COMPTE RENDU DE VOYAGE EN U.R.S.S

Avril 1980

 

Une affiche était posée dans le hall d'entrée de mon laboratoire, sur le panneau des annonces de conférences scientifiques. Elle était libellée de la façon suivant e:

 

"QUATRIEME CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LES PHENOMENES COLLECTIFS"[1]

MOSCOU 15/15 avril 1980

(Organisée par les exclus de la science)

Comité scientifique français dirigé par : Alfred Kastler, André Lwoff, Laurent Schwartz.

 

Suivait une note explicative sur la notion d'exclu de la science : "Les exclus de la science réunissent des scientifiques exclus de leur travail et interdit des bibliothèques scientifiques d'U.R.S.S, pour leur demande de visa ou pour leur opinion politique."

Un ami Joseph, chercheur du laboratoire où je travaillais entretenait beaucoup de relations avec le milieu des dissidents des pays de l'Est vivants sur le territoire français et dans d'autres pays comme le Canada et les U.S.A.                                                                          

 

Voici son histoire : Joseph est né en U.R.S.S dans une région qui appartenait à la Roumanie avant 1939. Pour éviter les grandes déportations staliniennes en Sibérie, la famille de Joseph s'est installée volontairement en république Kirghize. Telle, celle de Juifs errants, elle a fui la terreur stalinienne. A chaque indice de changement dans l'atmosphère professionnelle ou dans les relations avec les proches, à chaque marque d'antisémitisme, la famille a changé de lieu de résidence, s'installant dans les Républiques musulmanes, puis dans les pays baltes pour aboutir finalement à Moscou.

Joseph rencontre sa femme qui est Tchèque, à l'Université de Moscou. Ils ont décidé en 1968 de s'installer en Tchécoslovaquie dont la liberté relative est plus grande que celle de l'U.R.S.S.

Après la normalisation, ils sont restés 8 ans dans un appartement en sous-sol à Prague. En 1976, Joseph a risqué la prison en abandonnant sa nationalité soviétique sans en prendre une nouvelle. Après un certain nombre de pressions administratives, sa femme et lui ont été expulsés en raison des lois du pays et de leur statut de juif apatride, lequel est libre du choix de son pays d'accueil.

La France leur donna l'asile.

 

    Joseph et moi abordâmes le sujet des exclus de la science. J'appris que plusieurs conférences s'étaient tenues à Moscou, la dernière ayant été autorisée par le gouvernement soviétique en raison de son caractère strictement scientifique, du désir du gouvernement de sauvegarder l'image de marque de 1'U.R.S.S et de la pression de la communauté scientifique mondiale.

                                          

    Pour cette année 1980, le gouvernement russe avait trouvé un moyen apparemment infaillible pour empêcher son déroulement, sans pour cela l'interdire : refuser toutes les demandes officielles de visas scientifiques occidentaux qui auraient révélé leur intention d'y participer.

 

    C'est lui qui m'incite à faire une demande le plus vite possible. L'ayant faite tout se joua très rapidement. Je fus proposé au Comité Français et accepté. Il me payait les deux tiers du prix du voyage - 5.200 Frs. - et mon directeur de laboratoire me payant la différence, accepta que j'y participe[2].

    Finalement j'embarquais à Orly (le 11 avril 80) pour l'U.R.S.S.[3].

    Je m'étais fait faire une coupe au rasoir, afin de présenter une apparence respectable.

    Dans mes bagages je n'emportais que le strict nécessaire, adapté au régime politique et tous les journaux que j'avais pu trouver à Orly[4].

    Nous survolâmes successivement la Baltique, Leningrad, les Pays Baltes, des neiges, des grandes forêts, des iacs encore gelés en cette-période de dégel et d'immenses champs rectilignes.

    Notre avion se posa sur la piste de l'aéroport[5] international de Moscou dont les bâtiments étaient modestes par rapport à ceux de l'aéroport d'Orly.

    Un petit bâtiment en forme de cône vitré plus large que haut, comportant un petit balcon vers le bas et un toit circulaire sur le dessus s'avançant tout autour au-dessus de la piste[6] était rattaché au bâtiment rectangulaire de l'aéroport en béton froid et gris.

    Sur les pistes : à gauche du hall de l'aéroport stationnaient des Tupolev 144 triréacteurs de l'Aeroflot, certains avec un hublot sous le nez avant. Celui ci sert au navigateur à repérer certains éléments du paysage afin de guider le pilote, le pays n'étant pas parfaitement quadrillé en balises radio.

    Le temps était froid et radieux, supportable, avec une température de 10°C.

    En dehors des pistes, le dégel avait transformé les pistes en champ de boue.

    Une odeur étrange, légèrement écœurante, de produit d'entretien, provenant du dallage en comblanchien, régnait dans le hall.

 

D'une extrémité à l'autre, une trentaine de box en bois blanc, abritaient chacun trois soldats, en uniforme vert et à casquette à bordure rouge.

Ma tête arrivait au niveau sur-élevé et ces jeunes soldats, par leur position dominaient la situation. Pour pouvoir examiner les jambes d'une personne, un miroir incliné vers le bas à 45 °, était fixé sur le box d'en face.

Un jeune soldat, au visage de gamin, prit mon passeport et commença à l'examiner tout en posant des questions en russe. Je lui répondis en anglais,  Une Italienne ne possédant pas de visa de transit temporaire, avait été refoulée du côté des pistes, ne pouvant attendre son prochain avion dans la salle d'attente.

 

Dans le hall vide, entre les box et la rangée du passage de foui 1 le, étaient empilées de nombreuses valises de carton bouilli blanc neige. Ce style de valise est encore très répandu en U.R.S.S.

Je me plaçais dans une queue pour la fouille des bagages. Devant moi, les affaires d'une femme étaient étalées et l'on pouvait ainsi contempler tout son 1inge intime.

Les machines à radiographier les bagages, d'importation occidentale, étaient en panne.

Avant de sortir, un civil que je prenais pour un touriste, se précipita vers moi et demanda à voir mon passeport ; sans doute s'agissait-il d'un milicien.

 

A la sortie, nous fîmes la connaissance de notre jolie guide touristique.

Nadia, devant le vieux bus rouge et crème de l'Intourist, nous attendait.

Il démarra et emprunta une autoroute assez défoncée pour Moscou[7].

 

Nous traversâmes de grandes prairies où la neige et la boue se mêlaient, puis un joli village d'izbas assez anciennes, en bois, aux toits de guingois souvent en tôles peintes en rouge. Les maisons entourées par des clôtures inclinées en bois ouvragé, étaient, pour la plupart, les pieds dans l'eau.

Nous traversâmes un quartier industriel rouillé et très laid, puis enfin, nous arrivâmes dans Moscou, en empruntant une large avenue dont le centre était occupé par une ligne de tramway, bordée par de grands immeubles d'habitation en brique jaune, dans le style néo-stalinien.

La circulation automobile ne semblait pas être très dense dans les rues de la ville. La majorité des voitures étaient des Zigoulis (sorte de Fiat 124) construites sous licence, encore appelées en Europe Lada.

Des Tchaika et des véhicules utilitaires formaient le reste du trafic.

Sur l'instant, je ne vis pas de Volga aux rideaux gris, espèce de Cadillac noire aux formes lourdes et rondes, utilisées par les membres importants du parti.

 

Les couleurs noires, beiges et rouges sont très répandues, mais ici la couleur métallisée n'existe pas.

Nous passâmes devant le parc des pionniers (2) qui est devant le stade de football Dynamo, appartenant à l'usine sidérurgique du même nom, employant 100.000 personnes, et implanté près d'un autre aéroport de Moscou –Demédiétevo ou Békévo - pour les lignes intérieures que nous n'avons pas utilisées.

Les voitures de police, des Zigouli blanches, comportent une série de lampes clignotantes sur le toit, des écussons sur chaque côté et une sirène miaulante de la même façon qu'au U.S.A.

Le centre de la ville étonne par ses beaux bâtiments des siècles passés, de style classique français ou italien, peints en beige, rosé bleu ou vert clair.

Des slogans, ceux de Lénine le plus souvent, sont visibles sur le fronton de quelques bâtiments officiels. De gigantesques portraits de Lénine, des travailleurs aux bras musclés, où la couleur rouge domine, décorent les rues du centre de la capitale.

 

Après être passés devant la Lubianka, une énorme construction marron clair, toujours de style néostalinien, siège suprême du K.G.B, nous sommes arrivés à notre destination, l'hôtel Metropol.

Situé à côté de la place Marx, où se trouve la statue de Marx taillée dans un bloc monolithique de marbre noir, du Kremlin et du Bolchoï (Opéra de Moscou).

C'est un magnifique édifice, en style nouille du début du siècle. De grands lustres de cristal sont suspendus dans l'immense salle de restaurant, malheureusement trop faiblement éclairée.

A chaque étage, un réceptionniste remettait les clés et surveillait nos allées et venues.

Je constatais que les issues de secours étaient condamnées par de grosses chaînes cadenassées. Une télévision en couleur, à chaque étage, était allumée, tous les soirs.

Quelques ajouts, plus récentes que l' hôtel détonnait, dans le décor : meubles en skaï assez laids, fils électriques apparents sur les moulures, sprinklers du système de détection anti-incendie non dissimulés[8].

Au premier étage, ce correspond à un deuxième en U.R-S.S, un magasin vendait des souvenirs russes très prisés, contre des devises étrangères non moins prisées.

Un autre, vendait des produits de beauté russes, des badges de Lénine, et des souvenirs des Jeux Olympiques[9].

Un bureau de poste vendait des timbres et recueillait les lettres.

Une banque assurait le change.

Au rez-de-chaussée, un kiosque proposait des journaux russes, un journal anglais dans le style de la Pravda, pour les étrangers, et des timbres de collection.

Un bar servait des boissons contre des devises étrangères.

En redescendant à la réception du rez-de-chaussée, je vis un membre de notre groupe qui réclamait la chambre qu'il avait réserves avant son départ. Après trois jours de discussion, il ne put obtenir gain de cause).

L'hôtel avait son odeur, celle de vieux; les rues de Moscou un mélange de diesel et d'huile lourde qui demie, là aussi, une odeur très particulière.

Nous sortîmes et nous dirigeâmes vers la place rouge.

Dans les rues, nous pouvions constater la présence de militaires. Notre guide nous expliqua que c'était tout à fait permanent et non le fruit d'un rassemblement momentané.

Tous les militaires, comme les policiers, portaient de lourds manteaux verts et pour la plupart, des bonnets de fourrure gris-bleu.

Les antiques murailles en brique du Kremlin prenaient une teinte rouge sombre avec le coucher de soleil.

La longue queue, de plusieurs centaines de mètres devant le tombeau de Lénine (énorme blockhaus de granité rouge et de pierre noire polie) s'était depuis longtemps dispersée. De très grandes étoiles rouges s'allumaient sur les clochetons du Kremlin.

A dix huit heures, nous assistâmes à la relève de la garde devant le tombeau de Lénine, pendant que les cloches du Kremlin sonnaient .Deux soldats s'avancèrent colle des robots, pendant que deux soldats, au garde-à-vous, figés comme des statues, attendaient. Les arrivants se placèrent dans un garde-à-vous partait tandis que les partants s'en allaient sur le même pas cadencé que les autres.

Le Lobnoyesmiesta, le lieu des condamnations à mort dans l'ancien régime et de manifestations des dissidents, était désert.

Saint Basile, le Bienheureux, cathédrale byzantine orthodoxe aux nombreux bulbes multicolores, était fermée en raison des travaux de restauration.

Nous sommes allés au Goum, le plus grand magasin de Moscou construit au début du siècle. Un certain état de vétusté y régnait, murs lézardés, peintures écaillées, sol défoncé... et les articles proposés n'étaient ni variés, ni moderne. Par exemple, corsets, porte-jartelles, vêtements apparentés à la mode des années 1960. A l'intérieur du magasin, un jeune garçon, de quinze ans environ, me proposa un vieux briquet plaqué or contre des dollars. Il ne connaissait que très peu de français.

En raison de ma présence, de l'hypothèse d'une possible provocation et pour ne pas violer les lois soviétiques sur le trafic des devises[10]. Je n'ai finalement pas accepté.

L'éclairage était assez faible dans le magasin.

 

Avec mes billets russe en forme de billets de monopoly, je ne trouvais pas de cadeaux à acheter. Dans tout le magasin, les nombreuses vendeuses additionnaient sur des bouliers en bois le montant des dépenses. Dans beaucoup de magasins d'état on retrouve ces bouliers. Sauf dans les beriovskas, les banques et certains supermarchés.

La nuit était tombée en ressortant du magasin, et j'avais l'impression de me promener dans une ville qui appliquait des économies d'énergie, draconiennes ou en état de siège: Très peu de voitures, éclairages de faible puissance et importance de la présence militaire.

En entrant dans l'hôtel en courant pour monter plus vite l'escalier, je me fis arrêter par les portiers qui me demandèrent ma carte d'hôtel.

 

Pour notre premier repas, le plat de résistance fut du bourguignon et du riz.

Les serveurs étaient souvent cinq devant une table et se consultaient du regard pour savoir celui qui allait servir,     

L'eau du robinet était plus chlorée qu'en France. La limonade qui nous était servie avait un goût fade et bizarre, comme si le taux de bicarbonate était trop fort. Pour trois kopecks, la même boisson dans tes distributeurs de rue sont servies dans des verres que l'on pose sur le dessus de l'appareil et qui sont réutilisés par le client suivant.

En m'enfonçant dans mon lit, je constatais que la couverture était enveloppée d'un drap housse, fermé des quatre côtés , sauf en son milieu où est pratiquée une ouverture carrée octogonale pour permettre de la sortir, comme dans la plupart des pays de l'Est.

Le lendemain, le dimanche 13 avril, des physiciens et moi nous rendîmes dans la banlieue sud-ouest de Moscou en taxi. Le chauffeur, attaché à un hôtel, faisait cette course à son compte, ce qui est très courant ici. Mon voisin de chambre conversa avec lui en polonais; ce dernier était venu chercher du travail ici, il y a 15 ans et était heureux du déroulement des jeux Olympiques, ne comprenait pas le boycottage par les U.S.A. Notre guide ne semblait pas être au courant... comme beaucoup de russes.

Les femmes soviétiques croisées dans les rues ne sont pas habillées avec beau coup d'élégance, mais il ne faut pas oublier le choix limité des vêtements offerts dans les magasins et par ailleurs la mode ne joue pas tellement dans les préoccupations du régime.

Parfois, quelques femmes âgées, habillées de noir et en fichu, étaient visibles, mais beaucoup plus rarement qu'il y a dix ans.

 

Les vêtements à l'occidentale des Russes, sans être élégants, se sont améliorés, et l'on voit maintenant beaucoup d'anoraks. Vingt à trente % des gens portent des toques de fourrure. Tous les hommes sont couverts de chapeaux ou de toques.

 Nous avons traversé la Moskova prise par les glaces et nous avons aperçu l'Université de Moscou avec ses petits gratte-ciel pointus, construite sous l'époque stalinienne, dans le style de l'empire state building et les bâtiments olympiques encore en construction au moment où nous passions. Enfin nous sommes arrivés à Yugo-Zapadnaya quartier de l'appartement de Victor Brailovski, scientifique dissident qui nous recevait (2)

 Comme l'adresse du courrier n'est qu'une suite de chiffres, nous nous repérâmes par rapport à ces derniers, ce qui est très fréquent pour trouver un appartement dans la banlieue d'une grande ville en U.R.S.S.

 Sur de grands terrains vagues, tout autour de Moscou, avaient été construits une foule d'immeubles identiques, très longs de 15 étages, tous blancs, avec des petites fenêtres toutes pareilles. Plusieurs bandes verticales colorées sur la façade indiquaient l'emplacement de cage d'escalier[11]; le paysage était hallucinant :" Gennevilliers" et la "Courneuve" sur des centaines de kilomètres carrés.

 Pour atteindre l'immeuble, nous passâmes sur un chemin de dalles et en planches, dans la boue. La cage d'escalier, vert foncé, de l'immeuble était très propre. Le seul graffiti aperçu était une croix gammée à moitié effacée. La porte de l'ascenseur ressemblait à celle d'une étuve. L'ascenseur démarra brutalement et s'arrêta au 6ème étage de la même façon.

 Nous frappâmes à la porte cassée de Brailovski et ce dernier, un gros homme ventripotent, à la grande barbe de prophète, aux yeux clairs et volontaires, vint nous ouvrir.

 Son appartement assez petit[12], aux papiers peints verts pâles, très laids, était dans un désordre indescriptible.

 Toutes les pièces étaient presque vides mais remplies par des livres et un bric à brac de jouets, de valises et de chaises. Dans la cuisine, la gazinière semblait par sa forme extérieure, d'un modèle très ancien. En fait, ce genre de cuisinière n'est pas ancienne, seulement les différents articles manufacturés, voitures, camion, cuisinières... actuels en U.R.S.S ont l'aspect des choses qui étaient vendues vers les années 50, en occident. Il n'existe qu'un modèle de cuisinière et toutes les familles russes ont la même. Par ailleurs, les ustensiles électro-ménagers, robots, batteurs, mixeurs, ouvre-boîte et couteaux électrique n'existent pas dans le pays.

 Comme joint d'étanchéité thermique, des bouts de coton étaient placés aux interstices des fenêtres. Dans la petite salle de bains, disposant d'une baignoire douche, d'un lavabo et d'étagères bricolées on pouvait trouver du dentifrice russe, des produits de beauté russe et une bombe de mousse à raser occidentale apportée par des amis occidentaux.

 La conférence commença vers 10 heures, dans la salle de séjour, mesurant 4mètres sur 5, disposant d'un canapé, de quelques sièges, de piles de revues scientifiques d'un poste de radio à lampes.

 Une soixantaine de personnes, dans lequel les 24 étrangers dont 9 français, étaient présents.

 Brailovski ouvrit la conférence, tout en évitant de parler de ses récents ennuis[13].

Il remercia tous les scientifiques présents, en particulier les étrangers et rapidement évoqua le sort de Yuri Orlov[14].

Puis il lut la communication de Andreï Sakharov[15] "Baryon assymetry in universel". J'en profitais pour prendre des photos de la conférence.

Toute la journée et toutes les demi-heures, les orateurs se succédèrent. L'exposé de 20 minutes et le débat de 10 minutes, étaient en anglais. Je profitais de la présence du fils de Braïlovski, Léonid, pour lui poser dans une pièce séparée, des questions sur l'U.R.S.S. et sur sa famille.

J'appris, au cours de la conversation, un certain nombre d'informations. Son père est assez haut placé dans la hiérarchie scientifique et son appartement donné par l'état lui appartient, contrairement à la majorité des Russes qui loue le leur. Il a 19 ans et est en deuxième années d'Institut. Ses parents sont mathématiciens et lui-même est passionné de mathématiques, mais il n'a été admis qu'à l'Institut de l'industrie alimentaire. Il aurait préféré étudier seul, mais l'Institut constitue un rempart provisoire contre le service militaire qui est la pire des choses pour un "refusé" (sa famille est "refusée" de visa de sortie depuis 1972)[16].

Le semestre scolaire a été écourté à cause des jeux Olympiques. Les étudiants devront passer leurs examens de fin d'année, en avril (au lieu de juin), ainsi ils pourront être éloignés de Moscou longtemps avant l'ouverture des jeux.

L'éloignement s'applique aussi pour les intellectuels juifs repérés aux séminaires hebdomadaires du dimanche chez Braîlovski. Le fils, comme la mère, soutiennent l'action du père en étant prêt à risquer le camp, l'exclusion de l'Institut et la confiscation de l'appartement.

Ils connaissaient les conditions particulièrement extrêmes des camps. Régulièrement, des cercueils de jeunes soldats proviennent d'Afghanistan portant la mention "erreur de manœuvre", "tué par des bandits". J'ai été surpris par leur parfaite connaissance des événements d'Afghanistan.

Le soir, les scientifiques français et moi-même, sommes rentrés par le métro de Moscou, aux stations propres, et pour ce qui est du centre de la ville, luxueuses. Les stations de la périphérie de Moscou sont, par contre, quelconques.

Ayant du mal à me repérer dans le métro, car les correspondances sont rarement clairement indiquées, je me trompais et arrivais à la station Léninskaïa, décorée avec des statues rouges représentant des scènes de la Révolution d'Octobre.

J'appris, en rentrant à l'hôtel, que la majeure partie du métro avait été construite sous Staline qui voulait en faire un des plus beau du monde[17].

 

Un autre guide que Nadia nous accompagnait pendant le tour. Elle connaissait Janine Boissart mais non Marguerite Yourcenar. En lui donnant mon adresse elle me promit d'écrire, en retour je lui promis d'envoyer des livres de littérature française ..., en fait, je n'ai pas reçu de courrier d'elle, même si l'on peut s'imaginer ses tentatives faites dans ce sens. Ayant commis l'impair de lui demander " est-ce que votre salaire de 130 roubles est convenable en U.R.S.S ? ", elle m'a regardé et répondu sur un ton où la dignité se mêlait à l'irritation :

" Monsieur, comment voulez-vous qu'on vive avec un tel salaire ?"

 

Nadia, le soir, nous a recueillis à la sortie du parc. En montant dans le car, son beau manteau beige et ses bottes ont reçu une projection de boue d'une balayeuse qui passait à côté. Le lendemain, elle ne s'était pas changée, elle portait les mêmes affaires nettoyées.

Nous sommes passés devant le monument à la gloire des cosmonautes soviétiques, grande flèche oblique de titane de cent mètres de haut. Au loin, on pouvait apercevoir un très grand parallélépipède vitré marron sombre, l'hôtel Cosmos, construit récemment par une société française.

Actuellement, la ville est mobilisée pour les Jeux Olympiques : on repeint les façades et on regoudronne les rues partout.

Le soir, je suis retourné chez Braïlovski donner mon exposé scientifique. Malgré mon trac, devant la foule serrée, j'avais conscience de n'avoir jamais aussi bien parlé anglais. Vers 21 heures, en descendant vers le métro, B.... jeune mathématicien juif, travaillant dans une entreprise alimentaire, avec qui j'avais discuté le matin et à qui j'avais remis un Paris-Match sur l'Afghanistan, m'invita chez lui.

 

Nous prîmes un vieil autobus, très chargé, dont le prix était le même que celui du métro. Pour payer le titre du transport, c'est très simple. On introduit une pièce dans un appareil chromé disposant d'une vitre par laquelle on la voit tomber sur un ruban caoutchouté. On tourne un bouton entraînant la bande et la pièce tombe dans le bac. Ensuite, à côté, on déchire un ticket du ruban à tickets mis à notre disposition en self-service.

 

Je soupçonne avec ce système compliqué, que les transports en commun routiers de Moscou doivent être fortement subventionnés, sans compter le bas prix du voyage.

 

B.... mis 5 kopecks pour moi, mais ne mit rien pour lui. Après avoir traversé des bois de bouleaux, puis un petit village d'izbas[18] à moitié rasé pour permettre la construction de nouveaux immeubles et longé le grand autoroute circulaire de 20 kms de rayon qui ceinture Moscou, nous sommes arrivés devant un groupe d'immeubles identiques à celui de Braïlovski. L'entrée de la cage d'escalier vers laquelle nous nous dirigions était fermée par une serrure électrique qui ne s'ouvre qu'avec un code en tapant sur un clavier chiffré. Ici, comme partout ailleurs, les boîtes aux lettres bleues métalliques sont closes de telle manière qu'il est impossible d'y glisser une lettre ou un tract quelconque[19].

La femme de B..., très jolie, mais habillée d'un vieux pull marron taché et d'un Jean élimé, rapiécé, nous reçu avec amabilité. Avant de nous ouvrir elle donnait à manger à son fils de dix huit mois, habillé avec des chaussures et des vêtements de filles. Il était très amusant et éveillé.

L'appartement que B... louait était similaire à celui de Braïlovski. Une cuisine deux chambres, dont l'une servait de bureau et de chambre d'amis, l'autre plus petite pour Micha, une petite salle de bains, une salle de séjour et un débarras.

 

A la recherche de renseignements, dans le métro, je constatais que 5 à 10 personnes, au moins, fuyaient ou ne semblaient pas écouter pour une qui répondait à ma demande...en anglais.

Le nombre de militaires galonnés, aux costumes de toutes les armes qui rentraient chez eux, en banlieue avec leur attaché-case, souvent un exemplaire de la Pravda à l'intérieur, étaient encore moins serviables.

 

Le soir, le réceptionniste ne retrouvant pas ma clef, me fit attendre 5 minutes et finit par la découvrir dans son tiroir.

Le matin, prétextant une angine due au changement de climat, nous permit de nous absenter toute la journée, ce qui affola notre guide qui en avait été informée par personne interposée.

 

Après le dîner, je me rendais à un spectacle "Les chœurs de l'Armée Rouge" dans un grand auditorium moderne situé dans l'antique enceinte du Kremlin. Il n'existe, malheureusement pas, de conservatoire national des monuments historiques qui pourrait empêcher la construction de bâtiment dans un vénérable site historique.

Un soldat disposé tous les cinquante mètres, surveillait le trajet menant à l'Auditorium.

 

Pour mon goût, le spectacle, quoique techniquement parfait, me parut trop militariste. Par contre, j'appréciais la partie du spectacle sur les retrouvailles des amoureux après la guerre et la scène de la dépêche de Tarass Boulba au grand Turc inspiré d'un tableau célèbre du musée russe de Leningrad.

A l'entracte; j'allais dans la salle réception, située sur le toit, boire une bière assez mauvaise qui coûtait trois kopecks et mangeait un sandwich à l'esturgeon (?) fumé pour 50 kopecks.

Dans la nuit, je m'inquiétais pour mon voisin de chambre qui n'était pas rentré.

 

Sa femme, qui lui téléphonait chaque jours, était encore plus affolée. Il s'était tout simplement rendu, au seul bar de Moscou ouvert jusqu'à deux heures du matin. Celui ci est réservé aux étrangers de l'hôtel Russia. De belles jeunes filles (peut-être du K.G.B, dit-on) y flirtaient et sortaient avec les étrangers pour une "passe".

Je retournais à la conférence le lendemain matin et me perdais à nouveau dans le métro. Mais cette fois, une jeune fille blonde, parlant anglais, contrairement à tous les passants, se dévoua pour me conduire dans la bonne direction en me prenant par le bras. J'aurai s voulu la remercier, mais elle s'éloigna discrètement une fois son service rendu.

 

L'après-midi, je quittais la conférence pour visiter, avec le groupe touristique, l'exposition des réalisations soviétiques, construit du temps de Staline, comprenant de jolis pavillons à la française. On peut y découvrir une exposition sur les victoires spatiales soviétiques, dans le pavillon du cosmos (en réfection pendant les Jeux Olympiques), un autre sur l'agriculture, d'autres sur l'industrie et les républiques socialistes soviétiques, etc...

Nous avons juste eu le temps de voir le pavillon de l'artisanat national, présentant des objets de bois cuit au feu et recouverts d'un verni spécial résistant à l'eau bouillante[20], des broderies russe, des boîtes marquetées incrustées de nacre etc. ... et le pavillon des fourrures. Nous avons appris qu'en U.R.S.S 1.500 peaux de visons par an étaient produites , dont 20% exportées.

 

Un manteau coûte 15.000 roubles (le prix d'une voiture de prestige Volga) . Sachant que le rouble est à 7 francs, que le salaire moyen est de 130 roubles, on peut estimer que très peu de soviétiques en verront un au cours de leur vie. Ces chiffres seraient à vérifier, ce qui est difficile dans un pays à l'information strictement contrôlée.

 

La pénurie de logements seraient due au système lui-même. Par ailleurs, une tradition de mauvaise réputation du capitalisme développée par 50 ans de propagande, n'incite pas le peuple à retourner vers ce dernier système.

 

D'après les intellectuels russes[21] si l'évolution actuelle continue dans ce sens, l'U.R.S.S deviendra, peut-être le pays le plus religieux du monde. Nous avons parlé de la famille. B.... pense que la femme doit travailler à la maison. Il paru surpris, mais sans une attitude de rejet, par ma façon de penser que j'exprimais par le fait qu'il fallait partager le travail également et équitablement entre les conjoints, si tous les deux travaillaient[22].

Nous avons parlé d'O.V.N.I. ... il n'a pas d'opinion à ce sujet.

 

Nous avons échangé nos points de vue et nos informations sur la littérature française... en anglais, tout le reste de la nuit.

Dans la chambre d'amis où j'ai couché de 6h à 7h du matin, j'ai découvert une bicyclette demi-course. B…. en fait tous les dimanches, mais sa femme n'ose pas monter dessus. Beaucoup de soviétiques n'en possèdent pas et les deux roues sont assez rares à Moscou, ainsi qu'à Leningrad. Par contre, il n'est pas rare de rencontrer des motocyclettes par -50°C sur les routes de Sibérie.

 

 En sortant, vers 7h50, B... m'a montré une queue devant un magasin d'état. Le magasin ouvrait à 10h m'a-t-il signalé. J'ai été étonné en pénétrant dans ce magasin de trouver deux vendeuses par caisse, l'une vérifiant les calculs de 1'autre.

 En retournant à l'hôtel, après ma nuit blanche, j'avais provoqué l'inquiétude de mes collègues. Ils étaient prêts à téléphoner à l'ambassade. J'avais d'ailleurs manqué un spectacle au Bolchoï qui coûtait 5 roubles, mais je ne regrettais rien. Le temps s'était parti eu 1ièrement refroidi dans la nuit; La température avait baissée jusqu'à -6°C.

 

 Le matin, je me suis promené dans les rues de Moscou, juste avant de venir à l'hôtel. Les témoignages du passé Tsariste sont très présents : vieux hôtels particuliers, aux voilages épais, monuments etc. ... J'ai vu beaucoup de bus, de trolleybus et quelques tramways. Dans les devantures des magasins, des séries de boîtes identiques étaient empilées en pyramides décoratives. Dans les librairies, je n'ai pas vu une grande variété de livres. Le succès actuel semble être le 1 ivre de Brejnev.

 

J'ai constaté la quasi-inexistence de chiens et chats dans les rues de la capitale. Le seul chien aperçu pendant mon séjour, une sorte de berger briard, était descendu vers 6h du soir de l'immeuble de B..., la seconde fois où je suis retourné chez lui.

 Dans le métro, en sortant de l'hôtel, une jolie paysanne, au visage poupin, entouré d'un foulard, vendait des concombres. Les gens se précipitaient pour en acheter.

 Près du groupe d'immeubles de Braïlovski, d'autres paysans, ayant emporté une balance, occupaient un petit stand vitré avec le même produit.

 

 J'ai vu beaucoup de femmes balayeuses ou chauffeurs d'autobus. Des panneaux publicitaires géants, pour les Jeux Olympiques, étaient en cours de montage dans les rues.

 Je suis retourné le matin chez Braïlovki. L'après-midi, la conférence s'est clôturée par un cocktail comprenant des sodas, des bouteilles de vodka, de vins, des gâteaux secs, des délicieux bonbons fourrés, des sortes de cornichons géants et des champignons au vinaigre.

 On m'a montré deux collaborateurs du K.G.B, habillés en complet veston gris comme les autres intellectuels russes. Petit à petit, je me suis rapproché lentement de l'un d'eux, et j'ai commencé à discuter avec lui, d'abord de banalités.

 

Malgré la propagande officielle prônant l'égalité entre l'homme et la femme, il y a peu de femmes à la tête des entreprises ou dans le Présidium suprême[23]. Cela s'expliquerait, peut-être, par le rejet de toute idéologie imposée par la force.

 

Les meubles en sapin vernis, était du même modèle que ceux du scientifique dissident que nous venions de quitter. La salle de séjour était quasiment vide à part une petite table, des chaises, un canapé convertible, comme dans l'autre appartement, et une vitrine servant de bibliothèque. Ici aussi, l'appartement, soigné d'ailleurs, regorgeait de livres. Je découvrais même des livres de poche anglais -Penguin book- Je me demandais comment la famille avait pu obtenir ces livres. Plusieurs, beaux livres d'art étaient visibles dans la collection.

Je vis deux ou trois livres écrit en allemand[24].

 

Notre hôtesse était professeur de français et depuis qu'elle s'était arrêtée pour élever son enfant, elle n'arrivait plus à retrouver du travail.

Nous nous installâmes dans la salle à manger devant de grandes tasses en porcelaine, du thé[25], des gâteaux secs sucrés et des oranges. Je ne touchais pas aux oranges connaissant leur prix au marché noir !!

J'appris que Braïlovski organisait des réunions scientifiques tous les week-ends et que B... parfois, s’y rendait. Nous discutâmes de tous les sujets possible entre étrangers, en laissant de côté la politique et l'Afghanistan dont la situation actuelle n'est un secret pour les intellectuels juifs[26] ... de Dieu, de nos expériences, de la tradition raciste et antisémite qui survit encore actuellement dans le pays et dans la presse, du fonctionnement des laboratoires scientifiques, de littérature française, dont sont, par tradition particulièrement friands, les intellectuels russes.

J'appris qu'un retour de la foi était notable depuis dix ans, chez les juifs[27].

 

Dans la période stalinienne, les juifs avaient essayé une tentative d'intégration. A la fin de cette période, ils avaient perdu le plus souvent leurs traditions et le parler de l'hébreu. Actuellement se développe des cours clandestins d'éducation religieuse et d'hébreu, avec des livres datant souvent d'avant la révolution. Beaucoup de personnes ainsi que B... m'ont appris qu'il y avait une perte de foi dans le système marxiste. Auparavant, on mettait les erreurs du système sur le compte de Staline, de la guerre et d'une déviation erronée.

D'après leurs affirmations, on commence à admettre que la pénurie permanente, provoquant pour la ménagère des heures de perdues chaque jour dans les queues devant les magasins, le sous-développement chronique de certaines branches industrielles, électronique, automobile, ameublement, électroménager… ou agricole[28], puis ensuite je l'ai questionné sur sa vie de "Refuznick" ( refusé de visas de sortie d'U.R.S.S )

 

Voici la version des faits, tels qu'il me les a livrés :

 

Ingénieur aéronautique dans les usines Tupolev, il s'est fait mettre à la porte, il y a trois ou quatre ans, pour une faute qu'il ne m'a pas révélée. Etant juif, il a demandé son visa pour partir en Israël et depuis des années il est au chômage avec une femme et des enfants à charge. Il n'a pas obtenu son visa pour Israël, et le K.G.B est venu faire pression sur lui, en menaçant sa femme et ses enfants, s'il ne collaborait avec eux. Heureusement, il a toujours résisté aux pressions. Ses parents le faisaient vivre. Il était visible à sa mine que cet homme était alcoolique. De toute manière, s'il était collaborateur du K.G.B, il ne pouvait plus sortir d'U.R.S.S.

Ce dernier et son collègue, avaient posé des questions sur le groupe des Français. Au plus jeune scientifique du groupe et à sa femme, au visage très jeune, l'un a fait cadeau d'un médaillon en bois ouvragé, coûtant 20 roubles et introuvable en dehors des Berioska, en hommage au courage de la femme de ce jeune scientifique à l'air naïf.

Après le cocktail n'ayant pas vu B..., je suis reparti chez lui en essayant de redécouvrir le chemin qu'il avait pris. Sur le trajet, j'ai aperçu une vieille église byzantine aux fenêtres fermées par des plaques de tôle, à la porte d'entrée condamnée et aux bulbes rouilles.

Je me suis d'abord trompé de trajet et ai pris un bus qui nous conduisait dans le sud de Moscou par le grand autoroute ceinturant Moscou.

Au terminus, je suis parti à pied vers l'autoroute en essayant d'y faire du stop.

Des centaines de convois militaires passaient sur la route et les rares voitures ne s'arrêtaient pas.

Par chance, un vieux bus s'arrêta et le chauffeur en descendit pour vérifier le moteur. J'en profitais pour monter dans le bus. Il redémarra, mais toutes les cinq minutes il s'arrêtait comme si le moteur se noyait. Après un certain temps de cette allure fluctuante, je réussis à rejoindre mon point de départ et à trouver, enfin la bonne ligne.

Me fiant à ma mémoire visuelle, je pus retrouver l'arrêt, le bâtiment, l'escalier de b... Lorsqu'une personne descendit, je pus rentrer et sonner à la porte de mon ami qui m'accueillit avec une chaleureuse surprise. Nous restâmes à discuter dans la cuisine avec sa femme et lui. Je jouais avec le petit garçon, qui était très drôle.

A un moment donné, on me dit de ne pas sortir de la cuisine car B... recevait un élève, pour un cours de math. Sa femme m'offrit un reste de grosses pâtes russes et du bouillon de légumes. La cuisinière était la même que celle de Braïlovski (elles sont identiques dans tous les immeubles de Moscou.

Je retournais le soir à l'hôtel où le repas me paru meilleur que les précédentes fois. J'eus droit à la fameuse soupe aux choux rouges, le bortch. Pour le dessert nous avions de belles oranges sanguines.

Le lendemain, je suis reparti vers Leningrad sans avoir pris le temps de visiter le musée des armures, contenant les plus grandes richesses en bijoux et objets d'art de Moscou.

 

Nous sommes repartis du même aéroport, qu'en venant de France, en voyageant dans un Tupolev tri réacteur de l'Aéroflot.

Ayant mon appareil photos sans cache en bandoulière, et étant sur le point de photographier, lorsqu'un homme assis dans le bus, habillé d'un vieux manteau et d'un chapeau noir, portant un vieux sac cabas m'a fait signe gentiment de mettre le cache sur mon appareil.

Cela me remémora un autre incident. Une amie de voyage avait voulu prendre des photos de vieilles femmes en fichus, sur la place Rouge, mais un officier, ou policier s'était interposé.

 

 

 

 

 

Pendant le voyage l'avion tanguait, malgré des conditions climatiques exceptionnelles : ciel bleu sans nuage, avec une visibilité sur une centaine de milles.

Je soupçonnais que le servo-mécanique du pilotage automatique était mal asservi.

 L'avion était très sale et ma tablette comportait des taches de café et des traces de sucre. Il m'a été servi en tout, et pour tout, un verre de jus de pommes.

J'empruntais à l'hôtesse un magazine russe qu'elle lisait à côté de moi. Elle voulut d'ailleurs me l'offrir. Une partie importante des pages étaient consacrées à des photographies d'usines textile. Les dernières pages étaient consacrées à des dessins humoristiques et à des tableaux d'art ...

Dans l'aéroport de Leningrad se trouvait La même rangée de boxes blancs que ceux de Moscou.

Le temps était froid et bleu, mais Leningrad à la réputation d'avoir une température qui change souvent.

 La route nous conduisant au centre de la ville, passait par des champs gigantesques, devant un grand ensemble de serres où sont produit les légumes de Leningrad. Nous vîmes, ensuite des bâtiments d'habitation identiques à ceux vu dans la banlieue de Moscou. Près du monument de la bataille de Leningrad qui pointait sa flèche vers le ciel; derrière s'engageait une grande avenue bordée par des immeubles néostaliniens et débutant par un grand portrait de Brejnev.

 

Sur un immeuble de l'avenue, un portrait de Lénine occupait toute la façade .

Contrairement à Moscou, une bonne partie des tramways sont modernes.

Nous nous engageâmes par l'avenue commerçante "Nevsky Prospeck", comportant les plus grands magasins de la région, dont Gostinaidvor, le parlement et la cathédrale st Isaac, musée de l'athéisme.

L'hôtel Europskaïa qui nous accueillit, est un très bel hôtel du début du siècle.

Ici encore on trouve les magasins intérieurs : boutique de souvenirs et de produits de beauté , banque et la Beriovska. A chaque étage se trouve une réceptionniste.

Le centre de la ville construite par Pierre Le Grand (appelée auparavant Saint Pétersbourg) est du même style que le centre de Moscou.

Malheureusement avec le dégel, on ne peut voir la splendeur des jardins, en particulier ceux du champ de mars dont les statues sont emmitouflées dans de la laine de verre et couvertes par des cabanes de bois.

Quelques glaçons flottaient encore sur le grand fleuve, la Neva qui traverse Leningrad. Au loin, vers l'ouest, les grues du port se profilaient à contre-jour, au-dessus des toits.

De nombreux militaires se promenaient dans les rues, portant la tenue noire des marins de Kronstadt, l'école des officiers de la marine.

Vers 16 heures, nous avons visité le musée Russe. Dans ce musée une galerie est consacrée à la peinture de Nicholas Roerich[29]. Peintures de montagne uniquement dans les tons bleus, même bleu marine, comme si l'auteur de celles-ci voyait uniquement en bleu, couleur de paix.

Dans ce musée, j'ai été attiré par les plus beaux portraits de jeunes filles découvertes dans mon existence.

J'allais de surprise en surprise, Chagall (le violoneux sur le toit) Picasso, Monet etc... A la portée de la main, j'avais le tableau de la scène de Tarass Boulba rédigeant la fameuse missive au Sultan le Grand Turc, ou il est dit dans le post-scriptum "nous vous donnons nos culs à baiser"[30].

J'ai profité de mon temps libre pour visiter tous les grands magasins de l'avenue Nevsky Prospeck.

Dans la plus grande librairie de Leningrad "Dom Knipsky", j'ai relevé les titres de tous les livres en langue étrangère ( tous étaient d'ailleurs édités en U.R.S.S.

 

Les auteurs Français et Anglais étaient les plus représentés; le seul livre allemand était d'Heinrich Man.

Les auteurs anglais sont Shakespeare et les classiques.

Les auteurs français sont nombreux: Victor Hugo (95) Robert Sabatier (Allumettes suédoises) Marc Soléro, Paul Vaillant Couturier, Elsa Triolet (Rosé à crédit), Pierre Boule (Nouvelles) Jean-Louis Curtis, Henri Barbusse, Anatole France, Bazin ( Vipère au poing), Bernard Clavel, Proust ( Du côté de chez Swann) Romain Roland, Saint Simon (Mémoires) Beaumarchais (Le barbier de Sévi 1 le) et les noces de Figaro) André Maurois, Alphonse Daudet (Le Petit chose) Henri Troyat (Les décembristes) Flaubert (L'éducation sentimentale) Marcel Aymé (nouvelles). Un seul livre par auteur.

En collection de luxe, en langue anglaise, Gorki, Véra Parove, Michel Cholokov (Prix Lénine) Ivan Tourgueniev, Anton Tehekov, Pouchkine,1 van Bunin.

Le rayon des livres et revues militaires occupe toute une salle.

De nombreux exemplaires du livre de Brejnev y sont en vente.

Je suis ressorti de la librairie et j'ai décidé, en me souvenant d'une liste de prix relevés dans un livre intitulé " Vivre à Pékin" (Stock), et faire de même en relevant les prix de tous les articles présentés dans les magasins de la grande avenue où se trouvait la librairie citée plus haut.

Voici ci-dessous la liste des prix relevés dans les magasins, associés à ceux fournis par le guide touristique de Moscou.

 

LISTE DE PRIX RELEVES EN U.R.S.S. (avril 1980)

 

Salaire moyen du Russe : 140 roubles = 980 francs français

1 rouble = 100 kopecks = 7 francs français

Salaire d'un balayeur : 89 roubles = 625 francs français

 

NOURRITURE:

 

- Viande ( abats... )

 2 R

   14 F.F

Le Kilo

- Macaronis

64 K

 4.48 F.F

"   "

- Andoui1le

 3.70 R

25.90 F.F

"   "

- Café

 3.25 R

24.50 F.F

"   "

- Dinde

 3.20 R

22.40 F.F

"   "

- Lait

30 K

 2.10 F.F

le 1itre

- Oeufs

 1.30 R

 9.10 F.F

les dix

- Beurre

23 K

 1.61 F.F

les 100 grs.

- Confiture

70 K

 4.90 F.F

les 650 Grs.

- Pommes

 1.5 R

10.50 F.F

le Kilo

- Brioche

25 K

 6.65 F.F

"  "

- Jus de pomme

46 K

 3.22 F.F

75 cl

- Poulet

 1.75 R

12.25 F.F

le Kilo

- Boui11ie pour bébés

46 K

 3.22 F.F

les 250 grs.

- Thé

38 K

 2.60 F.F

les 115 grs.

- Thé de 1uxe

76 K

 5.32 F.F

les 56 grs.

- Fromage

 3 R

21.00 F.F

le Kilo

- Farine

68 K

 4.76 F.F

"  "

- Pain noir

18 K

 1.26 F.F

"  "

- Pain blanc

13 K

 0.91 F.F

"  "

- Chocolat

65 K

 4.55 F.F

les 125 grs,

- Soupe en poudre

30 K

 2.10 F.F

le sachet

- Boisson au distributeur 

3 K

 0.21 F.F

le verre

 

HABILLEMENT :

 

Chaussures plastique

 60 R

420.00 F.F.

Chaussures cuir

120 R

 840.00 F.F.

Toque de fourrure

60 R

420.00 F.F

Manteau de vison

9000 R

65000.00 F.F (guide touristique)

Corset de femme

 10 R

70.00 F.F

Slip de bain

 5.50 R

25.10 F.F

- Jeans occidental

141 R

1.000.00 F.F (marché noir)

- Tissu

18 à 45 R  

126 à 315 F.F le mètre

- Chaussettes de laine

1.75 R

12.25 F.F

- Chemises d'hommes

10.50 R

73.00 F.F

- Anorak

275 R

192.50 F.F

- Foulard

7.7 R

33.60 F.F

- Cravate

2.6 R

18.20 F.F

 

VOITURES

 

Zigouli (construit sous licence F.I.A.T = F.1.A.T 128)(Lada)

 7.000 R                     

49000.00 F.F

Volga 5 (Construit en U.R.S.S. Taille de la 604 Peugeot)

9.000 R

65000.00 F.F

 

DISQUES

 

- Disque 33 tours

1.45 R

10.15 F.F

- Coffret de disques de musique classique (4 disques)

4.80 R

55.60 F.F

 

Les disques de musique moderne européenne et américaine sont interdits exemple : jazz, pop etc...

 

LIVRES

 

- Livre d'apprentissage du permis de conduire

90 K

6.30 F.F

 - Livre de mauvaise qualité

23 K

1.61 F.F

- Livre de luxe

1.90 R  

13.30 F.F

- Livre d'art

4.35 R

   30.45 F.F

- Bouteille d'encre

17 K

1.19 F.F

 


DIVERS-

 

- Billet de loterie nationale

50 K

3.50 F.F

          - Essence ordinaire

15 K

1.05 F.F

- Montre

30 à 60 R

210 à 420 F.F

- Compas

3.29 R  

23.03 F.F

- Téléviseur N&B 50 Cms

206 R 

1442.00 F.F

N & B 60 cms

296 R

2052.00 F.F

             - Couleur 20 cms

470 R

3200.00 F.F

- Cartes postale

6 K

0.42 F.F

- Rasoir électrique

21.5 R

150.00 F.F

- Laque à cheveux

2.8 R

10.60 la bombe

- Dentifrice

45 K

3.50 F.F

- Parfum

10 R

70.00 F.F  10 cl

- Raquette de ping-pong

2.20 R

15.40 F.F

- Carte mondiale plastifiée

4,61 R

32.27 F.F

 

LOGEMENTS

 

- Datcha en bois 2 pièces

10000 R

70000 F.F

- Loyer moyen pour deux pièces Moscou

8 R

56 F.F./mois

- Appartement d'état 2 pièces au centre de Moscou Loyer mensuel

 15 R

105.00 F

- Appartement coopératif dont on devient propriétaire au bout de 25 ans. Premier versement

5600 R

25200.00 F.F

- Idem.  Puis par mois

45 R

515 F.F

 

Délais d'attente pour obtenir un appartement :

 

Moscou

2 ans

Leningrad

5 ans

Kirchîriev

7 ans

 

Après cette visite de magasins où j'ai acheté des souvenirs d'U.R.S.S nous avons mangé dans la grande salle de restaurant de l'hôtel où les serveurs étaient inefficaces et nombreux. Pour ma part, je renonçais après maintes discussions avec ces derniers, à obtenir un verre d'eau et une aspirine.

Une Française, vivant depuis longtemps en U.R.S.S, nous a déclaré que le pays était invivable pour un étranger et que les micros de l'hôtel étaient cachés dans les murs.

Le lendemain matin, pendant que des scientifiques du groupe rendaient visite à des artistes interdits, je visitais avec le groupe touristique le plus grand musée du monde, le musée de 1'Hermitage créé par Catherine 11, datant de 1714.

Il est intégré au palais d'hiver au style classique italien (?) et peint en couleur vert-clair.

A une vitesse record, nous avons contemplé des milliers de tableaux, des portes marquetées et sculptées, des vases de 2 mètres de haut en lapis-lazuli et en malachite, des tableaux célèbres dont : La vierge à l'enfant de Léonard de Vinci.

Nous n'eûmes pas le temps de voir les collections d'armes de Tula, ni les jardins suspendus, ni la salle d'Apollon, ni le théâtre de l'Hermitage. Nous traversâmes la loggia Raphaël, aux milliers de bas-reliefs magnifiques (réplique de la loggia Raphaël du Vatican), le hall du pavillon, la suite nord, la salle Guarenti, la salle Léonard de Vinci, la salle de la renaissance italienne, l'escalier du conseil d'état, la galerie ouest exposant des œuvres gothiques etc...

Sur la place du palais d'hiver, lieu de la révolution populaire de 1905, des marins en noir, avec des drapeaux violets, répétaient un défilé pour le premier mai.

Pour cette fête, la ville était décorée de faisceaux, de drapeaux, de fanions rouges. Les portraits de Lénine et Brejnev, étaient suspendus aux balcons.

Notre prochain lieu de visite était la forteresse de Pierre et Paul Petropoviovski situé sur une île de la Neva, un des plus beau fleuve du monde, large, profond, puissant, gris-bleu.

Dans celle-ci, une basilique byzantine à la décoration chargée, contenant tous les tombeaux des Tsars de Russie.

Le tombeau du Tsar Alexandre III assassiné par les anarchiste, est sculpté dans un bloc monolithique de jade, et celui de sa femme dans un bloc de rhodonite, de dimension comparable.

La flèche d'or de la basilique se dresse vers le ciel comme si elle voulait le rejoindre.

A côté de l'hôtel des monnaies, encore en fonctionnement , la prison tsariste a été transformée en musée. Sur chaque porte de cellule est inscrit dans un sous-verre, le nom du prisonnier et son portrait, pour ceux qui furent célèbres.

De part et d'autre de la Neva, nous pouvions apercevoir, d'un côté le palais d'hiver, les jardins du champs de mars, les très beaux bâtiments de l'amirauté[31], à la coupole et flèche d'or, de l'autre, une place avec un gigantesque portrait de Lénine.

 

 Le long du quai, était amarré, le croiseur Aurore, actuellement bateau école, celui-ci participa à l'insurrection de 1917).

 Nous avons vu successivement l'église du Sauveur-sur-le-sang, belle basilique byzantine aux bulbes ouvragés, construite sur l'emplacement de l'assassinat du Tsar Alexandre 111, abritant un garde-meubles, et l'église Smoinyo (Smolny en russe signifie " goudron" , à cause de la couleur grise de ses bulbes).

 Notre destination finale fut le Beriovska du plus grand hôtel de Leningrad[32].

 Au retour, nous avons appris que le « musée de l'Athéisme[33] » est le point culminant de la ville d'où il est interdit de photographier. Je retenais qu'à Leningrad, les gens étaient moins brusques, guindés et plus serviables, pour une demande de renseignement. (Depuis mon séjour ê Moscou,  j'avais renoncé à demander mon chemin aux militaires).

 J'ai rencontré dans notre groupe, des gens très intéressants. Claude pianiste,  52 ans, est organiste, professeur de musique. Il est très sensible et semble aimer les belles choses, d'après la description qu'il m'a faite de l'intérieur de sa maison. J'ai tout de suite sympathisé avec lui.

 

 Le soir, avec un membre du groupe, j'ai assisté à un concert de musique classique, dans la magnifique salle de la Philharmonia [Philharmonie] de Leningrad, à côté de notre hôtel. Le prix du concert était de 1R30. De grosses Volga noires, avec chauffeur, étaient garées sur les trottoirs attenants.

 La salle blanche, au plafond très haut, supportait d'immenses lustres de cristal.

Nous nous retrouvâmes assis à côté des scientifiques américains, qui faisaient partie d'un autre groupe touristique. L'américain à côté de moi fut amusé de découvrir que le numéro de son billet correspondait à sa date de naissance.

 Les Russes, dans la salle, étaient assez bien habillés et les femmes avaient de magnifiques robes de soirée, dignes des grands couturiers parisiens.

Dans la galerie qui courait au-dessus de la salle, s'étaient installés, deux spectateurs, deux personnages mal rasés et portant lunettes noires; je les fixais du regard, je ne sais s'il y eut un rapport de cause à effet, ils se levèrent, firent le tour de la galerie vide et s'assirent derrière un pilier.

 Le violoniste, de classe internationale, interprétait accompagné d'une pianiste des sonates pour violon et piano de Brahms, de Gabriel Fauré et de Prokofiev.

Le final du concert fut une adaptation de "Porggy and Bess" de Gershwin.

 

A côté de moi, deux jolies jeunes filles blondes, très élégantes, aux grands ongles vernis, m'apprirent qu'elles étudiaient les langues orientales à l'université de Leningrad. Nous sommes allés à l'hôtel boire une consommation. Voulant connaître la mentalité des jeunes filles russes, je leur posais la question " Quel était leur idéal ? "Après s'être regardé, elles partirent.

 

Je restais seul avec mon ami et constatais que l'ensemble des consommations disponibles ne correspondaient pas à la liste offerte, comme bien souvent en U.R.S.S. A ce moment, un groupe de jeunes aux coiffures imitant les rockers des années 50 firent irruption dans le bar pour étrangers, mais refoulés fermement par le serveur. Fait étonnant, car les hôtels pour étrangers sont gardés par le service de sécurité ce qui empêche les voyous - qu'on appelle encore houligans - ou les durs de sinistre réputation - qu'on appelle blatnoïs - d'y pénétrer.

Dans la journée je commis une faute impardonnable en voulant photographier les agents de ce service à leur insu. Je m'aperçus par la suite que ma pellicule avait été arrachée.

A l'hôtel Europskaïa on mange très bien, mais l'eau du robinet a un goût d'égout, dans la chambre le combiné radio-électrophone à lampe ne fonctionne pas.

La télévision projette ,beaucoup de films militaires, et, sur le passé révolutionnaire.

La personne chargée de faciliter les relations entre Transtour et l'Intourist résidant en U.R.S.S depuis 2 ans, me conseilla vivement de lire "Les Russes" (La vie de tous les jours en U.R.S.S.) d'Endrich Smith (livre de poche) pour elle, un des livres les plus objectifs parus sur l'U.R.S.S.

J'ai visité un magasin de musique de l'avenue Nevsky Prospect et trouvais des disques de variété, de folklore russe, de musique classique, mais pas de jazz ni de Pop musique. ( La Pop musique est assez mal vue en U.R.S.S.)

Dans la salle de restaurant de l'hôtel EuropskaTa, un groupe de jeunes disposant de guitares électriques et d'amplificateurs occidentaux, jouaient, le soir d'une manière édulcorée des airs d'Elton John[34], avec une parfaite connaissance du répertoire.

 

Le lendemain matin nous avons visité à 50 kms de Leningrad le château de Pavlovsky. Ce château, beige, comporte une grande coupole circulaire avec deux bâtiments s'avançant de chaque côté en arc de cercle autour d'une place ronde. Au milieu de cette place, une statue militaire représente un célèbre général russe.

Ce château fut entièrement détruit sous les bombardements de la bataille de Leningrad (41/42) et entièrement reconstruit par les artisans de Leningrad.

 

Ce travail a duré 50 ans. Le sort du château de Pouchkine, ancienne résidence baroque, peinte en bleu roi,de Catherine II que nous avons visité, ainsi que la résidence d'été de Pierre le Grand, le palais de Péterhof, dans la banlieue de Leningrad, au cent quarante fontaines, furent identiques. Détruits puis reconstruits entièrement[35].

Le soir, je rencontrais un poète russe qui me raconta son histoire dans un très bon français ( langue et culture toujours appréciée par l'intelligentsia russe. Cela en raison d'une longue tradition d'échange culturel entre la Russie et la France). Il venait de divorcer et se trouvait sans domicile fixe. La pénurie des logements en U.R.S.S limite le nombre de divorces.

 

Dans le cirque d'hiver de Leningrad, nous avons assisté à une représentation d'une qualité rare, comprenant un numéro de jongleurs, de trapézistes, d'ours, de clowns, de funambules etc. ... Les sketchs des clowns étaient politiquement orientés. L'indien jouait le bon rôle face au mauvais cow-boy qui tirait des coups de revolver à tort et à travers. Un autre, chanteur pop, portant un tee-shirt déchiré à l'effigie du Christ, hurlait affreusement, se roulait par terre, puis simulait une crise d'épilepsie. Des clowns brancardiers l'emportaient dans les coulisses.

Le théâtre Kirov, le palais d'été etc. ... restaient à voir, mais déjà notre voyage en U.R.S.S se terminait.

Leningrad recèle une bonne partie de l'intelligentsia Russe, même si la pression politique y est plus forte qu'à Moscou.

La ville, surnommée la Venise du nord, à cause de ses canaux, m'a laissé l'impression d'une ouverture sur l'Occident. But visé par Pierre le Grand, son constructeur.

 

La ville a subi un grand nombre de transformations depuis la révolution : château abritant clubs et Institut de recherche, hôtels particulier habités par de nombreuses familles[36], cathédrales transformées en musée, l'abbaye baroque Alexandre Nevsky entourée d'un cimetière où reposent Tchaïkovski, Dostoïevski, Rimski-Korsakov, devenue laboratoire. Le palais de Tauride demeure du favori de Catherine II, Potemkine, puis siège de la Douma parlement créé lors de la révolution de 1905 et supprimé en 1917, logeant l'école des cadres du Parti, le Palais de marbre abritant le musée Lénine, le Palais de la Tsarine mère, Anitchkov[37], devenu club des enfants et pionniers de Leningrad.

Malgré ces métamorphoses, Leningrad a gardé son décor immuable.

Le jour du départ, après avoir repris le chemin de notre arrivée, où j'avais vu de grandes queues devant les magasins et beaucoup de camions militaires, nous nous sommes arrêtés au mémorial commémorant la résistance de Leningrad.

 Il comportait une colonne monolithique gris noire de près de cinquante mètres de haut et de grandes statues de bronze de soldats, entourant une place circulaire située à trois mètres du niveau des rues. Une galerie avec des torches allumées et fichées dans la paroi, cernait cette place.

Nous avons pénétré dans la vaste crypte du monument où se déroulait une cérémonie de jeunes Komsomols, en chemises blanches et foulards rouges, jupes noires pour les filles.

Tout autour de la salle, des ampoules à décharges électro1uminiscentes, aux électrodes en forme de flammes, donnaient un éclairage semblable à celui des flambeaux. De grandes fresques retraçaient les épisodes de la bataille et dans les vitrines étaient conservées les reliques de la bataille.

Après cette dernière visite, nous avons pris la route de l'aéroport, le long de laquelle des gens effectuaient le traditionnel travail volontaire.

Après des adieux touchants à notre guide, nous avons pris l'avion de la ligne Fin Air, et nous avons survolé d'abord la frontière repérable par ses stations radars et ensuite la Baltique prise par les glaces.

Puis nous nous sommes arrêtés deux jours en Finlande qui contraste avec l'U.R.S.S.

Les magasins y sont mieux achalandés, la circulation y est plus dense, les vêtements de ses habitants y sont plus variés.

L'hôtel Marski, avenue Mannerheim, grand général Finlandais, héros national; est très luxueux: moquette profonde dans les chambres, graduateur de lumière, radio en état de marche, sels de bain, eau de Cologne, télévision couleurs gratuite comportant sept chaînes. Le soir je regardais quelques émissions axées sur les passe-temps, comme l'archéologie, la nature, la poterie etc. ...

Le prix des souvenirs, avec le change, est aussi plus élevé. La ville est soignée, mais un peu froide d'aspect avec un petit côté Suisse. Ses rues sont bien entretenues et les maisons individuelles par leurs couleurs éclatantes et claires, et, entourées d'arbres, présentent l'aspect d'une ville d'eau.

La cuisine finlandaise nous a paru copieuse avec moins de poisson que je ne le craignais.

La maison du Président est très simple, en bois peint, seulement protégée par une clôture en bois peint. A côté, dans un square, un monument moderne, fait de tuyaux parallèles, inoxydables, soudés, est dédié au compositeur Sibelius.

En entrant dans un grand magasin, j'ai pu y trouver des meubles dans le style design finlandais, sobres, esthétiques, en sapin clair.

Les assiettes en verre, ou cristal blanc, non ouvragées, comportent souvent des motifs, souvent en rapport avec la nature.

Les Finlandais adorent la nature et cela s'exprime par les saunas, le sport, le ski nordique. La ville d'Helsinki se dépeuple car ses habitants se font construire des chalets dans les forêts de la banlieue.

 

Le port et la baie du Sud Harbour était à l'époque encore pris par les glaces; un grand nombre de cargos, brise-glace, étaient en rade. Nous avons visité deux temples, dont l'aménagement intérieur reflète l'influence calviniste de ce peuple, contrastant avec la richesse des églises orthodoxes russes.

Le premier Saint Nicolas, 1830, au style classique, comporte de magnifiques grandes orgues, aux sculptures peintes grises et dorées. Il domine la plus grande place d'Helsinki, qui porte encore les traces des durs combats Russo-Finlandais de 1939

Dans la seconde église, ultra-moderne, à moitié enterrée, taillée dans le roc, nous avons assisté à la répétition d'une chorale et d'un orchestre de chambre, jouant le Gloria de Vivaldi, les Messes de Liszt et d'autres chants religieux.

L'interprétation convaincante, m'a transporté.

Beaucoup de gens participent aux chorales et ce pays est souvent arrivé finaliste dans de nombreuses compétitions internationales. Malgré ses 93 % de calvinistes la tolérance serait respectée envers les 6% d'orthodoxes. Presque la moitié du parlement finlandais est composé de femmes. Deux partis politiques y sont importants, les socialistes et les bourgeois.

Une grosse entreprise privée L'Arabia, contrôle une partie de l'économie dans le domaine naval et métallurgique.

Les lois contre la pollution sont sévères, les amendes contre les industriels sont plus élevées qu'en France.

Beaucoup d'aménagement sont réalisés pour les handicapés.

Le nationalisme est très vif. Une haine profonde des Russes subsiste, suite aux deux guerres Russo-Finlandaise, dont la dernière fut particulièrement meurtrière.

Dans ces combats, dirigés par le général Mannerheim, la Finlande perdit la Carélie, la Laponie  (une partie), c'est à dire 11 % de ses ressources économiques.

En franchissant la douane de l'aéroport, j'ai de nouveau dissimulé sous le manteau, les poèmes interdits et les dessins à la plume d'artistes non-conformistes de Leningrad.

En France, tout se termina pour le mieux, par une conférence de presse au cercle républicain, le 21 avril, réunissant tous les participants français, beaucoup de dissidents immigrés et mon ami Joseph.

 

Le professeur Kessier, maître de recherche au C.N.R.S nous fit le récit de son voyage à Kiev dont voici un extrait :

 

« Dès mon arrivée à Kiev, je me suis rendu chez mon ami Vladimir Kislik, ancien physicien nucléaire, et l'une des figures les plus représentatives parmi les réfugiés de Kiev. J'ai pu rencontrer Kislik et madame Mourjenko, épouse de l'un des condamnés du procès de Leningrad. Le dernier à se trouver au bagne. Kislik a eu en juillet 1979 une entrevue encourageante avec le ministre de l'intérieur de la R.S.S. d'Ukraine, celui-ci lui a dit "vous aurez bientôt votre visa" ».

 

Cette déclaration n'a été suivie d'aucun effet. Les services de sécurité soviétiques veillent à empêcher tous contacts avec le monde extérieur. Depuis plusieurs mois, Kislik ne reçoit plus aucun courrier. Les envois qu'il avait reçus, auparavant de l'étranger, livres et documents scientifiques, ont été confisqués dans leur presque totalité. A trois reprises, il a été appelé au bureau de poste pour recevoir une communication de Tel-AVIV où vivent son ancienne femme et son petit garçon de 11 ans. Il n'a jamais pu obtenir cette communication, en dépit des longues heures d'attente à la poste. Depuis novembre 1979,il y a eu une vague massive de refus de visa de sortie ( le chiffre de 7000 nouveaux refus m'a été cité) Certains candidats à l'immigration ont vu leur demande rejetée presqu'immédiatement après l'avoir déposée. Le nombre total des refusés de Kiev serait actuellement de l'ordre de 12000, le chiffre correspondant pour l'ensemble de l'U.R.S.S. d'environ 200000.

Il y a quelques semaines, un certain nombre de refusés se sont réunis à l'occasion de la Pâques Juive. Le lendemain, les services de sécurité ont convoqué, en particulier Kislik pour lui déclarer que de telles réunions étaient intolérables. En mme temps on lui affirmait " vous ne partirez pas, car vous détenez des secrets. ".

 

Au cours de la conférence de presse, nous apprîmes les faits suivants :

Sortant de l'appartement de Kislik, le professeur Kessier, (60 ans) fut battu sans brutalité, par un certain nombre d'hommes non-identifiés, qui lui signifièrent de ne pas se rendre chez un " refusé ".

La nuit suivante, plusieurs hommes ouvrirent sa chambre d'hôtel, et vinrent silencieusement l'entourer, puis repartir.

Les participants de la réunion, furent félicités par le Professeur Kastler, prix Nobel qui présidait l'assemblée.

 

REFLEXIONS PERSONNELLES SUR L'U.R.S.S

 

Avertissement : Toutes analyses, quelque soit le degré de culture, d'honnêteté de leur auteur, ne peuvent qu'être imparfaites. C'est pourquoi elles ne sont livrées qu'avec la plus grande prudence, avec la recommandation au lecteur de garder son esprit critique, au cours de la lecture.

 

1) La stabilité du système

 

Contrôle de l'information : Malgré un niveau de vie et de liberté d'expression intérieur au reste de l'Europe, il semble étonnant peur 1'observateur cultivé, mais n'ayant jamais vécu dans un système sans liberté que l'opposition des dissidents en U.R.S.S. soit très réduite.

Les communistes français pensent que les soviétiques préfèrent et désirent garder ce système parce que le chômage y est inexistant.

Je voudrais présenter ici une autre réalité des choses qui me paraît plus proche de la réalité et explique la faiblesse de l'opposition, donc en partie la stabilité du système. Cette faiblesse serait expliquée par l'impossibilité pour quiconque de faire entendre sa voix auprès du peuple et par un manque de communication libre entre les gens, les empêchant de se coordonner pour une action syndicale-politique. Comment s'effectue ce contrôle ?


 

a) Contrôle sur la confection de propagande d'opposition :

 

Les machines à écrire sont numérotées et une feuille comportant l'alphabet frappé par la machine et conservée par les agents de la sécurité afin de repérer rapidement l'auteur de tous les écrits d'opposition.

Les photocopieuses peu répandues, sont toujours gardées par un préposé qui contrôle les documents photocopiés. Il n'existe pas de photocopieuse libre-service payante, comme dans nos centres commerciaux, où nos postes occidentales.

Les ronéos ne sont pas en vente libre. Il est interdit dans la pratique d'en posséder une pour son usage personnel. De toute manière la vente de stencil n'existe pas.

Les presses à imprimer ne sont pas en vente.

 

b) Sur la possibilité de diffusion:

 

- Toute personne prenant le risque de faire fonctionner une radio-pirate ( cela ne s'est jamais vu) peut être fusillée pour espionnage.

- Le courrier est ouvert, censuré et peut être saisi

- Les boîtes aux lettres sont hermétiquement closes. Un panneau amovible arrière commun à toutes les boîtes aux lettres, peuvent être ouvertes par la clef du facteur.

- Le passeport intérieur freine la possibilité de déplacement pour raison politique clandestine ( dans ce passeport on doit noter le lieu de destination)

 

c) Sur la possibilité de réunions ou de manifestations de masse :

 

 r Dans toutes les grandes villes des agents de la police secrète en civil (K.G.B) ont pour fonction de surveiller les rues. La moindre velléité de manifestation est découragée par "les paniers à salade ". Tout policier possède un talki walki pour communiquer avec ses collègues, ou supérieurs.

 - Toutes réunions clandestines dans un appartement peut être dénoncées par les voisins ou un agent de la sécurité peut s'y infiltrer (voir ci-avant dans notre compte-rendu de voyage en U.R.S.S.). Puis les participants peuvent être convoqués séparément dans le but de les disperser, de les dissuader ou de les arrêter.

 

 d) Sur la possibilité de s'informer sur l'extérieur :

 

 - Les radios étrangères sont souvent brouillées, en particu1ier"!a voix de l'Amérique" et radio " Liberty" . ( La radio constitue la première voie d'information en U.R.S.S. sur l'extérieur )

 - Le courrier provenant de l'étranger est systématiquement ouvert malgré la convention internationale sur le courrier, signée par 1'U.R.S.S." Pour respecter" cette convention, la censure est plus discrète. Le courrier non-recommandé peut être "perdu" . Le courrier recommandé avec accusé de réception, avec la mention "erreur d'adresse" peut être retourné, ou bien le destinataire peut ne jamais recevoir le courrier, pendant que l'accusé de réception revient à l'expéditeur. (Ce qui est arrivé à l'auteur de ce livre récemment). L'envoi d'un livre, ou d'un colis par la poste est en général aux risques et périls de l'usager. Le moyen le plus sûr reste le colis avec valeur déclarée. Si la poste russe perd trop souvent des colis, le montant important à verser à l'expéditeur, oblige souvent celle-ci à transmettre à contre cœur, le colis au destinataire. ( Le courrier postal ne constitue pas, en général, une grande voie d'information sur 1'extérieur).

 - La circulation des hommes se contrôle difficilement en raison de l'impossibilité actuelle de lire dans les cerveaux. (Cette circulation constitue la deuxième voie d'information importante). Le seul contrôle consiste à repérer les gens dans une réunion, l'écoute des gens par micros interposés et la dénonciation de familles soviétiques, qui ont reçu, un ou plusieurs étrangers, par les voisins ou le concierge souvent collaborateur. Cette famille est vertement sermonnée, en général, et dissuadée de recommencer. Seuls quelques gens courageux malgré les menaces, continuent à recevoir des étrangers[38]. (Une personne étrangère repérée, quant à elle, peut être convoquée par la police, parfois emprisonnée ou expulsée, mais toujours relâchée. Ses papiers d'identité peuvent être confisqués ainsi que les documents qu'elle pourrait transporter. Elle risque seulement de ne pouvoir retourner en U.R.S.S par refus de visa).

 - Le téléphone est systématiquement écouté.

 - Les livres dans les bagages peuvent être repérés dans la fouille ( non-systématique). Le douanier possède une longue liste de livres interdits. Dans le doute le livre peut être confisqué, ou rendu après le séjour en U.R.S.S. (Malgré tout la troisième voie d'information en U.R.S.S.) La fouille corporelle peut être parfois effectuée, mais suivant la loi internationale, en présence du consul du pays de l'étranger. La fouille n'est pas systématique, afin de garder l'image de marque de l'U.R.S.S. auprès des touristes.

 - Les étrangers vivants pour une longue période en U.R.S.S, à l'exception des communistes étrangers des partis communistes frères, sont logés dans des quartiers réservés, gardés par la milice où l'on ne peut rentrer qu'avec un laissez-passer.

 - Les bouquinistes et les foires aux livres sont régulièrement contrôlés, mais l'ampleur de la tâche de contrôle permet l'existence, malgré tout, d'une certaine circulation non-contrôlée entre les Russes[39].

 

- Pour tenter de circonscrire et d'enrayer totalement l'augmentation du nombre de personnes aidant les étrangers et fournissant des informations aux dissidents les courroies de transmission du système - Partis Communistes frères, Association U.R.S.S. pays étrangers,  Association pour la Paix noyautée par le K.G.B.[40] - diffusent une contre propagande en faveur de 1'U.R.S.S. Un des multiples moyens pour maintenir la stabilité du système.

A cause de la faiblesse de l'opposition, celle qui possède l'information , c'est à dire 1'intel1igentzia et de la difficulté de trouver des livres, en raison du bas niveau culturel des russes- entretenu par le système (voir paragraphe intitulé " sur le bas niveau culturel des Russes dans notre partie réflexions sur 1'U.R.S.S.) Peu de russes cherchent à s'informer et se laissent pénétrer sans résistance par la propagande communiste. Celle-ci montre les pays capitalistes en décadences, au bord de la révolution, déchirés par des conflits sociaux et le racisme.

La mentalité créée par une longue tradition de servage[41] et le traumatisme de la terreur stalinienne encore présent dans la majorité des familles soviétiques[42], accoutume plus facilement le citoyen à devenir un assisté du système, ne disposant d'aucune initiative qui n'était ordonnée de plus haut, par l'administration, ses chefs hiérarchiques et le Parti.

En fait la vision du russe est sans idéal - voir plus loin paragraphe sur les déséquilibres économiques du système - et grise.

En résumé ce système est plus stable que le régime fasciste, celui du Chili par exemple, car le contrôle de l'information y est plus perfectionné (Une manifestation récente d'opposants dans la rue au Chili n'aurait pu survenir en U.R.S.S.).

L'embrigadement des gens dans les associations contrôlées par le Parti Komsomol pour "les jeunes". Union des vieux, syndicats du Parti (pour les ouvriers, artistes, écrivains etc. ...) enferment tous russes dans un monde sans opposition.

Le système tire aussi sa puissance d'une croyance très cohérente qui n'a pas été encore critiquée pour l'instant sur le plan de l'axiomatique. (Au chili l'idéologie n'est pas self consistante : un simple anticommunisme primaire n'est pas suffisant pour former une conception du monde).

D'un autre côté, si tous les citoyens soviétiques, en particulier les dirigeants, se récitaient mutuellement la propagande officielle sans trop y croire, simplement par peur du voisin, de l'ami qui peut vous dénoncer - on apprend dans les écoles à dénoncer, même les parents[43] - ou par peur du retour de la période stalinienne, ce système ne serait pas solide. Un second facteur du maintien du système est l'existence d'une classe dirigeante

 

2) LA CLASSE DIRIGEANTE

 

Celle-ci par ses privilèges est arrivée à un niveau de vie qui lui permet d'oublier certains problèmes affrontés quotidiennement par le peuple[44].

 

Les privilèges comprennent l'information, la libre circulation dans le pays et les pays étrangers, les datchas, les voitures ( Volga etc..) et les magasins spéciaux réservés.

 

Tous les livres sont orientés dans l'idéologie communiste en excluant tous les milliers d'autres systèmes d'idées du monde. La pénurie de livres ayant des informations sur l'extérieur (voir p. de ce compte rendu) décourage le chercheur désirant se renseigner.

En résumé, deux facteurs expliquent le bas niveau actuel : le strict contrôle de l'information qui va jusqu'à refaire l'histoire et la tradition russe.

 

Il est dû à deux facteurs :

 

a) la tradition. En effet le régime tsariste reposait sur la fierté du peuple pour le pays et en contre coup pour le régime lorsque ce régime était victorieux dans son expansionnisme en Asie, dans les Balkans, en Europe de l'Est.

Chaque revers de cet expansionnisme - défaite navale de 1905 contre le Japon, revers de la guerre Russo-Allemande de 1914 jusqu'en 1917 - marqua une phase de chute du régime tsariste et de révolte contre lui. Actuellement pour compenser les échecs intérieurs du système ce dernier se tourne en expansionnisme territorial - en tous cas non-dissimulé dans le sens et le contenu des phrases, des déclarations de la radio et des journaux en direction du peuple par tradition nationaliste - et idéologique.

 

On accentue ce rôle du grand frère et parallèlement l'importance de l'armée en vue d'une politique géostratégique plutôt tournée actuellement vers l'ouverture sur les Océans[45]. Un fait significatif de la connaissance par les autorités du manque d'enthousiasme du peuple pour l'idéologie et par contre son attachement profond à la patrie, fut le relâchement de la propagande idéologique par Staline pendant la seconde guerre mondiale (jamais la liberté relative n'avait été si grande pendant la période des grandes purges qui ont suivi l'assassinat de Kirov en 1936[46]).

 

Actuellement l'invasion de l'Afghanistan flatte le peuple russe dans son rôle de grand frère apportant de l'aide au monde entier. Mais il n'est pas au courant du prix qu'elle a coûté en morts et en dépense d'armement et du discrédit de l'U.R.S.S en envahissant un pays qui était déjà sous son protectorat[47].

Ce glissement de l'idéologie vers le nationalisme semble bien se vérifier dans les moyens d'information du peuple et causé par la tradition et les échecs qui semblent aller en augmentant[48].

 

Cette classe est coupée du peuple par la dissimulation de ses propres richesses. Il est interdit à ses membres de mentionner l'existence des magasins spéciaux. Ces gens non confrontés à la réalité du pays, surtout ceux qui ne veulent pas s'informer, peuvent maintenir leur foi plus solidement, donc maintenir la dynamique de la propagande communiquée par les courroies de transmission de l'appareil pyramidal du Parti jusqu'à la base[49]. Il faut aussi mentionner l’existence d'une proportion non mesurable d'arrivistes ou de gens sans foi, comme la hiérarchie du clergé, autrefois, prêchant la bonne parole avec hypocrisie.

 

Un bon nombre de gens ayant toujours vécu dans cette classe se sentiront en toute bonne foi muni d'une mission envers le peuple, tout en se sentant supérieur et plus clairvoyant que lui.

Le système se perpétue de la façon suivante : une classe dirigeante, par sa vie confortable, coupée de la réalité des dures conditions d'existence du peuple (pénurie etc. ...) et aussi par sa façon de vivre cachée, croit encore dans l'idéologie et la transmet à la population par l'intermédiaire de la bureaucratie et du système de contrôle vu précédemment. Ou bien cette classe ne désire que maintenir ses privilèges cachés et transmet une "religion" au peuple afin de le maintenir dans l'ignorance. A mon humble avis la réalité est moins simpliste que cette vision des choses, elle se situe entre les deux.

 

Annexe à ce paragraphe : Les moyens actuels de l'opposition

 

Un dissident pour se faire entendre du peuple ne peut que parler d'une radio occidentale( donc se lier aux capitalistes) Son seul moyen est de diffuser ses idées par le cercle restreint de ses relations, s'engager comme postier comporte un gros risque, même en photographiant les clés des boîtes aux lettres pour les reproduire et les passer à l'opposition. Son seul moyen de confectionner un écrit d'information est la machine à écrire avec le carbone.

Pour le support matériel de l'information, les livres microscopiques imprimés en occident n'ont été réalisés que pour la Bible.

 Il n'a pas été encore fabriqué des presses portatives démontables et dissimula blés dans les bagages. Actuellement la seule aide qu'ils puissent avoir est l'Occident, aide très réduite. En résumé, les moyens de l'opposition sont réduits si non nuls.

 

3) Sur le bas niveau culturel en U.R.S.S. :

 

La tradition culturelle d'un pays joue. La culture ne naît pas spontanément dans une famille. La Russie a toujours été à la traîne en voulant imiter l'occident. Catherine II, Pierre le Grand, ont voulu imiter la France, tête culturelle et grande puissance de l'Europe de l'époque. Staline a voulu réaliser beaucoup de monuments - gratte- ciel, métro etc. ... - inspirés des U.S.A. La culture russe a été souvent une culture d'emprunt depuis Byzance. Pour faire une comparaison grossière, le niveau culturel de l'U.R.S.S en 1917 était celui de la France en 1789 et s'est orienté à l'époque vers le sommet de la pensée : le marxisme.

Par ailleurs, la réduction de l'information par le régime est une seconde cause.

Tout écrivain, doit faire partie de l'union des écrivains qui contrôle les publications de ces derniers. Tout artiste doit faire partie de l'union des artistes etc.

 

3) Sur les déséquilibres économiques :

 

Explication de la pénurie permanente provoquant les queues devant les magasins, de 1'inexistence,ou du retard, de certains secteurs industriels, et du bas niveau des rendements industriel ou agricole[50]. J'y vois plusieurs facteurs.

 

a) Le plan dirigiste :

 

II n'est pas infaillible. Il ne peut prévoir tous les besoins de la population. Ceux qui rédigent le plan ont parfois des avantages leur faisant oublier les problèmes de la population - Les personnes utilisant la voiture ou même l'avion pour ce qui est des hauts membres du Parti, ne peuvent se rendre compte des heures perdues dans les transports en commun, surpeuplés et en nombre insuffisants.

Pour flatter l'orgueil national on préfère miser dans un seul domaine quitte à déstabiliser la production - usine sidérurgique, automobiles gigantesques, barrages colossaux[51] ... plutôt que de développer harmonieusement toutes les industries sans espérer rattraper l'Occident.

Les préoccupations féminines - robes, tailleurs, parfums (Domaines difficilement mesurables par le plan)...- Le désir de variété dans la production, le goût du confort (logement, ameublement, électroménager ...) sont en général considérés secondaire par le plan, quoiqu'il y ait eu une amélioration dans ce domaine.

 

b) Le manque de motivation au travail :

 

II y a plusieurs façons de motiver les gens.

- En leur insufflant un idéal, ici celui du marxisme.

- Par la force, la contrainte et la peur.

- Par une motivation matérielle. (Primes, échelle de salaire.)

 

L'enflammement des foules pour l'idéal du Marxisme et du Socialisme s'est atténué après 1921, à cause des milliers de difficultés provoquées par le système.(contraintes policières, crainte des camps, pénurie, famine, comme celle de 1950 en Ukraine après la déportation des Koulacks).

La motivation par la peur - en particulier celle créée par les arrestations pour "sabotage" durant la période Stakanoviste - a provoqué beaucoup de déséquilibres'- dans la production et l'épuisement des travailleurs, puis la résistance passive par inertie.

La motivation matérielle n'a été introduite que timidement par Kroutchev. Malgré tout, l'égalité actuelle d'un salaire d'ingénieur avec celui de l'ouvrier ne pousse pas ce dernier à faire des études d'ingénieur, connaissant les plus gros risques de ce poste, en raison de ses responsabilités.

Le fait de ne pas posséder sa terre, d'être salarié, n'incite pas le paysan à dépasser la norme ou à travailler de nuit en raison du temps quand cela serait nécessaire.

Tout cela conduit à créer une mentalité d'irresponsabilité ou de "je m'en foutisme" chez le travailleur et contribue aux mensonges du directeur d'usine sur sa production , quand il a des comptes à rendre au Gossplan[52].

 

c) Le manque de concurrence:

 

Certaines entreprises ayant situation de monopole peuvent décider de leur niveau de production, même si le peuple doit en pâtir et se résigner à la patience pour obtenir ce qu'il désire.

 

d) Sur quelques propositions de solutions provisoires:

 

Le problème auquel se heurte tout réformateur du système, Grivenchi et d'autres économistes[53]. C'est la peur des dirigeants en permettant les réformes d'un retour vers la voie capitaliste, signifiant l'échec avoué du régime et de sa direction politique.

 

Plusieurs idées ont été suggérées. Au lieu d'une économie dirigée par un plan contraignant, on a pensé à promouvoir une économie de marché basée sur les besoins du consommateur. Les entreprises fonctionneraient comme des entreprises capitalistes en concurrence, malgré l'actionnaire serait l'Etat et les capitaux seraient fournis par lui. Par ailleurs, la création d'entreprise à partir des capitaux d'Etat, pourrait être voté sur proposition de tous citoyens soviétiques soumettant leurs projets par une chambre de conseillers élus comme les grands électeurs, en France. L'agriculture socialiste fonctionnerait comme l'agriculture libérale et soumettrait ses produit à un marché libre. Par contre ses terres appartiendraient à l'état. Une chambre agricole, élue comme les grands électeurs, voterait l'augmentation des terres allouées à un paysan suivant ses mérites et les surfaces cultivables inexploitées à ce moment.

 

 Pour mieux répondre aux courants d'opinions du peuple, on pourrait créer soit des syndicats indépendants, ne remettant pas en cause le socialisme soit plusieurs partis communistes en concurrence - un parti communiste libéral, un parti communiste orthodoxe - dont les députés seraient élus au suffrage universel (évitant ainsi le discrédit de l'U.R.S.S. au sujet de ses scores de 99% pour ses candidats uniques).

 

 De cette manière, le socialisme pourrait être sauvegardé tout en permettant aux dirigeants de sauver la face.

Ces idées simplistes seraient évidemment à développer.

 


4) Sur I’avenir de I'U.R.S.S.

 

 La population ayant été complètement écrasée par la terreur stalinienne, et traumatisée par la seconde guerre mondiale , n'a pratiquement actuellement aucune velléité de révolte. Cet état de fait est accentué par la tradition de soumission et de servage.

 Les gens, en général, ont trop peur de changer ce système où ne règne qu'en apparence une situation de blocage.

 En fait le peuple a quelques espoirs car depuis Staline le régime évolue et la répression se fait plus discrète.

 A moins d'un génie, ou d'un élément anormal de l'histoire qui veuille enfanter une révolution dans le sang, pour instaurer une société nouvelle (?) A moins d'une guerre avec la Chine (mais celle-ci est trop pauvre en armements) je pense personnellement que cette société se maintiendra longtemps, mais subira des échecs sur son expansion extérieure. (Le nombre de peuples luttant pour se libérer de dictatures honnies et désirant un régime socialiste est actuellement en diminution. La question qui se posera à L'U.R.S.S. est comment maintenir l'image du socialisme toujours victorieux ?   Pour répondre à cette question, je crains que l'UR.S.S ne crée des révoltes de toute pièce).

 

 Je ne pense pas que I'augmentation du nombre des habitants des républiques socialistes musulmanes pose un problème à l'U.R.S.S contrairement à l'opinion d'Anne marie Carrère d'Encauste[54]. Ces peuples sont sous-développés culturellement par rapport aux russes et parfaitement sous-informés sur le monde extérieur en particulier sur les événements iraniens et afghans. Un trait significatif de l'admiration de ces peuples pour les Russes se traduit par le désir des jeunes de ces républiques de faire leurs études à Moscou.

 

Comme des gens traumatisés, sans force, ayant besoin d'un idéal, le soviétique pourrait se tourner vers la spiritualité ou un retour à la morale traditionnelle (voir p. ).

Personnellement, je pense qu'il pourrait survenir un renforcement du poids militaire dans l'appareil d'état (dans ce cas ce serait un risque pour la paix mondiale, la Chine ayant peut-être un rôle à jouer).

 

Addenda à 1'analyse faite précédemment :

 

D'après une information donnée dans le mensuel "Afghanistan en lutte", octobre 1980, p. 3-20 (rue Pierre Brossolette, 93150 Noisy le Sec), les soviétiques depuis juillet par l'élargissement de la piste Brejnev en Afghanistan ont accéléré l'acheminement de convois militaires vers Kaboul et vers les importantes bases militaires du Sud ouest du pays, en particulier la base de Chinatou, à la frontière Iranienne. Dans la revue allemande Der Spiegel, une information officieuse affirmerait que le K.G.B entretiendrait une armée secrète de guerre civile de 12000 hommes en Iran, liée au Toudé, le parti communiste iranien, pro-soviétique. Si l'information précédente est vérifiée , supposant que ce parti communiste tente un coup d'état, le scénario habituel du peuple afghan apportant son soutien à la révolution progressiste contre les forces obscurantistes khomeynistes, serait très possible.

D'après un général, dont je ne peux citer le nom, les Russes maintiennent encore actuellement leurs troupes autour de la Pologne.

 

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE COMMENTEE :

 

Sur la vie de tous les jours :

 

"Les Russes", Hendrish Smith, Livre de Poche. Un des plus objectifs écrit sur l'U.R.S.S. (à révolution né la technique du journalisme par l'invention d'un classement par thème pour présenter le mieux possible tous les aspects d'un pays) .

 

Sur la répression et les camps :

 

"L'archipel du Goulag", travail collectif de 227 personnes sous la direction de A. Soljenitzine, 1419 p., (Le Seuil). Le plus complet sur le sujet mais manque parfois d'objectivité sur l'exagération des chiffres estimatifs.

 

Sur l'histoire de l'U.R.S.S. :

 

- "J'ai choisi la Liberté", de A. Kravchenko.

"Le Stalinisme", R.  Mendevev, Le Seuil.

- "Le Diable Roux", Michel Diomine, Laffont . C'est aussi un livre d'ethnologie sur le stalinisme actuel en Sibérie qui se complète admirablement avec le livre "Systèmes religieux de la Géorgie païenne", Georges Sarallitzé, (directeur à l'école pratique des hautes études), Maspéro.

- "Les grands procès dans les systèmes communistes", Annie Kriegel, Gallimard Philosophie.

- "Comprendre la révolution russe", Martin Malio, Point-Histoire.

  A lire après les trois autres mais nécessite une parfaite connaissance de l'histoire contemporaine de l'U.R.S.S.

 - "Russie-U.R.S.S. - 1870-1970", de M. Laran, Collection Un siècle d'histoire, MASSON.

 

Sur la classe dirigeante :

 

"La Nomenklatura", Michael Volensky, Belfond.

Divers :

"L'économie de l'U.R.S.S.", Pierre George, Collection Que Sais-je, P.U.F. , VLU livre chiffré .

 

Comparaison PNP/hab/an :

 

= 17100 F/ans en U.R.S.S.

= 45000 F/ans en France .

= 45300 F/ans aux U.S.A.

 

Source O.N.U. - Atlas Eco du Nouvel Observateur, 1980.

 

 



[1] Conférence parrainée par 59 scientifiques dont 13 prix Nobel.

[2] Pour lui rendre hommage citons le : il s'agît de Monsieur Goldman, directeur du laboratoire de physique des décharges de l'école Supérieure d'Electricité. Le Comité scientifique Français envoyait des chercheurs sous le couvert de visas touristiques afin de sauver la conférence.

[3] Notons aussi que ce voyage se situait juste à la fin d'un autre voyage en Côte d'Ivoire.

[4] D'autres emportaient tous les produits introuvables en U.R.S.S. ... Bas de femmes et collants de bonne qualité, jeans occidentaux, calculatrices avec chargeurs, montres électroniques. Certains de ces produits se vendaient à des prix très élevés, au marché noir d'ailleurs.

[5] II est interdit en U.R.S.S de prendre des photographies d'aéroports et d'installations militaires, même de loin.

[6] Semblable au bâtiment de la Pan Am de l'aéroport Kennedy à New-York.

[7] Au moment des jeux Olympiques, elle a été regoudronnée.

[8] Mis en place après l'incendie de l'hôtel Russia en I960, faisant de nombreuses victimes en raison de la condamnation des issues de secours,

[9] Les magasins eu l'on paie en devises étrangères, non accessibles aux Russes, sont appelés des Beriovskas,

[10] Comme dans tous pays socialiste on est tenu de déclarer toute dépense en devises étrangères, sur une fiche sur laquelle est inscrite votre déclaration en douane de l'argent étranger que vous portez sur vous à l'entrée dans le pays.

[11] D'après les informations communiquées par la guide, ce genre d'immeuble se construit en 4 mois et se retrouve dans toutes les grandes villes.

[12] Comme j'allais l'apprendre plus tard, les appartements soviétiques sont petits. Il existe même des appartements collectifs où plusieurs familles vivent ensemble.

[13] La veille de la conférence, une dizaine de policiers en fracturant sa porte, l'ont interpellé. Il a été accusé par le procureur-adjoint de Moscou, Monsieur Smirnov, de "diffusion de calomnies antisoviétique" en vertu de l'article 190/1 du code pénal. Un mandat d'arrêt a été présenté contre Braïlovski, auquel il a été demandé de ne pas assister au séminaire et de prier ses amis de ne pas venir.

[14] Yuri Orlov est un physicien, auteur d'une étude scientifique du communisme en cours de rédaction. Pour avoir dirigé un comité de surveillance de l'application des accords d'Helsinki, il a été placé au camp à régime spécial de Perm. Actuellement, dans un cachot, il fait la grève de la faim contre les conditions de détentions dans les camps de prisonniers de l'U.R.S.S.

[15] Ce scientifique a été arrêté le 15 novembre pendant la conférence de Madrid sur la réactualisation des accords d'Helsinki et la libre circulation des hommes et des idées. Ceux qui veulent l'aider peuvent toujours lui écrire une lettre recommandée avec accusé de réception, envoyée à l'adresse suivante: U.R.S.S. Moscou 117526, 91 Prospect VERNADSKOGO 1/128 (lettres montrant au gouvernement qu'il possède un soutien important.

[16] Pour un fils de dissident cela signifie : envoyé dans un pays lointain ou à grands risques comme l'Afghanistan (faire son service équivaut à détenir des renseignements militaires. De plus, un barrage systématique est appliqué à l'entrée de l'Université. Lire à ce sujet "examens pièges pour les étudiants juifs à l'Université de Moscou" ainsi que "Les juifs en Union Soviétique" supplément au bulletin "Un mois avec les juifs d'U.R.S.S" bibliothèque juive contemporaine – 23 rue de Cléry, 75002 Paris.

[17] Dimitri Chostakovitch, dans ses mémoires, indique que Staline dans ses folies de grandeurs, voulait faire du métro de Moscou le plus beau du monde, peut-être l'unique au monde. Il avait déclaré à ce sujet "Le métro de Moscou est le seul du monde". Lire au sujet de cet épisode "Le système totalitaire" Hannah Arendt collection Point politique, le Seuil, p.76.

[18] Pratiquement dans toutes les izbas il n'y a pas l'eau courante, ni le chauffage central. L'eau est puisée par une pompe à main et on se chauffe avec des poêles à bois.

[19] En U.R.S.S., une lettre a beaucoup de chance d'être ouverte si elle transite par la poste et sans aucune exception si elle vient de l'étranger ou si elle est reçue par un dissident.

[20] Ceux-ci très prisés des touristes, sont usinés au tour ou à la main, dans du bois de bouleau, puis enduit de poudre d'aluminium, cuits au four et enfin peints et vernis. Ces objets, avec les poupées gigogne sont très prisés par les touristes et uniquement vendus en Beriovska.

[21] La majeure partie de l'intelligentsia est composée de dissidents.

[22] J'ai voulu donner cette information pour rapporter un fait significatif : La majorité des hommes russes sont assez phallocrates. Lire à ce sujet "La vie sexuelle en U.R.S.S.", de Michael Stern, Albin Michel.

[23] "Proches et lointaines", de la parution du Samizdat de femme à Leningrad, le 10 décembre 1979, Edition Tierce, 1 rue des Fossés-Saint-Jacques, 75005 PARIS.

[24] Contrairement à la Chine, pendant la révolution culturelle, les bouquins sur- vivent et il existe sur les marchés des foires aux livres ou les gens peuvent s'échanger des livres. Un seul livre passe par beaucoup de mains. La queue n'est pas rare devant les librairies à l'annonce de la sortie d'une œuvre occidentale.

[25] Le thé russe est d'excellente qualité (trouvé en Beriovska).

[26] La B.B.C est la radio étrangère la plus écoutée.

[27] Ce fait m'a été confirmé par J… un scientifique français faisant partie de notre délégation, qui a donné des cours bibliques à des jeunes pendant son séjour.

[28] L'U.R.S.S possède 620000 Km2 de terre à blé et en produit 120.000.000 tonnes 229.450.000 tonnes de céréales et importe 18.000.000 tonnes de céréales en 1978. Comparativement les U.S.A possèdent 280.000Km2 de terres à blé et produisent 48.954.000 tonnes de blé. Production à l'hectare : U.R.S.S l.859 Kg/ha Canada 2.857 Kg/ha U.S.A 4.074 Kg/ha (source Atlaseco du Nouvel Observateur).

[29] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Roerich

[30] Anecdote amusante à citer, le descendant du scribe représenté sur le tableau existe toujours, il habite Paris, s'appelle Oleg, est l'époux d'Anne-Marie Lambert-Farage auteur du livre "Lucie la lumière" qui raconte un des itinéraires spirituels les plus étonnants du siècle, à ma connaissance.(édition Robert Laffont).

[31] Toujours utilisé par l'école militaire navale.

[32] Prix de différents souvenirs : Matriochka en 13 éléments, 20 R. verres en bois vernis 1 R. 20, tasses de porcelaine 1 R.50 chacune, bague de jade 3 R.50.

[33] La cathédrale Saint-Isaac, rendue au culte, le 10 janvier 2017.

[34] Elton John est le seul chanteur de musique pop ayant fait une tournée en U.R.S.S. Les autorités soviétiques présentant ce chanteur comme l'archétype de la décadence Occidentale, furent surprises du déchaînement des foules ( chauffées par Elton John lors de ses concerts)  cela malgré un service d'ordre important. Elles décidèrent de supprimer la tournée, mais devant la menace de scandale du chanteur, renoncèrent à leur projet. Grâce aux magnétophones-cassettes le succès se propagea comme une traînée de poudre en U.R.S.S. (Signalons que les magnétophones-cassettes , contrairement aux biens d'équipement ménager, sont assez répandus en U.R.S.S ) Les jeunes soviétiques pour se faire de l'argent jouent dans les bals ou dans les grands hôtels, de la musique assez mièvre conforment aux canons officiels ou des airs d'Elton John autorisés. Entre amis et profitant du matériel mis à leur disposition, ils jouent dans les caves des airs de musique pop entendis sur radio "Liberty" ou sur des émetteurs occidentaux. (Voir rock et folk N° ???).

[35] Contrairement aux Chinois, les Russes ont conservé leur patrimoine historique. Rien ne tombe en ruine, les vieilles demeure? sont utilisées soit par les membres du parti, soit par les administrations.

[36] Afin de résoudre la grave crise du logement de la ville. Le maire , lui, ne dispose que d'un appartement de 60 m2.

[37] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Palais_Anitchkov

[38] Voir p. 10 de ce compte-rendu. La Chine a résolu ce problème en filant les étrangers circulant dans les rues ou en leur donnant des quartiers réservés coupés du reste de la Chine . Les voyages organisés y sont chronométrés. Une autre barrière naturelle est la langue chinoise, l'habillement et le type facial qui font repérer l'occidental.

[39] En Chine, après la révolution culturelle, les bouquinistes avaient été supprimés. Pendant la révolution, les gardes rouges avaient souvent vidé les maisons de leur bibliothèque.

[40] Voir livre et dossiers de la guerre froide. Marabout.

[41] Voir Histoire de la Russie.

[42] D'après le recensement officiel de l'U.R.S.S., le chiffre qui peut être tiré sur le nombre des morts dans les camps est de 16,7 millions (L'Empire éclaté, p.17, d'Anne Marie Carrère d'Encauste, Flammarion).

[43] Rue du Prolétaire rouge, p.   ,Nina et Jean Kehayan, le Seuil.

[44] La nomenclatura de Mîchaël Volenski, Belfont.

[45] C'est d'ailleurs un fait de tradition. Déjà la guerre Russo-Turc a permis un débouché sur la Méditerranée. Le budget des armements en U.R.S.S comparativement au P.N.B est le plus élevé du monde si l'on ne compte pas Israël. Voir Atlaseco du Nouvel Observateur. Si beaucoup de domaines sont laissés en retard ou sous-développés celui de l'armement est très favorisé. Le prétexte de s'armer à cause de la puissance militaire des U.S.A. n'est plus recevable à cause du recul américain dans le monde. Vietnam, Cambodge etc. ... mais est toujours d'actualité en U.R.S.S.

[46] Comprendre la Révolution Russe de Martin Malia coll. Point Histoire.

     Le Stalinisme de Roy Mendevev, le Seuil.

[47] L'invasion de la Pologne et de la Finlande n'était pas très justifiable idéologiquement, surtout en raison de la neutralité de la Pologne envers l'U.R.S.S.  La résistance des peuples Polonais et Finlandais fut d'ailleurs très forte.

[48] Pour compenser les échecs les victoires spatiales jouent aussi un rôle.

[49] Cela expliquerait pourquoi malgré les échecs pour rattraper le niveau de vie des U.S.A - le fossé s'accroissant encore plus depuis la dernière guerre (voir Atlaseco du Nouvel Observateur). La croyance se maintient toujours. Une autre raison sont les victoires de l'U.R.S.S. à l'étranger (Voir le paragraphe sur le nationalisme russe).

[50] Beaucoup d'articles sont importés d'Occident où construits ici sous licence (réacteurs, machines, électroménager, calculatrices, voitures, électronique).

[51] Voir "Les Russes" d'Hendrish Smith (livre de poche) : gigantesques usines de camions ne tournant pas, barrage fournissant de l'électricité pour une usine de traitement de la bauxite qui n'existe pas. Le gigantisme peut servir dans un but de propagande comme l'usine Dynamo pour les visiteurs étrangers.

[52] Toujours "Les Russes" ibid. Souvent un accord tacite existe à ce sujet entre le directeur et ses ouvriers.

[53] Ce dernier avait imaginé de rétablir la concurrence entre les entreprises d'état. Youri Orlov, quant à lui, a suggéré "La possibilité de créer une entreprise indépendante (sans exploitation du travail d'autrui) dans la sphère des services, de l'approvisionnement... qui relèverait le niveau de vie général", p.4 , "rapport sur le système pénitentiaire soviétique", cahier du Samizda, n° 62, août, septembre 1979- 10 rue Drève du Duc 1170 Bruxelles.

[54] L'empire éclaté - ibid, information donnée par Joseph.