LES
MALADIES METABOLIQUES CHEZ LA CHEVRE
L’Eleveur de Chèvres - numéro 3 – décembre 1997
Dossier réalisé par :
A REVEAU - Chambre
d'Agriculture Charente M.P. ROFFAT - Chambre d'Agriculture Vienne
M. AUDOUX - Groupement Technique Vétérinaire Vienne S. LE
GUILLOU - Groupement Technique Vétérinaire Deux-Sèvres
N. BOSSIS - - Chambre Régionale d'Agriculture J. CHERBONNIER
- Contrôle Laitier Maine-et-Loire
C. FOUILLAND - Chambre d'Agriculture Vienne F. JENOT -
Chambre d'Agriculture Deux-Sèvres
A. LAURET - Association Régionale Caprine P. LETOURNEAU -
Chambre d'Agriculture Charente-Maritime
B. POUPIN - Contrôle Laitier Vendée
L'amélioration de la qualité des
fourrages et des apports d'aliments concentrés et déshydratés génèrent une élévation de la producti vité laitière des
chèvres ; mais cela induit aussi l'augmentation des troubles de santé
d'origine nutritionnelle. Les erreurs de rationnement : sous alimentation,
suralimentation, déséquilibres alimentaires, ainsi que certaines pratiques de
distribution des aliments provoquent des perturbations de la rumination et des
processus de digestion des aliments qui vont alors affectés le bon
fonctionnement de l'organisme.
Les maladies métaboliques les plus importantes acidose, cétose,
aleslose, occupent la première place des pathologie qui affectent les élevages
intensifs. Leurs conséquences peuvent se limiter à des baisses de niveau de
lait et des taux, mais souvent c'est la santé qui se dégrade ou la mort des
animaux. Ce sont des maladies difficiles à identifier et à traiter car les
symptômes sont complexes et elles sont souvent associées à une autre maladie
comme par exemple acidose-cétose, acidose-entérotoxémie, acidose-listériose…
I : L’ACIDOSE RUMINALE
C'est une intoxication due à l'accumulation excessive dans
la panse des acides gras volatils qui sont produit normalement lors de la
dégradation microbienne des aliments énergétiques cellulose, amidon, sucres.
·
Mécanisme
Lorsque la ration
ingérée n'apporte pas suffisamment de fibre et de cellulose ou bien lorsque
l'apport d'amidon et de sucres est excessif, la rumination et la salivation se
réduisent fortement. La production d'acide acétique, à partir de la cellulose,
baisse et celle de l'acide propionique s'élève ; de ce fait l'acidification du
Rumen s'accentue vers un PH de 5,5 et moins. La flore ruminale est alors
détruite ; par contre, des bactéries productrices d'acide lactique et de
toxines prolifèrent. Il en résulte une acidose
lactique et parfois l'arrêt de la synthèse de vitamines B par la flore
ruminale. Cette carence en vitamine B provoque des troubles nerveux :
fourbe, nécrose du cortex.
L’acidité excessive "brûle" les
papilles de la paroi du Rumen ; de ce fait, le passage de l’acide propionique
dans le sang est réduit.
·
Les
symptômes
L'acidose chronique se
signale par la baisse de la production de lait et la chute du taux butyreux,
par une variation de l'appétit et un ralentissement de la rumination, par
l'apparition de diarrhée ou de bouse.
Les
défenses de l'organisme sont diminuées ; de ce fait, le développement de germes
d'autres maladies est favorisé (listériose, entérotoxémie).
L'acidose
aiguë (lactique) provoque en outre l'arrêt de la rumination et des douleurs ;
la chèvre se plaint ; parfois elle meurt sans symptôme.
·
Les
causes
La chèvre a un comportement alimentaire qui la prédispose à faire
une acidose :
q
aptitude à trier les parties alimentaires les plus appétentes.
q
capacité d'ingérer rapidement une grande quantité de concentré :
250g/minute
La composition des rations et les pratiques de
distribution des aliments favorisent l'acidose, lorsqu'il y a :
q
excès d'amidon : ensilage de maïs, céréales, concentrés
q
excès de sucre (mélasse betterave) ou d'acide lactique (ensilage
d'herbe)
q
manque de fibre et de cellulose : manque de foin, niveau de refus
élevé
q
changement brutal de ration : absence de transition alimentaire
q
mauvaise répartition des repas fibreux et concentré
q
absence de substance tampon (bicarbonate de soude) dans les
rations à risque
·
Le
traitement
Il
consiste à rétablir le pH sanguin et ruminal par des perfusions de solution
tampon, d'apporter en intraveineuse de la vitamine B1, et de corriger la ration
pour rétablir la rumination (réduction du concentré, apport de paille). Cependant,
le traitement de l'acidose aiguë est généralement illusoire.
II : L’ALCALOSE
C'est une intoxication
due à l'accumulation excessive d'ammoniac dans le rumen. C'est un phénomène
inverse de celui de l'acidose.
·
Mécanisme
Les bactéries ruminales
dégradent les matières azotées et utilise l'ammoniac qui en résulte pour
fabriquer leurs propres protéines et pour proliférer. L'excédent d'ammoniac est
transformé en urée par le foie dont une partie sera réutilisée par la flore
ruminale lorsque l'ammoniac manquera ; une autre partie sera évacuée dans
l'urine et les crottes. L'ammoniac neutralise les acides du Rumen ; cependant,
lorsque l'excès est important le PH s'élève vers 7,5 et plus et il devient très
défavorable à l'activité de la flore ruminale.
·
Les
symptômes
Ce sont ceux de l'acidose. La chèvre paraît
ronde. Les crottes se ramollissent en bouses de couleur noire ; l'apparition
d'entérotoxémie est fréquente. En fromagerie, le caillé se désagrège.
·
Les
causes
L'excès
important de l'apport azoté et le déséquilibre azote/énergie de la ration sont
responsables des alcaloses.
q
Excès d'azote notamment non protéique par les fourrages verts
jeunes, l'ensilage d'herbe surtout s'il est mal conservé, les foins très
feuillus, les tourteaux.
q
Manque d'énergie (amidon) : l'activité microbienne est réduite
pour utiliser l'ammoniac disponible.
q
Excès d'énergie : l'état d'acidose à des effets similaires.
·
Le
traitement
Dans sa forme aiguë
consulter son vétérinaire. L'apport d'eau vinaigrée, de propionate de soude
réduisent l'alcalinité du rumen. Il est nécessaire de corriger la ration dans
tous les cas : Réduire l'apport azoté global et non protéique Remplacer de
l'azote non protéique par une source de protéines protégées : Luzerne
déshydratée, tourteau tanné... Ajouter des céréales ou en enlever Rechercher
l'équilibre entre l'énergie et l'azote utilisable de la ration : l'écart entre
l'azote disponible (POIN) et l'azote valorisé par l'énergie (PDIE) sera inférieur
ou égal à 10g par unité fourragère lait (UFL) :
(PDIN -
PDIE)/UFL< 10g/UFL
III : LA CETOSE
C'est une
intoxication due à l'accumulation de corps cétoniques qui résultent de la
transformation des graisses corporelles par le foie lorsque le glucose sanguin
manque (hypoglycémie).
Elle affecte surtout la chèvre en fin de
gestation et plus rarement au début de la lactation.
Se reporter à l'article sur la toxémie de
gestation paru dans le bulletin "L'éleveur de chèvres" n° 2.
Mécanisme en début de lactation
La
capacité d'ingestion est insuffisante au cours des quatre premières semaines de
lactation pour que la ration couvre les besoins énergétiques très élevés. La
transformation par le foie des graisses corporelles en corps cétoniques et en
énergie doit alors compenser le déficit. Cependant, le manque de glucose
ralentit le processus ; le foie " s'engraisse " stéatose ; l'excès de
corps cétoniques va générer une cétose et éventuellement une acidose.
Cette
acidose est provoquée par une diminution de la capacité d'ingestion de la
chèvre (baisse de l'appétit), et son choix pour le concentré plutôt que pour le
fourrage.
Les facteurs de risque
La chèvre trop grasse à la mise-bas peut
mobiliser davantage de graisses corporelles. L'excès de matières azotées
favorise la mobilisation des graisses. La sous alimentation énergétique trop importante (amidon) L'augmentation trop rapide du
concentré énergétique provoque une acido-cétose.
IV : PREVENIR LES RISQUES
METABOLIQUES EN DEBUT DE LACTATION
Seule une conduite rationnelle de l'alimentation
évite ces risques.
Elle a 3 principaux objectifs :
q
optimiser la rumination,
q
développer la capacité d'ingestion en matière sèche du rumen,
q
couvrir les besoins azotés et progressivement ceux en énergie
grâce à la mobilisation des réserves de graisse corporelle.
Les règles à respecter
q
Rechercher un état d'engraissement satisfaisant mais sans excès au
moment du tarissement.
q
Les fourrages utilisés en lactation sont apportés un mois avant la
mise-bas.
q
L'apport suffisant de fibres et de cellulose : foin, paillage
journalier, peu de refus avec des fourrages feuillus.
q
Gérer l'augmentation du concentré : dose supplémentaire de 150 à
250 g / semaine, pour maintenir la consommation des fourrages.
q
Couvrir en priorité les besoins azotés à 15 jours de lactation
(peu de réserve d'azote corporelle) puis couvrir progressivement les besoins en
énergie.
q
L'apport des concentrés sera au maximum de 60 % de la matière
sèche totale.
q
Tamponner la ration à risque d'acidose : 15 à 25 g. de bicarbonate
de soude sur l'ensilage de maïs ou avec les céréales.
q
Distribuer des repas assez équilibrés (Ensilage Maïs + tourteau,
Foin Luzerne + céréales) qui associent les apports d'énergie, d'azote, de
fibres.
Indicateurs de rationnement pour une chèvre de 70 kg. Objectif :
4 litres de lait.
Ce n'est qu'au cours du
deuxième mois de lactation que le rumen atteint sa capacité maximum, soit en
général après le pic de lactation. Il convient alors d'ajuster les concentrés
aux besoins.
Périodes |
Mise bas |
2e mois de lactation |
Matière sèche (kg MS) |
1,5 - 2,0 |
2,6 - 2,8 |
Concentration / kg de
MS énergie
(UFL) |
0,85 |
0,9 - 0,95 |
Concentration / kg de
MS Azote
(PDI) |
90 – 100 |
110 |
Cellulose (%) |
>
20 |
>
17 |
Amidon
+ sucre (%) |
15 |
<
25 |
Source : www.ladocumentationcaprine.net/