Le métier de berger, entre mythe et réalité

 

Par Benjamin LISAN, écrivain en herbe, et Didier Cornut, berger.

Paris, le 10 mars 2009

 

Introduction

 

Le métier de berger possède un pouvoir d’attraction certain pour ceux aspirant à une autre vie, moins soumise au stress de la vie professionnelle moderne.

Dans le monde actuel _ toujours soumis à de plus en plus de pression et de rendement _ le métier de berger, fait l’effet d’un îlot de vie préservée des agressions de la vie moderne, en contact avec la nature et en relation avec de vraies valeurs humaines.

S’il embrassait la vie de berger, le citadin pense qu’il serait plus proche de la nature, des rythmes d’une vie naturelle, calme, authentique, moins artificielle, où l’on prend son temps.

 

Le désir d’être berger s’inscrit dans ce mouvement de retour à la terre qui fit florès dans les années 70.

 

Qu’en est-il réellement ? Le métier de berger est-il aussi idyllique que l’on le dit ?

 

Lenteur et temps de vivre ?

 

Berger, surtout berger d'estive, un métier contemplatif ?...

 

Selon une ancienne bergère devenue chercheuse en sociologie, Marie-Lise BROUEILH[1], le maitre mot pour décrire le berger était "temps", synonyme de lenteur et d’éternité.

 

Berger demande une vigilance de chaque instant.

 

Selon Didier Cornu, berger : « … des heures et des heures de garde. Pas vraiment du travail, mais il faut être là, les sens en éveil... Cette cloche qui « s’emballe » est le signe qu'une partie du troupeau se prend à faire fausse route. Ce bêlement étrange te dit qu'une bête est en difficulté et cette pierre qui roule indique que quelques chèvres ont entrepris d'escalader la falaise. Il faut intervenir avant qu'elles ne s'y trouvent coincées.

 

Ceci pour dire combien il est difficile de faire autre chose (tel que se plonger dans un bon bouquin en "oubliant" le reste). Pas mieux et pire pour le jeune berger qui manque d'expérience : craignant de perdre quelques bêtes, il court en tout sens !

 

Je me souviens de mes débuts : Croyant avoir le temps, je pensais étudier... prenais bouquin, cahier et stylo pour noter ... (La panoplie d'étudiant !)... C'est lourd, au bout de la journée !!!! Ouvrant la première page, essayant de comprendre... vite ! Refermer le bouquin... Là-bas, 2 béliers s'entrechoquent risquant de se tuer, il faut intervenir !... OK ! ... Ré-ouvrir le bouquin... Palsambleu !!! Quelques brebis là-bas s'en vont chez le voisin.... Vite refermer le bouquin... (Et j'en passe).

Bien sûrs ce n'est pas chaque jour comme cela, mais je décrie le pire car c’est aussi cela ! ».

 

En estive, c’est un métier prenant. Vous pouvez travailler de 5h du matin, jusqu’à 23h.

Le berger peut avoir à faire plus de 2000 mètres de dénivelés par jour.

 

C’est pourquoi il y a peu d’anciens bergers _ de bergers âgées _ en estive…

 


Coupé de tout ?

 

En montagne, en estive, les contacts sociaux sont limités.

 

Il est encore souvent difficile d'avoir de bons moyens de communication (téléphone portable, internet...).

 

Vous êtes souvent en zones blanches, concernant le téléphone portable. Il passe mal en montagne. Il n’y a pas d’Internet. Et le plus souvent, vous ne redescendez que tous les 15 jours au village pour faire des courses (où il n’y a pas toujours Internet, pour lire ses mails …).

 

Trop souvent encore pas d'électrification [dans les cabanes de berger] : Les cabanes d’estive où l’on trouve l’électricité et le téléphone sont rares.

 

Du fait, que les bergers ne peuvent souvent pas se joindre (étant souvent en zones blanches) et du fait qu’ils cheminent avec leur troupeau, par monts et par vaux, cela peut expliquer pourquoi ils n’arrivent à se fédérer ensembles[2], afin de défendre leurs droits. Il n’y a pas de confédération ou de syndicat de bergers. Toutefois, il est a noté toutefois que plusieurs associations de bergers ont vu jour. De même certains départements (ou massifs) ont établi des conventions établissant des conditions d'emploi des bergers (salaire minimums, conditions de logement etc. ...)[3].

 

Au niveau alpages en France, il y a deux "monde" très distincts _ les Alpes et les Pyrénées _ en ce qui concerne les bergers, pourtant avec les mêmes problématiques, mais a priori très peu de relations entre ces deux mondes.

 

En conclusion, on peut dire que ce métier n’est pas le métier idéal pour se faire des relations.

 

Précarité et faibles revenus

 

C’est un travail saisonnier (on dit « pierre qui roule n’amasse pas mousse »).

Le salaire de berger ne dépasse pas 1500 à 2000 euros / mois.

Il n’y a pas toujours des conventions collectives partout. Malgré tout, plusieurs départements ont mis en place des conventions type pour les emplois des bergers (salaire au barème...).

 

Le berger est bien sûr logé sur place (pas de frais de location). Mais il doit souvent louer un appartement l’hiver et finalement, le plus souvent, il est aussi obligé de le garder l’été.

Mieux vaut, pour lui, être bon en ski pour pouvoir être moniteur de ski l’hiver (si cela est possible pour lui).

Mais être moniteur de ski, l’hiver, est-ce la solution ?

Le problème n'est pas dans la profession _ ce qui semble évident _ mais dans le fait qu'il est plus difficile de trouver un travail temporaire, l'hiver, que l'été. L'hiver, on peut être garde en Provence _ berger en plaine de la Crau _, employé saisonnier dans une station de ski ou faire la taille de la vigne... Alors que l’été, on trouvera bien plus d'emplois, liés au tourisme ou à l'agriculture (vente de hamburger sur la plage, conduite de moissonneuse, cueillette de fruits ....).

 

Indemnités chômages :

 

Les indemnités chômages réduisent un peu le problème. Mais il y a des jours de latences. L’ANPE considère certains jours de chômages comme des congés payés et donc ne les paye pas au berger. Résultat : le berger perd un mois de salaire, chaque année.

En fait durant l'estive, le berger ne prend souvent (toujours?) pas de congés payés. Ceux-ci lui sont toutefois payés suivant la législation en vigueur (2 jours par mois). donc la caisse de chômage estime qu'en fin d'estive, le berger prend ses congés payés (2 jours /mois x 4 mois d'estive = 8 jours) + délai de "carence" systématique (environ 7 jours) = total 15 jours (environ).

 

Selon un berger à ce sujet «  A mes débuts pensant injuste de vivre sur le dos de la société, je ne m'inscrivais pas au chômage. Je m'aperçois aujourd'hui avoir perdu plusieurs trimestres valant pour les droits a la retraite,  de plus il n'est jamais tenu compte des heures d'astreinte... Quand tu est berger, c'est toujours 24 / 24 h. Et même si tu prends quelques heures à la "chaume", pour faire tes courses, tu restes responsable du troupeau et tu en as le / les soucis. En comparant mon salaire avec celui d’un emploi "normal".... je n'ai maintenant aucun scrupule, aujourd'hui, à profiter du chômage !

En aparté, je peux te dire qu'une loi (que je croyais Napoléonienne, tant elle semble injuste !) veut qu'une heure de travail de berger n'équivaut pas à une heure effective de travail ! ».

 

Il est difficile de trouver du travail, du fait qu’on ne peut facilement passer de coup de fils ou consulter Internet. Il faut souvent faire plus de 30 kms, pour trouver du travail.

Pour en trouver, il faut contacter les chambres d'agriculture, certaines associations[4], lire certaines revues agricoles[5], consulter certains sites[6].

 

On peut difficilement être berger et avoir une autre activité, en parallèle.

 

Si par exemple, vous vous occupez d’une ferme éducative, vous aurez de petits lots de bêtes …qui serviront comme supports éducatifs, mais vous ne serez plus berger (pour l’élevage de moutons pour la viande, le fromage…).

 

Idem si vous tenez une maison d’hôte… Ou alors il faut que votre femme, à la ferme, s’en occupe. Idem pour le tourisme équestre. Une personne doit être en permanence sur place, au centre équestre, pour assurer l’accueil (pour discuter avec les touristes qui veulent en savoir plus ou discuter avec vous).

 

Avec toute la réglementation actuelle (européenne, sanitaire etc. …), il n’est pas facile de s’établir éleveur, en achetant un troupeau _ par exemple, un troupeau de 200 brebis _, surtout si l’on n’a pas d’argent, si l’on n’est pas du milieu, même avec les aides de la DGA. Il y a lieu d’être pessimiste concernant les possibilités d’investir dans ce domaine, actuellement.

Il n’y a rien de facile dans ce métier.

En conclusion, mieux vaut avoir une vie à côté, quitte à faire des expériences de bergers pendant ses vacances.

 

Respect du berger

 

Les propriétaires éleveurs ne vous invitent pas toujours à partager son repas.

Bon nombre de ces derniers considèrent le berger comme un ouvrier agricole _ métier mal considéré, pour lequel existe encore un manque de respect, dans le milieu agricole.

Il a bien sûr aussi de bons patrons, mais le milieu agricole est dur. Bien des patrons investissent, avant tout, pour leur exploitation et donc essaye de rogner sur le salaire du berger.

Dans le passé, le métier de berger était considéré (à la campagne ?), comme le pire des métiers. C’était le déshonneur et la honte. En général, le berger était celui qui ne savait ni lire, ni écrire.

 

Les touristes actuellement ne respectent pas toujours, non plus, le berger[7]. Les randonneurs traversent souvent le troupeau. Certains laissent la barrière du pré ouverte.

 

Sur la législation du métier de berger

 

Il y aurait sans doute plus de débouchés, si les conditions de travail le permettaient. Ce qui est loin d'être le cas. Par exemple, les locaux de montagne sont souvent non conformes à la législation.

 

« Aujourd'hui, un berger a droit, et il est en droit de l'exiger, a avoir le même confort que toi chez toi sur son lieu de travail : chambre, cuisine, eau chaude et froide, énergie électrique, toilettes, douches, téléphone, TV et son ordinateur avec connexion Internet ne serait ce que pour avoir la météo, le positionnement des ours, assurer le suivi de son troupeau depuis une base de données etc. ... En fait des obligations légales toutes simples que tout le monde assume en vallée.
A noter que dans les Alpes, des éleveurs ont fait l'objet de poursuites... à l’instar d’esclavagistes modernes
 ».

 

L'arrêté du 1 juillet 1996, concernant l'hébergement des ouvriers agricoles (donc des bergers), indique :


« "Il est interdit d'installer des lits superposés."
"Le travailleur doit disposer, d'au moins, 100 litres d'eau potable, par jour."
"A chaque cabine de douche est associé un espace de déshabillage protégé des projections d'eau. Chaque cabinet d'aisances est pourvu d'une brosse adaptée au maintien de sa propreté et de papier hygiénique."
"- des ustensiles de cuisine et des appareils de cuisson nécessaires et en état d'utilisation ;
- d'appareils de réfrigération ;
- de tables et de sièges."
" La température doit pouvoir être maintenue à 18 °C." »[8].

 

Pour finir ce dossier, voici le témoignage de 2 bergers pyrénéens :

 

Ceux de Mme Violaine Bérot, écrivain et éleveur et Joseph Paroix, éleveur berger en vallée d’Osso (Pyrénées).

 

Témoignage de Mme Violaine Bérot :

 

Mme Bérot était informaticienne et, depuis 8 ans, elle vit en Ariège, après avoir acheté une petite propriété. Elle produit du fromage de chèvre, elle a des chevaux. Avant, elle s’est occupée de chambre d’hôte, dans sa ferme.

 

Il y a des fantasmes autour du métier de berger. Ceux-ci sont liés au lieu où l’on vit : il est beau, c’est le lieu des vacances. Dans ce lieu, le vacancier vit, sur des périodes courtes, des conditions saines. Il y vit dehors. Il marche. C’est un lieu calme, où l’on respire un air pur.

Berger est un travail particulier. Sa vie est cadencée par les rythmes naturels, le rythme du jour et de la nuit, des saisons. Il vit avec la météo, il dort plus l’hiver et moins l’été. Il subit aussi la météo. Il faut faire le foin, au moment où il fait plus chaud. Et quand il gèle, il faut surveiller les abreuvoirs. Il subit le rythme des bêtes, les mises bas la nuit, les traites en estives, dehors, sous la pluie ... Il a une relation particulière aux bêtes …y compris à l’ours.

 

Note : Les chambres d’hôte, en ferme marchent et les touristes, client de ces chambres, veulent participer aux travaux de la ferme et faire comme s’ils étaient paysans _ Il y a des activités agricoles agréables auxquelles ils veulent bien participer, comme transhumer, mais pas d’autres moins agréables,  comme vider le fumier ou bien travailler quand il fait trop chaud et qu’on est piqué par les taons …

Dans ce sens, les fêtes de la transhumance marchent bien et attirent les touristes et donne une vision idéale du métier.

 

Le paysan (l’éleveur, le berger) n’est, pas toujours, en très bonne forme physique (même si l’il en a l’apparence physique). Le corps vieillit, s’use, prend des coups. Le paysan ne prend pas beaucoup de congés maladies (il pense à ses bêtes, c’est une vraie vocation …).

Ce lieu _ la montagne _ est-il favorable au lien social ? La vie en ruralité est-elle agréable ? Car il faut voir le succès de la revue « village magazine », qui présente sous un beau jour, la vie en ruralité …

En fait dans ce lieu, tout le monde se connaît, mais aussi est au courant de tout ! Il n’y a pas de délinquance, parce qu’on n’est pas nombreux. Car il y a dépeuplement de nos hameaux _ il n’y a souvent plus d’enfants, plus d’écoles … mais, par contre, de plus en plus, de résidences secondaires. En fait, dans ce lieu, il y a beaucoup de solitude.

 

Concernant notre travail d’éleveur, notre lieu de vie privé = lieu de travail, et notre collègue de bureau = notre famille, mon mari. Il n’y a pas de bouton ON / OFF, entre vie professionnelle la journée, et vie privée le soir (la vie privée se vit sur notre lieu de travail).

Notre travail est une passion … alors que, pour beaucoup, sa profession est une obligation. Avons-nous des jours fériés ? Quand c’est « jour férié », nous ne nous en rendons même pas compte. Car il nous faut  nourrir nos bêtes, chaque jour (c’est un travail de tous les jours).

 

On ne se fait pas remplacer facilement pour les vacances et encore moins les WE. Il n’y a pas de grasses matinées. Avec les chèvres, il n’y a pas de traite l’hiver. Pendant la période des foins, le travail est très intensif, très physique, pas mécanisable, car nous sommes en montagne, avec de fortes pentes. Nous utilisons alors les chevaux.

 

Un travail sans stress ?

 

A la ville, on a peur du patron, du licenciement, de la pression …

 

Mais il y aussi du stress lié à notre travail, à la météo, au réchauffement climatique … Actuellement, on prend ce dernier « en plein de dedans ». S’il y a la sècheresse, s’il n’y a plus d’eau, on entame alors ses réserves de foin, on peut alors faire faillite.

 

Quel est l’état du troupeau ? S’il y a une bête malade, on passe beaucoup de temps avec elle, il y a des frais vétérinaires importants. On y consacre beaucoup d’énergie et de temps passé (une maladie n’est pas simple à gérer, tout comme les prédateurs …).

 

On a pas mal d’attaque en Ariège, ce qui génère un stress important. On ne peut rien faire, on ne sait pas quoi faire. Attaque des ours, des chiens errants … Et on a mal pour les bêtes abîmés qui souffrent.

 

On n’a pas de salaire. Il y a donc le stress lié à l’économie _ aux fluctuations des cours, des ventes _, aux primes de la Communauté Européennes (qu’on touche une ou deux fois dans l’année et qui représentent pour nous le « jackpot ») et la vente de nos produits _ celles de nos fromages qui fournissent des rentrées régulières, contrairement à la viande qui ne fournissent qu’une ou deux plus ou moins importantes rentrées d’argent, durant l’année.

 

Il faut bien gérer son argent. Il y a le stress lié aux primes. On n’est pas fier de celles-ci … Mais elles sont nécessaires pour nous parce que nos produits sont vendus à un trop bas prix … On n’a pas le choix …

 

On est toujours un peu incertain pour notre avenir … il faut remplir des dossiers énormes, très complexes (il a beaucoup de paperasses à remplir pour pouvoir toucher les subventions). Supposons l’arrêt, un jour, des subventions ? Cela serait certainement la mort de notre exploitation.

 

Il y a le stress lié à l’âge, pour les éleveurs approchant de la retraite (à 60 ans). Ceux-ci ont du mal à imaginer ce qu’ils vont devenir _ lorsqu’arrive la retraite _ et ce que va devenir leur ferme …  Ce qui fait que beaucoup d’éleveurs ne partent finalement pas à la retraite.

 

Il y a une relation aux bêtes : on a une vie en permanence avec les bêtes …

Dans les images de pub tournées pour le fromage Osso-Iraty, on y voit des brebis béarnaises, un jour où il fait beau, dans de beaux paysages … On voit un agneau est transporté dans le sac à dos du berger. Des images idylliques.

 

Il y a un rapport à l’animal particulier, avec les bêtes (le troupeau), les chiens de travail, les animaux sauvages … Les animaux ne sont pas pour la vie privée, mais ici pour la vie professionnelles. On n’est pas aussi affectif avec les animaux [que les gens de la ville] … Il y a une relation donnant-donnant entre nous et nos bêtes. Je nourris les chevrettes, en contrepartie, elle me donne du lait. On a une relation à la mort de l’animal. Elle fait parti du quotidien … Il faut sélectionner les animaux, les envoyer à l’abattoir, pour certains … comme pour les petits mâles. On peut aimer ses bêtes et les tuer. Cela fait parti de son métier.

 

Le sociologue du CNRS, Jean-Pierre Digard (Les Français et leurs animaux, Jean-Pierre Digard, Editions Fayard, 1999), fait une relation des hommes contemporains à l’animal. Il y décrit le sentiment de culpabilité du citadin, qui idéalise l’animal sauvage. Ce qui n’est pas notre cas, pour nous éleveurs.

 

Il faut faire une distinction entre berger et éleveur : les gens idéalisent le berger (en estive) ou le petit éleveur de montagne.  L’image réelle est celle des bergers éleveurs, d’un côté et de berger salarié, de l’autre.

 

Les bergers dans le Béarn font, en estive, le fromage de brebis, voire de vaches aussi.

En Ariège, on a souvent des troupeaux _ pour la viande _ souvent de plus 2000 brebis. En fait, plusieurs troupeaux, de plusieurs éleveurs, regroupés ensembles et gardés par un seul berger.

 

Leurs conditions sont rudes au niveau logement, en altitude. Les bergers prennent la météo de plein fouet … Ils peuvent subir 4 à 5 jours de pluie, de suite.

 

Le berger vit soit la solitude, soit la cohabitation, dans une cabane, durant plusieurs mois. Il doit être costaux physiquement, surtout s’il fait la traite, en estive. Il a souvent des troupeaux immenses à gérer et il doit marcher tout le temps.

 

Les zones où vivent les bergers sont difficiles, à cause des prédateurs, des accidents sur le troupeau, voire à cause d’éleveurs pas toujours sympathiques pour les bergers salariés.

 

L’administration est très lourde sur la gestion des estives dans les parcs (pourtant, c’est au berger de gérer les estives, et non pas à l’administration).

 

Les bergers salariés en fin d’estive (après 4 à 5 mois) et ses chiens (à lui) doivent redescendre. En fait, ils n’aiment pas redescendre sans bête…

 

Il y a l’image idéalisé du petit éleveur (dans une petite ferme, avec un petit troupeau, sans tracteur …), image qui n’existe pas du tout ou bien est très marginale. La vie de ce dernier est, en réalité, très inconfortable, très dure, trop dure, à cause de primes à l’hectare … qui poussent à grossir et à ne pas trop entretenir les parcelles …

 

Dans les Pyrénées, il y a beaucoup de jeunes qui ont la volonté de s’installer dans la montagne, il y a de la place pour cela. On pourrait avoir une petite agriculture de montagne.

Mais, il y a un blocage au niveau foncier, si le jeune n’a pas d’argent, parce que tout part au plus offrant, en particulier, en résidences secondaires.

 

La politique agricole commune contribue à diminuer le nombre d’agriculteurs et augmenter les surfaces (par agriculteur). Les politiques ne croient à l’avenir des Pyrénées que par le tourisme et non par l’agriculture.

 

On perd en biodiversité. La forêt envahit tout, alors qu’il faudrait enlever des arbres … On perd des savoir-faire … On « folklorise » tout cela par des fêtes … (alors cette vision « folklorisée »  n’est pas la vraie image de notre vie).

 

Notre vie de tous les jours se déroule dans des conditions rustiques. Notre vie pourrait être l’avenir, s’il l’on pouvait trouver de la terre et que les politiques nous suivent.

 

Témoignage de Joseph Paroix 

 

Il est éleveur berger de la vallée d’Osso avec 80 brebis laitières + 8 vaches béarnaises.

Il a passé son diplôme d’accompagnateur de moyenne montagne. Il a tenté l’accueil des jeunes au travers du métier de berger. Mais il a été obligé d’arrêter son métier étant trop prenant …

 

 Chacun a sa montagne dans la tête. Le berger regarde l’herbe … tandis que le touriste ou le randonneur voient les fleurs dans les alpages.

Maintenant, il y a des contraintes de plus en plus grandes au niveau production. On ne peut plus avoir deux activités ou deux emplois en même temps. C’est pourquoi, maintenant, je ne suis plus que berger éleveur en montagne. Le travail de berger est un travail permanent …

Bien que nous avons des revendications salariales légitimes, pour continuer le métier et élever ses enfants d’une manière descente (car nos revenus sont modestes) …être berger est quand même une chance … Et il a encore beaucoup de jeunes qui arrivent au métier en Pyrénées atlantiques.

 

J’ai aidé à mettre en place un service d’entraide et de remplacement en vallée d’Osso et d’Aspe (ainsi la solidarité est de nouveau possible dans nos vallées).

Mais il y a le problème de l’accès au foncier de plus en plus dur, dans nos vallées, ce qui décourage les jeunes motivés.

 

Il faudrait être d’abord producteur sur notre exploitation, tout en évitant les primes, qui amènent de contrôles de plus en plus fréquents, voire des contrôles insoutenables.

 

Sources : Vidéo : Paysans de montagne, du fantasme à la réalité

http://www.webcampus64.com/pageseditos.asp?idpage=1081

 

Bibliographie

 

Si malgré toutes ces mises en gardes, vous voulez malgré tout devenir berger, voici quelques livres :

 

[1]        La houlette et les étoiles, Thérèse Jolly, Ed. Cheminements, 2001 (récit autobiographique).

[2]        La production du mouton, Christian Dudouet, Editions France Agricole, 1997.

[3]        Les manipulations et interventions chez les ovins, Christian Dudouet, Ed. Christian Dudouet, Lycée agricole, 58000 CHALLUY, tél. : 04.86.37.68.02, 1993.

[4]        Les moutons et ses maladies, Comment reconnaître et traiter les principales maladies du mouton, ED. Maloine SA, 1975.

[5]        Le bon moutonnier, E. Degois, La maison rustique, 8ème édition, Paris, 1970.

[6]        Terre des chèvres, entre tradition et modernité, Fédération Régionale des Syndicats Caprins de Poitou-Charentes-Vendée, Gestes éditions, 2002.

 



[1] Marie-Lise BROUEILH, sociologue, bergère, présidente de l’ASPP 65 _ Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen _, Syndicat des éleveurs ovins, AOC Barèges-Gavarnie. http://www.buvettedesalpages.be/hommes-acteurs-personnalites.html

[2] Mais ce non regroupement entre bergers, pour défendre leurs droits, est surtout le fait et le point de vue de bergers, se voulant indépendants, autonomes et refusant l'intégration à un groupe.

[3] Cf. le Service des Alpages de Haute Savoie _ créé en 74 et celui d’Isère  ... www.echoalp.com

[4] Le Service des alpages des pays de Savoie, l'ASPP 65, la FR.ASAVPA ou Fédération Régionale des Associations de Salariés de l'Agriculture pour la Vulgarisation du Progrès Agricole etc. ...

[5] France agricole magazine, Pâtre _ la revue des éleveurs de moutons _, etc. …

[7] Dans les années 70, époque du retour à la terre, le métier de berger était valorisé chez les citadins, moins maintenant.