NDE et OBE

 

« expérience aux frontières de la mort » (NDE)

et « expérience de sortie du corps » (OBE).

 

Par Benjamin LISAN

 

(Article destiné être publié dans la revue « Sciences et Pseudo-sciences »).

 

La conscience spatiale du moi et celle de notre corps sont confrontées à des considérations philosophiques importantes, ainsi qu’à plusieurs phénomènes, dont peut-être le plus connu "l'expérience de sortie du corps" (OBE) pendant lequel la perspective visuelle et notre conscience du moi sont ressentis comme extérieur à l’emplacement où nous nous localisons habituellement dans notre corps.

 

Ces expériences OBE (de « décorporation ») ont été ressentis par des personnes, lorsqu’ils couraient un danger mortel, lorsque leur cerveau était confronté à un état de détresse vital (manque d’oxygénation, perturbations métaboliques …).

 

Lors d’expériences psychiques aux frontière de la mort (NDE) des personnes ont aussi ressenti l’impression d’être happées dans un tunnel de lumière et témoignent parfois d’avoir rencontré des personnes décédées. En fait, ces expériences « NDE » sont très diverses.

 

Pour certain le "tunnel" débouche sur une lumière brillante ou aveuglante. D’autres rencontrent des saints, le Christ, des anges, etc. … Dans certains cas, le témoin décrit la vison du défilement de sa vie, devant ses yeux. Certains constateraient que cette expérience est si merveilleuse, si agréable qu’ils ne veulent plus « retourner dans son corps ». Cette expérience peut éventuellement changer la conception et la perception de la mort et changer la vie de certaines personnes.

Il existe aussi de nombreux rapports, faisant état de NDEs désagréables, impliquant des tortures par des elfes, des géants, des démons, etc. … [1].

 

Selon Raymond Moody et Elisabeth Kübler-Ross, ces NDEs surviennent pour environ 30% des personnes ayant « frôlé la mort » et ayant été en réanimation [2][3].

Selon un article sur les NDE paru dans la revue médicale américaine Lancet, du 15 décembre 2001,  8 à 12 pour cent de 344 patients réanimés après un arrêt du cœur, avaient vécu des NDEs et environ 18 % d’entre eux s'étaient souvenus, en partie, de ce qui leur était arrivée durant la phrase où ils étaient en danger [1].

 

Pour Raymond Moody [2] et Elisabeth Kübler-Ross [3], qui ont popularisé les NDEs auprès du grand public, ces NDEs seraient la preuve de la persistance de la conscience d’une personne, après sa mort clinique.

 

Le Professeur Olaf Blanke, neurologue et chercheur à  l'Hôpital Universitaire de Genève et directeur du Laboratoire des Neurosciences Cognitives à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne [MB1] , a étudié une structure du cerveau, nous permettant, à tout moment de savoir, de savoir l'orientation et la position de notre corps. Selon ce professeur (qui a fait paraître le résultat de ses études dans la revue Nature [4] [4b], sous l'effet des stimulations électriques, les patients ont eux aussi affirmé avoir l'étrange impression d'être couchés à côté d'eux-mêmes, voire d'être menacés par leurs propres mains. … bref qui relateraient des expériences proches des NDEs.

 

Les cas où le patient se vit à l’extérieur de son lit sont un phénomène bien connu et répertorié, en particulier dans les crises épileptiques temporo-insulaires [2].

 

Selon Susan Blackmore, Maître de conférences en Psychologie à "University of the West of England", à Bristol, les expériences que Moody décrite comme typiques des NDE, peuvent être dues aux états cérébraux, du au stress, à sa « détresse », déclenchés par l'arrêt du cœur et à l'anesthésie (Blackmore 1993 [5] [6]).

 

S. Blackmore attribue les sentiments paix extrême, durant une NDE, relatés par certains patients, à l’émission d'endorphines en réponse à la situation de détresse ou de stress extrême du cerveau. Le bourdonnement ou le son de sonnerie sont attribués, selon elle, à une anoxie cérébrale ([5] op. cit. 64). 

 

Le Docteur Karl Jansen aurait aussi reproduit des NDEs, avec de la ketamine, un anesthésique à effet rapide et hallucinogène [7]. Durant l'anesthésie par ketamine, une conscience « dissociée » et « extérieure à son corps » est obtenue, différant totalement de l’état « d'inconscience » produite par les anesthésiques conventionnels.

 

Selon docteur Jansen, la ketamine peut reproduire toutes les particularités principales de la NDE, incluant le voyage à travers un tunnel sombre vers la lumière, le sentiment que l'on est mort et qu’on peut converser intimement avec Dieu, les hallucinations, les expériences de sorties du corps, des bruits étranges …

 

Certaines personnes se rappellent, avoir vu leur propre corps entouré de docteurs et d’infirmières, comme si leur point de vue était situé près du plafond. Ils se rappellent même des conversations tenues par ces derniers, tandis qu'ils étaient "inconscients". Ils sentaient comme si leur esprit ou âme avaient quitté leur corps et l'observait d'un point surélevé.

 

Mais ces dernières « visions » ou souvenirs sont-ils réels ?

 

Il est possible, qu'une personne perçue comme inconsciente par l’équipe médicale ou scientifique, perçoive et entende malgré tout ce qu’il se dit dans la pièce.

Il se peut aussi que les souvenirs de l’expérience, soient composées d’un mélange de conversations, entendues par le patient après le réveil, de proches parlant de ce qui était arrivé, tandis qu’il frôlait la mort et de souvenirs de données inconsciemment entendues et enregistrées tandis que l’on était inconscient .

 

« L'ensemble des études qui me sont connues, et qui tentent d'analyser sur le plan neurobiologique le phénomène NDE, pointent vers un fonctionnement altéré de l'hippocampe, structure carrefour des processus de mémorisation et de remémoration. ... Certains auteurs suggèrent une forme particulière de récepteur NMDA (probablement en cause dans les expériences utilisant la kétamine), mais je n'ai trouvé aucune étude sérieuse permettant d'argumenter cette hypothèse.

 

Plusieurs auteurs, dont Greyson [3], ont insisté sur la personnalité des personnes rapportant des NDE, souvent enclines au mysticisme voir présentant des états limites de la schizophrénie. Je ne suis pas capable de juger, n'étant pas psychiatre.  » [4].

 

En conclusion, dans l’état actuel de nos connaissances, les NDEs semblent explicables dans le cadre d’hypothèses neurochimiques et neurobiologiques connues. Il n’est donc pas besoin de faire appel à d’autres hypothèses.

 

Pour leurs aides et contributions concernant cet article, nous remercions :

 

- le Professeur Axel Kahn,

- Monsieur Hervé Chneiweiss,

- le Professeur Olaf Blanké,

- Madame Monique Bertaud.

 

 

Bibliographie :

 

[1] Article “NDE”, sur le site « Committee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal »  éditeur de la revue « Skeptical Inquirer » http://www.csicop.org

[2] ·"Life after loss" de Raymond A. Moody, Ph.D, M.D., traduit en français sous le Titre « la vie après la vie » (J’ai lu, 1980).

[3] “On Death and Dying”, 1969, de Elisabeth Kuebler-Ross, Son livre Best Seller. (Scribner Book Company, réédité en juin 1997) , traduit en français sous le Titre « Vivre avec la mort et les mourants » (Rocher, Paris ; Tricorne, Genève).

[4] Blanke O, Ortigue S, Landis T, Seeck M. (2002) Stimulating illusory own-body perceptions. Nature 419: 269-270.

[4b] Voir aussi Commentaires / Éditorial : Lancet Neurology 2002, 1; 400.; Trends in Cognitive Neuroscience 2003, 5; 104-106.

[5] Near-Death Experiences: In or out of the body? by Susan Blackmore, Skeptical Inquirer 1991, 16, 34-45.

[6] Blackmore, Susan J., Dying to Live: Near-death Experiences, (Buffalo, N.Y. : Prometheus Books, 1993). E-mail : susan.blackmore@blueyonder.co.uk, http://www.susanblackmore.co.uk/research.htm

[7] Jansen, Karl. Ketamine: Dreams and Realities (The Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies, 2001).



[1] «Lancet, 15 décembre 2001, Volume 357,Number 9294,  Source : http://skepdic.com/nde.html 

[2] Source : Madame Monique Bertaud, neuropsychiatre, collaboratrice à « Sciences et Pseudo-sciences » (SPS).

[3] Dissociation in people who have near-death experiences: out of their bodies or out of their minds?, Greyson B, Lancet. 2000 Feb 5;355(9202):460-3.

[4] selon Hervé Chneiweiss , Responsable de l'équipe de Neuro-Oncologie Moléculaire et Cellulaire Inserm U114, Collège de France, PARIS.


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