Sur la piste du siffleur des montagnes  

 

Cours séjour en Martinique à la fin de janvier 97

                 Merci à ma tante et mon oncle de Blois pour leur aide.                                            

 

 

1.           Le jour précédent le départ

 

                Durant l’hiver 97, des amis m’ont offert l’hospitalité dans une grande maison louée en bord de mer à côté de Fort de France. En Martinique, le prix de la location dépendant du nombres des locataires, mes amis m’avaient donc payé ma part.

 

Avant le départ, je passe voir mon ami, Fernand, preneur de sons animaliers, créateur d’une maison de production de disque prospère.

Je lui emprunte du matériel[1], destiné à enregistrer les batraciens de l’île et le « siffleur de montagne » ou solitaire sifleur, oiseau à gorge rousse de la famille des solitaires (Myadeste genibarbis), vivant dans les forêts pluviales d’altitude de Martinique.

 

2.           Le samedi du départ

 

Au départ, le Boing 747 est plein.

A bord, j’apprends dans le journal France Antilles de décembre, que l’île aura accueilli 500.000 touristes, en décembre 1997.

Je demande auprès d’une voisine martiniquaise les endroits où l’on peut écouter de la bonne musique antillaise. Comprenant que je cherche à m’amuser, elle me donne alors une liste de dancings. [2]

A l’arrivée, ce qui nous frappe c’est la grâce des lignes courbes de la verrière de l’aéroport d’arrivée du Lamentin, proche de Fort de France. Des placages de bois clairs et précieux tapissent les murs intérieurs.

Devant la porte du hall, une allée d’arbres du voyageur élance ses éventails vers le ciel.

 

A 18h30, à la sortie, la nuit tombe.

Dans la chaleur moite, l’impression étrange est d’être dans un département français, avec la même monnaie, les mêmes cabines téléphoniques, les mêmes bureaux de postes, les boîtes aux lettres et en même temps, dans un pays lointain situé sous les tropiques.

 

Mes amis me conduisent au village de l’Anse Dufour, blottie dans une petite baie s’ouvrant sur la mer des Caraïbes [3].

 

La terrasse de la maison, dominant la plage, me fait découvrir un décor de carte postale : plage, cocotier, mer étale, clarté lunaire allongeant ses grands bras lumineux entre les arbres, scintillement des luminaires de Fort de France, à 10 km en face, sur la mer...

La plage de sable blanc, frangée de cocotiers, l'ululement entêtant des buffo-buffos, une sorte de rainettes locales, les crécelles des grillons et des « cabris bois », une grande sauterelle, le grondement du ressac toute proche et le doux bruissement des palmes des cocotiers dans la brise de terre, contribuent puissamment à renforcer notre impression de dépaysement.

 

J’apprends la grande importance d’une tenue vestimentaire décente et la pudeur des Martiniquais. On doit éviter ici les tenues trop décontractées, les seins nus ou le nudisme intégral sur les plages.

 

Près de nous, vit la « quimboiseuse », une sorcière en martiniquais, personne taciturne. A qui l’on ne fait jamais de réflexions, même si ses deux chiens, aboient jour et nuit. Dans son jardin, trône un calebassier, aux calebasses, encore vertes et énormes.

Les quimboiseurs, comme les marabouts en Afrique ont la faveur des martiniquais. Une habitante de Fort de France rencontrée par mes amis, affirme qu’il y a beaucoup de quimboiseurs et aussi beaucoup de « couillons » en Martinique.

Un pêcheur habite l’étage au dessous de notre maison, devant laquelle s’empilent des casiers à poisson, en Z, grillagés. Malgré, son âge, portant son éternel chapeau de paille pointu à large bord, il se rend chaque matin, à la pêche, dans son gommier motorisé, une embarcation de mer, de forme allongée.

Tout le monde ici parle français. Le créole reste la langue vernaculaire des villageois.

Le créole, langue phonétique, « manman » selon l’écrivain créole Patrick Chamoiseau[4], comporte beaucoup de mots français, suite à une décréolisation, mais aucun r, adjectif et adverbe, comme dans la phrase « Nèg Pété Chenn » pour dire « les noirs ont brisé leurs chaînes ». Les martiniquais jonglent aisément du français au créole, incompréhensible pour les métropolitains.

Le langage courant ici comporte quelques mots ou expressions imagées tels le « décollage matinal », rhum pris à jeun le petit matin, les « sous braguette », allocations familiales, ... le « z’habitant », une écrevisse locale, le « z’oreille », métropolitain ou blanc, le « matoutous falaise », une mygale locale, le « maringouin »,  moustique, le « coco-merlo », un rhum de mauvaise qualité etc...

Certains noms de familles ici comme PHAROSE, HANNIBAL ou des noms géographiques _ Ajoupa Bouillon, Morne Rouge_ sont vraiment fort typiques.

 

Certains personnages du village, ailés ou à 4 pattes, sont aussi à mentionner, tel le canard de barbarie et un petit chat blanc. Le canard, à la démarche bonhomme et satisfaite, raffole des croûtons de pains. Tandis que le chaton patiente chaque matin, sur la plage, attendant le retour des pêcheurs qui lui offriront les restes de poissons.

 

Avant de dormir, je découvre, dans la cuvette de la douche, un buffo-buffo, de 2 cm de long. Avec précaution, je le repose sur le rebord de la fenêtre. Malgré les youyous hallucinants de la nuit, on peut s’endormir, grâce aux boules Quiès.

 

3.           2eme jour, dimanche

 

Après une nuit très courte, le sifflement virtuose des nombreux merles noirs me réveille .

Puis vers 5h30, c’est au tour d’un bruit de conque ou de corne de brume de me tirer du sommeil...

J’apprendrais plus tard, qu’à cet instant, un pêcheur souffle, comme dans un cor de chasse, dans un gros coquillage spiralé, percée à son extrémité pointue. Ce cône appelé « lambi » est un strombe en voie d’extinction. Le son de ce cône s’entend, fort loin en mer.

Un premier appel est en général à destination des pêcheurs. Une petite embarcation motorisée emmène alors au large une grande senne à 300 mètres du rivage. Le second coup invite les personnes restées sur la plage à tirer le filet. Un dernier appel en général ver 6h30, signale la fin de la pêche, et peut-être aux mareyeurs de Fort de France, de venir acheter le poisson. Chaque participant, même le touriste prêtant main forte, recueille une part égale du butin. Parfois, les pêcheurs rapportent aussi des langoustes, faisant le délice de tout le monde.

 

Au lever du jour vers 7 H, les batraciens se sont tus et leurs chants ont été remplacés par ceux des merles. Ces derniers nous tiennent compagnie, déjeunant avec nous, tout en se chamaillant, picorant du pain, dans une mangeoire aménagée par mon amie, sur la rambarde du balcon. Les mâles ont toujours priorité sur les femelles. Nous les nourrissons le plus souvent. C’est un merveilleux moment de prendre son petit déjeuner sur la terrasse, dominant la mer et la plage. A cet instant, remonte à l’esprit le souvenir d’une plage de sable blanc éclatant et de l’odeur d’un café chaud pris au petit déjeuné, sur la terrasse d’un hôtel devant la plage, à Madagascar, vers l’âge de 4 ans.

Les longues barques de bois coloré, allongées , tirées sur la plage, portent des noms poétiques : mon petit cœur, mon amour, le débrouillard pas pêche, Saint Innocent etc. ...

De plus en plus de barques sont maintenant construites en résine armée de fibre de verre, conservant malgré toute la forme étroite et allongée des gommiers, à mi-chemin entre la pirogue de mer et la galiote, à fond plat, de l’Anjou.

Pour moi, la brièveté de l’existence et le fait de penser qu’il n’y a peut-être qu’une seule existence, me poussent souvent à vouloir tout découvrir, respirer, absorber, boire, embrasser, m’imprégner de toutes les impressions d’un pays. J’ai toujours le désir de conserver en mémoire toutes les toutes splendeurs entrevues, qu’aucune vie entière ne permettra jamais de découvrir en totalité. C’est pourquoi je ne peux jamais rester en place.

 

Dès l’arrivée, avec mon masque et mes palmes, j’explore la côte rocheuse, découvrant d’abord, entre les rochers, des centaines d’oursins aux longues et fines aiguilles.

Mais tout le long des 2 à 3 km de côte rocheuse, la mer reste désespérément vide des milliers de poissons, que j’espérais tant rencontrer. La faune rencontrée est loin des belles concentrations de myriades de poissons, jaunes, bleus, verts, sur des fonds bleus et limpides, présentées régulièrement dans l’émission Ushuïa. Effet pervers de la pêche côtière autour de l’île, comparativement les fonds marins de la Méditerranée, qu’on dit fort pollués ou en danger, m’ont semblé plus riches [5].

Toutefois, ces eaux tropicales transparentes ne sont pas silencieuses. Parfois, des petits poissons plats en banc, aux faces bleues à violet argentées émettent cliquetis et de grondements, particulièrement audibles, lorsqu'ils me frôlent.

De gros blocs de lave en coussinet, les pillow-lavas, témoins d’antiques éruptions sous-marines, tapissent le fond de la mer, ainsi que malheureusement de vieux casiers à langoustes déglinguées, des détritus divers : matelas, machines à laver ... Ou plus rarement des reliquats de vieux filets à grosse maille en chanvre.

 

La mer chaude portant comme un bouchon, toutes les plongées s’avèrent difficiles. Des crampes, conséquences du manque d’entraînement en voulant aller trop loin, obligent à de fréquents arrêts.

 

Sous des barques de pêcheurs amarrées dans la partie nord de l’Anse, un banc de petits poissons, semblables à des sardines, déploie ses ondulations argentées ...

 

                L’après-midi, enfin, nous partons pour une courte randonnée pédestre dans la vallée de Galochat, située à moins d’un km de notre baie.

                Nous remontons d’abord une sombre vallée entourée d’une forêt sèche, où coule un ruisseau blanchi par les résidus de lessives. A un endroit une touffe d’aloès s’accroche désespérément à la paroi d’une falaise. Cette vallée sombre n’apparaît pas ici comme un lieu idéal pour un camp de vacances, qui y est construit.

Sur le tapis herbeux, une grosse guêpe, bleue métallisé, de la taille du petit doigt, traîne sur le gazon une mygale 3 fois plus grosse qu’elle. Cette variété de guêpe paralyse sa proie, pour la faire dévorer vivante par ses larves.

                Des glyciridies en fleurs, de la variété des Glyciridias sepium, nous émerveillent par la beauté de leur couleur rose sur le bleu du ciel. C’est comme se retrouver dans un verger normand, en fleurs. Mais ces arbres de la famille des légumineuses, à la pousse très rapide, ne produisent aucun fruit et sont toxiques. Ils sont plantés pour fixer l’azote des prairies et éventuellement fournir du fourrage de secours.

 

                D’une manière générale, la richesse en fleurs des forêts et des jardins de la Martinique est extraordinaire.

 

    On trouve de nombreux ibiscus, au long pistil rouge, ouvrant leur pavillon coloré et éclatant. Les lanthanas, grands arbustes aux petites touffes de fleurs rouges ou orangés ont des proportions immenses par rapport à leurs représentants en France. Des cassias font tomber leur grappes de fleurs jaune d’or à jaune canaris. Des petits flamboyants de quelques dizaines de cm de haut et des grands flamboyants mettent le feux aux jardins et aux routes qu’ils bordent. Les bougainvillées aux calices en papier crépon resplendissent de milles couleurs dans les jardins.

 

      Les balisiers dressent leurs chevrons pointus orangés ou rouges vermillons. Les héliconias laissent suspendre de grandes échelles, aux barreaux rouges terminées par des pointes orangées. Les roses de porcelaine, roses, merveilles de la natures sont certainement parmi les plus gosses fleurs du mondes. Les allamandas comme les tulipiers du Gabon font jaillir leurs clochettes tubulaires jaunes pâles de toutes leurs branches.

      Les jacarandas sont couverts d’une floraison surabondante aux clochettes bleu lumineux ou violet-bleu.

 

Des strélitzies, tels de grands oiseaux de paradis jaillissent des fourrés des jardins.

Les anthuriums, à la grande pétale cirée et au grand pistil, prolifèrent. Les alpinias projettent vers le ciel, au bout d’une longue tige leurs pinceaux trempées dans le rouge.

Des variétés de mimosas rouges, des plantes colorées, comme les crottons de tous les coloris, les broméliacées de toutes sortes, les ananas-bois ajoutent encore d‘autres coloris aux jardins.

Les Bakoua tendent vers le ciel leurs milliers de bras terminés par des plumeaux de feuilles vertes et blanches.

 

Aimant les jardin, j’ai par moment une irrésistible envie de rester sur l’île, simplement pour continuer de profiter de la beauté et les fragrances des fleurs et des jardins resplendissants.

 

Dans la jungle exubérante, les colibris, petites « flèches » métallisées, jaillissent souvent des fleurs, à la vitesse de l’éclair.

 

Aux dernières lueurs du soleil couchant, la baie de l’Anse Dufour, encaissée, dominée par une sombre forêt vierge, avec son kiosque rouge de style chinois ou exotique, et ses barques de pêcheurs, dégage à cet instant, une ambiance de mystère et de nostalgie. Hélas, une jetée en béton défigure en partie ce site idyllique.

Sa plage de sable volcanique est située à seulement 500 mètres de la plage de sable blanc corallien de l’Anse Dufour.

En haut d’un escalier d’une centaine de marches, se trouve le discret tombeau de Célio, un grand jazzman et clarinettiste créole, né à l’Anse Dufour, en 1885, mort en 1939 à Paris, créateur du jazz créole et de la Béguine, depuis oublié.

 

4.           3eme jour, lundi

 

                La route, conduisant au sud vers le Diamant, est bordée de chaque côté de glyciridies en fleurs et à sa gauche des mornes très raides à l’origine volcanique indéniable.

                Nous passons devant le magnifique paysage du rocher du Diamant , piton volcanique de 176 mètres, à 2 km des côtes, appelé ainsi à cause de sa forme et du fait qu’à certaines heures il brille comme un diamant. A cette heure de la matinée , le rocher est en contre jour et c’est plutôt la mer qui l’entoure de milles feux. Lors de la Révolution française, ce rocher a fait l’objet d’âpres disputes entre Anglais et Français, ayant été armé en 1804, comme un bateau par les Anglais.

                La blancheur frappante du cimetière du Diamant m’attire. Ses tombes bien entretenues, sont couvertes de carreaux de faïence blanche, comme dans la plupart des cimetières de la Martinique. Ses caveaux sont le plus souvent, clos, d’une grande baie vitrée, telles de petites maisons. Certaines tombes sont entourées de lambis.

A la sortie du cimetière, un grand arbre à pain exhibe ses généreux fruits et ses belles feuilles vert sombre, luisantes.

                Une maison d’une taille lilliputienne, en bois, au décors et couleurs excentriques, attire l’attention. Elle a été construite ver 1950, au bord de la mer en face du rocher, par ancien forçat et poète Médart Aribot. Il l’a construit dans les années 30, après un séjour de 15 ans, au bagne de Cayenne.

 

                Je commence mes enregistrements animaliers, dans la forêt de poche de Montravail, située au-dessus de la commune de Sainte Luce.

La beauté des chants des oiseaux et la majesté des arbres, de ces forêts tropicales, m’émerveille toujours. On y trouve de gigantesques fromagers aux racines en ailettes de torpilles, couverts de broméliacées, de fougères arborescentes et d’orchidées, des mahoganis. Des feuilles de sensitives, semblables aux feuilles des mimosas, tapissent le sous-bois et réagissent au moindre effleurement.

L’appareil de preneur de son, peut capter sélectivement un son précis, à plusieurs centaines de mètres de distance. Le potentiomètre poussé à fond, le bruissement des feuilles dans le vent devient cascade, le silence de la forêt, à peine perturbé par le vent, se transforme en une mystérieuse sonorité scintillante et obsédante, tout murmure se métamorphose en éclat ou rugissement.

Au début, je commets les erreurs de tout débutant, oubliant le tapotement inconscient du doigt sur le micro, sur le magnétophone lui-même, ou sur l’interrupteur/atténuateur de décibels, très sensible. De plus des faux contacts se produisent aussi au niveau des prises. La suppression de tout bruit parasite devient ma hantise. C’est aussi l’une des exigences du métier de preneur de son. Celui qui fait le choix de cette profession doit alors sûrement vivre tel un ermite, maniaque du bruit.

 

Par ailleurs, on doit anticiper un bon nombre de risques tels que :

 

·      Le passage des avions, des voitures, des camions et des bateaux au loin,

·      Les badauds,

·      Les aboiements des chiens,

·      Les batailles de chats,

·      Les disputes de ménages, nombreuses sur l’île ...

·      Le tambourinement de la pluie sur le sol et les feuilles,

·      Le ressac de la mer au loin, malgré un charme indéniable,

·      Le vent dans les ramures, mais par un heureux effet, les alizés restant doux en cette saison,

·      Les cascades et rivières nombreuses sur l’île, créant souvent aussi un fond sonore agréable.

 

En fait, l’île étant très peuplée, rares sont les endroits préservés des bruits de la civilisation, hormis la grande forêt humide du centre de l’île.

 

                Je comprends alors pourquoi Fernand préfère ne pas se faire accompagner, lorsqu’il enregistre dans la nature.

 

Sortant un moment du couvert protecteur de la forêt, le choc de la chaleur et de la sécheresse extérieure contrastant avec la fraîcheur du sous-bois, me surprend. Comment expliquer un tel contraste, peut-être par l’évaporation et la respiration des arbres ?

Une petite route est bordée de maisons créoles aux belles vérandas et aux grands toits faiblement inclinés, entourés de jardins exubérants aux de fleurs magnifiques. A 500 m, au bout d’un petit chemin de terre, apparaissent de belles pierres gravées ou pétroglyphes recouverts de dessins enfantins à têtes humaines, vestiges d’écrits d’indiens caraïbes aujourd’hui disparus.

Je regrette que le mystère de cette écriture ne soit pas percé.

 

Dans une petite épicerie, appelée ici « lolo », située à un croisement de route, l’épicière m’offre un jus de fruit. Elle semble plutôt heureuse de voir un touriste, rare ici. Son réduit équipé d’une télévision est fréquenté par des joueurs de dominos.

 

                Sous un grand abri aménagé par l’Office National des Forêts, un étudiant en géographie de l’université Schoelcher de Fort de France, est venu réviser ses examens et trouver inspiration et sérénité dans la forêt.

                Cet étudiant noir est passionné de civilisation africaine. Il commence un mémoire sur l’architecture urbaine sub saharienne. Il m’entretiens d’une période d’histoire de l’île, que je ne connaissais pas, celle de l’amiral Robert, gouverneur de la Martinique, durant le régime de Vichy.

Pendant cette période, les gens mouraient de faim, mangeant de tout, jusqu'à manger encore vert le corossol et le fruit de l'arbre à pain. On recherchait désespérément le « coutcha », un crabe forestier jaune, le « mantou », un crabe poilu des mangroves, bien meilleur au goût. Seuls les pêcheurs mangeaient à leur faim.

On consommait le manicou, une variété d'opossums de Virginie souvent charognard,  encore consommé actuellement, malgré la protection dont il fait l’objet.

D’après cet étudiant, les martiniquais n’ont pas une conscience écologique développée. Ce qui compte ici, c’est la maison, la voiture, et diverses allocations...

 

                Il remarque mon matériel de preneur de son et je lui fais part de mon désir d’enregistrer tous les oiseaux intéressants et rares de l’île et même la musique traditionnelle de l’île.

                Selon lui, il y aurait un site favorable pour les chants d’oiseaux, à découvrir, très tôt le matin, pour ses rares oiseaux rouges et pour ses sucriers, à la lisière d’un champ de canne et du terrain de football de Rivière Pilote.

Il me conseille aussi de me rendre à la commune de Rivière Pilote, proche de Sainte-Luce, construite dans un ancien cratère de volcan, où son maire indépendantiste a créé une école de tambour « bèlè » (ou bélé). Ce dernier est une sorte de tonneau conique très allongé, couvert d’une peau ....

Il me recommande les disques d’Eugène Mona, monstre sacré de la musique antillaise, hélas prématurément décédé, le 21 septembre 91, d’un accident cardiaque, à 48 ans.

 

Cet étudiant est indépendantiste.

 

L’indépendantisme s’explique d’après lui par :

            la blessure laissée par l’esclavage et le racisme, être noir n’étant pas aisé à vivre,

            le souvenir d’épisodes sanglants (sacrifice des 300 insurgés abolitionnistes menés par le colonel Louis Degrès, se faisant sauter au cri de « Vivre libre ou mourir » le 28 mai 1802 devant les soldats de Napoléon, répression sanglante des Guadeloupéens ensuite, et de la première manifestation indépendantiste d’ouvriers agricoles en 1870, au sort inchangé et déplorable depuis l’abolition, brandissant le drapeau vert, rouge et noir).

            le désir de voir diminuer des inégalités sociales, parfois à base raciale, entre blancs, « békés » et noirs sur l’île.

            l’éloignement, la multiplicité, la concurrence des centres de décisions (conseil général, assemblée territoriale etc... décisions prises de loin sans consulter les martiniquais sur place, comme l’heure d’hiver, illogique en Martinique, imposée heureusement un court moment...).

 

Le soir dans la forêt de Montravail, je rencontre deux jeunes athlètes métis, en tenue de sport, venus entraîner leurs deux dogues argentins, sorte de pitbulls, à la mâchoire effrayante. Souvent très tôt le matin ou juste avant le couché du soleil, un peu partout en Martinique, de nombreux martiniquais courent au bord des routes ou font du vélo.

 

5.           4eme jour, mardi

 

Nous partons de bonne heure en direction de la Basilique de Balata.

Sur une rocade autoroutière conduisant à Fort de France et sur une route traversant Saint Pierre, sont posés des panneaux « La vitesse tue en Martinique ». D’autres indiquent le nombre de morts, par accidents de la route : 60 accidents au cours de l’année 1997. Beaucoup d’accidents mortels de la circulation, sont liés à l’alcool et aux excès de vitesse. Les conducteurs roulent vite, sur un excellent réseau routier, parfois constitué de routes bétonnées.

En chemin, nous nous arrêtons avant dans un grand centre commercial très luxueux, « La Galléria », le plus grand des Petites Antilles, situé dans les hauts de Lamentin. Il pourrait rivaliser, par sa beauté, avec nos centres parisiens.

Pour les fêtes de fin d’année, de jeunes hommes étaient recouverts de poudre d’or jouant le rôle de statues animées.

La « Librairie Antillaise » est parfaitement bien fournie en livres et disques où je peux acheter un CD d’Eugène Mona et un d’Alexandre Stellio.

 

Nous arrivons ensuite à la basilique de Balata, réplique en plus modeste de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, mais ayant conservé le même mauvais goût que l’original de Paris.

Devant cet édifice, nous rencontrons une vieille connaissance de mes amis. Elle est venue, en costume traditionnel martiniquais, distribuer aux touristes des tracts pour le restaurant « Le Bambou », à la cuisine renommée. Une réflexion me vient à l’esprit «A quel moment, les martiniquaises ont-elles encore l’occasion de porter ce joli costume, hors de toute motivation mercantile » ?

                L’intérieur de l’édifice frappe par sa simplicité et son dépouillement. Quel contraste avec l’extérieur tarabiscoté ! Une crèche de Noël est encore présente fin janvier, comme dans la plupart des églises ici.

                Plus loin, on aperçoit à travers les grilles, une très grande demeure de style Empire, mais 6 dobermans furieux empêchent toute prise de vue.

Avant midi, nous nous arrêtons dans un snack au bord de la route de Balata. Un petit cache-cache photographique avec les colibris, si prompts à apparaître et à disparaître comme par enchantement me fait vite prendre conscience de la difficulté de les fixer sur la pellicule.

Au-dessus de nous, la touffe verte d'une broméliacée couronne le sommet d’un poteau EDF en béton.

Une petite case traditionnelle bleu roi, à l’entrée d’une sombre et dense forêt, ajoute une touche impressionniste bleu sur fond vert émeraude.

                Nous pénétrons enfin dans le magnifique jardin botanique de Balata. Il renferme au moins de 195 espèces de plantes.

                Une belle habitation coloniale, à large véranda, ouverte à tous les vents, domine le jardin. Sa terrasse est entourée par une très belle collection de bégonias multicolores, à la taille de petits arbustes.

La demeure, comme les autres de ce style, est meublée avec goût, de vieux meubles coloniaux sur lesquels trône un grand nombre d’impressionnants bouquets de roses de porcelaines et d’autres fleurs tropicales, parmi les plus magnifiques, qu’il n’ait été donné de voir. Dans une vitrine, j’admire une jolie collection de poupées en feuilles de bananiers. Pendant ce temps, deux petites filles jouent à se balancer dans de vieux rocking-chairs coloniaux, devant les grandes portes fenêtres ouverte sur le jardin. Tout ici respire la paix et la tranquillité.

Dans ce jardin, est aussi rassemblée la plus grande collection de broméliacées du monde.

Du jardin, s’offre une belle vue sur les Pitons du Carbet, sommets volcaniques de 1100 mètres de haut, en forme pain de sucre, couvert d’une dense forêt vierge, presque impossible à escalader.

C’est dans ce genre de forêt humide d’altitude, qu’habite le siffleur des montagnes.

Je garderais de ce jardin, de cette demeure et de cette vue, le souvenir d’un site inoubliable.

 

6.           5eme jour, mercredi

 

                Le matin, à la plage, je rencontre des touristes nous affirmant « venir passer leurs vacances ici, afin de récupérer une partie de leurs impôts » (sous entendus concernant les subventions que la métropole fournit à l’île).

 

Des courses au supermarché local me permettent d’échapper à l’oisiveté et de visiter le pittoresque village des Trois Ilets.

Une place occupe ce village. Les étals touristiques des marchandes en costume traditionnel et ceux d’artistes peintres, l’entourent. En regardant vers l’ouest de la place, se présente d’abord, en face et au milieu, une église beige restaurée, au clocher blanc à toit bombé, surmonté d’un lanternon octogonal pointu. Puis à gauche, on remarque une vieille halle 19° , le marché des Trois Ilets. Et à droite, un petit bâtiment de bois, actuellement l’office du tourisme et la mairie. L’ensemble ressemble presque à un décor de film, comme celui de « Retour vers le Futur ».

 

Dans la direction opposée à la place, un ensemble des vieux bâtiments en brique, au cachet colonial, abrite un hôpital.

La plupart des maisons ou cases, en bois, à base cimentée, aux volets de bois à jalousies et au toit à 4 pans, sont alignées le long de la rue principale. Cette rue devait être, une ancienne rue Case nègre, c’est à dire une rue bordée de maisons d’esclaves. On retrouve un alignement semblable, le long de la route traversant un faubourg de la ville ce Saint-Pierre. Beaucoup de ces maisons sont encore couvertes de tuiles traditionnelles, plates, à bords arrondis, orientés vers le bas comme des écailles de poisson. La plupart sont en brique ou en bois laissé à l’état naturel. La présence d’argile latéritique dans le sous-sol de la région explique ici l’abondance des briques.

 

Au bord de la mer, pousse l’une des dernières mangroves de l’île, bouquets de palétuviers rouges aux racines aériennes « flottant » sur la mer.

 

Sur la place du marché, des vendeuses en costume traditionnel, n’acceptent de se faire photographier que si je leur achète un objet. J’obtiens ma photo, en leur achetant du gingembre. A l’intérieur de la vieille halle, une vieille herboriste nous explique le rôle de chaque plante ou décoction. Il semble que certaines espèces rares entrent dans la composition de médicaments ou épices. Certaines macèrent dans du rhum. Elle ne connaît malheureusement pas leur nom français. C’est chez ces marchandes qu’on peut trouver la cannelle, le Colombo, le bois d’Inde, le roucou, le safran, le fénugrec ...

 

Au milieu de la place, un cameraman indépendant, équipé d’une énorme caméra vidéo, réalise un reportage sur la Martinique, pour la 5, une chaîne de télévision française.

 

Le midi, nous allons au restaurant « Le Sable d’or » le seul authentique restaurant de l’Anse Dufour, qui de sa terrasse a une très belle vue sur l’anse. La cuisine est essentiellement basée sur les produits de la mer : coquillages, gambas, langoustines, langoustes, poissons. Son restaurateur Jacques Désir, nous gâte, comme il l’a toujours fait avec mes amis. A Noël, il leurs a offert un copieux dîner avec plusieurs grosses langoustes. En remerciement, mes amis lui a donné les décorations de Noël, tapissant encore les murs du restaurant.

 

L’après-midi, nous allons visiter l’habitation Clément.

Une habitation à l’époque coloniale désigne l’ensemble des terres et des bâtiments. Encore à heure actuelle, une habitation désigne en Martinique un domaine.

En route, nous longeons la mer de palmes d’une bananeraie. Chacun des régimes est enveloppé dans une housse de plastique bleu.

Je manque de peu une très belle photo de cueilleurs de bananes, debout, en rang d’oignons sur la remorque d’un tracteur.

Enfin, nous arrivons à l’Habitation Clément. La richesse du site justifie pleinement le tarif. Une jolie reproduction de carte postale ancienne de l’habitation agrémente le ticket.

Nous visitons d’abord une palmeraie, regroupant des palmiers du monde entier, comme au jardin de Balata. Puis les chais remplis de fûts de Rhum en cours de vieillissement ou de maturation. Sur chaque fût ou barrique, sont peints, en blanc, au pochoir, les portraits d’Homère Clément.

Un des murs de la cave, comporte une grande collection de pochoirs d’estampillage, en laiton découpé. Sur chacun est inscrite une marque de Rhum, souvent disparue. Dans certaines pièces, quelques-uns des 2700 fûts de chêne sont empilés en pyramides sur plus de 10 rangs de hauteur, constituant une véritable fortune. La musique de Vangelis, du film « 1492 Christophe Colomb» accompagne les visiteurs.

Dans un ancien foudre de 30 000 litres, sont rassemblés les instruments traditionnels des tonneliers.

Au niveau du jardin, dans une pièce, des souvenirs et des coupures de presses rappellent le fondateur du lieu Homère Clément. Après de brillantes études de médecine, ce fils d’anciens esclaves, est devenu un praticien réputé et apprécié de tous. Sa réputation d’intégrité et d’humanité, fut telle, que ses concitoyens l’ont poussé à se présenter en tant que maire du François puis député de la Martinique.

En 1887, il a acquis  «l’Habitation Acajou », alors en dépôt de bilan. Il se prend de passion pour la fabrication du rhum et relance la distillerie. Devenue prospère, elle pris le nom d’Habitation Clément. Par une habille campagne publicitaire, son fils Charles développera encore plus l’activité et le patrimoine.

Dans un grand hall attenant, se trouve trois grands foudres de réduction, de 34000 litres chacun et une très belle collection d’étiquettes de Rhums, encadrée, faisant l’admiration de mon amie.

Dans ces grands foudres, on baisse le degré alcoolique du rhum, en le faisant passer, de 5° en 5° de 74° d’alcool (à la sortie de l’alambic), jusqu'à 62° ou 50° d’alcool.

Ensuite, le rhum est brassé, pour permettre le dégagement de certains produits volatils, éthers et pour lui enlever son brûlant. Enfin, il peut être mis en fût de vieillissement ou directement en bouteille après avoir été analysé, goûté et filtré.

Dans un autre hall, des jeunes casent les bouteilles dans des cartons. Ici, le taylorisme est inconnu et chacun travaille à son rythme.

Une vieille usine de canne désaffectée est conservée en l’état, pour la préservation du patrimoine martiniquais.

Dans une galerie d’art proche sont exposés les oeuvres d’artistes locaux.

Plus loin, dans une autre maison, des vidéos et des coupures de presses rappellent l’entrevue des présidents Bush et Mitterrand, suite à la guerre du Golfe.

Enfin, on pénètre dans l’habitation elle-même, une maison de maître, tout en bois. Autant, la façade extérieure est en mauvais état, autant le luxe des collections de meubles anciens de style Compagnie des Indes est un émerveillement pour les yeux. Ici comme à Balata, les pièces sont égaillées d’énormes bouquets de fleurs tropicales fraîchement coupées.

En fin de visite, nous avons le plaisir de déguster du vieux rhum dans la Case à Lucie. J’achète, une bouteille de 6 ans d’âge, que mes amis et moi dégusteront en France. En Martinique, le rhum Clément, a ma préférence.

 

Après cette visite, je comprends vraiment la passion d’Homère Clément pour le rhum, élément essentiel de la richesse et de la culture de son pays. C’est une même passion qui peut animer le vigneron ou le maître de chais pour son vin, le moine pour ses liqueurs et le trappiste pour ses bières.

7.           6eme jour, jeudi

 

 

L’ascension de la Montagne Pelée :

 

Nous avions décidé de visiter la Montagne Pelée.

                Nous arrivons au parking de l’aileron, au-dessus de Morne Rouge, à de 900 m d’altitude. Un brouillard persistant nous environne. Nous sommes du côté au vent de la Montagne, sur son versant humide, presque toujours couvert de nuages. Le premier volet de l’effet de foehn réside ici dans la condensation de l’air chargé d’humidité, poussé par le vent sur la pente.

                La randonnée s’annonce sportive, le sentier très bien balisé en rouge et blanc, mais très glissant monte raide dans une ravine de pierre ponce. Je comprends alors pourquoi l’escalade de cette montagne n’est à la portée de tous, bien que certains inconscients partent en simples tennis.

Vers 1100 m, on parvient sur une crête, le plateau des palmistes, couvert d’une végétation arbustive et herbacée (ananas-bois, ananas-montagnes, endémiques [6] à la Martinique, aux fleurs vermillon, jaillissant au bout d’une grande tige, semblables aux fleurs d’alpinias, divers orchidées au raz du sol, mahots cousins ...).

La visibilité ne dépasse pas 20 mètres et je passe, presque sans la voir, à côté d’une cabane d’observation vulcanologique ou météo totalement délabrée. Heureusement, même si la visibilité était encore plus réduite, il y a peu de chance de se perdre tellement le sentier est bien balisé, par de grands pylônes métalliques, rouges et blancs.

Vers 1200 mètres d’altitude, on arrive sur une crête entourant en partie la caldeira, comblée en son milieu par le dôme de lave de 1929, un peu comme l’enceinte d’un château fort.

 

 

Ce volcans, si calme maintenant, a pourtant « rayé de la carte »  le 8 mai 1902 à 8h02, la capitale politique et économique de l’époque « Saint-Pierre ».

 

Une nuée ardente, souffle brûlant à plus de 450 °C, mélange de gaz, d'eau pressurisée et de ponces fines, a anéanti ses 28 000 habitants, provoquant une véritable tempête de feu suivi d’un gigantesque incendie !. Deux personnes ont survécu : un prisonnier, Louis Cyparis, protégé par les murs de son cachot et un cordonnier Léon Compère, moins connu du fait de sa modestie, n’ayant jamais fait aucune publicité sur son cas.

Pour la première fois, au début de ce siècle, on a découvert la terrible puissance destructrice des éruptions péléennes, auxquelles personne n’était préparé. La distance de la ville au volcan (10 km), la présence de quelques obstacles naturels et le caractère relativement inoffensif de l’éruption de 1851, avaient contribué à rassurer les autorités.

 

Ce phénomène de nuée, appelé par les vulcanologues coulée pyroclastique est déroutant et mystérieux. Chaque particule volcanique du mélange turbulent de la nuée, sous l’effet du dégazage intense du gaz sous haute pression qui y est dissous, forme ensuite un véritable cousin d’air, éliminant tout frottement sur le sol. Cet absence augmente alors la vitesse de l’avalanche ardente, sous l’effet de son propre poids. La grande vitesse acquise de la nuée (parfois plus de 500 km/h), peut lui faire alors remonter de fortes pentes, engloutir des personnes se croyant à l’abri, tuer des vulcanologues expérimentés, comme les sympathiques Kathia et Maurice Kraft, sur le mont Uzen au Japon, en 1991.

La montagne ressemble maintenant à un volcan d’Auvergne inoffensif. Plus aucune fumerolle n’est visible. Même, la cendre a été depuis longtemps recouverte d’un épais tapis herbeux.

Pourtant, son repos reste trompeur, car ses éruptions ont lieu pratiquement tous les siècles.

 

J’ai emporté le matériel de preneur de son. Mais au sommet, je n’enregistre que la crécelle de quelques sauterelles.

                Je demande à un guide martiniquais dirigeant un groupe de randonneurs, où l’on peut trouver les siffleurs des montagnes sur l’île. Il me dit alors de descendre le chemin pédestre du Prêcheur, en face de nous, où j’ai toutes les chances d’après lui de trouver une forêt d’altitude vers 600 à 700 mètres. Je suis alors ce sentier.

                Finalement, je redescends rapidement, d’environ 600 mètres d’après mon altimètre, un chemin encore très bien balisé de vert et blanc, coté sous le vent. Plus, je descends, plus l’air, très humide au sommet, devient rapidement chaud et excessivement sec. C’est le second effet du foehn. L’air redescend de l’autre côté de la montagne. Il se débarrasse de son humidité et les calories de la vapeur d’eau sont alors restitués à l’air environnant.

Le troisième effet du foehn est constitué par l’assèchement de la gorge et une soif intense, heureusement, étanchée par des personnes du cru, sortant d’une cabane de tôle et m'offrant généreusement une eau très fraîche.

N’ayant rencontré aucune forêt, et n’en voyant aucune jusqu’à la mer en contrebas, je remonte les 600 m de la pente.

En voiture, nous passons devant la grande brasserie de la Lorraine, une excellente bière martiniquaise légère et rafraîchissante, adaptée au climat tropical de l’île.

 

Nous arrivons à 14 h au restaurant « le Bambou » situé du côté d’Ajoupa Bouillon. Marie Thérèse LOUIS-THERESE [7] et ses deux soeurs, sont là et semblent heureuses de revoir mes amis. Le restaurant est justement une « case bambou ». On y mange fort bien.

Les soeurs ne préparent pas tout, mais tout ce qu’elles achètent, est de très grande qualité, comme leur épice fraîche de couleur verte, utilisée dans le plat créole, le Colombo, ragoût de mouton ou de poulet au curry, d’origine indienne.

Les heures de ce restaurant couleur pays sont pourtant comptées : car rançon du succès, les trois soeurs construisent un nouveau restaurant de grande classe, juste à côté.

 

On peut aussi venir en Martinique juste pour faire une cure de cuisine gastronomique créole. Celle-ci est souvent à base de plats préparés dans des grands « canaris » (marmites).

Il y a le calaolu, une soupe de dachine et de gombos, le gratin de christophine, le migan de fruit au pain, les pois d’Angole ou de bois, le ragoût épicé de tripe et de banane vers le bélélé, le boudin-pays, un boudin noir épicé, les acras de morue, le Féroce de morue à l’avocat, le matoutou d'ouassous, un mélange de manioc et d’écrevisses, le trempage, un mélange de vieux pain, de tranches d’avocats, et de bananes, recouvertes de morceaux de poulet que l’on prend avec ses doigts et que l’on trempe dans une sauce maison, à la composition gardée secrète etc...

 

L’après-midi, je rejoins Fort de France, par une navette maritime partant de l’Anse à l’Ane.

 

Constitué d’immeubles bas en béton, Fort de France ne semble pas une très jolie ville. Seules la bibliothèque Schoelcher et la cathédrale saint Louis, toutes les deux dans un style art nouveau, sont pour moi les monuments historiques importants et remarquables de cette ville visitée, il est vrai, en à peine 2 heures !

 

Dans la bibliothèque, est installé une exposition temporaire de 32 tableaux montrant la ville de Saint Pierre avant 1902, ville semble t’il superbe, cultivée, luxueuse, qu’on disait être le petit Paris des îles. Par ce travail de reconstitution, on croit voir revivre la ville tragiquement disparue.

 

 

Ayant lu un livre scientifique, sur les minutes de la catastrophe « L’éruption de la Montagne Pelée, comment une éruption cataclysmique se prépare », depuis mon ascension, je repense souvent à ces milliers de malheureux, ces gens de tous bords, dont les derniers instants sont évoqués dans ce livre.

 

Cette exposition me fait oublier un instant de contempler le beau plafond de la bibliothèque.

 

La cathédrale Saint-Louis, architecture de fer et d’aluminium, étonne par la beauté de ses peintures, ses piliers polychromes et ses vitraux de style Art Nouveau, alors qu’extérieurement elle apparaît comme une église fin 19°, sans originalité et décrépite.

 

Je visite ensuite le marché aux légumes où l’on découvre la diversité et la profusion des fruits et légumes locaux, inconnus en métropole : pomme-cannelle, châtaigne martiniquaise, pomme de Cythère, corossol acidulé et rafraîchissant, banane plantain, banane poyo, subtile banane figue-dessert, ti-nain, carambole sucrée, cédrat orange amer, quénette légumes gombos, chou de Chine, oignons-pays, christophine, dachine, pois d’Angole, giraumon, fruit à pain ....

Dans les rues, des marchandes proposent des sorbets, élaborés grâce à une sorbetière, à la forme de baratte à beurre, munie d’une grande manivelle. Pilant des pains de glaces, cet appareil permet d’obtenir une sorte de granita italienne, arrosée ensuite de sirop.

Une marchande d’orange, me souhaite avec chaleur la bienvenue, acceptant d’être photographiée, tandis qu’un « rasta » marchand de légumes empêche par contre le mouvement balayant de mon camescope.

 

Les magasins de vêtements sont présents dans toutes les rues de la ville.

Du côté du quartier Madame, le marché au poisson est malheureusement déjà fermé.

Je visite le parc floral et botanique tout proche, où se déroulent les cours de peinture et de sculpture en plein air. La plupart des artistes sont des étudiants des beaux arts. Leurs professeurs participent souvent aux oeuvres, destinées en général à commémorer l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage.

Je finis ma visite de la ville par la place de la savane, qui d’ancien lieu chic de promenade de la bonne bourgeoisie du début du siècle est devenu un endroit mal fréquenté. Ses parterres ne sont presque plus entretenus. La statue de l’impératrice Joséphine, a été décapitée et recouverte de peinture rouge, par des indépendantistes. On l’a soupçonnée, sans preuve, d’être l’instigatrice du rétablissement de l’esclavage par Napoléon.

Le soir, je reprends le traversier vers l’Anse à l’Ane. [8]

 

La route goudronnée conduisant de la route nationale l’Anse Dufour se termine par un parking. A partir de là, un grand escalier d’une cinquantaine de marches, débouche sur un allée bétonnée, longeant un marigot, transformé en cloaque infesté de moustique par la station d’épuration défectueuse toute proche. Puis, le chemin, emprunte une planche et ensuite serpente entre la plage, une petite buvette repérable par son gros congélateur et des habitations, avant de parvenir à notre maison.

C’est sur ce sentier, que je rencontre une habitante, qui me relate son emploi dur et sous payé de serveuse, dans les hôtels touristiques de la Pointe du Bout. Les conditions étant très dures, elle a préféré arrêter.

 

Je me lève dans la nuit puis remonte la vallée de Galocha, pour enregistrer le chant des batraciens. Mais plus je m’éloigne de la mer, moins les coassements se font entendre. A l’affût, je suis plongé dans le silence et la respiration de la terre, pourtant des myriades de vies craintives sont tapies là, tout proche. Le frêle ululement d’une chouette, entendu la veille vers 16 h, dans la vallée n’est malheureusement pas au rendez-vous. Mes plus beaux enregistrements, batraciens sur fond de ressac marin, sont finalement réalisés, la nuit précédente, de la fenêtre de notre cuisine.

 

8.           7eme jour, vendredi

 

 

Par un chemin de terre rouge, on parvient à l’ancienne briqueterie, du hameau de la poterie, du 18° siècle. Dans ce centre artisanal, des poteries, des céramiques et des poupées en feuilles de bananes, la plupart représentant tous les costumes traditionnels de martiniquaises

 

Nous longeons ensuite les haies et les charmilles des glyciridies en fleur, dont je ne lasserais jamais. Puis, nous coupons à travers l’île vers l’Est.

 

 

Après avoir longé la très jolie côte atlantique, bordée d’écumes de grands rouleaux, nous arrivons à l’Habitation du rhum St-James, transformée en musée.

Il est consacré aux techniques de fabrication du rhum. On y apprend que du jus de canne, le vesou, on peut produire diverses variétés de rhums : rhum de mélasse, rhum grand arôme, rhum blanc, rhum paille ou enfin rhum vieux. Tous ces rhums entre 40 et 55° C sont dit « agricoles » et ceux titrant à 70 °C sont dit « cœur de chauffe ». Tout dépend de l’ajout ou non de mélasse, de la durée du vieillissement, de la mise en foudre et en fût de chêne. On y trouve de vieux instruments, une très belle collection d’alambics en cuivre, dont l’un haut de deux étages.

Dans une pièce, une projection vidéo montre la préparation des punchs planteur, daïquiri, ti-punch, ...

Dans le parc, sont exposées des machines à vapeurs et une collection de cuves, les « rolles », dans lesquelles fermente pendant 24 heures le jus de vesous. J’apprends que le père dominicain Labat, grand descripteur de l’île dans son « Nouveau voyage aux îles de l’Amérique », défenseur militaire de l’île face aux anglais, fût l’inventeur (ou l’un des inventeurs) de la technique de fabrication du rhum et de ces cuves hémisphériques particulières.

 

Juste à côté, de l’habitation Saint James, dans un village du bord de mer, nous visitons Sainte Marie et son l’imposante église baroque à deux tons de bleu gris, flanquée de deux tours carrées. Nous en avons cherché longtemps l’ouverture. Toutes les fenêtres sont protégées par des volets à persiennes comme dans la plupart des églises de l’île. Le toit n’est pas porteur, semblant ne reposer sur rien, comme les basiliques chrétiennes du 4° siècles et on peut se demander comment elle résistera au prochain cyclone.

 

Dans la commune du Lorrain, un étonnant monument, aux morts, polychrome, au style naïf, représente un soldat de la coloniale, debout les jambes légèrement croisées, veillé par un ange gardien aux traits féminins. Il nous frappe par sa posture décontractée, sereine.

 

Le midi, nous nous arrêtons dans un snack. Je goûte pour la première fois un jus de prunes de Cytère, plutôt âcre et rêche sous la langue.

 

L’après-midi, nous atteignons les Gorges de la Falaise, défilé étroit, d’à peine quelques mètres de large, taillée dans de la lave andésitique avec au fond un torrent.

L’attraction du lieu consiste à progresser dans le torrent en remontant le courant. On franchit un certain nombre d’obstacles, dont certains à l’aide de câbles d’acier servant de main courante, jusqu'à une forte cascade, chutant dans un grand bassin. Durant cette très courte randonnée, on est immergé jusqu'à la ceinture ou même jusqu’au au cou, dans une eau assez chaude, comme dans la plupart des rivières de la Martinique. Mieux vaut donc prévoir maillot de bain et des sandales de plastique, qu’on peut louer, pour progresser sur le fond du torrent. Le site est payant. Le guide dont des touristes et moi avions loué les services, n’étant pas au rendez-vous après 20 mn d’attente, nous décidons de remonter seuls le défilé, où il n’y a en fait aucun danger particulier.

 

Le 30 août 1902, la ville de Morne Rouge, a été atteinte par une énorme nuée ardente qui a tué 1000 habitants et a brûlé un grand nombre de survivants.

Un vitrail au-dessus du porche de son église, que nous visitons, commémore la catastrophe, montrant une personne levant les bras au ciel, d’autres fuyant devant une coulée ardente et une colonne de cendre.

On dit que cette église a résisté à la nuée, mais il faut plutôt supposer qu’elle n’a pas été touchée par la nuée, car la force du souffle, à plus de 500 km/h peut même reverser la tour d’un phare, comme celui de Saint Pierre.

 

                Je convaincs mes amis d’emprunter la petite départementale D1 allant du carrefour des Deux Choux au village de Fond Saint Denis.

                Il y a un risque, car la route est barrée, suite à un glissement de terrain. Le dessous de la voiture et son pot frotte légèrement au passage fatidique, que nous arrivons pourtant à franchir à faible allure.

                Enfin le signal caractéristique émouvant, à deux tons graves, de l’oiseau siffleur des montagnes, se fait entendre sur la très jolie route étroite, coupant une dense et profonde forêt pluviale.

On entend son cri puissant, dans toutes les forêts pluviales située entre 500 et 700 mètres d’altitude et entre la Montagne Pelée, les Monts du Carbet. Dès 400-500 m d’altitude, je n'entends plus son cri, même si la forêt pluviale descend au delà.

                Il est très difficile de le voir. Il est toujours sur des branches basses de grands arbres, sous les frondaisons. Parfois, on a la chance de voir fugitivement un petit oiseau gris, de la taille d’un moineau, en tout cas, assez petit comparativement à la puissance de son cri, volant d’un arbre à l’autre, mais toujours sur de très courtes distances. Parfois, il s’aventure hors de la forêt, par exemple dans les prés du côté de Fond Saint-Denis, mais n’y demeure jamais très longtemps.

 

Par son chant triste et puissant comme celui du singe hurleur ou de l’effraie, Il contribue à renforcer l'ambiance mystérieuse de ces forêts impénétrables.

 

Je m’aperçois alors qu’il est facile d’amorcer l’oiseau et d’obtenir de lui de jolis trilles complexes, composant le chant du mâle appelant la femelle pour la parade nuptiale.

En cours de route, un siffleur fait retentir son puissant chant sonore, tout proche de la départementale. Mais une marche arrière un instant trop bruyante le fait fuir.

 

Nous arrivons à un petit village fleuri, perdu dans la montagne, entouré par la profonde forêt de Fond Denis. Le site est étrange. Dans ce village endormi et en voie de dépeuplement aurait pu être une station climatique d’altitude. Dans le cimetière, demeure un petit monument aux morts original. Il est constitué un minuscule soldat en bronze d’une trentaine de cm de haut, posé sur un piédestal massif et disproportionné.

 

Une pluie tropicale, aussi courte que violente nous surprend, ainsi que la fraîcheur après l’ondée. Le froid nous transit maintenant. Des écharpes de brumes s’accrochent momentanément, aux cimes des arbres et des montagnes rendant le paysage un peu fantomatique. La beauté de ces lieux pourrait faire perdre de vue que la forêt a été longtemps surexploitée et s’est appauvrie. Mais, il est dit qu’un jour, suivant les plans de l’ONF, la forêt sera enfin réaménagée et les espèces précieuses qu’elle a connues replantées.

Nous passons rapidement par Saint Pierre, ville endormie ayant perdu le lustre de la brillante Saint-Pierre du début du siècle. Lors d’une forte averse, nous nous arrêtons devant la jolie église de Schoelcher, où répète une chorale.

 

Nous arrivons enfin au luxueux hôtel de la Pagerie, où vont se produire les « Ballets Exotiques du Robert », du nom d’une ville de la côte atlantique de l’île. La salle de spectacle est bondée et la piste de danse réservée à la compagnie minuscule. Je me demande bien comment les artistes vont s’ébattre.

Les instruments de l’orchestre sont : un piano électrique, une sorte de xylophone, des tambours, des maracas en fuseau, le lambi et le « bambou », flûte en bambou traditionnelle de la Martinique, ou flûte des mornes, souvent traversière, dont Eugène Mona était peut-être le plus grand interprète en Martinique.

 

Le présentateur demande aux touristes présents à ne pas voir ces danses juste comme un simple spectacle touristique, mais comme un élément de l’âme martiniquaise, devant faire vibrer nos coeurs. Mais je doute qu’ils soient entendus dans le brouhaha ambiant, persistant durant tout le spectacle.

Les danses apparaissent par ordre chronologique.

La première est une sorte de polka, appelée « courte paille ». Les costumes des femmes et les hommes, blancs, ou à carreaux orangés, sont assortis entre eux et aussi aux madras des femmes, coiffes traditionnelles en tissus d’origine indienne, plissée de façon élégante. Les noeuds et leur nombre sur ces coiffes ont une signification amoureuse : « je suis libre et à prendre », « je suis mariée et fidèle », « je ne suis pas libre mais on peut tenter sa chance » etc ...

Les danses sont très rythmées et celles des femmes accompagnées de déhanchements rapides.

Le ballet suivant est une béguine. Les femmes font vibrer leur éventail dans la main. Leur madras rouge ressemble à un oiseau, au cou et aux deux ailes déployés.

Ensuite, est exécutée une des huit figures du Bel Air. Les costumes sont à damier. La danse langoureuse et lancinante est accompagnée de mélopées comme des « Woye Woye » et de percussions ...

Nous passons à la danse de l’entraide « le faux bras », servant à soutenir les travailleurs agricoles, lors de tâches laborieuses. Le son du lambi alterne avec des chants, accompagnés de « Oye Oye Wah wah... ». Une petite danseuse, par le rythme effréné, et l’application, imprimés à ses gestes et à ses déhanchements, semble en transe. Les hommes dansent nus, un foulard rouge, noué sur la tête à la pirate, portant et agitant un coupe-coupe dans la main.

Le présentateur nous fait ensuite comprendre combien ces travaux des champs sont durs sous le soleil de plomb et combien la musique est nécessaire pour les rythmer.

C’est au tour d‘une mazurka, un « mazzouk », accompagnée du « bambou ».

Le clou du spectacle restera, pour mes amis et moi, la valse créole, si élégante et gracieuse, au rythme romantique et langoureux. Les hommes portent un gilet noir, sur chemise blanche et le canotier. Les femmes sont en robe d’apparat de soie, colorée, avec un élégant chapeau assorti à la robe et couvert de tulle. C’est la danse des ladies et des gentlemen créoles.

Ensuite sont présentées des danses plus modernes dont une danse sud africaine zoulou, en costume typique et en peau de léopard.

En fin de spectacle, un jeune danseur attire sur la piste une vieille créole toute heureuse de danser, puis, toute l’assistance se retrouve sur la piste.

En remerciant les danseurs, j’apprends d’eux qu’ils seront invités, l’été prochain, au festival folklorique international de Ganat, en Auvergne.

 

A la sortie, un gigantesque embouteillage paralyse toute la presqu’île de la Pointe du Bout. Un bus s’est arrêté dans un virage et bloque toute la rue, depuis plus d’un quart d’heure. Mon amie donne un coup de pied dans un des clignotant du bus. Par malheur celui-ci casse. Le chauffeur revenant peu de temps après, s’énerve, en découvrant le forfait. Je lui dis ne pas avoir vu le fautif et m’éclipse rapidement.

Dans la pizzeria, noire de monde, où nous dînons ensuite, mon amie explique que les bus des riches propriétaires béké, possesseurs d’une partie des complexes hôteliers de la pointe du bout, ont ici tous les droits.

Durant cette discussion, je reste médusé, par le ballet rapide d’un pizzaiole, enfournant et défournant, sans cesse, pendant des heures, ses pizzas.

Lorsque nous retournons à la voiture, une sorte de mascarade improvisée occupant la rue,  semble préparer le Carnaval, tout proche. Le sens de la fête martiniquaise apparaît à cet instant une évidence.

Durant mon séjour, toute l’île préparait la fête du 150° anniversaire de l’Abolition de l’Esclavage et de son instigateur Victor Schoelcher, particulièrement célébré en France, en cette année 1998.

J’apprends que Victor Schoelcher était un franc-maçon, de la gauche radicale, non fanatique, et philanthrope.

Pendant plus de 20 ans, il s’est battu pour les esclaves, obtenant l’abolition de l’esclavage, lors d’un décret, le 27 avril 1848, malgré l’opposition déchaînée, des députés martiniquais. [9]

Il a fait don, ensuite, de sa propre collection de 10000 livres pour une bibliothèque à Fort de France, stipulant que son accès serait gratuit et libre, convaincu de l’importance de la culture et  de l’éducation pour l’émancipation des esclaves. Malheureusement, 90 % de ses livres ont brûlé dans l’incendie de la bibliothèque Schoelcher, en 1890.

 

En rentrant, mon amie m’aide à réaliser un enregistrement des youyous des buffo-buffos, dans la nuit, du côté de l’habitation de la Pagerie, où a vécu Joséphine de Beauharnais.

Malheureusement, la circulation sur la route nationale toute proche et le survol d’un des nombreux avions de l’aéroport du Lamentin, passant aussi régulièrement au-dessus de notre maison, ne permettent pas de bonnes conditions d’enregistrements.

 

Malgré tout, si certains enregistrements animaliers de bonne qualité ont pu être réalisés, c’est grâce à la contribution de mon amie.

 

9.           8eme jour, le samedi du retour

 

                Profitant des dernières heures avant de se quitter, nous allons faire un saut au Marin, puis à l’écomusée de Sainte Luce, repassant devant la pointe du diamant et la maison du bagnard.

L’église du village du Marin à façade baroque simple est fermée. La place du village devant l’église, en ce début de chaud après midi est vide. Une ancienne case nègre couleur bleu ciel éclatant a été reconverti en syndicat d’initiative. Un orchestre de carnaval tout proche égraine ses rythmes. Mon ami trouve enfin le curé qui nous ouvre l’église. Une voûte immense en carène de bateau renversée, un peu surbaissée, nous accueille. Seule la caméra vidéo aidera à fournir à mes amis à mon retour en France, une idée de ses proportions.

 

A la sortie de l’église à droite, le cimetière domine la mer. Les tombes sont souvent entourées de balustrades en fer forgé ouvragé. Sur l’une d’elles, je remarque une plaque tombale originale « Mademoiselle Faribole et ses Enfants ».

L’écomusée de l’anse figuier, peu connu, est trop rapidement visité, en 30 minutes, à l’heure de la fermeture.

Il se révélera malgré tout remarquable par la qualité de ses présentations et son didactisme. Il a été aménagé sur le site même d’un habitat amérindien, et on peut encore voir au bord de la plage, des glyphes et des creux dans les rochers laissées par le polissage d’outils en pierre.

Une partie du musée présente l’histoire des indiens caraïbes, anciens habitants de l’île, décimés en totalité, par les maladies, l’esclavage et les conflits avec les colons, et des collections d’objets amérindiens. L’autre partie retrace la vie quotidienne de la Martinique au siècle dernier, exposant des vieux objet, meubles et vêtements. Un élément intéressant du musée est la reconstitution d’une case de quimboiseuse du siècle dernier.

La caissière avec qui je discute se souvient très bien du passage ici de l’émission « la course à trésors » de France 2, il y a quelques mois.

 

10.       Conclusion et Epilogue

 

                J’ai aimé ce travail de preneur de son animalier, souvent prétexte à faire une cure de nature vierge.

                Lors d’un prochain retour en Martinique, j’essayerai à nouveau d’approfondir encore plus mes connaissances sur cette nature tropicale si riche.

Même sans matériel de prise de son, j’irai de nouveau me documenter sur l’authentique musique traditionnelle de l’île, comme celle d’Eugène Mona, vérité profonde de la culture populaire, loin de tout médiatisation commerciale.

Je partirai enfin à la découverte du conte créole, mémoire vivante du passé. Mais tout cela est une autre histoire...

 

De tout ce voyage, je garderai le souvenir d’une île jolie à la nature encore sauvage qu’il faut à tout prix préserver.

 

11.       Annexe : Equipement qu’il est bon d’emporter en Martinique

 

Note: en italique ce qui n’est pas indispensable, mais peut se révéler utile.

Fourniture

Commentaires

Anti moustique

le spray Vendôme Caraïbe coûte environ 50 F. Il existe  d’autres produits : Moustifluid etc...

Appareil photo Compact + 4 pellicules papier 100 ASA

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appareil photo (autre) + 8 pellicules diapo 100 ASA

bien utile

Apaisyl (crème)

Crème apaisante contre les piqûres de moustique

Bermuda + short

utile

Bloc note (petit)

utile, pour noter ses impressions et souvenirs

Boules Quiès

très utile (à cause des crapauds buffles)

Boussole

utilité relative, car les sentiers sont bien balisés

Brosse à dent

 

Brodequin de toile (paire de)

(ou mocassins)

Camescope + Chargeur + 4 Cassettes vidéo 8 mm 90 m

prévoir plutôt 2 batteries qu’une

Casquette

utilisée

Chaussures de randonnée Montagne

conseillées pour randonnée sur la montagne Pelée

Chaussettes (paire de) de laine de randonnée

conseillées pour randonnée sur la montagne Pelée

Chaussons (paire de)

 

Chemisettes de toile (2)

très utile car on transpire beaucoup, à laver chaque soir

Coussin de voyage

utilisé dans l’avion mais pas très convainquant

Couteau suisse

peut être utile (en pleine brousse ...)

Crème solaire écran total 75

Indispensable, le soleil tape fort, fort...

Dentifrice

 

Maillot de bain

très utile à la mer, dans les rivières

Gourde

très utile à cause de la sécheresse de certains versants

Guide Martinique  : guide vert Michelin, Gallimard ...

très utile et bien fait. Le Guide Michelin n’est pas cher ~ 65 F. Le guide Gallimard est aussi bien fait mais coûte plus de 160 F (166 F à la FNAC).

Livre

pour le soir ou la plage

Lunettes de soleil

utile

Masque de plongée, tuba, et palmes

utile

Médicaments pour cuisine exotique

peut utile (style gel de polysilane, Diarlac, Imossel..) La cuisine martiniquaise est saine et peu ou pas épicée

Pantalon de toile

utile, dans certains lieux à épineux ou bien ou dans ceux où prédominent l’ « herbe couteau »

Pieds photo (trépied)

utile

Piles AA (8 x)

très utiles

Porte carte

utile à cause de la pluie, la boue dans la montagne

Pyjama léger

utile

Rasoir à main

Le savon sert de mousse à raser, si on n’a pas de mousse

Sandalettes ou sandales de cuir

style sandale de franciscain

Sandalettes en caoutchouc ou

Sandales en plastique souple avec crampon

pour marcher sur les rochers dans la mer ou pour se déplacer au fond des rivières de montagne

Sac de voyage de randonnée (petit)

utile pour la randonnée

Savon

 

Serviette de bain

très utile

Shampooing

très utile après baignade dans la mer

Stylo + Crayon

pour les notes et les cartes postales

Tee-shirt (2 x)

très utile car on transpire beaucoup, à laver chaque soir

 



[1] Le matériel se compose d’un enregistreur sonore numérique DAT et d'une grande parabole en plastique souple, repliable, d’une quarantaine de cm de diamètre, comportant un grand micro stéréo, placé en son centre. Le DAT est un Sony TCD-8 et la parabole une Téliga.

[2] Le Choublout, le Manikou Night (entre Fort de France et le Lamentin au premier pont de l’autoroute),le Topso (à la Trinité, dans la zone du Bac), le Chéhenne (un bar au centre ville de Fort de France), liste qu’on peut retrouver dans la revue martiniquaise gratuite le « Choubouloute ».

[3] En Martinique, une baie se dit « anse » et une colline, un « morne ».

[4] Elle comporte souvent des dérivations de mots, comme « tout-à-faitement » ou le fréquent usage du mot « ti » pour « petit ».

[5] Toutefois, pour être honnête, il existe 2 ou 3 réserves sous-marines autour de l’île _ telles celles du Diamant ... _ où l’on trouverait encore de grandes concentrations de vie sous-marine.

[6] On dit qu’une espèce est endémique, si on ne la trouve que dans une région donnée.

[7] C’est vraiment son nom de famille.

[8] Un traversier est l’appellation québécoise d’un ferry.

[9] Confronté aux conditions de l’esclavage _ punitions corporelles, mutilations, droit de vie et de mort, séparation des familles ..._, il a vu dans les esclaves des êtres humains et non des objets ou du bois d’Ebène. Il a justifié son action, disant « n’avoir suivi que sa boussole morale ».