La Cloche d’Islande

 

Cours séjour en Islande en août 99

1.   Décide t'on d'un voyage, au dernier moment ?

 

Le moins d’août approchant, contrairement à mon habitude, surbooké, je n’ai toujours rien préparé. Toujours pas de destination pour cet été. Pour ne pas arranger les choses, une situation financière virant au rouge vermillon.

 

                Sur le web, une annonce : «CHARTER ISLANDE, 2100 F A/R » ! (Environ 315€).

                L’Islande ? pourquoi pas. Aventure et le dépaysement assuré. Pour toute aventure, je suis partant, même sans aucun sous vaillant. Aussitôt dit, aussi tôt réservé. Une semaine seulement de délais, pour préparer ce voyage et remplir mon sac à dos.

 

Des conseils de dernière minute, de mon ami Norbert, visiteur de l’Islande, l'an passé: l’Islande n’est vraiment pas la destination des plages de sable blanc, des cocotiers et des mers chaudes. Plutôt une destination froide, voire arctique, et surtout chère.

                Nécessité d'un équipement pour les régions froides et pluvieuses : polaire, Gore Tex, …

 

2.   Economie, économie !

 

                Les impôts s’étant rappelés à mon bon souvenir, mon compte est descendu dans les profondeurs abyssales. C’est une habitude. Qu’importe ! Mon banquier du Crédit Mutuel est sympa.

 

N’aimant pas vivre à crédit, il me reste toujours, sur place, le recourt à la débrouille et au système D : faire la plonge, vivre comme un routard, camping sauvage, stop, récupération des restes .... De toute façon, je ne crois guère que ma banque sponsoriserait mes voyages … Trouver des sponsors est toujours de toute façon extrêmement difficile, le bénéficiaire devant fournir un retour au sponsor.

Par référence au livre « La cloche d’Islande », du prix Nobel islandais Laxness, ce voyage portera ce nom. La cloche a tous les sens du terme, au pays des voyageurs friqués.

3.   C’est parti

 

                Yannick, nature solitaire, rencontré dans la file d’attente de l’aéroport, a, comme moi, le goût des explorations lointaines. Emeric Fisset, Sylvain Tesson, Alexandre Poussin, des explorateurs au long cours … sont du cercle de ses intimes.

Parti à minuit passé, avec 2 h de décalage horaire, nous arrivons à Reykjavik à 2h du matin, heure locale, sous une fine pluie. Température extérieure, 10 °C.

 

Un bus de Nouvel Frontière accepte de nous déposer en ville. L’hôtel de l’Armée du Salut abordable, étant complet, nous sommes obligés de battre en retraite sur le camping de Reykjavik.

 

4.   Le lundi 9 août 99, Reykjavik

 

Au réveil, vue, de ma tente, sur la plus belle collection de tente, au niveau couleurs et modèles, jamais imaginé. L'eau des douches, d'origine géothermique, a une odeur de souffre.

                Yannick et moi, faisons un grand tour pédestre de la ville, sous une pluie battante.

                La température moyenne est de 8°C. Pas chaud, surtout par cette pluie. Je savais que le climat de l’Islande est souvent mauvais et océanique … mais si franchement humide !? D’entrée de jeux, on est servi.

 

Le centre ville est petit, toujours proche du port de haute mer. Beaucoup de maisons sont en bois peint ou couvertes de tôles peintes, peut-être, pour se protéger du vent. Les rues sont propres, tracées au cordeau. Les zones de bureaux, froides, ressemblent à celles, d’une ville nordique.

                Nous visitons la cathédrale protestante, tout en béton froid, dans le styles des années 30, dressée vers le ciel comme un vaisseau spatial futuriste.

Beaucoup de boutiques proposant des « free tax » et les fameux pulls en laine islandais. Partout, apposé sur les vitrines, l’indication "ùtsala" … « Soldes ».

La mode des punks avec piercing, des tags et des GSM est aussi arrivée en Islande.

Je suis effaré par les prix pratiqués en Islande, 90 F la pizza, 5 F une simple carte postale, 550 K (1 couronne islandaise équivalent à 1 FF) pour se rendre, en bus, au site de Geysir à 100 km d'ici.

 

                Je rencontre un vrai routard, Patrice, originaire de Mons en Belgique, circulant depuis plus de 20 ans sur les routes. Il a visité pratiquement tous les pays du monde. Actuellement, il circule avec un vieux vélo, proche de rendre l’âme. Sa seule maison est sa tente, ou bien les abris rencontrés sur sa route. Cadet Roussel, sans poutre, ni chevron. Il est venu de Norvège, par un ferry et par le nord de l’Islande. En Islande, il a dormi la plupart du temps dans les bergeries, fréquentes ici. La mendicité étant interdite, la police d'ici l'a déjà reconduit hors de la cité.

 

                Sur les grandes avenues, des marques d’essences inconnues : Orkan Benzín.

                Un grand centre commercial, Kringland, le plus grand de la ville, propose tous les produits d’une société de consommation avancée, à des prix, en moyenne, doubles de ceux de l’hexagone. Un journal m'apprend qu'un léger tremblement de terre a secoué le volcan l'Ekla, récemment.

                Visite du musée des arts et traditions populaires de Reykjavik, plus petit que celui de Lillehammer en Norvège. Des figurants en costumes traditionnels jouent le rôles de personnages du passé, l'horloger dans son échoppe, la fileuse filant la laine sur son rouet …

 

5.   Le mardi 10 août 99, Þingvellir

 

                Islande, pays des arc-en-ciel, des nuages, en forme d’écharpes ou de fumées. Fumées pouvant aussi provenir des nombreux sites géothermiques du pays. Pays presque vide, avec ses 240000 habitants pour 20000 km2, dont la moitié à Reykjavik. Pays remplies de beautés naturelles.

 

Beaucoup de prairies sur les côtes de l’Islande. Quelques fermes éparses. Certaines possèdent plus de 1000 hectares de terre, tandis que d'autres paraissent pauvres. Peu d'agriculteurs.

Les vertes prairies, dans lesquelles sont pratiquées l'ensilage (les boules blanches des bottes de foin "enrubannées'" constellant le paysage), ont été conquises sur la caillasse, à force d'un dur labeur et d'une lutte constante, contre la nature, pendant des dizaines et des dizaines d’années.

Partout des moutons blancs, couverts d'une épaisse toison, et des petits chevaux, à la longue crinière, semblables à des poneys, les fameux chevaux islandais.

En Islande, patrie des chevaux, sport national à l’instar du golf, presque tous les islandais, depuis la plus tendre enfance, ont un cheval. Il n’est pas rare de rencontrer en longues files d'équidés, conduites vers les corrals ou vers les pâtures.

 

Très peu d'arbres. Tous les arbres présents, en général des sapins, sont replantés, près des villages, selon un vaste plan de reforestation du pays. Un changement radical de cap, après des siècles et des siècles de déforestation.

Auparavant, ne demeuraient que plus quelques rares petites forêts naturelles, ou bosquets, de bouleaux, de petites tailles et aux formes torturées. Islande, aussi pays du vent et des tempêtes.

Partout, la terre est noire, volcanique. Dans le paysage, de longues coulées de laves, aux gros blocs erratiques, couverts de mousses. Paysages en noir, vert de gris et vert tendre. Parfois, on trouve d'étranges sols, herbeux, constellé de millions de monticules, la terre se déformant sous l'effet du gel et du dégel, illustration du phénomène de la solifluxion.

L’étagement de la végétation est très resserré, à cause de la haute latitude de l’Islande. Dès 600 mètres, les neiges éternelles.

Dans les zones plus riches protégées du vent, on trouve des pissenlits, des boutons d'or, de grosses touffes de légumineuses aux fleurs violettes, semblables à des lupins, des aulnes torturés, en général des aulnes arctiques et des presles. En général, la végétation de type arctique est rase, composée de saxifrages, de thym arctiques, de silènes acaules, d’épilobes arctiques, des dryades à 8 pétales, semblables de loin aux renoncules des glaciers, de fragiles pavots arctiques, jaune souffre, de champs de linaigrettes (coton arctique) dans les zones humides …

Sans le courant du Gulf Stream, ce pays serait devenu une étendue totalement glacée comme le Spitzberg.

 

L'intérieur est un désert de pierre et de sable noir. Royaume, Mecque du tous terrains et des espaces sauvages. L'intérieur est parfois si désertique, que s'il n'y avait le froid, on se croirait au Sahara.

Tous les islandais possède un 4x4, souvent fort luxueux. A cause des droits de douanes et du prix du transport, ces modèles coûtent ici plus de 300000 F. On rencontre, aussi régulièrement, des 4x4, équipés de roues énormes, appelés ici « bigfoot », destinés à progresser sur les immenses glaciers du pays.

Et pour se les payer, comme pour avoir tout le confort moderne domestique, les islandais sont obligé de travailler dur (ou de s’endetter).

Dans ce pays, pas de trains, de métros, de tramways. On circule seulement en voiture, ou en bus, le plus souvent, dans leur version "tous terrains". Mais on trouve aussi des Smarts à Reykjavik.

Peu de routes goudronnées. Même la route n°1, entourant l'île, ne l'est, qu'au sud et à l'ouest de l'île. Les routes sont étroites. Leur gravillonnage pour les refaire, une habitude. Aucune autoroute. Les ponts sont en général à une seule voie. Les moutons en liberté (en raison de l'absence de clôtures longeant les routes, ces dernières étant, en général, perpendiculaires à la route), traversant impulsivement les routes, constituent un réel danger.

Des grilles coupent régulièrement la route n°1, pour empêcher les moutons d’aller d’une propriété à l’autre. Les moutons en liberté ont l’air vraiment heureux. Je me demande comment les fermiers peuvent les retrouver (?).

 

                Stop vers Þingvellir, le lieu d’une assemblée de chef vikings locaux, vers l’an 1000. Une sorte de brèche naturelle, dans les coulées de basaltes, d’une centaine de mètres de larges et de plusieurs km de long, coincée entre deux parois verticales de basalte, due à une faille ou rift, le rift médio-atlantique, nord-sud, coupant l’île en deux. La zone centrale de l’Islande est faillée, souvent soumise aux séismes.

                Sur la route menant à Þingvellir et à la sortie de Reykjavik, un long aqueduc, amenant de l'eau chaude thermale, pour le chauffage de la ville.

Le jeune étudiant biologiste islandais effectuant une thèse en ichtyologie, m’ayant pris en stop, me signale une maison basse, pas très grande, en bord de route, celle de l’écrivain et prix Nobel Halldór Kiljan Laxness (1902-1998).

 

                Le site de Þingvellir est beau, magique. Au loin, l’immense lac de Þingvellavatn, le plus grand d'Islande, entouré de prairies, de fermes, de résidences secondaires.

                Au bord du lac, un hôtel de bois de grand luxe, et une très ancienne chapelle, entourée d'un petit cimetière champêtre, aux tombes vénérables. Une rivière coule, sur une courte distance, dans la faille de Þingvellir.

Des oies cendrées, au bord de la rivière, peu farouches, se laissent approcher, de même qu’un bécasseau et un courlis courlieux.

                Je ne verrais jamais autant d'oiseau qu'en Islande, l'île aux oiseaux, un vrai paradis pour les ornithologues.

                Dans un jardin public de Reykjavik, je rencontrerais des oies cendrées, en quantité, mais aussi des huitriers pie, et de nombreux autres oiseaux marins, dont le fameux eider à duvet, au long bec.

                Au loin des montagnes tabulaires auréolées de nuages.

 

                De retour du site, nos routes divergent à la gare routière des bus BSI, Yannick ayant prévu un voyage de 3 semaines, moi de 2 semaines. De plus après notre longue marche au bord du lac de Þingvallavatn, Yannick boite. Nous nous reverrons qu’en France.

Ma crainte inconsciente se vérifie, je ne pourrais pas retirer de l'argent aux distributeurs. Je dois donc tenir 15 jours, avec 1500 F.

Débute alors, à mon habitude, un nouveau voyage solitaire, semblable à mes autres précédents voyages.

 

6.   Le mercredi 11 août 99, Gullfoss, Geysir

 

En route, en bus, vers les classiques de l'Islande : Geysir et Gullfoss.

Notre chauffeur est l'aryen type des affiches de propagandes nazis. Jamais, je n'ai vu autant de blond, qu'en Islande, peut-être, constituent-ils 80 % de la population.

 

Vers 10h, la luminosité du soleil semble faiblir d'un tier. Un rapide coup d'œil vers soleil, me permet de voir une légère tâche sombre sur son pourtour. Aujourd'hui, est le jour de la grande éclipse, tant attendue et observée en ce moment en France (un événement exceptionnel ne se produisant qu'une fois par siècle).

                Toutes les rivières sont torrentueuses, souvent puissantes, source d'inépuisable d'énergie hydroélectrique. Le pays produit tellement d'électricité, que pour écouler son surplus, il a construit une des plus importante usine de transformation d'aluminium du monde, la bauxite venant par bateau de Jamaïque, d'Australie ou d'ailleurs, et l'aluminium, produit de la transformation, étant ensuite exporté vers les pays industrialisés comme les USA.

 

                Une rivière terreuse, croisée sur la route, avant la ville de Selfoss, semble en crue. Comment une rivière peut-elle être en crue, dans un pays aussi régulièrement pluvieux que l'Irlande ?

                Petit arrêt du bus, au "Kérid Crater", né au XVII° siècle. Au fond de ce grand entonnoir couleur rouille, stagne un lac émeraude.

                Je rencontre là un couple et leur fils, avec leur camionnette bleue, aménagée, servant camping-car, sur lequel est peint les drapeaux de tous les pays qu'il a déjà visités ou traversés. Le mari est professeur de géologie en classe de 3° à Autun. Il a déjà recueillis beaucoup d'échantillons de roches, pour sa classe, dont de belles sculptures naturelles torsadées, formées d’un basalte très fluide, type panhoehoe, rouge et brillant.

 

                Dans le bus, j'ai fait la connaissance d'une anglaise biologiste, muni d'un bel appareil photo, faisant le tour de l'île par ses propres moyens et s'intéressant aux oiseaux.

                Au site de Gulfoss, je découvre un impressionnante réplique du Niagara (une chute immense). L'embrun mouille tout et provoque un brouillard persistant au dessus de la gorge profonde où s'enfonce les flots tumultueux. La chute de l'enfer. A l'extrémité d'un petit belvédère, on pourrait presque s'engager sous l'amorce de la chute.

 

                Le site suivant, "Geysir", ne couvre qu’un terrain d'une centaines de mètres carré.

 

                Mais à son centre, se produit, à intervalle régulier, un des plus beaux spectacle naturel, qu'il n'ait été donné de voir.

Imaginez-vous, au milieu d’un terrain aride parsemé de pièces d'eaux chaudes, l'existence d'un cratère nommé "le Strokkur", constitué deux petits cratères d'une roche siliceuse appelée geysérite, emboîtés l'un dans l'autre.

Son centre est rempli d'une eau très bleu, chaude. De son enceinte, s'écoule un faible ruisseau d'eau chaude, à 70°C, par une sorte de canal d'évacuation.

L'eau au centre des 2 cratères, semble d'abord paisible, puis se gonfle et dégonfle alternativement. On présent un frémissement devant déboucher sur un jaillissement, mais tout redevient calme, au bout de quelques secondes.

                Après plusieurs aller-retour, soudain, l'eau se gonfle plus de coutume, forme une bulle bleu augmentant rapidement et atteignant une taille de plus d'un mètre de diamètre. Puis, le cône précurseur se perce ou explose soudain. Jaillit alors du "percement", un grand panache puissant et gracieux. L'instant imprévisible de l'éruption vous prend toujours par surprise, impossible donc de faire des pronostics sur le moment de l’apparition du jet.

Une touriste et moi, nous nous amusons à lancer des paris, que nous perdons à chaque fois.

Parfois, il y a 2 ou 3 éruptions simultanées, jaillissant de la même bulle bleue. Certaines explosions avortées, n'éructent que d'un crachat sans intérêt. D'autres réussies, produisent un noble panache, un ersatz du grand jet d'eau de Genève.

En moyenne l'éruption se produit toutes les 7 mn. C'est comme un feux d'artifice, étincelant sous le soleil, hypnotique, magique, joyeux, dont on ne se lasse jamais. Je resterais plus d'une heure à contempler ce phénomène mystérieux. J'ai du mal à l’expliquer. Selon une légende, une baleine se tiendrait sous le geyser et soufflerait son évent, par le trou. Aucune obligation d’y croire.

 

                L'eau dans le cône siliceux du "Geysir", tout proche, le geyser qui a donné le nom au site, lui est calme. Il est pratiquement "éteint", son bassin et donc sa colonne d’eau étant trop haute actuellement pour favoriser le processus.

 

                Le soir, je fais du camping sauvage, bien dissimulé avec ma tente basse et verte, à côté du petit l'hôpital de Sellfoss, au bord de la rivière de ce matin, qui semblait en crue. Température 10 °C. L'hôpital me permettra de faire ma toilette.

7.     Le jeudi 12 août 99, parc du Landmannalaugar

 

Le bureau de poste offre du café aux visiteurs (!) … Un café, bienvenu, pour celui vivant de l'air du temps (et il n'y a pas de petites économies).

Je reprends le bus, pour le lieu dit Landmannalaugar, point de départ du parc du même nom.

Sur la route n°1, une croix avec des fleurs, monument étonnante, dans ce pays, à la circulation si clairsemée. Certaines routes importantes ne voient qu'une voiture, toutes les heures.

Ce matin, je suis assis à côté d'un professeur de math de Besançon, passionné par l'Islande. C'est son 2nde ou 3eme voyage.

La piste est tellement chaotique, que le bus doit s'arrêter, en raison d’un choc plus important que les autres. Le franchissement des gués, par la gerbe qu'il provoque, est toujours spectaculaire.

Nous traversons une grande plaine désertique, caillouteuse.

A Landmannalaugar, une merveille naturelle : une rivière d'eau chaude.

La première idée venant à l'esprit, tester immédiatement, cette baignoire naturelle, un luxe inouï, fourni gratuitement par la Nature.

Par endroit, l'eau est brûlante.  Appréciant le délice d'être dans une eau à bonne température, dans la partie "baignable", d'une centaine de mètre de long et d'une soixantaine de m2, alors que le froid nous entoure, il m'est difficile ensuite de m'extirper de la douce rivière, lorsque que la tempête, accompagnée de grésil, se lève.

 

Hélène et David, deux étudiants entraînés de Grenoble, et moi, nous joignons, pour la grande randonnée de quatre jours, traversant le parc.

Nous sommes fouettés par le grésil. La cape de pluie et le fait d'envelopper toutes ses affaires dans des sacs plastiques dans le sac, sont nécessaire lors des randonnées en Islande.

Tout autour, un impressionnant désert de pierres et d'obsidiennes foncées, à perte de vue, un champ de plusieurs km2. On croirait une immense décharge de verre perdu. Jamais je n'ai vu un tel champ d'obsidienne, même sur l'île Lipari, en Italie. L'obsidienne est toutefois moins belle qu'en Sicile. Le paysage est un mélange de désert arctique et de paysage âpre, noir et pierreux du Galdopingen (le sommet de la Norvège).

La vue serait plus belle avec le soleil se reflétant sur ces blocs de verre volcanique.

Toutes ces coulées d'obsidienne proviennent d'un impressionnant dôme rond, de la même matière, à côté duquel nous passons, ce dôme étant le signe d'un volcanique passé très explosif.

Le soir, nous campons à côté du second refuge du parc, complet en cette saison, que nous atteignons après 300 mètres de montée, à partir du refuge de départ de Lanmalahaugar, sur un sentier en montagne russe. Une étudiante en géologie, tenant le refuge, nous permet de nous réchauffer.

Sous la force de la tempête qui doit atteindre les 100 km/h, nous avons du mal à tenir la toile des tentes, même à plusieurs. Nous sommes obligés de construire des murets d'obsidiennes autour des tentes pour les protéger du vent et faire tenir les haubans. A côté les mâts en fibre de verre d'une tente igloo casse. En Islande, une tente avec mâts en aluminium ou en carbone est recommandée.

 

8.   Le vendredi 13 août 99, parc du Landmannalaugar  (suite)

 

Froid glacial au réveil. Crachin puis brouillard. Heureusement, le sentier est très bien balisé, grâce à des petits piquets blancs.

A côté d'un petit ruisseau d'eau chaude, un jet d'eau intermittent. Je me penche, et ce "sans gène" profitant de ma génuflexion, me "crache" dessus. Rester bon joueur face à ce souffleur. Nous marchons ensuite sur les névés d'un glacier, même, à un moment, sur un fragile pont de neige. Pas de sérac visible. Nous sommes au point culminant du parc, 600 m.

Partout, la gadoue et l'humidité.

C'est la fin des obsidiennes. A la place, des rhyolites rouges, signe d’un autre volcanisme explosif.

Mes bâtons de marches, dont je suis le seul à en être équipé, me sont fort utiles pour franchir les gués des rivières. Leur usage est apprécié par Hélène, David et Marco et Michaelo, 2 italiens aux vêtements mode, couleurs fluo, ayant joint notre troupe, qui les empruntent régulièrement.

Partout des fumerolles et de jolies couleurs, oranges, rouges, vertes, liées aux oxydations des minéraux présents, teintant la terre. C'est le règne du minéral. Aucune de végétation.

A côté d'un grand lac sombre, un nouveau refuge, atteint le soir, où nous pouvons nous abriter. Les italiens, nous proposent des pâtes à la sauce tomate. Pour 50 F la nuit, ce refuge est le bien venu, pour mes amis. En ce qui me concerne, je dors sous la tente.

David, fan d’ Eddie Cocran et de Ma None Tropo, portant sa guitare durant la randonnée, en plus de son sac à dos, nous joue maintenant "J'ai envie de pleurer". Dans ce refuge surpeuplé, la guitare fédère des amitiés, contribue à créer et réchauffer l'ambiance.

David, alpiniste, me raconte certaines histoires de montagnes, puis de l'effet du gel et de l'onglée connu lors d’un raid alpin (l’onglé, mini-trauma, fragilise à long termes les extrémités).

Puis, David, cassant un peu l'ambiance, critique Chantal Mauduit, une alpiniste disparue dans l'Himalaya, que j'admirais, me la présentant comme une exaltée, voulant posséder la montagne pour elle seule, refusant les porteurs sherpas.

Le jeune gardien, un étudiant, parle de l'Islande comme "d'un grand village insulaire". Tous monde se connaîtrait plus ou moins. Nombreux sont ses habitants, sortis d'Islande, ayant visité l'Europe, en particulier le Sud de l’Europe. Il reconnaît aussi la cherté de la vie, ici.

 

9.   Le samedi 14 août 99, parc du Landmannalaugar  (suite)

 

Buée dans la tente. Manquant de Silicagel, pour éviter la buée sur mes objectifs, je suis obligé, la nuit, de les réchauffer contre mon ventre.

Avec l'humidité ambiante, tout sent le moisie. Même certaines chutes d'eau, dans ce pays, dégagent même cette odeur ( !!).

 

Maintenant, une plaine caillouteuse continue, un désert de sable et de rocaille noires, le royaume du vent. Le souffle du vent sur l'immensité. On aime ou on n'aime pas ce genre de paysage désolé. Le gel. Nous marchons sur un sentier droit, la ligne d'horizon rectiligne reculant sans fin. Près du lit d'une rivière, je découvre des champs d'épilobes arctiques, roses, en fleurs.

Ce qui m'étonne c'est le peu de vie, malgré le sol volcanique riche, la raison étant certainement, la force du vent alliée au froid.

A l'époque du parlement viking, il y avait peu de condamnation à mort, mais on procédait au bannissement des indésirables. On peut se demander, dans de telles contrées désolées, pauvre en ressources et animaux, si cette peine ne revenait pas, en fait, à une condamnation à mort déguisée.

Ici, qui abîme la nature doit la réparer. Les juges condamnent les contrevenants en 4x4, sortant des pistes, à replanter la toundra, si fragile et si lente à se régénérer, rapidement détruite par les pneus (il lui faut 10 ans pour repousser).

 

Même dans ce parc, on peut trouver des moutons voire des chevaux (semi-sauvages).

Dans le vent, l'air, une odeur permanente de souffre. Selon le gardien du refuge qu'on vient de quitter, une éruption sous-glacière est imminente (elle aurait lieu finalement en automne).

Vers 14h, nous nous arrêtons à un refuge, où nous pouvons sécher nos affaires dans le séchoir chauffé, avec l'accord de son gardien. Nous pouvons même nous y reposer.

Une tendinite torture David. Il a trop forcé avec des chaussures inadaptées. Dans ce terrain caillouteux et boueux, il est nécessaire de se munir de bonnes chausses, style chaussures Vibram. Il nous incite à continuer, nous affirmant nous rejoindre. Hélène restera avec lui. A notre pause de 16h, nous les attendrons pendant 1h30, sans résultat. Nous retourneront même sur nos pas, durant une heure, sans résultat.

Les couches épaisses de cendre ou de basaltes sont percés par endroits de profonds canyons. Beaucoup de montées et de descentes, dans cette partie. Nous traversons une rivière, aux eaux grises furieuses, certainement grosse des eaux de fonte, mêlée de sable volcanique.

 

C'est dans ce paysage âpre, mais beau, que nous, Marco et Michaelo, et moi, choisissons un bivouac improvisé, sachant ne pas pouvoir parvenir, avant la tombée de la nuit, au prochain refuge (il est normalement interdit de camper dans le parc, hormis le « green » entourant les refuges).

 

10.    Le dimanche 15 août 99, Landmannalaugar (suite et fin), arrivée à Þorsmork

 

Au réveil, avec le retour du soleil, le paysage environnant de canyon, nous paraît encore plus beau, grandiose. Avec le froid (8 ° au réveil), je n'ai pas bien dormi.

La végétation revient. Dans les dunes de sables, poussent des élymes des sables aux tiges bleutées, plantes dunaires, fixant le sable, comme les oyats sur nos dunes françaises. Rencontre avec de nombreuses plantes, des fleurs blanches à gros calice, des petites fleurs roses en touffes rases, des plantes basses duveteuses … Avec le soleil, le chant mélodieux des bruants des neiges, annonce le retour à la vie.  Je vois aussi des champs de graminées, ressemblant à de la folle avoine, du trèfle blanc, des dryades blanches, des presles.

Ce parc est le lieu idéal pour la découverte du volcanisme, par la diversité de ses roches _ obsidiennes rubanées, basaltes cordés ou scoriacés, rhyolithes. Sorte de Jurassic Park du volcanisme, des débuts du monde.

De nouveau des nuages bas. Si seulement ce foutu ciel se dégageait ?

Bientôt la fin du parc. Un immense inlandsis _ un dôme immense de glace de plus de 2 km d’épaisseur, comme on en trouve au Groenland – occupe l’horizon.

Une dernière difficulté, le franchissement d'un gué, plus important qu'un autre.

 Nous choisissons la partie la plus large d'une cinquantaine de mètres. Les bâtons de marche, décidément, se révèlent fort utiles. De plus sur le plat, ces bâtons rythme la marche.

Une autre trouvaille, des bottines de plongées, me permettent de traverser les rivières les pieds, au chaud. Ceux de mes compagnons ressortent bleus. 

2 jeunes norvégiennes, encordées, ont voulu, elles, traverser à l’endroit le plus étroit, mais le plus profond, et se sont faits drosser par le courant. Leurs sacs sont remplis d’eau. Elles sont trempées.

Nous traversons une forêts de bouleaux nains torturés et sauvages.

Nous arrivons vers 13h, au dernier refuge, une grande bâtisse en bois peinte en blanc, du site de Þósmórk (Thorsmok), dominé par un immense glacier. L'endroit a un caractère suisse alpin. Il fait beau et doux. L’effet de fœhn de ce côté-ci de l’inlandsis, dégage le ciel.  Une dame promène son petit caniche sur un sentier couvert de planches régulières. Des sapins, rasant le sol, entourent l'endroit. Des mouettes planent dans le ciel. Sentiment de dépaysement.

Par endroits, des plantes ressemblant à de la luzerne occupent le terrain.

 

Suite à une indication erronée sur le lieu de l’arrêt de bus, je suis obligé à une marche forcée d'une demi-heure, pour rejoindre le bon arrêt, et ne pas louper le bus de 15h30, ce dernier ne passant qu’une fois, par jour. Malgré tout, mais j’ai le temps de prendre une douche. J’en avais besoin.

Face à un si beau paysage, mes italiens, trop fatigués, décident de s’enraciner.

Notre bus passe à côté de nombreux 4x4 partis à la cueillettes des airelles en famille, dans une grande plaine.

Dans une plaine alluviale totalement plate, caillouteuse, désertique, un pont semble condamné, en raison du dernier lahar (coulée de boues dramatique, liée aux éruptions sous-glacières).

Le très beau temps du soir, fait scintiller toutes les étendues d’eaux douces et salées, s’étendant à perte de vue. Par endroit la plaine marécageuse se confond au loin avec le ciel. L’eau imprègne tout, dans cette immense plaine désertique et pierreuse, entre ciel, terre et mer.

 

4 jeunes garçons dans le vent, Olivier, Yves, 3 commerciaux et un contrôleur de gestion, me recueillent, dans leur super 4x4 luxueux. Quand on sait le prix de la location de ce genre de véhicule en Islande, à presque 10000 F par semaine !

Le soleil révèle et "nous en met plein les yeux", concernant des beautés naturelles, le long du Vatnajökull nous dominant, immense glacier bas, le plus grand d’Europe, reste du dôme de glace, recouvrant toute l’île à la dernière glaciation.

Durant le trajet, une vue merveilleuse du cordon lagunaire, à perte de vue, sur lequel nous roulons à vive vitesse, en direction du Jökullsárlón.

A cette heure tardive, avec la lenteur du coucher du soleil, l’ombre de la voiture, et nos ombres lors d’un arrêt, s’allongent indéfiniment sur le goudron de la route. Etrange impression, sur bruit de fond des rouleaux de la barre, le long du cordon.

Nous arrivons à Jökullsárlón, lagune dans laquelle une langue d'un glacier, le Vatnajökull, vêle des icebergs, au coucher de soleil, explosant en un festival de feux de Bengale, de l’orange vif ou rouge rubis. Un chenal, traversé par un grand pont en bois, assure la communication du lac, avec l’océan.

Dans ce milieu glacial, où nous campons, règne un atmosphère paisible. Les eiders à duvet, les oiseaux marins, les phoques nageant calmement, les élégantes sternes blanches, les labbes marrons, se posant pour la nuit, sur les bords de cette lagune. Devant ce décor, un pastis est servi. Comment des sternes, des phoques, peuvent-ils trouver de la nourriture, dans une eau si froide ? Question restée en suspens.

Une petite femelle renard arctique et ses deux renardeaux se promènent tranquillement, sans hâte, sur les berges. 

 

11.    Le lundi 16 août 99, Jökullsárlón

 

Temps gris et brume au rendez-vous, à l’ouverture de la tente. Le café, dont l’eau est puisée dans le glacial Jökullsárlón, a un léger goût sodé.

Les véhicules amphibie, sillonnant le lac couvert de floes et d’icebergs saupoudrés de cendres volcaniques et enfournant les tourismes, par wagon entier, est une affaire qui marche bien.

Les belles sternes aux formes aérodynamiques, profilées, attaquent en piquée, pour protéger leur nid, jouant un remake des « oiseaux » d’Hitchcock. Leurs trilles provoquent un vacarme indescriptible.

Dans un local touristique, des photos aériennes du glacier, prises successivement en 1945, 1982, 1991 et 1988, montrent son net recul, de plus d’un km, entre 45 et 98, expliquant l’agrandissement du lac glacière et la fortune actuelle des bateaux touristiques.

Je quitte mes 4 garçons dans le vent repartant vers l’ouest, pendant que je repars vers l’est.

Une Marseillaise, que j’ai invité au restaurant, a perdu son argent dans une auberge de jeunesse.

Longue attente pour le stop. Il pleut bergère ! Rentre tes moutons.

Une Islandaise, soprano à l’opéra de Berlin, spécialiste du répertoire français, me hèle. Son père, agriculteur, propriétaire avec 600 hectares, artiste peintre amateur, n’aime pas les voyages, contrairement à sa fille. Par manque de débouchés, pour ses faire connaître, les artistes islandais doivent s’exporter. C’est le cas de ma soprano.

Dans les lagunes littorales, de nombreuses oies cendrées et des troupes de cygnes trompettes au bec jaune.

Soudain, trois moutons kamikazes traversent la route en courant, se jetant devant le capot. La conductrice a juste le temps de piler, manœuvre délicate, par temps de pluie.

Ma conductrice me déclare que les Islandais sont très nationalistes, refusant l’Europe, par peur de voir leur indépendance remise en cause. D'un autre côté bien que défendant son indépendance, le pays héberge une base américaine. L'influence américaine se fait sentir, surtout au niveau du nombre élevé des fast-foods ici.

D’après elle l’Islande vit essentiellement de la pêche et de l’agriculture. Elle craint donc le risque de quotas imposés par l’Europe, en cas d’adhésion à la C.E.E. L’Islande a toujours su, elle-même, gérer ses ressources, et a déjà repoussé la limite de ses eaux territoriales à 200 miles, la faisant respecter, avec ses frégates armées. C’est d’ailleurs la seule force militaires des Islandais, eux-mêmes n’ayant pas d’armée, et acceptant pour leur protection, une seule base américaine (la prolongation de son bail est actuellement en discussion).

 

Arrivé à Höfn, je suis accueilli par un fort vent, heureusement, atténué par la haie du camping. Une seule tente, celle d’espagnols bruyants et bavards. Coincé dans ce lieu perdu, je rêve de vraies aventures, comme celles de Jean-Louis Etienne, de Knud Rasmussen, de Fridtjof Nansen, des époux Katia et Maurice Krafts, de Nicolas Hulot, de Chantal Mauduit, d’Haroun Tazieff, d’Auguste Picard, d’Alain Bombard, etc…. 

 

12.    Le mardi 17 août 99, Höfn

 

Le stop marche … si l’on est très patient. Plus d’une heure d’attente, sous la pluie. J’ai le temps de constituer un petit monticules de cailloux de geysérites, au bord de la route. Un agriculteur m’emmène pour 6 km. Ensuite, attente de cinq heures, dans un lieu perdu, sur une portion non goudronnée, de la route n°1.

Coup de chance, un 4x4 m’emmène directement à mon prochain lieu de destination, le lac Mývatn, à plus de 400 km d’ici.

Mon voisin pense que ses compatriotes ont trop rapidement oublié le fait d’avoir été pauvres au début du siècle. Pour lui, l’histoire ne cesse de se répéter.

 

Au camping, bienvenu, de la petite ville de ReykjaliJ, au bord du grand lac de Mývatn, une douche chaude, à l’odeur de souffre, constitue un luxe gratuit appréciable. A côté de ma tente, la Harley-Davidson de mes voisins australiens, a perdu un des ses rétroviseurs, arraché lors d’un choc avec un mouton.

 

13.    Le mercredi 18 août 99, le lac Mývatn

 

Un groupe d’allemands, en terrain conquis, accaparent toutes les ressources du camp.

Un autre fléau connu du bord du lac Mývatn, d’origine volcanique et réserve naturelle d’oiseaux, est constitué par les millions de moucherons du lac, s’immisçant dans la bouche, le nez, la gorges, les yeux. Une moustiquaire faciale est fortement recommandée .

Le soleil, plus présent dans le nord de l’Islande, tape fort, surtout lors de mes longues pérégrinations pédestres, à la découverte des merveilles naturelles entourant le lac. Ce dernier ayant la particularité d’héberger une micro-faune planctonique à diatomées (organismes unicellulaires à exosquelette siliceux) et d’importantes dépôts de roches diatomiques.

J’ai le plaisir de plonger dans les eaux chaudes, délicieuses, d’un lagon artificiel,  intensément bleu, remplies des eaux de rejet de l’usine d’extraction de diatomite, toute proche.

L’argile blanche tapissant le fond du lac renforce l’onctuosité du sol et le confort du baigneur.

A côté d’habitation proches, des fumerolles sourdent du sols. Les habitants de la région ont l’habitude de vivre avec le danger des éruptions et des tremblements de terre. Tout autour de ReykjaliJ et du lac, on ne voit que coulées de lave anciennes ou des champs fumerolliens ou géothermiques _ mares de boues, jets de vapeur naturelle. Dans cette zone, la faille nord-sud du rift est bien visible. Au bord des routes, des silènes maritimes, aux grosses fleurs blanches.

 

Des Norvégiens en 4x4, avec qui j’aborde la question de l’Europe et la Norvège, me font gagner quelques km, sur la piste conduisant au volcan fissural, le Krafla. Ici, il est inutile d’espérer y voir un grand et beau cône strombolien. Seul un minuscule cône de 50 à 100 m, se distingue, dans les champs de laves basaltiques scoriacées, à perte de vue, les plus récente, datant de 1984. Ces coulées sont totalement noires, sans végétation, semblant jeunes, impression de jeunesse renforcée par les fumerolles traversant la lave. On croirait que la lave, bien que totalement froide, fume encore. Des touristes tentent de traverser le champ chaotique de lave, sans y parvenir.

Une petite « montagne », un volcan plus ancien, le Leirhnúkur, est sillonné de pipelines, recueillant l’eau brûlante de forage géothermiques profonds, certains à plus de 1000 m de profondeur. Ces canalisations vont vers une usine de production d’électricité d’origine géothermique, toute proche. D’après ce que l’on m’a dit, cette usine serait démontable, en cas d’imminence d’une éruption ( !!! ???). A vérifier. Tout autour du le Leirhnúkur, on ne trouve que fumerolles, lacs de boues brûlantes … Tout proche, se trouve un des plus joli lac de cratère du pays, d’un bel ovale presque parfait, d’un beau bleu-vert profond, le Helvíti.

L’après midi, je monte au sommet du Hverfjall (452 m) au nord-est du lac, un cratère parfait, rond, uniquement constitué de cendre et de sable volcanique. A sommet, on a une belle vue sur le lac et la région. Un Allemand, que j’ai du mal à suivre a monté au somment, à un allure de métronome. Grâce à la technique des petits sauts de cosmonautes dans la cendre, à la descente, j’ai pu le doubler. Astuce française.

Dans une grotte basaltique proche, Grjótagjá, on peut se baigner dans un bassin d’eau chaude. Sa température atteint tout de même 45°C. Proche du lac, je suis de nouveau attaqué par les nuées de moucherons.

Sur l’île, le tourisme est fort bien organisé ici _ panneaux indicateurs bilingues islandais-anglais, points d’informations partout, nombreux dépliants, abondances de sentiers de randonnées …

Le soir, je goûte le lait local, au bon goût de lait de montagne, et le poisson fumée local _ de l’omble fumée au bois de bouleau _ à l’étrange goût de tourbe.

Au camping, très beau couché de soleil sur le lac et ses importantes colonies d’oiseaux.

 

14.     Le jeudi 19 août 99, le lac Mývatn (suite et fin)

 

 Je quitte ce matin Charles et sa famille, choisissant toujours des vacances hors normes, tels une année dans le Toubkal marocain, une autre dans la dépression d’Etosha en Namibie etc …

Deux routes allant vers Reykjavik, je choisi celle du sud. Je pensais être scotché du mauvais côté du lac Mýtvatn, mais je pris immédiatement par un père et sa fille de 8-10 ans. A tous les signes, je vois que ce père aime vraiment sa fille. Le stop est vraiment lié au hasard. Par contre, j’oublie mon bonnet fort utile, qui ne m'avait jamais quitté, dans cette voiture.

Nous traversons les fjords du nord, dont les vallées sont bien plus basses et évasées, qu’en Norvège.

La petite ville nordique d’Ukareyri comporte de très belles maisons de bois anciennes, qui nécessiteraient un classement au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ici s’observe la bonne politique du pays, concernant la préservation et la restauration du patrimoine.

Dans le port, un vaisseau militaire, un de ces vaisseau servant à défendre les zones des 200 miles, réservée aux chalutiers islandais pour la pêche à la morue.

 70 % des exportations du pays concerne les produits de la pêche, ensuite viennent les exportations informatiques (ici beaucoup de sociétés éditrices de logiciels aux consonances anglaises) et pharmaceutiques.

Les biotechnologies sont une voie prometteuse dans laquelle l’Islande s’est engagée résolument. Le pays a mis en place un ambitieux programme de mise en fiche de tout le patrimoine génétique de la population, pour des buts de recherche scientifique.

Quelques intellectuels islandais conteste ce « fichage », prémisse d’un « fichage » policier tout court étendu. Bien que le taux de criminalité du pays soit l’un des plus bas du monde, l’élégant ministre de l’Intérieur actuel, au look sportif et au crâne poli, habitué du petit écran, a entrepris de mettre en place un important programme de réseau de télésurveillances dans les rues des principales villes du pays, suscitant un houleux débat, dans la population. On craint un risque d’atteinte aux libertés fondamentales des Islandais.

Verra-t-on l’instauration du règne d’un « Big Brother » de la vidéosurveillance, ici ?

 

Longue attente, avec un couple de français, à la sortie d' Ukareyri.

Après être pris par une femme âgée pour 10 km, une famille constituée de jeunes frères et sœur, Ann, Sóley, Jón, me hèle. Ils sont bruns. D’après leurs recherches généalogiques, ils auraient peut-être dans leurs ascendants, un pêcheur d’Islande français, ayant fait relâche, un jour du XIX° siècle, dans un port islandais.

Nous traversons des montagnes enneigés, puis de belles vallées glacières dont la « Hraundrangar valley – Óxnadalur », où coulent des rivières grises ou blanches, remplies de « blanda », mélange d’eau de glacier et de torrent d’eau claire. Au loin des nuages lenticulaires.

Les jeunes tentent de l’apprendre la subtile composition des mots accordéon à bretelles ou à rallonge de l’islandais « stóri-dimon, Tad-reykt, Birkireykt ».

Par mes différentes rencontres, je constate que les Islandais ont été au moins une fois à l’étranger. Ils sont parfaitement informés de la marche du monde, sont fort écolo et d'un bon niveau culturel en général.

Avant d'arriver à Reykjavik, par temps de brouillard, nous franchissons un bras de mer, par un long tunnel, dont le prix de passage est de 1000 Kr (~100 FF). Dans la capitale, la pluie est de retour. Cela devient une habitude (lassante).

 

15.    Le vendredi 20 août 99, retour à Reykjavik

 

Dans le camping, un groupe de français du club Evasion Nord-Sud, venus de France par un ferry écossais, avec leur luxueux 4x4, vont faire un grand tour de l'Islande (coût de la traversée par 4x4 avec une chambre pour 2, est d'environ 12000 F ! durée de la traversée, 9 jours). Ils ont surnommé leur raid "l'Askja Raid", du nom d'un volcan du nord de l'Islande, d'accès difficile, même par les pistes 4x4. Ces derniers m'apprennent les rudiments des franchissements des rivières en 4x4 : franchir lentement la rivière, par un trajet en U, en remontant tout d'abord vers l'amont, sur sa portion la plus large. Avoir un engin avec prise d'air haute … éviter le choc thermique lors de la traversée de rivières.

Le matin, je passe mon temps chez les bouquinistes d'Islande.

Un instant, je vérifie qu'on peut directement sonner à la porte de la maison du premier ministre. Un secrétaire m’ouvre. Je feint m'être trompé de maison.

Devant, sa maison, des marins russes, coincés à Reykjavik, suite à la faillite de l'armateur islandais qui les a embauchés, manifestent afin que leurs salaires soient payés et qu'ils puissent retourner chez eux. Peu de temps après, l'ambassadeur de Russie, dans sa limousine Mercedes noire, les bras encombrés de paquets cadeaux, vient visiter le premier ministre. Ils sont là aussi, d’après un journaliste, pour résoudre cette affaire. Je suis aux premières loges.

A côté, à l’angle du "4 Borgartún" et la rue « Skúlagata », se trouve le temple franc-maçon de la ville. D'après les Islandais, ces derniers seraient fort influents au parlement.

Plus loin, se trouve la résidence blanche, non gardée, celle du sommet Reagan – Gorbatchev.

L'après-midi, est consacré au "pensum" des cartes postales à rédiger avant le retour.

16.    Le samedi 21 août 99, Reykjavik (suite), Vik, retour en France

 

Dans un jardin, l'ortie blanche est utilisée comme fleur ornementale.

Je décide de voir les macareux, sur les falaises à oiseaux de Vik, à 100 km d'ici.

Stop facile.

Au pied de la falaise, pousse une jungle de céleris géants et gros choux blancs.

Les macareux ne sont pas aux rendez-vous, déjà repartis en migration le 11 août, selon un groupe d'ornithologues allemands présents. Au sommet de la falaise couverte de mouettes tridactyles, de labes et de corbeaux, qui doit bien faire 400 m de haut, un vent à décorner les bœufs ne cesse de se renforcer. Les moutons jouent les alpinistes.

Au bout du cap, une vision grandiose sur des dents basaltiques comme à Etretat, et au sommet, un ancien local radio du temps de la guerre froide.

La tempête m'oblige à rebrousser chemin. Sous la pluie battante, faisant du stop depuis plus de 3 heures, je suis frigorifié, mon Gore-tex, ayant traversé.

Mes bienfaiteurs, un couple d'agriculteurs, retraités minimisent la rigueur du climat : "le temps n'est pas toujours comme cela en Islande". J'arrive à Sellfoss à 21h, toujours frigorifié.

Un chasseur et pêcheur, gérant d’une supérette, me prend. Ils est très fiers de la taille de ses derniers prises, trois saumons d'une dizaine de kg, qu’il revendra. Ici, on peut pêcher du saumon dans toutes les rivières, même au milieu de Reykjavik. D’après lui, on peut fumer le poisson, en faisant brûler de la viande de mouton ! Ce qu’il fait.

Il me propose de goutter la chair de petits oiseaux fumés, celles de macareux chassés. La chair est bonne. Un instant de culpabilité pour ces pauvres oiseaux à l’aspect de clowns. Des macareux vivent des millions sur Puffin Island, au large de Reykjavik, mais je ne peux m’y rendre, ces îles étant interdites d’accès, aux non scientifiques. Mon compagnon du moment a vécu 3 mois à Paris, reconnaissant s’être bien amusé et n’avoir pas appris un mot de français.

Nous arrivons au moment du grand feu d’artifice annuel de Reykjavik le 21/8. Tous le monde est dans la rue. Embouteillage partout (normalement, ils sont inconnus à Reykjavik). L’alcool, distraction des WE, coule à flot. Dans la nuit, tous les magasins sont ouverts jusqu’à minuit. Foule dense et bigarrée emplissant les rues.

Lors d’un vernissage, le crâne rasé et le foulard de soie au cou, un auteur d’une bande dessiné à la ligne claire, Hallgrímur Helgason, présente son héros grincheux ou cynique « Grim » à travers des planches exposées dans la galerie. Tous les deux, le héros et l’auteur, parlant bien le français. Ces bandes dessinées sont vraiment très drôles. Regret que cet auteur soit inconnu en France.

Beaucoup d’intellectuels islandais parlent français.

 

17.    Le dimanche 22 août 99, Reykjavik (suite et fin).

 

J’assiste ce matin au marathon de Reykjavik, sponsorisé par Gatorade, se déroulant sous la pluie.

Encore quelques tours dans la ville, puis le soir c’est l’aéroport et le retour en France.

Je suis arrivé avec le temps « islandais » et je repartirais avec.

 

Beau pays, dont l’appréciation a été malheureusement relativisée par les fréquentes pluies rencontrées. Dommage. Il paraît qu'en juillet, il y fait un peu plus beau.