Chardons, pierraille et montagne

Loin de tout, 6 jours de randonnée dans le massif du Toubkal.

 

par Benjamin LISAN - 16, rue de la Fontaine du But, F-75018.

email:  lisan@club-internet.fr

 

Jours J - N - Préparatifs

 

            Le Massif du Toubkal ("Djebel Toubkal" au Maroc) se situe dans l’ouest du haut Atlas Marocain. Il entoure le Sommet du Toubkal, point culminant de l’Afrique du Nord, avec 4165 mètres.

            Je devais sillonner cette région avec Club Aventure, mais au dernier moment ce voyage de 8 jours "Randonnée dans le massif du Toubkal" a été annulé faute de participants.

            Devais-je renoncer ? Je préférerais alors d’organiser ma propre expédition.

D’abord, avec l’aide de Maoub, un ami marocain, je réussis à obtenir un billet de charter à un prix abordable à 1300 FF A/R (Il existe d’ailleurs plusieurs compagnies sur Paris, offrant des charters pour le Maroc à des prix raisonnables : Safir voyages (Maghreb tours), Safar Tours (1450 F), Look Voyages, ... voir l'annuaire France Télécom ou électronique).

            Puis à l’office du tourisme Marocain, je trouvais un petit guide «La grande traversée des Atlas marocains, guide de renseignements» (datant de 1994),  très précieux par les adresses qui y étaient contenues.

J’y trouvais l’adresse de 3 associations : la Délégation Régionale du Tourisme de Marrakech donnant une liste des accompagnateurs de montagnes, la Compagnie des Guides et Accompagnateurs en Montagne de la Wilaya (préfecture) de Marrakech et le Bureau des Guides et Accompagnateurs en Montagne du Toubkal.

J’écrivais à ces 3 organismes, en communiquant mon n° de téléphone personnel.

Je préparais une check liste de tous les ustensiles (voir en annexe la liste "Equipement prévu pour cette randonnée") que j'estimais indispensables pour cette randonnée. J'avais alors recensé une soixantaine d'objets à emporter. J'en possédais déjà la majeure partie, accumulée lors de précédentes randonnées en France. Pour le reste, je passais plus d'une semaine, à me les procurer.

Plusieurs préoccupations, me guidaient dans cette accumulation.

D'abord, je partais en pays totalement inconnu. Là bas, en plein pays berbère, il n'y avait aucun filet de sécurité en cas d'accident. Les assistances style Mondial Assistance ne fonctionnent certainement pas. Car, il n'y a pas de radio, de téléphone, ni d'hélicoptère. Blessé, on est redescendu d'abord à dos de mulet, puis en taxi à Marrakech. En cas de problèmes, il ne faut pas s'attendre à trouver des hôpitaux, ayant le niveau de sécurité et d'équipement, de la France. Il existe quelques rares pharmacies dans cette région, mais étaient elles bien fournies en médicaments essentiels ? Donc, quels médicaments à emporter, dans cette région, aux conditions sanitaires très sommaires, où de très grandes chaleurs peuvent alterner avec de très grands froids ?

Une autre préoccupation restait la chasse impitoyable, aux grammes superflus de mon paquetage. En effet, plus on est chargé en montagne, plus la randonnée est éprouvante. Le poids peut être un défi pour certain, mais défi dont personnellement je préférerais me passer.

Mais j'avais l'impression que j'étais peut-être quand même trop chargé (15 kg à l'estime) et sur équipé. Je regrettais surtout de ne pas avoir retrouvé mon extraordinaire tente de 1,7 kg, égarée, remplacée depuis par une tente de 2,6 kg dont je n'avais pu baissé le poids qu'à 2,3 kg.

Avant le départ, pour gagner aussi du poids, je n'ai emmené ni rasoir électrique (j'en possède un à pile), ni rasoir à main jetable et crème, toujours pour gagner un peu de poids et parce que je déteste les rasoirs à main. Tant pis si à fin de randonnée, je ressemblerais à Robinson Crusoë.

Il faut toujours chercher à améliorer le confort d'une longue randonnée. En effet, même une toute petite gêne au départ, un tout petit frottement infime, une minuscule irritation, sans cesse répétée, peuvent se transformer à la longue en calvaire. Une petite ampoule peut être très douloureuse à la longue. C'est pourquoi un pansement anti ampoule peut ne pas indispensable au début (sauf en cas d'infection), mais finalement se révéler incontournable, surtout en raison de son faible poids. Un slip qui ne tient pas (de mauvaise qualité), un pantalon mal coupé peut être cause d'une rougeur puis d'une brûlure irritante à l'intérieur des cuisses. De mauvaises chaussettes tout autant que de mauvaises chaussures, trop neuves ou trop dures, ou des semelles qui se décollent sont souvent causes d'ampoules. Je vais en vacances et non à un exercice militaire ou à une montée au Carmel. Il vaut mieux "former" ses chaussures neuves, avant une grande randonnée que pendant.

Question d'équilibre et de sécurité, il vaut mieux un grand sac à dos déformable (style sac à dos de montagne) et tout y mettre, car il vaut mieux avoir les mains libres, sur ces sentiers caillouteux et glissants.

Parfois, il n'est pas toujours facile de distinguer ce qui est superflu, utile et indispensable. Dois-je prendre des barres nourrissantes énergétiques (style céréales, à sucres lents ...), à consommer durant la marche ? Mais si oui, pour 6 jours, je dois alors prévoir 2 Kg de plus à emporter, donc ce sont des Kilogrammes en plus. Dans le cas contraire, suis-je sûr de pouvoir trouver sur place l'équivalent (abricots, figues séchées ...) et dont la consommation intensive peut entraîner aussi diarrhée à la longue ... ?

On peut aussi commettre quelque erreurs d'appréciation ... pardonnables. Par exemple, j'avais prévu une lampe frontale et une seconde lampe, pour des marches d'approche longues, celles qu'on doit débuter avant le lever du soleil. En effet, j'avais prévu trouver là bas, à cause des altitudes (le Toubkal étant à plus de 4000 m), des sommets couverts de neiges éternelles ou de glaciers. J'imaginais la présences neiges éternelles comme sur le Mont Kenya (5000 m) ou le Kilimonjaro (5900 m)). En fait, il se révéla qu'il n'y a aucune neiges éternelles au Toubkal seulement de petits névés permanents, donc sans risque d'ophtalmies graves, par les rayons UV sur la neige.

Doit-on prévoir aussi des ustensiles en double pour mon futur guide et accompagnateur (comme couverts, couteau, micro-lampe torche, barres céréales ...)., pour éviter le risque de voir ce guide se transformer en source de problèmes ou en fardeau. Ce guide du haut Atlas sera de toute manière sera sous-équipé (normalement, la règle au Maroc, est que l'on doit subvenir aux besoins en nourriture  de son guide ....).

Un autre impératif était si possible de ne pas dépasser 4000 FF pour le budget total du voyage, étant limité au niveau financier. Finalement, je le dépassais ce seuil, à cause de mon guide qui me poussait en fin de randonnée, à l'achat intempestif de souvenirs (auxquels il n'est pas toujours d'ailleurs facile de résister surtout au Maroc).  Etre bien équipé souvent coûte cher (j'avais prévu 1000 F d'achat et finalement je dépensais 2192 F en équipement divers pour tout prévoir.

Comment dissimuler mes valeurs ? Pas facile, ... je suis tout seul, tout est sur moi. Des ceintures multipoches ne sont sûrement pas une protection et les traveller’s se sont révélés inutiles, car jamais utilisés, par les autochtones. En fait, il suffit de n'amener qu'une carte de crédit internationale au Maroc, pour retirer de l'argent, car on peut retirer de l'argent dans toutes les banques et dans toutes les grandes villes, il y a des distributeurs automatiques de billets.

Une autre relative crainte est le risque de se voir dépouiller de tout, surtout dans ce pays très pauvre. Comment avoir l'équipement sans que cela soit trop voyant ? Ici se faire tout dérober serait devenir dramatique, surtout aussi à cause de la barrière de la langue, même si l'on pourrait rencontrer des habitants parlant français. Mon erreur a été ma ceinture multipoche, BCBG, d'un beau vert satiné, visible de loin.

Je me suis vite aperçu d'ailleurs que  le fait de montrer tout mon équipement à mon futur guide Brahim, l'avait convaincu que j'étais une "grosse huile", raison ensuite qui l'a poussé à me demander des cadeaux, le 3ime jour, puis en fin de randonnée, vers tous les vendeurs du cru (avec qui il devaient toucher une commission), tous acharnés à me faire payer le prix fort. On n'est pas toujours assez prudent, sur ce qui peut être perçu ou non signe de richesse, dans le contenu de ses affaires et de ses affirmations (doit-on ou non mentir sur ce qui reste de liquidité ?) ou dans l'équipement emporté.

 

N’ayant toujours pas de réponse 3 jours avant mon départ, je décidais alors d’appeler la Délégation Générale du Tourisme de Marrakech. Un de ses employés me renvoya alors, vers l'hôtel "Ali" sur un certain monsieur Slimane président des accompagnateurs (qu'on prononce "hha-ali").

Pendant plusieurs jour, je rappelais désespérément ce Monsieur Slimane sans résultat. J’eus à un moment son frère à qui me dit laisser un message à son frère encore en montagne.

            Tous les hôtels étant complets, j'acceptais alors la place sur la terrasse,  que l'hôtel Ali me proposait.

Juste le jour du départ, n'ayant toujours pas trouvé de guide, je partais donc à l'aventure, pas très rassuré, sur la possibilité d'en trouver un.

A l'aéroport de Roissy II, le B 727 de la Royal Air Maroc, venant d'Agadir, prévu à 22h30 avait une heure de retard. Retard tout à fait habituel, en notre fin de XXème siècle. Au passage de la douane, j'étais un peu anxieux, du fait que mon sac puisse dépasser les 15 Kg fatidiques car j'avais estimé intuitivement, son poids, à environ 15 Kg. M'étais-je trompé ? Finalement, le verdict du pesage donna 14,3 Kg ...

Jour 1 - Dim. 31 Août 1997 : a/r Imlil <-> Les Cascades, 18 km - Dénivelé 850 m

(sans sac à dos)

            Arrivé à l'aéroport, je fut accueilli par Monsieur Lahcen Askarray, un petit homme rondouillard,  président du Bureau de Guides et Accompagnateurs en Montagne du Toubkal, bureau basé dans le petit village Imlil situé au coeur du Toubkal. Ultérieurement, il se révélera être une personne fiable et honnête.

            Il me montra la lettre que je lui avait envoyé, servant de lettre d'introduction.

            Il était venu en taxi, semble t'il descendu spécialement pour moi, de la montagne, soit à plus de 70 Km de Marrakech (il aurait peut-être pris un risque, au cas où j'aurais pu choisir auparavant  un autre guide) ! Ici, les taxis ne sont pas chers ici, si l'on a la patience de discuter.

            Je lui présente mon petit guide de renseignement, où il est dit que le tarif des accompagnateurs est de 160 Dh / jour. il refuse net ce tarif, montrant immédiatement la date de ce guide de1994, les tarifs d'après lui présentés n'étant plus à jour. D'après lui, les tarifs sont maintenant de 200 Dh / jour. Nous nous accordons oralement finalement sur ces 200 Dh / jour (soit environ 150 FF/jour).

            Je lui demandais en contrepartie que mon guide sache surtout  me faire découvrir la faune et la flore du Toubkal.

            A la sortie de l'aéroport, l'ambiance était déjà dépaysante. Tous les chauffeurs de taxi se précipitaient vers nous, et se battaient presque entre eux, pour tenter d'offrir leurs services.

            Mon accompagnateur procéda alors à un étrange manège, tantôt semblant accompagner un chauffeur puis un autre, dès qu'il semblait lui proposer un meilleur prix, puis rebroussant immédiatement chemin et emboîtant le pas de l'autre taxi. Lahcen ne semblait pas gêné de fausser successivement compagnie à plusieurs chauffeurs, avant de faire son choix.

            Ce manège dura finalement plus de 5 mn, dans une grande foire d'empoigne indescriptible, entre chauffeurs de taxi. Finalement, nous arrivons vers 1h du matin à l'hôtel Ali. Lahcen donna 30 Dh au chauffeur et me demanda 50 Dh.

            A l'hôtel, une heureuse surprise, une chambre était libre et j’eus droit pour 85 Dh, en single, à une très grande chambre de 4 lits, à un bon lit, à la climatisation et à une grande baignoire (!).

            Ici au Maroc, quand on parle de coup de chance ou de Baraka, on emploie une expression imagée "la chance qui danse", qui veut bien dire ce qu'elle veut dire.

            Il existe d’ailleurs aussi bien d'autres expressions ou proverbes locaux équivalents des expressions françaises tels :

"Qui la veut toute, la laisse toute" (chez nous "qui trop embrasse mal étreint").

"La nuit a des oreilles, le jour a des yeux" ("Les murs ont des oreilles").

"Les jours sont longs et l'ânesse bonne marcheuse" ("A chaque jour suffit sa peine").

"Celui qui a mangé sa part doit fermer les yeux" ("Avoir les yeux plus grand que le ventre").

"Celui qui se perd, doit rester où il est" ("Quand on risque de se perdre, mieux vaut rester sur place"),

"Pas de précipitation, pour faire avec bon sens" ("Qui va lentement va sûrement")

etc ....

            L'hôtel bien que disposant de tout le confort moderne, présente un peu l'aspect d'un repère d'aventuriers, peut-être soit à cause de sa rusticité, soit à cause de ses clients, la plupart membres de groupes de voyages à orientation aventure (style Club Aventure ...). C'est d'ailleurs le P.C. de ces nombreux tours opérateurs (Club Aventure, Allibert Voyages, Explore (U.K.), Dragonman (U.K.), Aventure del Mondo (Italie), Tizi-Rando (Maroc) ...).

            L'avantage de cet hôtel est d'être situé juste à côté de la place principale Jemaa El Fna au centre Marrakech.

            Lahcen me fait acheter une carte d'état major du massif du Toubkal à 120 Dh (j'apprends plus tard qu'elle coûte 80 Dh en librairie). Lahcen trace au crayon, sur la carte le trajet de ma randonnée de 6 jours. Je suis impressionné par la longueur des trajets tracés (ils doivent au moins faire 15 Km par jour d'après mon estimation) et me demande quelles peut être les dénivelés, leur dureté et durée réelle (les courbes de niveaux sont peu utiles sur ces cartes d'état major marocaines, car sans chiffres pour repérer l'altitude. Seuls certains cols et sommets sont côtés).

            N'ayant toujours pas trouvé Monsieur Slimane à l'hôtel Ali, ni son frère et sur le conseil de Lahcen, qui ne voulait pas avoir de futurs problèmes avec M. Slimane, je rédigeais à ce dernier un petit mot expliquant que n'ayant toujours pas pu le contacter, j'avais finalement choisi un autre guide.

            Après le petit déjeuner, et après avoir fait le change à l'hôtel de tous mes traveller’s chèques (les banques étant fermées le dimanche), nous partons vers 10h, dans un de ces nombreux "Petits taxis" gris vert olive, qui sillonnent les rues de Marrakech.

            Mais je m'aperçois que j'ai oublié, à ce moment, de rappeler l'agence de voyage Look Voyage de Marrakech pour reconfirmer le billet de retour, opération qu'on doit faire impérativement dans les 72 h avant le vol de retour vers Paris. Je trouve d'ailleurs cette obligation d'avoir à reconfirmer _ obligatoire partout maintenant _ peu pratique.

            Le petit taxi, nous dépose dans un faubourg de la ville où nous attendons un autre taxi qui va nous emmener dans la montagne. Après une demi heure, une vieille Mercédès vient nous prendre et nous roulons ensuite d'abord dans une plaine désertique, parsemée régulièrement de plantations irriguées, sur environ 70 Km, avant d'atteindre les contreforts de l'Atlas. La route passe ensuite par des gorges, aux roches rouges de la couleur de la latérite. Enfin, nous atteignons le petit bourg d'Asni, le plus important de la région.

            Dans un petit local complètement vide (voire vétuste), intitulé "Téléboutique", où trône un unique téléphone sur une table et une chaise, nous apprenons que le téléphone est en panne. Ce qui est plutôt fort ennuyeux, car c'est le seul téléphone de la région, pour ma reconfirmation (!) et dans ce cas d'imprévu, je crains toujours le pire, par la suite ... en raison de la loi bien connue de l'   "em... bêtement maximum".

            Les communications téléphoniques sont acheminées maintenant à Asni par faisceaux hertziens (avant par fils). Autre progrès : Asni posséde une bibliothèque municipale.

            Pendant l'attente et l'absence de Lahcen, un vendeur à la sauvette, de bijoux berbères, m'indique de Lahcen est quelqu'un de bien et que je n'aurais pas de problèmes avec lui.

            Après avoir pris notre thé à la menthe, nous repartons dans un minibus tout terrain sur une piste où la Mercédès ne pouvait s'engager. Après 30 minutes, nous arrivons vers 13h, au village d'Imlil situé à 1700 mètres d'altitude, village n'ayant pas le téléphone, mais ayant l'électricité, transportée par ligne à haute tension, installée depuis 3 mois, seulement. Tout le monde, ici est heureux d'avoir l'électricité. Dans ce village, se trouve un refuge, appartenant au Club Alpin Français, au confort spartiate, sans électricité, ni eau chaude, on s'y éclaire la nuit avec des lampes à gaz et des bougies. Le bureau des guides est attenant au refuge.

            Vers 13 h, Lahcen me présente, comme un bon marcheur, mon nouveau guide Brahim, avec lequel je suis assuré ne pas avoir de problème. Il me précise que si à la fin de la soirée je ne suis pas content de lui durant la randonnée de l'après-midi, il me proposera ce soir même, un autre guide (!). Il m'assure, que Brahim me fera aussi découvrir "sans problème !" la nature, les animaux...

 

            Nous partons en pleine chaleur, remontant d'abord le lit d'un oued très en pente. Je rencontre des femmes y lavant le linge sur les rochers, mais avec de la lessive moderne (Tide). J'ai beaucoup de difficulté à suivre Brahim dans le dédale de rochers morainiques de l'oued. Souvent, il ne s'arrête qu'un très cours instant pour m'attendre.

            Les sentiers dans le Toubkal sont très caillouteux (comme sur le sentier de grande randonnée GR20 qui travers la Corse) comportant souvent des pierres polies couvertes de poussière, ou de gravier, cause de dérapages, surtout lors de perte de vigilance causée par la fatigue. Brahim lui ne dérape presque jamais ... seulement deux ou trois fois, le dernier jour de la randonnée.

Nous montons rapidement vers un col à 2300 mètres. Durant toute la montée, un vent violent, montant de la vallée, souffle en permanence presque en tempête bien qu'il fasse un temps radieux sans nuage. A un moment, je faillis bien perdre ma casquette... Ici l'aérologie à cause de contraste thermique (roches, chaleur) est très violente et il faudrait vraiment être fou pour vouloir faire du parapente ici en été (et pourtant quelques rares français candidats au suicide l'ont déjà fait).

La végétation quoique rare dans cet univers montagneux et désertique me paraît fort intéressante, car rencontrée nulle par ailleurs. Au sommet du col, nous découvrons sur l'autre versant, un parterre, à perte de vue, de petits arbustes conifères assez espacés entre eux, de quelques mètres de haut, au feuillage très vert, certains portant de petites boules ou graines dures bleu noir, aux étranges troncs fibreux, tordus, délavés, arbustes qui se révèlent être des genévriers, que j’avais pris de loin pour des petits pins d’Alep torturés par le vent et l’altitude ... J'entendrais même à cet endroit des chants semblables à ceux de cigales ou de sauterelles (?), chant que je n'entendrais pas très souvent dans la région, parla suite.

            Je ne trouve pas moins 5 espèces de chardons : une espèce aux fleurs jaunes, vivant au raz du sol, souvent dans les fentes des rochers, une espèce très belles, avec des fleurs piquantes en forme de boules blanches,  transpercée de ça et de là, de longues épines rayonnantes, que je dénomme "chardon pompon", proches par le type de fleur ronde, des chardons "bleus" (Notre-Dame ?) français (?), une espèce aux feuilles vertes émeraudes au centre et jaunes sur le bords des feuilles, charnues, à fleurs roses, avec des piquants sur les feuilles très longs, et poussant dans les zones humides aux étages et aux milieux écologiques correspondant à ceux de l'aulne arctique dans les Alpes (mais ici ce genre de chardon peut être trouvé à 3500 m), et une espèce qui ressemble à celle que l'on trouve sur les dunes du bord de mer et de certaines rivières (comme la Loire), en France, tels le panicaut maritime ou champêtre (Chardon Roland) (?) ...

            Je ne vois pas beaucoup d’animaux. Tout juste j’entends des oiseaux sans les voir. Je regrette que mon ami Fernand, preneur de son animalier ne soit pas ici. Je n'ai pas vu un seul aigle ou rapace, seulement quelques grands corbeaux. Par contre on rencontre beaucoup de petites sauterelles volantes, semblables à des criquets, soit à élytres jaunes vifs soit à élytres bleus ciel. En volant sur de courtes distance de quelques mètres, elle ressemblent à des petits papillons. Je ne vois que très peu de papillons et le plus souvent de petites tailles et de couleurs sombres. Sur certaines pierres, se chauffant au soleil, on voit parfois de tous petits lézards vert sombres. Dans la région existe aussi la vipère de l’Atlas (ou de Lataste (?) très rare). Personnellement, durant cette randonnée, je ne rencontrerai pas un seul serpent. Malgré l'abondance de crottin sur les pistes, je n'ai pas vu beaucoup de scarabées bousiers. Les mouches maçonnes sont fréquentes, ainsi que des petits insectes, sans ailes au dos plat, avec des dessins rouges et noirs, que dans le val de Loire, on appelle des gendarmes.

            D’après Brahim, il existeraient aussi des mouflons dans la région.

            En court de trajet, Brahim discute un bout de chemin avec un jeune garçon montée sur une mule, montant du ravitaillement pour un campement de berger plus haut, cheminant un moment avec nous. Durant mes 6 jours dans le Toubkal, j'ai vu mon guide discuter ou saluer un nombre considérable de personnes dans les différentes vallées de ce massif montagneux.  (souvent, lorsque Brahim convoie un touriste, les gens spontanément lui pose des questions sur le dit touriste, et Brahim répond, au grand désappointement du touriste ne comprenant pas lui un traître mot). Il faut le dire ici tout le monde parle en berbère et très peu en arabe, et encore moins le français (même si certains connaissent notre langue). Ces liens auraient été tissés, d'après Brahim, par le fait que les gens le revoient régulièrement, lors de ses nombreuses randonnées passées dans la région _ d'ailleurs, j'ai pu constaté que Brahim connaissait aussi la région comme sa poche.

            Première surprise, je rencontre un groupe important d'anglais randonneurs, de l’agence de voyage Explore (l’équivalent anglais de "Club Aventure") en train d’installer leur bivouac près d'un torrent, à une centaine de mètre d’une petit village d'été de bergers Azib Tamsoult, situé à 2500 mètres (ce genre d'expédition est souvent accompagnée d'une logistique importante : nombreux mulets, lourdes tentes blanches, de grande dimension, à 4 pans de style marocains, cuisiniers marocains, ...) . J'ai par la suite constaté que cette région est souvent sillonnée par les associations de Voyages type trekking aventure tels que "NOMADE, TERRE D'AVENTURE, EXODUS, CLUB AVENTURE, SHERPA, EXPLORE, ISOUBIA, ALLIBERT ... "  Cela est certainement une aubaine pour les guides locaux, commerçants et même pour les habitants et l'économie locale. Ce tourisme aidera peut être le pays à décoller.

            Nous recroiserons à plusieurs reprises, ce groupe dans nos pérégrinations.

D'une manière générale, j'ai trouvé que les étrangers étaient bien acceptés ou vus ici d'un bon oeil. La plupart, des personnes croisées sur le sentiers vous saluent ou disent "Bonjour" (éventuellement "comment ça va") en français, même s'il ne connaissent pas d'autres mots.

            Les villageois du village d'Azib Tamsoult, qui ne parlent que Berbère, offrent d'ailleurs aussi un refuge (sommaire) aux touristes de passage (des couvertures entreposées sous un abris à l'entrée du village sont à leur disposition).

            Le village est constitué de minuscules cabanes en pierre, à toit plat, chacune avec une seule ouverture, la porte. Des enclos tout proches, faits de branches d'épineux _ dans le cas ici, de grosses touffes d'astragalus, que certainement des petits filles ont du cueillir avec leur faucille  _, permettent de regrouper les animaux la nuit ... J'ai vu lors de mon séjour, des petites filles cueillir de grosses balles de bottes d'astragualus et me suis demandé si cette cueillette était destinée aux enclos, ou bien aux animaux, ou bien pour le feux. Autour du village broutent des vaches et des chèvres. Sous le village, des champs en terrasses, irrigués portent encore la trace de champs de blés déjà moissonnés.

            Nous demandons aux villageois du thé. D'après Brahim on peut demander du thé dans tous les villages berbères (règle d'hospitalité ?) et ensuite on donne ce que l'on veut comme remerciement. D'après Brahim le thé servi par les bergers en général très fort, ce qui est ici le cas. Pendant, qu'on nous prépare le thé, je tente d'obtenir l'autorisation de femmes berbères, allongées sur l'herbe devant nous, faisant la sieste, de les prendre en photo, ce qu'elles refusent aussitôt (ce qui est d'ailleurs pratiquement toujours le cas, avec toutes les femmes berbères).

            D'habitude dans la région, on voit souvent les femmes aux champs, ou portant sur les épaules de lourdes balles de foins pour nourrir leurs animaux, pendant que les hommes discutent dans les rues ou les cafés. Les femmes portent des vêtement simples, mais colorés et jolis, et toujours un foulard ou fichu sur la tête.

            Finalement, en amusant 2 petites filles d'environ 10 ans, par des grimaces et des mimiques à la Charlot, j'obtiens d'elle la possibilité de les prendre. J'obtiens de plus l'accord de leur mère. Après la photo, Brahim me demande de donner un Dhiram à chacune.

            Dépassant le village, nous arrivons à une série de cascades, dont une de plusieurs dizaine de mètre très puissante, générant un fort courant d'air froid descendant qui nous transit. Mes mains, ma tête effleurent la trombe d'eau ... quelle pression glaciale sur les mains et les épaules ! D'où peut venir une telle quantité d'eau permanente, dans cette région en apparence si désertique ? En fait, je m'apercevrais, comme en Corse, que l'on peut trouver des sources partout (malgré ma grande consommation d'eau en raison de la chaleur et de la sécheresse de l'air, durant cette randonnée., le ravitaillement en eau ne sera jamais un problème,  Brahim quant à lui durant les 6 jours, restera toujours sobre, tel un chameau).

            Nous pique-niquons de galette de pain local (la pain ici est très consistant et bourratif), d'une boîte de sardine et d'oranges. Les oranges du cru, bénédiction pour la randonneur, "pomme pour la soif", extérieurement apparemment non mûres car vertes, mais en fait succulentes et sucrées. Brahim ensuite dissimule les restes du repas sous un rocher (ce que tous les randonneurs et guides font dans cette région !).

            Nous redescendons aussi vite qu'à la montée et sommes à Imlil à 18 h ... Nous redescendons tellement vite, et sans entraînement, que je crains de voir se reproduire la crise de tétanie que j'ai déjà eu dans les Alpes quand je redescends trop vite la montagne ... Brahim "Marathon man" avance trop vite. Il serait certainement un bon candidat pour les semi-marathons en Montagne... Durant ces 6 jours, je m'apercevrais que l'on ne peut jamais l'épuiser. Autre hantise du randonneur, le risque de nez et de gorge totalement bouchés, m'arrivant heureusement seulement qu'au début de cette randonnée.

            Je décide de garder Brahim malgré tout, bien que marchant un peu trop comme une mécanique, sans se préoccuper suffisamment de son client, et malgré la proposition délicate de Lahcen (choquante pour moi).

            Je plante ma tente dans le jardin du refuge du CAF, où je peux faire un brin de toilette. Je discute avec le vieux gardien du refuge, qui l'a toujours été depuis tout jeune, et qui ne sait ni lire ni écrire.

            Je retrouve le soir le chant des Muezzins : Allah, Allah ... (car Imlil possède plusieurs mosquées), et hors des heures de prière, les nombreux hommes désoeuvrés discutant dans les rue entre eux, souvent autour d'un thé à la menthe.

            Je discute longuement  avec Lahcen, devant un thé à la menthe au café, décide de lui faire confiance et lui remets l'intégralité du paiement de la prestation de 6 jours de mon guide. Nous discutons de beaucoup de choses. D’après Lahcen, dans cette région, on ne voit pratiquement jamais de serpents. Il ne trouve donc pas nécessaire de s'équiper de sérum (finalement, je ne renoncerais donc à emporter du sérum, dont la conservation est d'ailleurs difficile, car devant être maintenu en permanence en dessous de 15°C maximum).

            Lahcen souffrait à ce moment, d'une violente rage de dent, couplée avec une diarrhée de plusieurs jours, suite à l'ingurgitation d'une pastèque. Je lui donne du Dyspagon mais qui se révélera de peu d'efficacité. Souvent, pendant la conversation, Lahcen est affublé d'un tic nerveux, l'obligeant constamment basculer la tête, et prononcer la même interjection "At !   At !   ....".

             Ensuite je commande un Tajine, pour lequel une heure de préparation est nécessaire, qui se révélera succulent et très copieux.

 

Jour 2 - Lundi 1/9/1997, Imlil -> Refuge du Toubkal, 9 km - Dénivelé 1550 m

(avec sac à dos)

            Après avoir repris un thé à la menthe à 8 h, et des provisions, nous partons en direction du petit douar (village) de Sidi Chamharouch (que nous atteindrons vers midi), non sans avoir, auparavant donné toutes les consignes à Lahcen pour qu'il puisse prévenir par le téléphone d'Asni mon agence de voyage pour la reconfirmation du vol de retour.

            Le chemin monte rapidement, d'abord le long de la montagne nous offrant ensuite une large vue sur la vallée et l'oasis d'Imlil.

            Souvent dans cette région désertique, les vallées sont occupées des bandes de verdure fertile, en fait de vraies oasis, créées de la main de l'homme, comportant de multiples canaux d'irrigations, certains réalisés en béton et pouvant venir de très loin dans la montagne. Avec la beauté de ces paysage, et la richesse apparentes de l'agriculture de ces vallées, j'aurais tendance à penser que l'on ne peut qu'être heureux ici. On y trouve tout pour y vivre en autosuffisance : toujours de très nombreux noyers offrant la fraîcheur de leur ombrage, des pommiers, des poiriers et même des cerisiers, bien sûr des légumes (tomates, pommes de terre, carottes, haricots, cucurbitacées variées ...) et des champs de céréales (blé, maïs).

            Ce genre d'irrigation est d'ailleurs semblable à celle des oasis de hautes montagnes désertiques, comme au Pamir (Pakistan) ...

            Mais la vie l'hivers est aussi assez dure, à causes de la neige, du gel, du froid, du vent ...

            Nous passons à une certaine distance du village d'Around, nid d'aigle, aux maisons marrons en pisé et à toit plat, certaines aux fenêtres aux bordures colorées, village où vit Brahim. Puis nous traversons une grande vallée au fond plat, large d'un kilomètre, caillouteuse, où s'est étalé entièrement l'oued qui l'a transformé en désert. Après la vallée, en montant, à mi chemin de notre itinéraire, nous découvrons une minuscule échoppe, en pleine nature, vendant des boissons et des gâteaux, de 1,5 mètre de haut, 1 mètre de large et 1 mètre de profondeur. A cet endroit, je rencontre un couple d'étudiants américains de Boston, biraciaux, faisant seuls sans guide, la montée du Toubkal et avec lesquels je sympathise. L'américaine noire est très belle : élancée, une taille de mannequin. Lui a perdu définitivement sa casquette suite à un coup de vent violent.

            Sidi Chamharouch, caché dans un chaos de blocs morainiques énormes, est un lieu de pèlerinage, à cause du tombeau d'un marabout (d'un saint de l'Islam) visible de loin par un gros rocher peint en blanc et des oriflammes verts et rouges l'ornant, au pieds duquel il est construits. De loin à cause du paysage, on a l'impression de découvrir lieu de culte Bouddhiste du Népal. Le saint  vénéré du lieu est appelé le "Marabout des diables", car il aurait combattu de son vivant 1000 diables (djinns). Le village pauvre ne vit pratiquement que des pèlerins et du pèlerinage. Nous y arrêtons pour le pique-nique, le ravitaillement et l'éternel thé à la menthe, que je prendrais en de très nombreuses occasions.

            Dans le village il y a une école publique, et je verrais que tous les villages de la région, même les plus reculés, sans électricité, ont leur école primaire.

            Pour le thé, on nous installe au fond d'une petite échoppe, et je suis médusé par le spectacle d'un jeune s'acharnant devant nous, à l'intérieur de notre local, sur une bouteille de gaz neuve,  avec une clé et un marteau, pour tenter de lui adapter un brûleur, et surtout en laissant fuir une grande quantité de gaz (!). Finalement, en s'apercevant de son erreur sur le modèle de brûleur, n'ayant pas le bon filetage, il trouvera dans le village la bonne tête. Le jeune homme venant de Marrakech,  n'a pas de travail. Il me dit que 75 % des travailleurs marocains immigrés en France sont des berbères, qu'il n'y a pas de travail partout au Maroc et beaucoup de chômeurs. Ici on travaille souvent gratuitement, pour rendre service ... On peut vivre avec 20 Dh (15 FF) par jour. Ici souvent, on attend fataliste et simplement la mort, dans ces régions.

            Le temps l'après-midi est constamment changeant, et nous sommes accueillis à un moment par une petite pluie fine qui sèche très vite.

            D'après Brahim, ici il y a souvent des orages, certains d'une rare violence, avec parfois des pluies battantes telles qu'elles limitent la visibilité à un mètre. Ici dans cette montagne, les chemins ne sont jamais balisés et l'on peut prendre le mauvais sentier. La façon la plus sûre de suivre son chemin est de suivre la piste du crottin. Partout dans ces vallées, c'est le désert de cailloux ... peut-être par l'effet du gel (?). Durant la montée, la chaleur, alterne avec le froid ... mais heureusement j'étais équipé pour affronter les pôles.

            Organiser un rallye raid de motos tout terrain serait peut-être possible ici, mais il serait certainement un des plus durs raids du monde.

            Au fond de la vallée, vers 3000 mètres, près du torrent, nous rencontrons encore le groupe Explore plantant son bivouac. La couleurs des roches changent et nous sommes maintenant entourés de rochers volcaniques, en général des andésites, de toutes les couleurs allant du vert, au violet en passant par le rouge. Tout le Toubkal est le reste d'un immense massif volcanique très ancien, datant de l'époque primaire. Par sa géologie, la région ressemble à celle de la Corse, par l'extraordinaire diversité de ses roches : volcaniques, calcaires, granites blancs, roses, schistes, gneiss, marbres rouges ...

            Nous arrivons vers 15h30 à 3250 mètres, au refuge du Toubkal (encore un refuge du CAF), encore appelé refuge "Nelter", du nom d'un membre du CAF et je crois, explorateur du Toubkal dans les années 30. Ce refuge gardé, de dimensions modestes, semble mal entretenu et est toujours surpeuplé. Il est prévu que l'on y construise bientôt à la place un refuge beaucoup plus grand. Dans ce refuge, il n'y a aucune radio, ni aucun moyen rapide de contacter l'extérieur. Une inscription énigmatique dit que le refuge à été débaptisé, en 1988 (?). J'apprendrais plus tard qu'il signifiait que la lourde plaque de marbre où est inscrit le nom de l'alpiniste qui a donné son nom au refuge, avait été volée en 1988 (?) (!).

            Brahim me conseille d'installer ma tente, sur une zone très découverte, sans protection contre le vent. Conseil, que je suis pas, car nous sommes proche d'un col resserré, et je crains l'effet venturi du vent. En fait, je m'installe derrière un abris de pierre (un muret en arc de cercle assez haut) destiné à m'abriter du vent. La plupart des personnes autour de moi ont immobilisé leur tente, soit avec de lourdes pierres immobilisant les piquets, soit avec des pierres auxquelles les cordes de la tente ont été attachées. La nuit, il y aura quelques pointes violentes de vent. Brahim me regarde ramasser de lourdes pierres, sans bouger, l'air pas très convaincu.

            Un groupe de randonneur français est déjà là et des grandes tentes blanches sont déjà montées sur les flancs de la montagne.

            Plus tard, je tente une sieste, mais un groupe de chocard à bec jaune (identiques d'aspect à ceux des Alpes), se livrent à une bataille féroce pour une boîte de sardine reste de notre pique-nique pris à l'arrivée. Au demeurant, le silence des lieux est impressionnant, comme celui tout endroit désertique, lorsqu'il n'y a pas le sifflet des choucas ou le bruit du vent. Les bruits lointains s'entendent comme s'ils étaient proches.

            A cet altitude on rencontre encore ces chardons verts à longues épines.

            Dès de début de la nuit, la température descend très rapidement et voisine certainement le zéro. Brahim va lui dormir au refuge (il est capable de dormir n'importe où et à même le sol). Je découvre en discutant avec Brahim qu'il n'a pas fait d'étude, et ne lit jamais ... mais il sait lire un journal. Brahim n'est pas un bavard, et souvent je dois lui "extorquer" constamment les informations ce que je vois, car il n'a que rarement la "présence d'esprit" de m'éclairer sur une situation donnée, sur un élément du paysage, une plante ... (louer les services d'un guide est certainement utile ici, mais vaut mieux bien le choisir avant). Par moment, j'ai l'impression que ces randonnées avec les touristes, le barbe.

Jour 3 - Mardi 2/9/97, Refuge du Toubkal > Toubkal > Around, 14 km - Dénivelé 1000 m

(avec et sans sac à dos).

            Nous repartons vers 8h, sans avoir oublié de payer 10 Dh pour le gaz utilisé hier soir et aujourd'hui, en laissant nos sacs au gardien du refuge. Ce qui me surprend c'est que le sac de Brahim ne contient pratiquement rien et pèse que 3 à 4 Kg. Brahim monte avec un simple pull, sans gants, les mains constamment dans les poches, ses chaussures de montagne non lacées.

            La montée au Toubkal  (900 mètres de dénivelé) est très raide, la plupart du temps dans des pierriers. Nous sommes maintenant dans un véritable désert minéral et de cailloux. Pourtant quelques plantes minuscules à fleurs blanches subsistent. Je trouve même quelques astragalus d’Ibrahim en coussinets piquants au début de la montée.

            Nous retrouvons au début de la montée, notre couple d'américains. Mais la jeune fille partie trop vite, s'épuise vite, et nous ne les reverrons plus. Durant la montée, ma seule préoccupation est celle de l'économie de l'effort.

            Il n'est pas bon d'être fumeur ici ou d'avoir de mauvaises chaussures. Cette montée au Toubkal me fait enfin comprendre l'intérêt principal de l'Alpinisme, celui du défit et de l'effort. Je constate lors de ma randonnée, à cause de sa durée trop courte, qu'il me sera difficile de concilier la découverte de la montagne (et de celle de la randonnée) avec celle de la découverte des gens et il faudra que je fasse un choix.

Le sommet atteint à 10h est massif, vaste, plutôt plat, noir, caillouteux, bordé de précipices duquel la vue sur la région sous le soleil est magnifique. Le ciel est sans nuage, mais la ligne d'horizon est très fortement brumeuse, preuve d'un fort taux d'humidité dans l'air. Le sommet est matérialisé par un grand tétraèdre en acier, couvert d'inscriptions (graffiti) à la peinture. Certains rochers sont "peinturlurés" de grands graffiti  comme d'ailleurs sur certains gros blocs bordant le sentier montant au Toubkal (D'après Brahim ces "artistes" associent souvent leur nom à celui du village ou du lieu d'où ils viennent et avec la date de leur ascension) ...   J'ai la surprise de découvrir au sommet, des Choucas et au moins une dizaine de personnes _ allemands, hongrois, français d'Annecy  ...

            Visiblement cette ascension est très courue du monde entier. L'air est vif, comme au Mont Blanc, ou comme en l'hivers en montagne.

            Nous revenons au refuge Nelter vers midi trente. Je me sens tellement fatigué, que je n'apprécie plus ce qui m'environne (je marche mécaniquement, avec l'idée que je ne dois pas m'arrêter, ce qui serait "mortel" et avec en tête quelques souvenirs du livre "Aussi loin que mes pas me portent"). Je me laisse finalement convaincre de prendre une mule pour porter vers Around, mon sac à dos, cela pour 75 Dh. Brahim conduit seul la mule jusqu'à Around (le muletier rencontré au refuge, le connaissant et lui confiant la mule). Je m'aperçois d'ailleurs à cet occasion que la priorité est à gauche pour le croisement des animaux _  mules, ânes ... _ dans cette région. Les mulets, malgré les fers aux sabots qui les font déraper, sont très adroits sur ce terrain et vont beaucoup plus vite que les hommes.

            L'énigme de trouver régulièrement des morceaux de tuyau de plastique orange, servant pour l'irrigation ici, sur les sentiers, s'éclaircit par le fait d'observer certains muletiers les utiliser pour fouetter les ânes. Certains fouettent assez durement des ânes chargés excessivement, à la limite de la cruauté.

            La ciel se couvre de nuages menaçant durant notre descente ... L'orage redouté n'éclate pas mais une petite pluie agréable rafraîchit , la chaleur auparavant de four de l'air, et fait exhaler de façon magique le fort parfum des plantes.

            Une femme sur un mulet, avec son enfant, nous accompagnant un moment, chante remarquablement pour son enfant. Brahim lui chante de temps en temps d'une voie de fausset, sur aiguë.

            Le gîte d'étape choisi par Brahim à Around est presque un dépotoir : une grande cours de terre battue, où s'ébattent des poules, couverts de déjections de poules, où je dois planter ma tente. Un croyant étale son tapis de prière, de façon ostentatoire, dans la rue, pendant qu'un autre apprend à un jeune mulet aux pattes entravées, qui est le maître, à grands coup violent de tuyau plastique sur le dos. Les anneaux des abots sont en velours. D'après Brahim, une bonne et jeune mule coûte 8000 Dh et un âne 5000 Dh (?).

            Plus tard, à la tombée de la nuit, un couple de tchèques, avec leurs Skoda, toute neuve, chargée à bloc, vient s'installer à côté de moi. Il sont venu de Prague, jusqu'ici et je me demande comment, il ont fait pour arriver ici, par les pistes caillouteuses. Ils comptent le lendemain monter à pied au Toubkal.

            Le soir Brahim m'invite à prendre un tajine chez lui, attention qui me toucha.

Nous traversons Around, à la nuit tombée, par des ruelles étroites couverte de boue et de déjections animales. Pourquoi ne peuvent ils pas paver leurs rues, avec la quantité de pierres qu'on trouve dans les environs, comme de cela été fait depuis le plus haut moyen age, dans tous les villages du midi de la France ? Nous passons devant plusieurs mosquées bruissantes de prières.

            Arrivé chez Brahim, je mesure la pauvreté des lieux, une petite maison en pisé, de 2 pièces d'un grand dénuement. Il y a la pièce assez vide pour recevoir les invités, avec un tapis de laine grossière, multicolore, tandis que dans l'autre pièce, se trouve le lieu où sa femme cuisine, garde ses 3 enfants _ 2 petits garçons, une petites fille encore au stade de nourrisson _ et une réserve où sont conservés les trésors de Brahim : 2 vieux skis à lanière (Brahim l'hivers est éventuellement moniteur de ski ...), ses chaussures de montagnes (données par une touriste espagnole), son anorak etc ...             Les solives du plafond sont en tronc de noyer.

            Nous buvons d'abord le thé à la menthe, Bismila ! (prononcée en début de repas « Au nom de Dieu », que j’avais pris à tord pour l’équivalent de « Santé! » en français. En fin de repas on dit Abdoulah « Merci à Dieu).Cet éternel thé à la menthe me manquera à mon retour en France. Pourquoi cette institution n'existe pas en France?  Il est appelé ici en plaisantant le "Whisky marocain".

            Sa femme apporte ensuite le tajine aux légumes, mais ne mange pas avec nous (ce qui est la règle ici). Je prend en photo toute la famille exceptée l'épouse de Brahim qui refuse d'être prise. Comme dans toute la région le tajine copieux est délicieux ... peut-être leur secret est le mélange d'épice qui y est mis ... en tout cas, il y a de la cannelle ... Il y aurait peut-être de la fleur de safran et très sûrement du beurre rance salé qu'on conserve longtemps au frais dans une cave : le smaïn (?) ....

            A 19h30, l'électricité éclaire la maison. Brahim m'apprend que le village est équipé d'un puissant groupe électrogène diesel, alimentant chaque maisons entre 19h30 et 23h (les ruelles elles ne sont pas éclairées). Ce groupe électrogène a été offert et installé par des français qui ont constitué une association "les amis d'Around". Ils étaient 10 personnes et n'ont même pas fait participé les habitants, à la pose des poteaux électriques et des câbles électriques. Fait regrettable pour moi, dans ce pays de grand chômage où il serait important de faire participer les gens à des travaux d'intérêts collectifs (construction de route etc...) ou à des projets motivants, pour faire reculer l'émigration vers l'Europe et l'exode rural de ces régions ...

            Brahim me montre la prise électrique du milieu du mur de notre pièce où sera installé sa future télévision. Brahim se renseigne auprès de moi sur le "satellite" et son prix (car déjà plusieurs personnes, les plus riches, en possèdent à Around. Elles sont indispensables pour recevoir la télévision, dans cette région, où il est impossible de capter les émetteurs nationaux, à cause de l'effet d'écran des montagnes). Il rêve de posséder tous les biens matériels, comme tout le monde ici, tels que télévision, parabole, réfrigérateurs etc. ... _. Il sait ce qu'est un four à micro-onde. Il rêve sur ma montre altimètre, dont il me demande le prix (son chef Lahcen d'ailleurs en possède une plus perfectionnée que la mienne).

            J'apprends ensuite de lui, des mots berbères (voir dernier tableau en fin de ce compte-rendu) Je m'aperçois qu'il croit qu'en français, comme beaucoup de gens ici "femme" se dit "Gazelle" (qu'ils prononcent "Gazil").

            Par la suite la conversation, prend un tour m'incitant plutôt à la prudence. Je m'aperçois que Brahim cherche à obtenir des cadeaux : 1) une boussole (pour remplacer sa boussole à bain d'huile qui est cassée),  2) 2 paires de chaussures pour ses 2 fils, l'une de pointure 26, l'autre du 31, ...

            De plus ce jour même, Brahim tarde à me rendre l'argent que je lui ai prêté. Je lui répond pour l'argent prêté, que "d'abord les bons comptes font les bons amis", et que "pour le reste on verra". Je lui promets quand même un exemplaire de la photo prise de lui et de ses enfants. Suite à réponse, Brahim prend alors un air ingénu, en me disant "Inch Allah".

            De retour dans la nuit, à mon campement, Brahim veut garder la lampe torche incassable, que je lui ai prêté, pour retourner chez lui (alors qu'on y voit assez clair dans les rues). J'insiste alors pour lui dire qu'en aucun cas "Je ne lui ai fait cadeau de cette lampe et que c'est seulement un prêt".

            Dans la tente, je réfléchis de savoir si je n'ai pas fait une erreur dimanche en le gardant et si je ne vais pas demander finalement à Lahcen de me trouver un autre guide.

            Je sais que j'ai durant cette randonnée, du mal à expliquer, à Brahim, très intéressé par ces informations, les éléments de notre niveau de vie en France et des points de comparaisons (là dessus il est assez malin pour comprendre).

            Suite à sa question sur le chiffre mon salaire, je dis que je gagne 10 000 Dh , mais je ne sais pas si c'était alors une bonne idée de lui donner ce chiffre.

            J'ai essayé de lui faire comprendre que bien que nos salaires soient plus élevés qu'au Maroc, il faut prendre en considération bien des éléments différents, qui faussent la comparaison : que la vie est beaucoup plus chère (prix des repas, de la nourriture et surtout les appartements ...) et que l'on doit payer beaucoup de prélèvements obligatoires _ impôts, sécurité sociale, assurance vieillesse, assurance chômage _ qui coûtent chers et qu'on doit impérativement payer si l'on ne veut pas de gros problèmes. Je lui dis que l'on peut payer encore d'autres assurances : la responsabilité civile, pour l'appartement, la complémentaire maladie etc...

            Je lui parle aussi de différence de mentalité : le fait qu'en France, le chômage, est perçu comme un drame, voire une honte sociale (provoquant la déconsidération), l'importance du travail en France (certaines personnes travaillant beaucoup jusqu'à oublier leur famille ou leur santé) ... En France, on ne compte pas d'abord sur le ciel, même s'il existe des français croyants chrétiens. Si en pays d'Islam on dit "Inch Allah", en Europe on dirait plutôt "Aide toi d'abord et ensuite alors le ciel t'aidera".

            Brahim me confie la missions de prospecter  autour de moi les personnes intéressées par une randonnée ici, pouvant le contacter à son adresse.

Jour 4 - Mercredi 3/9/97, Around -> Tacheddirt, 10 km - Dénivelé 500 m

 

            Il y a un orage la nuit, et ma tente est mouillée. Je la ferais séchée à l'extérieur sur mon sac à dos.

            Le lendemain Brahim à 7h, me rapporte l'argent confiée, et la lampe, sans un mot.

            Il me fait part de son désir d'acheter de la viande, pour le Tajine du soir à Tacheddirt. Idée qui ne m'enchante pas, du fait d'imaginer la viande se promener sous un soleil de plomb, et aussi en raison des conditions sanitaires de conservation de la viande, au soleil,  souvent couverte de mouches chez les bouchers d'ici. D'après Brahim la viande peut se conserver 4 jours dans le sac à dos. Je lui propose plutôt d'acheter la viande à l'arrivée à Tacheddirt, ce qu'il accepte, l'air déçu.

            Nous montons rapidement vers un col à 2200 mètres, suivi par le groupe d'Explore. Nous traversons des plantations de pins étagés sur le flan de la montagne. Je croise à un moment une petite fille de 7 ans, portant une énorme balle de foin.

            Dans un petit village, deux petits enfants me proposent deux pommes pour 1 Dirham, qui se révéleront vertes, acides et dures. Souvent, même les adultes, ne font pas toujours attention, au moment de les cueillir, au degré de mûrissement des fruits, destinés à revente.

            J'ai ma première ampoule, à cause du décollage de la semelle de ma chaussure et le pansement anti ampoule Compeed se révélera d'une grande efficacité.

            Au sommet, je rencontre un groupe d'anglais conduit par une jeune femme marocaine guide. Celle-ci me demande pourquoi je randonne ? Je lui réponds qu'il y a défi sportif et le désir de découvrir le pays. Elle me réponds que d'après elles les français aiment bien les défis et les explorations lointaines. Diplomatie de ce guide ?

            Nous marchons un moment avec le groupe d'Explore sur un longue piste plate, carrossable (certainement utilisée par l'Office des Forêts) dans un paysage très monotone. Un des membre du groupe portant un grand filet à papillon est un entomologiste de Londres. Il me dit qu'au bout de 4 jours de marche, sa récolte est encore faible et qu'il n'a encore trouvé les espèces rares recherchées. Je pense qu'il n'est certainement pas facile d'effectuer ce genre de recherche, noyé dans un groupe de randonneurs.

            Nous arrivons à Tacheddirt vers 13h et presqu'immédiatement une forte pluie tombe toute l'après-midi. Ce village n'a pas l'électricité. Il se dégage en entrant une odeur de feux de bois, comme dans tous les villages traversés. Dans tous les villages, malgré leur pauvreté, on y rencontre souvent des éléments de décoration florales : roses trémières, fleurs en pots (lantanas orangés, géraniums ...).

            Nous logeons dans un gîte d'étape local, que je compare à un caravansérail médiéval. Je loge dans une chambre aux murs enduit de chaux, comportant 4 banquettes étroites. Ces banquettes sont très dures, ainsi que les coussins. L'eau de la montagne alimente la douche. Les WC sont à la turc sans chasse d'eau, comme partout ici. Il y des mouches partout, qui se posent partout, sur la toile cirée, sur les personnes .... Ah! s'il pouvait exister un répulsif à mouche. En attendant, un coup d'eau de Javel sur le sol, la toile cirée, ne ferait pas de mal.

            Je profite de l'après-midi, pour laver au savon, mes deux paires de chaussettes, et mon tee-shirt.  Nous buvons bien sûr notre éternel thé à la menthe, ne faisant rien une partie de l'après-midi ... seulement regarder la pluie.

            D'après Brahim les maisons des villages seraient basses (2 étages maximum) et seraient blotties contre la montagne, à causes des vents violents l'hiver (personnellement j'ai supposé d'abord, qu'il est difficile peut-être de monter ces maisons en pierre, dont le mortier est du torchis sur de grandes hauteurs, mais le souvenir des maisons du Yémen me convainc ensuite du contraire). A cause de la neige les hivers seraient durs. Mais les villages ne seraient pas pour autant coupés du monde, car les chemins seraient déblayés à la pelle et de toute manière les ânes passent toujours.

            Le soir, l'hôtelier dit avoir trouvé de la viande pour le couscous. Le coucous se révélera fort excellent, mais la viande quand à elle n'est qu'un ragoût de tendons et de nerfs, bouilli et rebouilli, immangeable. On nous sert un café à la turc délicieux.

            L'extinctions des feux ici se fait au coucher du soleil. Dès la nuit tombée, tout le monde ici se promène ou s'éclaire avec des bougies ou des lampes à gaz. Je me serait attendu des lampes à huile comme à l'époque romaine, mais il n'y en a pas. (Le village, totalement sombre, accentue pour moi l'effet du dépaysement, et le fait d'être loin de tout, tout comme dans certaines oasis visitées dans le passé en Algérie). Je me suis demandé qu'est ce qu'on pouvait faire le soir dans ces villages, la nuit tombée, à part de faire des enfants.

            Il y a 3 paraboles dans le villages, alimentées par des batteries de voiture.

            A cause de l'obscurité, notre hôtelier casse des assiettes et des verres, en voulant nous desservir trop rapidement notre repas.  En contrebas de la terrasse où nous mangeons, il y a un enclos où sont parqués, ensemble, les chèvres, les vaches et les lapins (dans un coin de petit l'enclos, il y a même un cage avec des pigeons). Les chevreaux semblent pleurer, avec la voix troublante et humaine des petits enfants.

            Le fils de notre hôtelier, nous apporte dans notre chambre du maïs doux, grillé (un peu carbonisé), encore chaud, qui fait le régal de Brahim. D'après Brahim, une association caritative japonaise (ce qui m'étonne) à promis d'installer à Tacheddirt un groupe électrogène.

Jour 5 - Jeudi 4/9/97, Tacheddirt -> Oukaïmedene, 8 km - Dénivelé 950 m

 

            Le lendemain, nous reprenons la route après le café.  En sortant du village, je photographie des petits enfants. Le sentier monte très vite, et au cours du chemin nous rencontrons une caravane de 5 mules ou ânes, de contrebandiers, transportant des objets en bois de noyer,  travaillés au tour (bols, assiettes, cuillères, ...) _ bois qu'il est interdit de couper dans les oasis. Pour éviter les contrôle du policier d'Imlil (qui le seul habilité ici a délivrer son coup de tampon), ces contrebandiers, font un grand détour par un col à plus 3000 mètres, que nous atteindrons aussi. Les contrebandiers rejoindront un camion qui les déchargera à Oukaïmedene. A un moment, je veux photographier un des ânes, se désaltérant à une source de la montagne, et le chef de la colonne m'interdit de prendre une photo. C'est en s'enquérant auprès Brahim de la raison de ce comportement, que j'apprendrais tout cela.

            Le sommet du col est couvert de moutonnements d'astragalus et d’autres plantes de haute altitude (ononis, sablines piquantes ..), disposés en coussinet, à perte de vue, comme des vagues de verdures. Puis nous longeons le fond d'une vallée très plate, désertique, d'altitude, qui nous conduit à Oukaïmedene. En chemin, je trouve des crocus blancs et des campements d'été de bergers effectuant des transhumances. Des hirondelles volent très bas (ici elles volent toujours très bas, même quand il fait beau). Je crois apercevoir des guêpiers rolliers.

            Oukaïmedene, située à 2600 mètres d'altitude, est la station chic de sport d'hivers des marocains. Personnellement, je ne la trouve pas jolie et le plateau sur lequel elle est construite est pelé. Ce plateau est interdit aux transhumances, entre le 10 août jusqu'au 30 mars. Il n'y a pas un seul arbre. Au dessus de ce village, trône une tour émettrice de télévision. Tous les panneaux des remontées sont bilingues (arabes, français). Il y a un marchand de souvenir. Et dans cette station totalement vide, je me demande à qui peut-il bien vendre actuellement. Finalement, je lui achète un poignard, incrusté de pierre, plus cher que si je l'avais trouvé au Souk de Marrakech. J'apprend de lui qu'il n'y a pas longtemps à Oukaïmedene, avait lieu une fête des mariages très intéressante.

            Il y un contraste saisissant entre le village misérable situé sur un versant et la station de sport d'hivers située sur l'autre, séparés par une simple route.

            Brahim, par le "téléphone arabe", m'apprend ici que Lahcen a bien réservé mon vol de retour. Ce que me confirme auusi l'agence de tourisme à qui je téléphone de l'unique téléphone (trônant seul sur une table comme à Asni) du bureau de poste d'Oukaïmedene. Lahcen a tenu parole ce qui me rend particulièrement reconnaissant à son égard.

            Nous trouvons un refuge du CAF, d'un luxe et d'une propreté inouïe, tenu par un couple, proche de la cinquantaine, très sympathiques, profondément humain et communiquants : Michèle et Jean. Jean, avec la tête burinée d'un Paul Emile Victor (explorateur polaire), est né au Maroc, y a vécu longtemps, puis est allé en France, a rencontré sa femme, a exercé la profession d'architecte à Paris, puis après un chômage de 2 ans, a accepté la proposition du CAF de reprendre ce refuge, en mauvais état à l'époque, il y a 10 ans.

            L'entrée du refuge, ressemble à celui d'un hôtel de luxe, ou à un salon, avec des fauteuils profonds et confortables, des tables basses, de nombreuses lampes en céramique vernissée, diffusant une lumière tamisée. La première page du livre d'or, où je déposerais un commentaire en partant, est occupé par une belle aquarelle de paysage des alpes, avec un dessin de chamois. En le parcourant, j'y relève une jolie phrase "Sur une terre qui n'a plus que des larmes de pierre, ses hommes dessinent un sourire si vert", parlant du pays.

            Enfin le plaisir indicible d'une bonne douche chaude et de draps blancs propres et d'une couche confortable. Juste après notre arrivée, un orage d'une rare violence, dans un éclairage de fin du monde, fait d'averses de grêle, se déchaîne pendant 2 heures et demi. Un oued se crée temporairement au milieu du plateau et des petits bergers renonce finalement à le traverser pour tenter de rejoindre leurs moutons isolés.

            En discutant tout l'après-midi, avec Jean source d'information intarissable, j'apprends que certains de ces orages, ont causés des catastrophes sans précédents dans la région. Par exemple, dans la vallée de l'Ourika, à Sidi Fatma, le jeudi 17 août 95, entre 17h et 8h du matin, une crue soudaine de l'oued, avec un mur d'eau de 12 mètres de haut aurait tué selon la version officielle 400 morts et selon Jean plus de 6000 morts. Brahim quand à lui m'a confirmé, que l'oued passant à Imlil à tué déjà plusieurs personnes, dont des touristes ayant planté leur tente sur les bords de l'oued, et emporté des voitures.

            D’après Brahim, les raisons des femmes à se faire photographier seraient causé par :

1) des touristes leur ayant promis de leur renvoyer un exemplaire de la photo prise, promesse non tenue.

2) des personnes (comme une certain photographe anglais "Alan X...") ayant édité des photos de femmes, dans des livres ou sur des cartes postales. Ces femmes n’ayant jamais touché aucune rémunération.

            Mais selon Jean, le problème de fond reste avant tout un problème de superstition , la peur d'être "capturé" dans la boîte de l'appareil [et d'après moi, peut-être aussi, la peur de pêcher contre Dieu en réalisant une représentation humaine ou image de soi, par une mauvaise interprétation de l'interdit du Coran concernant la représentation de Dieu ou de Mahomet ?]. Pour les photos, il me conseille l'utilisation d'un renvoi d'angle.

            Je découvre que Jean a fait beaucoup de sports : alpinisme, parachutisme, avion, ski, ... C'est un passionné de parapente. Il me dit que le parapente a déjà fait 2 morts à Oukaïmeden, dont un anglais, qui voulait essayer une voile prototype, ici malgré les conseils de Jean. Cet anglais est tombé dans un pierrier, après une vrille, et a eu la gorge tranchée. Les policiers ont refusé que Jean puisse examiner la voile pour voir, si cette vrille soudaine _ qu'il a pu observer de loin _ ne serait pas liée à une rupture soudaine des suspentes.

            Les coups de vents peuvent être violents. J'avais d'ailleurs observé dans le massif des tourbillons de poussière (style "Dust Devil") et une tornade de chaleur a d'ailleurs déjà emporté dans les airs, des caravanes du camping d'Oukaimedene.

            Un groupe d'anglais d'Explore ont eux été gravement blessés par des grêlons de la taille de balles de tennis et ont tous été hospitalisés. C'est pourquoi, Jean recommande de toujours emporter ici un sac à dos même petit, qu'on met sur la tête pour se protéger contre la grêle. Il recommande, le mélange Coca-Cola, contre les coliques, l'ail comme répulsif des vipères et enfin de verre de bordeaux à jeun pendant 6 mois pour traiter toutes formes d'amibes.

            D'après lui, en raison des conditions fortes, le parapente à Oukaïmedene, devrait être interdit du 15 juin au 15 septembre. Un de ses amis a maintenant un pied raide et ne peut plus faire de sport, suite à une chute, au confluent de deux vallées et de deux vents, ici, créant des effets de cisaillements dangereux.

            Normalement l'été, ici il y a un orage par jour, et exceptionnellement cette année, depuis 3 mois cet année, la pluie n'était pas tombée, et il manque plus d'un mètre d'eau dans le barrage réservoir d'Oukaïmedene.

            Parfois, survient ici des catastrophes naturelles très étonnantes, tel l'invasion de moustiques mâles, ayant la particularité de s'attaquer aux plantes (ce type de fléau déjà arrivé en Algérie).

            Jean me relate aussi certains d'anecdotes sur la vie au Maroc, pour me donner une idée de la vie dans le pays.

            Par exemple, quand une personne cherche à rouler l'autre dans une discussion et que finalement elle ne réussit pas, alors il arrive qu'en fin de la conversation, on sorte une réflexion du type : "il a voulu vous rouler, cela n'a pas marché ...Inch Allah !"  [Aujourd'hui Dieu ne l'a pas voulu !].

            Les gens sont durs entre eux, surtout les employeurs envers leurs ouvriers. Par exemple,  Jean avait réalisé les plans d'un circuit moderne de ventilation et d'aspiration, pour l'un de ses amis marocains, ayant créé un atelier de polissage de minéraux, et où les conditions de travail étaient pénible à cause de la poussière ambiante. Un an, après ne voyant rien venir, il apprendra de son ami, qu'il trouvait l'installation trop chère pour ses employés et que finalement, il préférait leur offrir plutôt des masques antipoussières.

            L'employeur ici au Maroc dit souvent "Si tu n'est pas content, tu n'a qu'à prendre la porte". Ici les employeurs, les gens riches n'ont pas beaucoup de compte à rendre au niveau du droit du travail ou dans d'autres domaines.

            Il me confirme que les guides sont assez durs à la tâche, habitués depuis le plus jeune âge à porter de lourde charge en montagne, mais d'après lui, tous auront des rhumatismes et mal au genoux vers 50 ans.

            Souvent, il y a l'effet d'imitation. Quand quelqu'un à une bonne idée, qui peut rapporter, alors tout le monde l'imite. Par exemple, à Casablanca, s'était installé une crémerie qui marchait très bien ... et progressivement d'autres crémeries ont ouvert alors leur porte, dans cette même rue. Si un marchand de pierre s'installe le long d'une route, tout le monde fera de même.

            Un français très sûr de lui, avait affirmé que l'immeuble qu'il construirait à Casablanca, serait enfin aux normes françaises de sécurité de construction. Les façades étaient couverts de filets de protection etc. Les ouvriers informé de cette sécurité se convainquent alors qu'il n'y a plus de protection à prendre ... Finalement au bout d'un an, l'immeuble était surnommé "l'immeuble cimetière", avec une quinzaine de morts dénombrés, des charges mal arrimées tombant régulièrement du haut de la grue etc. .... Anecdote signifiant que les changements de mentalité ne se font pas comme cela.

            La tour de télévision toute neuve d'Ouka n'a pas été construit antisismique, alors que la région est pourtant connue pour être sismique.

            Jean me confirme  l'interdiction de la radio, même pour les secours en montagne (dont il a essaye d'obtenir  la levée, sans résultat). Quand, à la C.B. il ne faut même pas y penser. Les impératifs militaires de sécurité nationale ont plus d'importance que la vie humaine.

            En me baladant le soir, dans Ouka, je vois des militaires partout, ce sont des parachutistes, qui sont venus rejoindre les chasseurs alpins locaux, pour des exercices communs. L'armée, a tous les droits, au Maroc. Souvent, il n'ont rien à faire et vont battre le carton au café du coin.

            Les scouts marocains ne font pratiquement rien, et leur journée est seulement rythmée par le levé des couleurs le matin, les chants et la sieste. Jean semble en avoir gardé un mauvais souvenir et préfère maintenant plutôt recevoir les colonies de vacances de la délégation française.

            D'après lui, pendant la guerre du Golfe, la communauté française a complètement paniqué, ne sortant pratiquement plus dans les rues, persuadés que les marocains allaient leurs faire un mauvais sort. Suite à cette guerre, 70 % des juifs de Marrakech seraient partis. Il reste un bon nombre de juifs dans la vallée d'Adra. (Jean me dit d'aller dans cette région et voir la ville d'Essaouira serait la plus intéressante).

            Dans le sud marocain très pauvre, il y a eu, à un moment, un foyer d'instituteurs islamistes et pour Jean des graines ont été germés chez les enfants qui risquent d'éclore plus tard. Le Maroc est le seul pays islamique où les jours de congé restent le samedi et le dimanche, ce malgré la forte pression idéologique sur Hassan II, de pays musulmans comme l'Arabie Saoudite. Une des craintes de Jean, pour l'économie du pays, c'est que l'on fasse du Vendredi le jour férié, désorganisant les possibles relations commerciales avec l'Europe. "Un jour cela arrivera malheureusement".

            Pour certains marocains, on reste les Roumis (les Chrétiens), à qui l'on doit essayer de prélever des richesses.

            De Michèle, j'appris que le poignard juste acheté 400 Dh quelques heures auparavent, ne coûtait que 180 à 200 Dh. Mais de toute manière, il est difficile de donner une estimation à priori, tout dépend aussi de la qualité du travail ...

            Ici on vole de tout et n'importe quoi, comme la plaque commémorative de Nelter dans le refuge du Toubkal. Une très belle table d'orientation en céramique du CAF située au sommet de la montagne dominant Ouka, a été dérobée et Jean suppose qu'un camion est venue la chercher. Peut-être décore-t-elle le jardin d'un riche propriétaire, maintenant.

            Il y a beaucoup de chien errants, qu'on cherche régulièrement, à éradiquer à Ouka (diminutif de Oukaïmeden). Un jour, n'ayant plus de strychnine, un policier d'Ouka décide d'utiliser du cyanure, juste au dessus du barrage réservoir. Jean interviens heureusement rapidement, pour lui faire prendre conscience de la grosse bêtise qu'il allait commettre, par le ruissellement du cyanure vers le barrage : ".... Vous voulez donc réduire le taux de la population sous le barrage ?!!". Le policier penaud répond "C'est vrai je n'y ai pas pensé" (car les bergers se ravitaille en eau dans la rivière sous le barrage).

            Ici, on ne respecte pas les animaux ou la nature. La conscience écologique est encore à venir. Si on voit un serpent même rare, on cherchera surtout à l'écraser à coup de bâton.

            Personnellement, je suppose qu'en Europe, pour un tel massif, qui été aurait tout de suite protégé, on aurait créé un parc national, car exceptionnel de par sa faune et flore rares et par sa géologie. Il y subsiste quelques couleuvres jaunes rares. J'ai personnellement découvert et uniquement là, au abord supérieur du village de ??? un groupe de plantes, fait d'une tige, sans feuille, sortant directement de terre ressemblant à des lupins blancs.

            Quand à l'espèce la plus rare du massif, c'est une variété de coléoptères carabes noirs violets, de 25-28 mn, trouvée dans les années 70, dans la région d'Oukaïmedene, nommés par leur découvreurs Madame Mergues et Monsieur Ledoux : <<Relictos Carabus Merguesac Ledoux>>. Ce couple d'entomologistes, courant le monde à la recherche de carabes de type nébria. Ce carabe n'aurait été découvert qu'une seconde fois. Depuis il est devenu le "monstre du Loch Ness" des entomologistes du monde entier, venant pour tenter de le retrouver ... en vain. Il n'apparaîtrait qu'à la fonte des neiges, vivrait sous terre ou bien sous des pierres, en fait on n'en sait trop rien etc...

            Jean aurait découvert des plantes en coussins, totalement couverts de fleurs blanches peut-être tous les 4 ans, dans la vallée sèche d'où nous venions.

            Un genévrier en voie de disparition "le genévrier thurifère", dont la pousse et la reproduction sont extrêmement lentes, sert de bois de chauffage, malgré les interdictions. Jean a été obligé une fois de courir après un villageois qui avait coupé un de ces vénérables arbres et qu'il était en train de débiter. Mais le mal était déjà fait. En général, autour des villages, ces arbustes ont totalement disparu. Il n'y a pas un seul genévrier, ne portant des coups de hache, pour y débiter quelques branches. Il est très difficile d'empêcher les villageois de se procurer du bois de chauffage.

            Ici, d'ailleurs, j'ai regretté de ne pas avoir acheté au refuge, pour ne pas me surcharger, un livre remarquable "Le Massif du Toubkal", d'un membre du CAF, rédigé en 1942, sur la faune, la flore, la géologie et les voies d'escalades, du Toubkal [1].

            Jean me raconte d'autre anecdote de jeunesses, tels des bêtises sportives (en ski, alpinisme ...) commises jeunes avec d'autres amis du CAF , son refus d'obéir pendant la guerre d'Algérie, pour arrêter des algériens, à cause du fait qu'on ne revoyait jamais ces derniers quand ils étaient arrêtés, refus qui a valu à ses compagnon et lui 30 jours de "trou".  Une amnésie totale subsiste dans la conscience des français au sujet de cette guerre, malgré de nombreux livres et films, durant laquelle ont été commis de très nombreux crimes de guerres. Depuis les Algériens nous perçoivent comme des tortionnaires.

            Le reste de l'après-midi, je le passe à discuter avec les rares occupant du refuge : un jeune couple d'Allemand de Stuttgart et deux Espagnol de l'enclave espagnole en territoire marocain, Mellilia (Il y en a 2 : Mellilia et Ceuta).

            Les allemands ont reflué du camping inondé, au début de l'orage, vers le refuge du CAF. Quand aux espagnols, ils sont restés bloqués sous un auvent d'un garage.

            Le jeune allemand, économiste de son état,  pratique très bien aussi bien le français que l'espagnol. Très critique, très sûr de lui, brillant, il passe sont temps à critiquer les Marocains, ne voyant chez que des défauts : marchandeurs, sans rigeur, paresseux, voleurs etc ... Je me demande bien alors ce qu'il est venu cherché ici. Il critique aussi Michèle responsable du refuge, qui n'a pas apporté des serviettes au dîner, oubli qui sera vite réparé. Il y a chez lui une totale incompréhension de la culture marocaine, à cause de sa rigueur scrupuleuse, tatillonne, opposée certainement à l'esprit plus approximatif qui règne ici.

            Au demeurant, il doit être dur en négociation, puisque ayant pu baisser ses prix de 300 Dh à 50 Dh le prix du  taxi de Marrakech à Ouka.

            L'espagnol qui parle le mieux le français est beaucoup plus nuancé et comprend mieux le pays, peut-être, par le fait de vivre en permanence aux confins du Maroc.

            J'apprends de lui que Mellilia, sans être un paradis fiscal, est une zone franche ayant passée des accord avec la région de Grenade, d'où part une importante contrebande, à destination du Maroc dont certains produits sont taxés à plus de 70 %.

            J'ai a la surprise, en lisant un vieux Libération du 1 septembre, d'apprendre la mort de la princesse Diana. Pendant 5 jours coupé de tout, sans radio, le monde aurait pu explosé je n'en aurais rien su. J'en avais même presque oublié Anguéran mon chat ... ma famille et mes amis.

            Le soir Brahim et moi, allons dîner dans un estaminet local, où l'on sert de la soupe.

            Au bord de la route, une queue s'est constituée devant une tente, où une femme vend de gros beignets annulaires reliés ensembles par une ficelles, appelés "Bim" (?) ...

            J'ai cherché au refuge une carte postale du sommet du Toubkal du lac de montagne d'Ifni, sans succès. Il n'en existe aucune actuellement au Maroc. J'avais espéré qu'il y en aurait eu avec le tampon souvenir du refuge, au refuge du Toubkal, comme il en existe dans des refuges français d'altitude, ou dans celui des guides de l'Etna. Dommage, je ne pourrais prouver que je suis monté au Toubkal ... mais il me reste mes photos du sommets, si elles sont bonnes.

Jour 6 - Vendredi 5/9/97, Oukaïmedene -> Tagadirt Aït Ali, 17 km  (descente) Marrakech

 

            Je devais me lever vers 6h mais j'oublie l'heure et Brahim vient me chercher.

            Finalement, après un lever laborieux, la douche et le thé à la menthe à 8h, enfin je suis prêt. Allons ! Yala ! On y va.

            L'orage d'hier a complètement défoncé la route goudronnée séparant le village de berger du village riche. Sur le sentier qui part du terminus de la route, nous retrouvons le tronc respectable de genévrier thurifère, abattu et coupé, signalé par Jean. L'orage a fait tombé beaucoup de graines de genévriers sur le chemin. J'en profite pour en ramasser quelques unes ...soit peut-être pour un musée (?) soir pour Michel Huet le naturaliste de l'émission Evasion de France 3, que j'aime beaucoup (?)  soit (?) ...

            Comme dans toutes les parties du monde, la lumière du matin (et celle du soir) est la plus belle et j'en profite pour faire le maximum de photos.

            Avant l'entrée du village, je remarque une étrange groupe de plantes, sorte de lupins blancs sans feuille apparente (du moins me semble t'il), avec une tige toute droite sortant de terre.

            Pour la première fois de mon séjour, dans un village, un petit enfant me réclame un stylo ou des bonbons. En général, les enfants réclament "Stylo, Dirham, Fanits (bonbons)". Brahim semble faire écran, sans que je m'en aperçoive (?). Dans ce village je sens une bonne odeur de bois aromatique, mais mon coeur se serre à l'idée que ce sont des genévriers que l'on  brûle.

            On peut mesurer les effets ravageurs de la cru d'orage de la veille, tout le fond de la vallée étant recouvert d'une boue rouge, et les paysans sont en train de réparer le système d'irrigation avec leurs pelles.

            "... C'est une terre où les soifs sont fréquentes

Un pays où le ciel est sans promesse d'orage

Et les nuages ne s'étirent que pour offrir

Les plus beaux leurres aux lits de rocailles

Et les rares pluies n'apportent que les crues

Qui emportent les alaises fertiles aux loin de nous ..."  [2]

            Dans certaines oasis, la marche dans des sentiers ombragés par de grands arbres, parfois aussi bordés de haies touffues d'églantiers, est fort agréable.

            Dans, un café, je m'aperçois que le jeu de cartes utilisé, jeux d' << Around>> (?), pourtant semblable par certaines cartes à ceux des jeux 32 ou 54 européens, possède des lames différentes : cartes avec des épées et une sorte d'instrument de musique (?) ressemblant à un ocarina (?).

            Je vois dans le village d'El Bour, où il y a la queue au point d'eau, une construction en pain de sucre que je prends pour un four à chaux, que Brahim m'explique être un hamam domestique.

            Entre le village d'El Bour et Tagadirt Aït Ali, la végétation change complètement, et le terrain aussi, semblant plus calcaire. Les genévriers disparaissent et on rencontre maintenant des chênes verts, des lentisques, des oliviers sauvages et des thuyas. Brahim me dit de jeter ma bouteille de plastique blanc de Soda, dans la nature, ce que je refuse (par peur d'un départ de feux causée par l'effet loupe de la bouteille).

            Pendant, la descente, Brahim surveille régulièrement le ciel, persuadé qu'un orage, qui n'arrivera pas, éclatera, en début d'après midi.

            Enfin, nous arrivons à 11h30, à notre prochain lieu de rendez-vous avec Lahcen et le taxi qui me ramènera à Marrakech, vers 13h. 17km en 3h30 !, même si ce n'était que de la descente, Brahim a exagéré et il a même la facétie de me faire sauter encore, à l'arrivée, un petit muret de 2 mètres de haut, avec mon sac à dos de 14 kg alors que le sien ne pèse que 6 kg.

            Une longue attente commence, sous un grand arbre, à côté d'un petit moulin à eau et à farine, tout en regardant des femmes laver un grand tapis au bord de la rivière.

            Un groupe d'un homme de trente ans et un gamin de 10 ans, s'installent à mes pied sans dire un mot, pendant un moment. Je suppose qu'ils cherchent à obtenir quelque chose de moi. Je donne des fruits séchés au gamin, que refuse l'homme qui ne parle pas un mot de français. J'essaye de faire rire le gamin et de lui faire parler de l'école. Je lui dis que lire est très important, que cela conditionnera la réussite de ses études etc... Finalement Brahim discute rapidement avec l'homme,  avec semble-t-il un peu de mépris, et ce dernier s'en va.

            A la fin de la randonnée, je fait cadeau à Brahim, d'un couteau suisse et des boîtes micro-onde. Il les accepte comme si cela lui semblait tout naturel.

            Brahim me fait rencontrer un chercheur de minéraux marocains, se disant géologue, qui sillonnant depuis des années, tout le Maroc et les sentiers de montagne avec une vieille moto Yamaha 125. Il a effectivement des connaissances sérieuses en géologie, peut-être grâce à un guide minéralogique et paléontologique Bordas, qu'il a en permanence depuis des années, dans son petit sac à dos de randonnée, chargé à bloc de minéraux et fossiles.

            Selon lui, Lui seul est quelqu'un de vraiment sérieux à la différence des marchands de Marrakech et toutes ses pierres sont authentiques (ce qui est effectivement vrai).

            Il se recommande d'un certains nombre de références, le fait d'avoir fourni en minéraux, et en pièces exceptionnelles, un certain club géologique de Grenoble, le musée municipal de Lille, le fait de connaître Michel Huet le présentateur naturaliste de l'émission Evasion de France 3, du samedi après-midi. Il arbore fièrement un autocollant France 3 sur sa moto, donné lors du tournage d'une émission en 85 (?) d'une randonnée effectuée par Michel Huet avec lui-même dans le Toubkal.

            Il m'apprends que M. Huet aurait été professeur de géologie à l'Université de Grenoble et qu’il serait déjà venu faire une randonnée avec lui dans le Toubkal dans les années 75 (?).

            Il m'informe qu'il peut m'envoyer en France par la poste, tous les minéraux ou pièces exceptionnelles, quel que soit le type désiré. Il suffit de lui écrire à l'adresse ci-après: Aoussa Aït Ouazzaden, L'ARAB, ASNI, par MARRAKECH. Il organise pour qui le désire, un tour de toutes les mines du Maroc, où l'on peut se procurer de belles pierres, auprès des mineurs.

            Il me montre de belles pierres, et finalement je choisis, une petite vanadinite rouge corail, sur un lit de barytine rose (qu'il affirme être une conformation très rare), et deux petits fossiles de trilobites : un phacops et un calimène dans sa gangue.

            Mais comme le marchand de souvenir d'Oukaïmedene, que Brahim m'a fait rencontré, il refuse définitivement de baisser les prix _ 750 Dh pour les 3 pièces _, même pour me faire une petite fleur, ce qui m'étonne. C'est 750 Dh où rien. Je lui dit que je n'ai pas d'argent sur moi. Cela ne fait rien, je peux déjà prendre les 3 objets, et il viendra me rejoindre ensuite à Marrakech, récupérer l'argent que j'aurais pris au distributeur.

            Finalement, j'accepte ce prix à cause de la qualité des pièces malgré leur petite taille et pensant, à tort, que je ne trouverais pas de pièces semblables, aux Souks de Marrakech.

            Un jeune me montre le déchargement, d'une Toyota, de tout l'équipement d'un groupe touristique américain et me dit "Les américains sont vraiment riches".

            Enfin Lahcen arrive avec le taxi. Il me fait part de ses galères, pour l'appel téléphonique pour la reconfirmation auprès de l'agence de voyage : l'orage aurait rendu la communication difficile, les unités tournaient, il serait descendu à Asni une foi pour rien... Enfin tout est bien qui finit bien et je remercie Lahcen par un petit mot (ultérieurement, je lui enverrais un colis).

            Le chauffeur de taxi, met pour moi, RTM international, 98,8 MHz, la radio culturelle (et francophone) marocaine, qui diffuse à ce moment, une émission de neuropharmacologie assez érudite, avec la participation d'un professeur marocain, chercheur en France à l'université de Dijon.

            Sur le trajet, je remarque d'étranges constructions en pisé, de grande taille, à toit rhomboédrique, qui se révèlent être des granges.

            Au retour, je retrouve à l'hôtel Ali, une chambre single pour le même prix : 85 Dh, cette fois ci, minuscule, sans vue, avec seulement un ventilateur et une douche (froide). Je retrouve Marrakech, sa chaleur, ses calèches vert bouteille, ses petits taxis, ... Dans les escaliers, je rencontre une femme marocaine, provoquante, portant une rose dans la coiffure, au parfum musqué excessif, me demandant nonchalamment une cigarette.

            Je vais chercher de l'argent au distributeur automatique, et je retrouve mon géologue, venu en moto.

            Lahcen me met en garde de ne rien avoir sur moi en allant au souk et de bien fermer la porte de ma chambre. Ma mère appelait d'ailleurs, ce souk le "marché aux voleurs". Effectivement, arrivant au souk, je suis assailli par des pseudo guides. Finalement, je retourne dans ma chambre, déposer ma ceinture multipoche satinée, de forme élégante et j'enlève tout ce qui est dans mes poches. Au retour, je ne suis plus alors importuné (!). Démonstration, ab absurdo ...

            Dans le souk, je retrouve des vanadinites de bonnes qualité (pour 200 Dh), à des prix raisonnables, et je suis un peu en colère contre mon géologue. Le jeune qui m'a vendu la vanadinite, me dit de partir vite, par une ruelle adjacente, car il m'a fait un prix, dit-il, contre l'avis de son chef. Par contre, certains fossiles semblent très suspects, bien que remarquablement réalisés ... Par exemple, sont reproduits en des exemplaires, étrangement ressemblants, de "rondes" de trilobites sur de grandes et lourdes plaques calcaires (toujours une ronde de 4 trilobites chacun d'une espèce différente). Et je trouve, même des trilobites géants de plus de trente centimètre de longs, conservant depuis 500 millions d'années toutes ses épines très piquantes toutes intactes (!). Le vendeur veut me le vendre 20 000 Dh !!!!

            Ils vendent comme minerai de cobalt, des géodes faites de terre crue, où sur les parois internes desquelles ont été déposés de petits cristaux ou de la poudre de galène, peut-être identique à celle servant à faire le khôl.

            J'achète mon jeux de carte Around et une cassette souvenir de musique arabe jazz du Liban. Dans ce souk, qui me semble le plus grand du monde, je retrouve les objets en bois de noyers venant de la montagne, dans au moins 4 magasins consacrés uniquement à ces objets.

            A la nuit tombée, la place Jemaa El Fna s'anime extraordinairement. On y retrouve les marchands d'escargots cuits dans l'eau bouillante, vendus dans des bols, les marchands de brochettes et de merguez, les marchands de jus d'oranges fraîches pressées, les charmeurs de serpents avec leur cobras et leur chalumeau, les porteurs d'eau, au chapeau pointu rouge bariolé, sonnant leur cloche, les montreurs de singes, en général des macaques, les devins ... Je me demande si ces montreurs et ces charmeurs, ne contribuent pas à la disparition des singes et des cobras  de l'Atlas.

Jour 7 - Samedi 6/9/97, Marrakech -> Paris

 

            Le lendemain, je m'amuse à visiter l'avenue la plus chic de Marrakech, l'avenue Mohamed V, où se trouve beaucoup d'hôtels luxeux et le siège de sociétés, en particulier sociétés de construction, de tourisme .... On y trouve aussi des night clubs. Je trouve des librairies universitaires, dont une contenant dans la devanture, des livres religieux juifs, chrétiens et musulmans.

            Je cherche l'office du Touriste, certains m'envoient n'importe où. Finalement choux blanc, il n'ouvre qu'à 10h.

            A 11h, je rejoins l'aéroport. Le taxi trouve amusant que je mette la ceinture et est sidéré que l'on puisse payer 250 F d'amende en France, si on ne la met pas. A l'arrivée, pagaille et panique, car l'affichage électronique est inversé.

            Un jeune français est arrêté à l'aéroport, car arrivé avec une voiture à Tanger par bateau il est repart par avion, ce qui est illégal ... De plus, il a tenté de donner discrètement dans son passeport un bakchich, au douanier incorruptible. Le déchargement de ses bagages provoquera un gros retard.

            Une française de 20 ans, tente de passer, dans un carton, une tortue terrestre, longue et bombée du sud marocain (sûrement une tortue d'Hermann). Finalement, elle arrive a passer tous les contrôles, y compris ceux de Roissy.  Je croyais ces tortues protègées.

            L'AIRBUS A320 tout neuf, le professionnalisme rigoureux du personnel de Star Europe, ses écrans de télévision à cristaux liquides pour regarder les films, constituent un véritable choc culturel, pour moi, après l'environnement médiéval du pays berbère.

            Le repas est de type cuisine européenne standard. Mon regret est de pas avoir une bonne bouteille de vin marocain, comme à l'aller sur Royal Air Maroc.

Epilogue

 

            Ce voyage, m'ayant fait traverser des pays de grand dénuement, m'a permis de relativiser les choses. J'espère qu'il m'a rendu plus humain, du moins était-ce là l’un de mes buts.

 

au sujet des photos

 

            Je regrette d'avoir raté quelques belles photos, comme la belle et la fière âgée tante de Brahim, rencontrée dans le col du sentier montant vers Oukaïmedene (que je n'ai pas osé photographier à cause des tabous locaux), des belles petites filles portant des ballots de foins sur les épaules, une femme habillée en soie verte portant un ballot de foin avant d'arriver au village , par insuffisance de provisions en pellicules (j'en avais emporté que 3 de 36 poses, pour 6 jours, alors qu'il en aurait fallu au moins 4) et surtout à cause de l'abscence d'un dispositif de renvoi d'angle.

            J'en ai tiré un montage de 114 Diapos, que j'ai présenté à mon amie Maria, à ma famille. Tous m'ont dit que les photos étaient belles, mais que cette région pelée n'était pas là où ils souhaiteraient aller en vacances (!?).

 

au sujet des marchandages

 

            Dans ce domaine, je suis particulièrement nul. Je ne les aime pas, car les considérant comme une perte de temps.

            Les lois de l'offre et de la demande jouent à fond dans les marchandages. Même s'il y a parfois, une part de chance et de roulette russe. Il ne faut jamais donner l'impression d'être intéressé par l'objet à acheté. Il faut éviter aussi les signes extérieurs de richesses.

            Chaque vendeur a sa technique. L'un _ par exemple un vendeur de bijoux _ veut vous faire un faux troc d'un objet sans valeur, contre un bijou. Et dès que la discussion est commencée et que vous avez mis le doigt dans l'engrenage, ce qui veut dire que vous êtes intéressé par l'objet, vous pouvez être sûr , même si vous ne savez pas comment, ni pourquoi, que vous allez acheter au moins cet objet ou un autre.

            Un autre vendeur, vous dira que vous êtes le premier client de la journée, et pour que cela lui porte chance, il veut vous vendre tel objet à moitié prix (on ne sait pas en fait, si c'est vrai). Pour ces transactions, on dit qu'il faudrait être impitoyable, très dur (?), montrer qu'en fait on n'est pas en fait intéressé et que ce marchandage n'étant qu'un jeu, il commence très bas. Mais c'est un jeu auquel je ne puis personnellement me résoudre, détestant le mensonge.

            Par ailleurs, il me paraît indécent de vouloir faire descendre un objet en dessous du prix de reviens, cet argent ne permettant souvent au marchant que de survivre.

            Autre solution suggérée par un ami, laisser le marchand venir, ne pas se précipiter, ne pas donner un prix au marchand et s’en aller. Autre phrase : « Je ne suis pas américain, moi, je travaille,  je sue comme vous pour gagner mon argent.».

 

au sujet de la cuisine marocaine

 

            J'ai essayé dans plusieurs restaurants récemment de retrouver les goûts et les saveurs des couscous et tajines mangés en pays berbère _ chez Aron fils de Tunis, chez Beber, boulevard Montparnasse ... _ , mais je n'ai jamais retrouvé les goûts très particuliers des plats de là-bas. J'aimerais bien savoir ce qu'il mettent comme ingrédients ou épices pour obtenir de tels saveurs (huile d'olive, plantes locales ... ?).

 

La nature

 

            A mon retour, je suis allé consulter la documentation du Club Alpin Français à Paris, toute la documentation sur le Toubkal. Mon intuition sur le côté endémique, local de la flore a été confirmé : plus de 75 % de la flore y est endémique. Entre un livre des années 40 [1] et un livre des années 80 [3], on peut constater la disparition d’espèces tels la panthère de l’Atlas, la loutre autrefois abondante vers 1500 m dans la vallée de l’Ourika, le magot ... J’ai appris que certains coléoptères ne sont jamais visibles car vivant sous les pierres à cause du froid. Certains animaux sont en voie de disparition, en 1940 il y avait de nombreuses hardes de Mouflons en 1940, il n’en restait que 400 du côté du lac d’Ifni. Les genévriers thurifères _ arbres d’altitude entre 1800 et 3000 mètres, sur les faces ensoleillées et arrosées _ ne sont plus que des reliques de grandes forêts ayant existé avant l’arrivée de l’homme.

            La pression de l’homme et de ses animaux domestiques n’a pas cessé d’y accomplir des ravages et n’est pas prête de s’arrêter. Le Toubkal est parc national depuis 1942 mais n’est pas gardé et donc tous les braconnages sont possibles. En fait, il manque de moyens financiers, pour permettre un plan de préservation efficace de la faune et de la flore.

             Je n’ai pas résolu pour l’instant le mystère du lupin blanc, peut-être n’est elle qu’une plante étrangère importée pour une décoration florale qui aurait essaimé sur le fumier où  elle vivait. Quand au chardon « pompon », il serait une sorte de panicaut blanc appelé «Echinops ritro» selon le service des cultures du jardin des plantes.

 

Le futur

 

            Peut-être reviendrais-je ultérieurement, dans le Toubkal en une autre saison, où le paysage sera plus vert (?),  peut-être en mai ou juin, avec mon ami Maoub (avec un charter au même prix), pour découvrir d'autres régions non visitées encore, comme la vallée de l'Ourika et le lac de montagne d'Ifni etc...

            Mon grand rêve serait d'aller maintenant à la quête d'espèces rares, accompagné d'un naturaliste éclairé, comme Michel Huet. Est-ce rêver ? ...


Annexe 1 : Equipement prévu pour cette randonnée

 

Abréviations : N: non utile, u: un peu utile, U: utile, TU: très utile, I: indispensable.

A

Equipement principal

Commentaires

Utilité

1

Sac à dos 60 litres

Il vaut toujours mieux un grand sac. Plutôt sans armature, de type montagne qu'on peut déformer (pour les passages étroits etc.) (parfois trop haut, on passe mal sous les frondaisons et les branches basses)

TU I

2

Tente 2 place, dôme , 2,3 kg

J'aurais pu trouvé plus léger : 1,7 kg

TU I

B

Cuisine

 

 

3

Couteau suisse multi lame (avec pochette ?)

Je l'ai rangé dans une pochette de dans ma ceinture multi poche

TU I

3b

Chaînette de liaison entre le couteau et un anneau accroché à mon pantalon

utile contre risque de perte du couteau (cher)

U

4

2 assiettes aluminium

 

u

5

un Car (tasse en aluminium)

 

TU

6

casserole aluminium

 

u

7

2 X 2 couverts

 

U

8

Gourde aluminium

Indispensable

TU I

9

briquet

Je n'ai pas utilisé

TU

9b

tête camping gaz

finalement non emporté. On trouve des cartouches de camping gaz partout.

N

C

Logistique / ustensiles divers

 

 

10

trousse de couture avec boutons, fils à coudre, aiguilles

non utilisé finalement (mais potentiellement très utile pour réparer pantalon, chaussures, tente)

TU I

12

brosse à dent

 

U

13

savon (petit format léger)

On trouve du savon dans les hôtels (en petite taille)

U

14

Grande serviette

 

TU

15

gant de toilette

 

u

16

Papier hygiénique

 

U

17

ficelles solides

non utilisé

TU

18

1 stylo + crayon

très utile pour noter le récit du voyage, pour mon courrier et laisser des mots à Lahcen.

TU I

19

bloc-notes (pages blanches petit format léger)

utile pour noter récit voyage

 

20

4 piles neuves électriques R6 AA de rechange

non utilisé ici, mais très utile

TU I

D

Equipement d'orientation

 

 

21

porte carte

indispensable

TU I

22

boussole (transparente avec miroir)

non utilisé à cause de la présence de mon guide. S'il n'y a pas de brouillard, de pluie et dans la journée, avec une carte, il a peu de risque de se perdre, les vallées étant très grandes et caractéristiques.

TU

23

montre altimètre

utile (au cas : où perte de son chemin ...)

TU

24

Lampe frontale

très utile, sert aussi de lampe dans la tente

TU I

25

Ampoule de rechange pour la lampe

 

TU I

26

Check-list inventaire équipement (à placer dans porte carte)

à vérifier avant le départ

N

27

Guide des randonnées dans le haut Atlas (dans porte carte)

utile à cause adresses et nom

TU

28

Photocopie Inf. a) Marrakech et b) Asni (dans porte carte)

divers pouvant être utile (peu utilisé)

U

29

Tableau de correspondance au niveau du change (FF <-> Dh)

prévoir le tableau dans les 2 sens et avoir peut-être aussi micro calculette (?)

U

29b

Carte de la région à sillonner

On la trouve sur place dans grande librairie à Marrakech

TU I

E

Vêtements été

 

 

30

1 tee-shirt

un peu limite, car j'étais très sale fin randonnée et il n'est pas toujours facile de faire sécher si l'on veut les laver (prévoir 2 tee-shirts)

TU I

31

2 slips

(slip moulant de très bonne qualité pour éviter d'échauffer les cuisses) quantité ici un peu limite, aussi (en prévoir 3)

TU I

32

Casquette

Obligatoire (attention au vent)

TU I

33

Lunette de soleil

Obligatoire surtout haute montagne  (bien que je déteste les porter, car aimant voir un paysage avec ses vraies couleurs)

TU

34

Bermuda toile

Non utilisé

N

35

Maillot de bain

Non utilisé par manque de temps. (on pourrait se baigner nu mais attention de ne pas être vu)

u

F

Vêtements hivers

 

 

36

Pull polaire

 

TU

37

2 X vêtements de corps chaud (montagne Tribonic / Thermolactyl)

utilisé qu'un seul (mais il n’est pas inutile d'être prévoyant)

TU

38

Parka polaire

non utilisée mais utile

TU

39

Gants hivers en gortex

Il faut de bons gants (non utilisé)

TU

40

Sous gant (laine)

à prévoir aussi (utilisé)

U

41

Bonnet

un peu utilisé (à prévoir tout de même)

TU

42

Mon gros pantalon jean

Indispensable, bien utile en cas de dérapage, de chute (il était bon pour le nettoyage en fin de randonnée)

TU

G

Vêtement de pluie

Il peut y avoir de violent orage dans le Toubkal

 

43

Kway

non utilisé (avant d'être léger, ne protège pas de la pluie violente)

n

44

Cape de pluie

Très utile (épaisse en cas de chute de grêle, mais choisir solution de chercher refuge, malgré tout) (un peu lourd, chercher la plus légère et la plus solide, mais alors coûteuse)

TU I

H

Chaussures

 

 

45

Chaussures de montagne légères

Indispensable (Ici Chaussures Décathlon) (très sale usée en fin de randonnée, odeur) (pas besoin d'autres chaussures)

TU I

47

3 très grosses paires de chaussette de coton de montagne randonnée (très bonne qualité)

J'avais 2 paires de mauvaises qualité. Il ne fait pas lésiner sur la qualité et avoir au moins 3 paires (et les laver au cours de la randonnée)

TU I

I

Bivouac

 

 

48

Sac de couchage montagne

 

 

49

Matelas mousse

 

 

J

Pharmacie

 

 

50

Sérum anti venin Pasteur (prix 70 Dh, Grande pharmacie, avenue Mohamed V, à Marrakech )

se conserver 1,5 mois à 15 °C (dans Thermos). Non acheté, car les serpents venimeux _ vipères de l'Atlas, cobras ... _ sont rares voire inexistants en montagne

U?

51

Mini Thermos pour conserver le sérum

finalement non utilisé

U?

52

Pompe Aspivenin

potentiellement très utile

TU I

53

Elastoplaste (rouleau)

 

TU I

54

Pansements style Tricostéril

 

TU I

55

Pansement anti ampoule Compeed

Utilisé en raison du manque de bonnes chaussettes.

TU I

56

Alcool Iodé (Bétadyne)

 

TU I

57

Antibalonnement : Eridan

 

U

58

Anti diarrhées : Dyspagon

Attrape nigaud ? (car très peu de comprimés pour le prix et peu d'effet). Mieux vaudrait Imodium à prendre en 1er et Ercéfuril en 2nd.

U

59

Anti colique / spasme : Spasfon

 

U

60

Purificateur d'eau : Hydroclonazone

A mettre dans la gourde à tout prélèvement d'eau puis remuer (eau de source, même eau de l'habitant, non nécessaire pour le thé)

TU I

61

Crème solaire haute protection : Anthélios L de la Roche Posay

Ou autre marque (indispensable pour la haute montagne)

TU I

K

Divers (valeurs, nourriture ...)

 

 

62

3 grandes boîtes plastique style Tuperware (des boîtes pour ranger les nourritures / barres énergétiques ou lyophilisée (?) et surtout une boîte la pharmacie)

Pas facile à caser dans le sac et à trouver de la bonne dimension et souple en même temps

 

63

sacs plastiques (avec fermeture) Ziplock (à associer à grande boîte longue style Tuperware)

Non utilisé (pas eu le temps de prélever échantillons minéraux ou plantes)

 

64

sacs plastiques divers (pour protéger vêtements, nourriture etc. ... contre la pluie)

 

TU

65

Ceinture multipoches (style aventurier ou veste multipoche)

attention, qu'elle ne vous gêne pas pendant la marche (très gênant) ou prévoir un veston multipoche

TU I

66

Ceinture avec cache d'argent

non utilisé (il est d'ailleurs difficile d'en trouver suffisamment large pour y ranger une carte de crédit et en même temps pouvant passer par les boucles de ceinture du pantalon/jean)

u

67

traveller’s chèque

non utile pour le Maroc (on y perd beaucoup d'argent à l'achat et au change) (une simple carte de crédit internationale suffit pour retirer de l'argent à Marrakech) (carte à mettre dans un endroit inaccessible et discret)

 

68

passeport

non indispensable au Maroc, une carte nationale d'identité suffit

TU I

69

appareil photo compact avec zoom

ultra compact, léger (!). Existe avec zoom 28-120, mais plus cher

U

70

Petit pied pour cet appareil

 

u

71

3 pellicules diapo Elite II

 

T

72

Paire de lunettes de rechange

non utilisées

u

74

Barres énergétique (style Décathlon, Gerblé, Gerlog Hausser ... pâte d'amande, céréales, nougat ...)

souvent utiles durant l'effort (mais lourd à transporter au début de la randonnée)

TU ou u

74

curvimètre

utile pour calculer plus facilement longueur itinéraire sur la carte avant la randonnée (mais peu utile, si guide local connaît les distances exactes à parcourir)

N

75

Carnet d'adresse

pouvant être utile en cas de problème

u

76

mouchoirs en papier (ou Sopalin)

Très utiles en cas d'angine (moins encombrant que le rouleau de Sopalin)

TU

 

 

 

 


Annexe 2 : Dépenses au cours de cette randonnée

 

Cette liste est donnée ici à titre indicatif, pour donner un ordre des prix dans cette région.

Jour

Article

Coût Dh

1

perte à la conversion des traveller's  (coût de 19,20 F pour l'achat de 1600 FF de traveller’s)

36,8

1

lit single hôtel

65

0

taxi Aéroport Marrakech -> place Jemaa El Fna (Marrakech)

50

1

Carte d'état major du massif du Toubkal

120

1

taxi Marrakech -> Asni (70 Km)

100

1

taxi Asni -> Imlil (20 Km de piste)

50

1

épicerie boulangerie (sardine + 2 pains)

14

1

oranges (1 Kg)

5

1

Accompagnateurs 6 Jours à 200 Dh / jours

1200

1

Café

4

1

Thé au village berbère à 2600 mètres d'altitude (on donne ce que l'on veut)

6

1

Tajine

35

2

épicerie (sardines, gâteaux ...)

53

2

pains

9

2

boissons (Fanta)

5

2

thé à la menthe du matin

5

2

thé à menthe du midi + gâteaux

7

2

refuge Toubkal (gaz ...)

10

3

thé au retour

10

3

Mule (portage au retour du Toubkal)

75

3

Gîte d'étape

15

4

thé épicerie

20

4

Soda (style Fanta)

10

4

repas du soir (Tajine) + hébergement refuge + thé + café (soir et matin)

60

5

achat d'un poignard souvenir incrusté de pierre

400

5

Soda

4

5

2 cartes postales

4

5

repas dans un petit restaurant

15

5

chambre dans le refuge du CAF à Oukaïmeden

45

6

Soda

8

6

Thé au départ de Oukaïmeden

4

6

minéraux: Vanadinite et 2 fossiles (trilobite phacops et Calimène)

750

6

Chambre single hôtel Ali

85

6

repas du soir

21

6

autre minéral: Vanadinite

200

6

cassette audio musique arabe (souvenir)

15

6

jeux de cartes marocaines

2

6

achats cartes postales

6

6

taxi hôtel Ali -> Aéroport

50

TOTAL

2260 FF (au taux de change 1 FF pour 1,582 Dh)

3573,8

            La totalité du voyage _ c.a.d. 2260 F (au Maroc) + 1300 F (charter) + 2200 F (ustensiles divers nouvellement achetés pour l'occasion) _ m'est revenu à 5750 FF environ (mais sans les achats de souvenirs intempestifs (726 F), il aurait pu revenir seulement à 5024 FF et sans l’achat d'un nouvel équipement photo, il aurait pu me revenir encore moins cher, c.a.d. à 4106 F).


Annexe 3 : Equipements nouvellement achetés pour cette randonnée

 

Equipement / Objet

Prix FF

Polaire

195

Chaussettes (3 paires)

49

Médicaments (Aspivenin 90 F Hydroclonazone, Eridan  , Dyspagon , Elastoplaste (non utilisée), Crème Solaire Laroche Posay L 90 F)

365

Chaînette de liaison entre couteau suisse et pantalon

15

briquets (3) (non utilisées)

12

piles neuves 4 R6 (AA) (non utilisées)

12

Sac Ziplock (non utilisés)

13

Ceinture simple avec fermeture éclair

172

Boîtes style Tuperware

12

Ceinture Multi poche

120

Appareil photo Compact ZOOM Yashika

690

Pellicules diapo Elite 2 (3 ex.)

120

Barres céréales énergétiques (totalement consommées)

50

Guide Michelin Maroc

62

Sous vêtement chaud

90

Sous vêtement chaud Tribonic

165

Petit pied pour l'appareil photo Compact

50

TOTAL

2192

 

            Le total de l'équipement nouveau acheté, excluant l'appareil photo (c.a.d. sans 860 FF) revenait à 1272 F. C'est à dire ce voyage avec les dépenses de base + équipement (c.a.d. 4106 F) aurait pu me revenir pratiquement moins cher que celui de Club Aventure, lui coûtant normalement 4200 FF).

 

Annexe 4 :Petit lexique franco-berbère

(relevé durant mon séjour)

Français

Arabe

Berbère

vache

 

Tamoguate ??

soupe

arhira

Askif

thé

 

Atailli

café

kawa

kawa

pain

 

Ararhoun

couscous

couscous

ceksou

femme

tamrat

taravi

homme

 

Algaz

Gentil

 

Ishwa

Tajine

Tajine

Douaze

 

 

 

 

Bibliographie

 

[1]    Le Massif du Toubkal, guide alpin de la montagne marocaine, Jean DRESCH et Jacques LEPINEY, Rabat, Service du Tourisme, 1942, Seconde édition. (réédité au Maroc).

[2]    Les chemins de l'eau, Mourad Khireddine, revue Horizons maghrébins, n°23/24,1994, UTM, Toulouse. (recueil de poèmes).

[3]    Ski dans le Haut Atlas de Marrakech, Claude Cominelli, Andorre, 1984 (à compte d’auteur).