembre 2005

 

Une belle randonnée de 2 jours, le tour du cirque de Mafate, sur l’île de la Réunion, est prévue ce WE avec mes compagnons de chambrée, tous étudiants, dans le domaine du tourisme, à l’Université de la Réunion (où je suis venu passer un concours) : Pascale, Dominique, Yoann et François.

 

Levé normalement à 7 h. Quelques réticences et quelques yeux embrumés de sommeil pour quelque uns.

Parti en retard, nous rattrapons in extremis (à une seconde près), en courant, le bus de ville puis le bus de Saint-Pierre.

 

Sur le trajet pédestre, Yoann sera notre guide. Avec lui, pas carte ni de boussole, tout de mémoire ...

Finalement, les résultats de cette absence de matériel d’orientation seront par moment incertains, avec comme conséquences de nous faire découvrir, de temps à autre, des itinéraires imprévus et inattendus (30 mn par ci, 30 mn par là, en plus du programme prévu).

 

A l’arrivée à « la Possession », nous recherchons longuement et péniblement le point de départ de notre randonnée, le lit de la Rivière des Galet _ rivière qu’il ne faut pas confondre avec la commune du même nom, situé à proximité de la rivière. Enfin, nous trouvons la rivière.

 

Au début de notre randonnée, d’abord un paysage d’oued marocain, un grande plaine sèche sans presqu’aucune végétation, remplie de galet. Nous progressons facilement dans le lit de cette rivière, sur une dizaine de kms.

Quelques traversées de gués, dans l’un desquels Dominique fait le grand plongeon. L’occasion rêvée d’une photo de Dominique les quatre fers en l’air, le derrière dans l’eau.

La rivière est maintenant enserrée entre les deux parois de falaises vertigineuses, sur lesquels s’accrochent de nombreuses plantes grasses, des agaves _ en général des sisals (agave sisalana) _ ou des aloès verts (furcraea foetida), toutes ces variétés d’agaves ou d’aloès étant appelées, ici sur l’île, « choca » et devenues des pestes végétales.

 

On croise, sans cesse, beaucoup de coureurs, allant tous dans le sens inverse de notre progression. Ils s’entraînent tous pour le Grand Raid, une course à pied vertigineuse traversant l’île, de part en part, ayant lieu le mois prochain, en octobre.

 

Début de la Rivière des Galets

 

En l’air, 3 parapentistes, avancent lentement, assez haut, en notre direction, tandis qu’en provenance de la mer, un fort vent souffle au fond de notre vallée.

 

Au fond de la gorge, a existé une route macadamisée conduisant à un barrage situé dans les gorges de la rivière, à l’entrée du cirque de Mafate.

Mais des crus successives, sûrement catastrophiques, en ont détruit la plus grande partie, dont les passages de rivières et les ouvrages d’art associés.

Seuls quelques 4x4 l’empruntent actuellement, dans le cadre d’un commerce lucratif, ici le convoyage des randonneurs de la Possession vers Mafate et inversement.

 

Au barrage, le sentier de randonnée traverse un tunnel. Puis nous montons rapidement en altitude. Nous entrons dans le cirque de Mafate, passons à côté du joli village de Cayenne, haut perché, aux jolies cases colorées, entouré de ses bananiers et de plantations vivrières.

 

Fin de la Rivière des Galets

 

Aucune route carrossable ne conduit à ces villages. Seuls quelques sentiers de randonnées (des anciens sentier muletiers) les relient entre eux et les relient vers l’extérieur.

 

Le petit village de Cayenne

 

Pour les quelques boutiques locales, et pour le transport des matériaux destinées à la construction des maisons tout se fait maintenant par hélicoptère. Ce qui explique les prix locaux prohibitifs des quelques épiceries, fournissant aux locaux et randonneurs quelques biens de première nécessité [1] et nourritures. Nous-même, en avons eu pour plus de 50 € juste en nourriture ordinaire _ 1 bouteille de vin, 2 boîtes de maquereaux, 2 bouteilles de sodas, des gâteaux etc. ....  (Sinon, il semblerait que les marchands d’ici pratiquent 2 tarifs, l’un pour les locaux, l’autre pour les touristes).

Dans la journée , les hélicoptères touristiques, avions et ULM survolent souvent le site.

 

La vendeuse de la boutique qui nous a ravitaillé, au lieu-dit de Grand’Place, nous indique un petit raccourci à travers un champ de maïs. Encore un petit effort et nous arrivons à 900 m et à notre charmant gîte, aux cases vert clair, le gîte du « Cœur de Mafate ».

 

Une beau gazon à l’anglaise, un chien de garde et des chats nous accueillent. Du gîte, nous avons un très beau panorama sur toute l’immensité de cirque de Mafate, circonscrit de toute part par ses immenses falaises ou remparts [2]

 

Une case du gîte du « Cœur de Mafate »

 

Bien que loin de tout, mon portable capte le réseau GSM et j’arrive même à appeler, le soir même, mon ami Cyril, en France à plus de 9000 km de distance. Miracle de la technique.

 

Une vue sur le cirque de Mafate.

 

Dans le cirque de Mafate, tout est calme. Pas de clown … à part les 2 qui nous accompagnent, toujours partant pour « déconner » et faire le mariole ou le pitre.

Yoann par obligation retourne, en tong, à la boutique en contrebas. Puis la nuit tombe brutalement, comme à l’habitude sous les tropiques.

Pendant ce temps, dans la boutique qui fait office de café, Yoann inconscient du danger de la marche de montagne la nuit, découvre les coutumes locales à base de rhum.

Personnellement, je suis inquiet pour Yoann. Comment va-t-il faire pour remonter dans la nuit sans frontale sur ces sentiers raides ? Mais contre toute attente, il réussit à remonter sans torche, ni frontale, en 5 mn de la boutique à notre gîte.

A son retour, tout le monde fatigué est déjà presque endormi, se reposant dans le dortoir.

 

Yoann nous réveille et nous ravigote avec un « garbacchio » (à ne pas confondre avec le potage froid, le gaspacho), un plat très consistant, du type étouffe-chrétien, à base de riz, de dhal (de lentilles) et d’oignons, qu’il a préparé, sur notre Camping-gaz. Ce plat nous nous permettra de faire le plein d’énergie pour le lendemain [3].

 

Sinon le soir même, la tenancière du gîte nous fournit heureusement l’équipement _ tire-bouchon, casserole, sel, serviette de toilette … _ que nous avons oublié dans la précipitation de notre laborieux décollage matinal.

 

Sur la terrasse, sous la véranda, nous entendons au loin des chants et une guitare égrainer des notes, dans l’obscurité profonde de la nuit.

La plaine lune éclaire de grandes écharpes nuageuses couvrant la cime des montagnes nous environnant, ajoutant à l’aura de mystère du lieu.

Dans cet endroit retiré, tout semble respirer le calme et la sérénité.

Le calme, un guitare au loin, quelques aboiements de chiens, … l’instant semble même magique (propice à exaucer tous les vœux).

Mais, justement à cause de la beauté du lieu, mes réflexions à l’instant, me conduisent à penser que dans 5 à 10 ans, la civilisation arrivera inéluctablement, avec son lot de routes goudronnées, d’hôtels, de cars et de touristes.

Le charme des quelques hameaux et cases isolées de Mafate, le calme et le silence de la nuit disparaîtrons à tout jamais peut-être, qui sait [4].

 

Les plus longues étapes nous attendent demain.

Aujourd’hui, nous avons, quand même, monté de plus de 800 mètres.

 

Précisons, que dans notre club des cinq, deux personnes, Pascale, et Dominique, n’ont jamais fait de randonnée, et l’exploit qu’elles ont effectué aujourd’hui est plutôt remarquable.

Pascale, mauricienne, n’a connu, pour l’instant, que son île, plutôt plate et dont le point culminant ne dépasse pas 800 mètres.

A la fin de la randonnée, elle me précisera qu’elle aura fait plusieurs fois le sommet de Maurice, pendant notre balade.

Durant la nuit, où ici la température peut descendre en dessous de 10 ° C, à cette époque, Pascale aura froid et aura du mal à dormi, elle qui n’a jamais connu, sur Maurice, des températures inférieures à 18 °C.

 

Une vue sur le cirque de Mafate.

 

Dimanche 18 septembre 2005

 

Difficile réveil de Pascale

 

Ce matin, le jeune propriétaire du gîte, Nicolas, un habitant de Mafate, arrive avec un grands sacs, remplis de jeunes canards, pour les engraisser. Ils serviront à préparer des caris pour les hôtes de passage. Il n’explique qu’il a créé le gîte, en 99, en bénéficiant pour sa construction de subventions du conseil régional et d’autres subventions.

Sinon, j’apprends qu’on peut encore trouver du terrain à bâtir ici (mais espérons que l’on ne construira pas trop dans ce lieu naturel grandiose).

 

Aujourd’hui, nous nous trompons « que » 2 fois de chemin.

D’abord, nous devions nous partir sur le petit bourg d’Aurère. Et dès le début, nos deux « marathoniens » du Grand Raid, en fonçant comme des bisons, loupent un panneau indicateur et nous prenons la direction opposée à Aurère. Au bout de 30 mn, je constate l’erreur. Et celle-ci est vite corrigée, par un retour en arrière sur nos pas.

 

Panneaux indiquant le chemin d’Aurère.

 

Yoann et François, sportifs aguerris, marchent comme s’ils allaient participer au Grand Raid (c’est d’ailleurs leur intention dans 1 an).

 

Dominique et Pascale, les muscles encore froids, alors que nous attaquons la pente raide d’un col, ont du mal à suivre. Malgré tout, au bout d’une heure, l’entraînement accumulé Dominique retrouve la forme.  Elle aidera, d’ailleurs, ensuite Pascale à tenir le coup, jusqu’à porter son sac, en fin du trajet.

 

Sur notre chemin, nous passons à côté de bambous géants, de plus de 10 mètres de hauts et même de quelques eucalyptus, alors qu’on est à plus de 800 m de haut, et de combes où coassent des grenouilles.

 

Bambous géants

 

Nous traversons un pont de singe, construite au dessous d’un canyon vertigineux, dont le passerelle oscille à chacun de nos pas.

Yoann et François accentue le balancement de la passerelle, dès que Dominique (qui a le vertige) s’y engage, obtenant d’elle un fort hurlement (ce qui était l’effet voulu).

 

Dominique sur le pont de singe.

 

Après le hameau d’Ilet de Malheur, selon les indications de panneaux sur le sentier, nous avons le choix entre un « chemin rapide » et un « chemin facile » pour rejoindre Aurère. Finalement (pour tenir notre « moyenne »), nous optons pour le chemin rapide, une montée très raide, … très épuisante pour Pascale (qui est essoufflée). 

 

Petite chapelle à Ilet de Malheur.

 

Effectivement le chemin se révèle rapide et en moins de 20 mn, nous sommes à déjà Aurère. Et cela fort heureusement, à cause de la pluie (tropicale) qui se met à tomber à verse, à cet instant, à notre arrivée.

La halte à la boutique – café du village est vraiment la bienvenue.

 

Une joyeuse équipe de randonneurs du CE d’une entreprise du port de la Possession est déjà assise sous la véranda. Ces derniers nous offrent de partager leur repas, dont les boîtes de pâté (de foie), produites par leur entreprise. Les bouteilles de rhum et de vins passent de main en main et parviennent vite à notre table.

 

A midi pile, le gérant de la boutique-café, comme mû par une horloge biologique, ferme son établissement à notre arrivée, tout en collant à l’attention des touristes, une affiche annonçant les horaires de son établissement, affiche accompagnée d’un petit dessin de petit chien. Toutes les affiches de la boutique sont d’ailleurs accompagnées d’un petit dessin.

Une vue sur le cirque de Mafate.

 

Après cet accueil et cet intermède sympathiques, après une autre montée d’un col, nous entamons ensuite une interminable descente infernale et vertigineuse, éprouvante pour ceux qui voudraient que cela s’arrête.

Un ami randonneur me dit souvent « Pourquoi je randonne ? Parce que cela fait du bien quand cela s’arrête ». Et c’est que je pense à l’instant.

Enfin après 1 h à 1 h et demi de descente, nous arrivons dans le lit de la rivière des galets. Comme, cela fait du bien d’arriver !

Pour ceux encore « énervé », par les plus de 30 kms de ce tour de Mafate, c’est le cri du cœur : « plus jamais ça ! » (On ne fera plus jamais de randonnée !).

Pascale prudente, qui descendait précautionneusement les 800 mètres de dénivelés de la descente, est-elle arrivée longtemps après tout le monde, presqu’une 45 mn à 1 heure après.

 

Finalement à cause de la fatigue de certains, nous optons de prendre un 4x4, effectuant le taxi pour les touristes, au retour (pour 6 euros par personne).

 

Derniers souvenirs des secousses du 4x4, à chaque traversée des gués de la Rivière des Galets. Notre 4x4 emmenait aussi des écoliers de Mafate.

A l’arrivée, le chauffeur dépasse même son lieu habituel de dépose des touristes (pour le même prix), cela pour nous éviter de faire à pied, les 500 m de distance qui nous sépare de l’arrêt du bus jaune qui nous ramènera à Saint-Denis.

 

Après un trajet en bus d’un heure et la traversée d’un embouteillage sur la route littorale à 4 voies, nous arrivons enfin à la maison.

Finalement, tout est bien qui finit bien. Happy end : pas de jambes tordues, pas de casse, pas de personnes tombées dans les précipices.

Sinon quelques courbatures et même quelques ampoules pour François, qui était juste parti avec ses chaussures de ville de bonne qualité, en cuir, Marc T. (pas de pub, me dira-on), chaussures inadaptées à la randonnée en montagne.

Plus remarquable, a été l’exploit de Dominique, qui a marché constamment avec des chaussures de tennis, aux semelles baillant constamment aux corneilles (deux exemples à ne pas suivre, pour la randonnée en montagne).

 

Pour fêter notre aventure et arrivée ce soir, je prépare avec l’aide de Yoann et François, pour tous, un Romazava, le plat national malgache, accompagnée de poisson et d’herbes, appelées Brèdes Mafanes[5], ayant la propriété de faire « vibrer » la bouche.

 

Pour les petits bobos, dans quelques jours tout sera oublié, et il est sûr qu’on ne souhaitera qu’une chose, dans les jours suivants … c’est de remettre cela.

 

La suite peut-être, dans un autre voyage à la Réunion ( ?) …

 

Benjamin LISAN

Saint-Denis-de-la-Réunion, le 19 septembre 2005

 

 



[1] Même une serviette de toilette (pour compenser celle oubliée à la maison ce matin), était introuvable ici.

[2] Dans ces falaises, empilement de couches de scories volcaniques et de coulées basaltiques, on voit très bien, de temps en temps, quelques veines de basalte, obliques ou verticales, dues à l’extrusion passée, de la lave chaude et fluide, dans certaines failles du matériau, extrusions ou veines qu’on nomme habituellement des dykes.

[3] Je voulais proposer, pour le dîner, mes pâtes lyophilisées et mes rations de survies que j’ai toujours, tendance à emmener un peu partout dans le monde (au cas où). Mais mes compagnons ne sont pas convaincus par leurs qualités gastronomiques.

[4] Mais, précisons, quand même, pour être honnête, que la civilisation est déjà arrivée ici insensiblement, ces dernières années, sous la forme de panneaux photovoltaïques, de chauffe-eaux solaires, équipant déjà la plupart des maisons d’ici. 

 

[5] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Br%C3%A8de_mafane