« La
manipulation mentale sectaire »
Par
Benjamin Lisan.
La manipulation mentale sectaire (ou manipulation mentale
des sectes) consiste en :
- Un
endoctrinement de l’adepte.
- Un
contrôle constant de sa pensée.
- Une
mise sous dépendance de ce dernier.
- Des
pressions morales et psychologiques constantes sur ce dernier.
L’adepte (c’est à dire le disciple du gourou ou/et de la
secte) est soumis à un véritable bourrage de crâne répétitif, grâce à de
multiples réunions, cours, stages, séminaires, études, lectures, auditions de
cassettes, prières …, instillant le message simplificateur et totalitaire, du
gourou et de la secte, censé donner une explication « claire » du
monde ou des malheurs de l’adepte. Le bourrage de crâne a pour but de lui faire
perdre tout esprit critique en ce qui concerne les théories, méthodes et
pratiques de la secte. On lui demande de rendre de plus en plus de services
pour la secte (et la cause), d’accomplir des actes anodins aux départ, mais de
plus en plus « impliquants », de sorte à conditionner l’adepte à se
soumettre de plus en plus, au cours du temps, aux commandements, injonctions de
la sectes et afin de lui faire perdre progressivement tout libre-arbitre et
enfin de faire en sorte que l’adepte ne puisse pas revenir en arrière (car étant
devenu trop impliqué par rapport à la secte) …
Pour le rendre de plus en plus dépendant envers la secte et
son message, l’adepte est affaibli :
a)
physiquement et psychiquement (par une alimentation
carencée, le manque de sommeil, un travail intensif épuisant ou abrutissant,
par des traitements médicaux dangereux, par la prière à répétition abrutissante
...) …,
b)
intellectuellement (par un rétrécissement des champs de
connaissances extérieures à la secte : il ne lit plus ou seulement la
littérature de la secte, il n’est plus au courant de ce qu’il se passe à
l’extérieur de la secte),
c)
au niveau relationnel (par une régression des capacités de
communication de l’adepte, par une coupures de l’adepte avec les proches et les
amis),
d)
socialement (par une rupture nette avec la société …).
On le conditionnera petit à petit à se méfier, voire à haïr
ses proche, à se couper de sa famille, à rompre avec ses parents … On le
« conseillera », en le poussant éventuellement à se séparer ou à
divorcer de ses proches. De la même manière que l’adepte a été conditionné, la
secte embrigadera les enfants des adeptes, en faisant, en particulier,
obstacles à leur socialisation.
Pour impliquer ses adeptes, la secte pourra leur demander
d’infiltrer tous les réseaux de la vie économique, politique, y compris au
niveau de la justice, de la police … voire de commettre diverses actions
illégales (vols de documents sensibles dans des sociétés, des administrations
…), pour l’expansion et la « gloire » de la secte.
Les sectes utilisent un certains nombre de méthodes ou
techniques de mise sous influence :
- L'approche
intrigante et séductrice : a) un porte-à-porte
amical, b) la distribution d'un tract intriguant ou une affiche sur un
sujet intéressant (conférence, réunion, séance sur des sujets aussi divers
que le yoga, le gymnastique orientale, l’histoire, la philosophie,
l’amour, la méditation …), c) un test psychologique, d) une pétition
humanitaire …un petit geste qui semble n'engager à rien mais qui est,
malgré tout, un acte porteur de sens, un positionnement, et qui fait
récolter noms et adresses. Le groupe peut aussi entourer la future réunion
d'un certain mystère ou secret.
- La
détection du caractère fragile du futur adepte :
repérage du caractère fragile, dépressif du futur adepte (par un test, une
consultation, une discussion) et exploitation méthodique de l'échec
scolaire professionnel ou sentimental, du chômage, du deuil de la personne
fragile. On lui fait miroiter un espoir de s’en sortir. On lui proposera,
ensuite, une formation voire un emploi fictifs qui lui apportera de
l’espoir.
- Le
« bombardement » d'amour : donnant l’impression
au futur adepte qu’il a enfin trouvé la "vraie" famille et qu’il
sera plus seul, qu’il sera entouré. C’est souvent le premier message
séducteur qu’il rencontrera, du moins au début.
- La
flatterie : la secte indique au futur adepte que ses
potentialités sont immenses... mais dans et par le groupe (la secte)
exclusivement.
- Le
sentiment de puissance, de faire parti de l’élite :
au sein du groupe, l’adepte a accès à des connaissances secrètes,
extraordinaires, supérieures, dont n’a pas accès le commun des mortels (et
dont ces derniers n’ont souvent même pas conscience). Connaissance
réservés aux initiés, aux élus, à l’élite, dont on fait bien sûr parti.
Par le fait de faire parti du groupe, d’avoir reçu le message de celui-ci,
l’adepte aura toutes les chances alors d’être « sauvé » ou
d’être du bon côté.
- Le
fait d'agir pour la « bonne cause » :
il est difficile de dire non à ce qui semble apparaître comme une bonne
cause. La « bonne cause » peut être, par exemple, la lutte pour
les opprimés, les prolétaires, pour un peuple _ arabe, juif, allemand … _,
une religion quelconque _ l’Islam, le Christianisme … _, la justice, la
recherche scientifique, la Vie … Et progressivement, pour « la bonne
cause », tous les « moyens » sont bons, y compris les
moyens peu recommandables ou illégaux (mensonges, manipulations,
truquages, désinformations, vols, détournements de fond, abus de bien
social, espionnage, infiltrations en particulier des grandes institutions
…), voire les pires exactions (intimidations, menaces, chantages,
voire meurtres, attentats, suicides collectifs …). C’est ainsi qu’on peut
lever ou affaiblir les barrières morales de l’adepte et l’impliquer. Agir
pour la bonne cause, comme celle de la Science, était justement un des
ressorts de l’expérience de Milgram.
- Utilisation
de « vérités » simples, simplificatrices et réductrices :
Malgré l’immense complexité de la vie et du monde extérieur, le message du
groupe et du gourou est qu’il existe des vérités simples, extraordinaires,
pouvant tout expliquer, expliquer le monde, la vie, l’histoire (par
la lutte des classes, la loi du plus fort, les extraterrestres, les
« titans », les surhommes, les mondes disparus et magiques (Mu,
Atlantide, …) certaines légendes dorées, des interventions miraculeuses,
l’Au-delà, Dieu, la création …). Le bénéficiaire de cette
« vérité » est censé, grâce à cette dernière, devenir plus
« lucide », avoir un esprit plus « clair » ou
clairvoyant ou posséder un « état de conscience
supérieur ». La
« vérité » sera présentée comme scientifiques, incontestable,
grâce, par exemple, à l’utilisation d’un raisonnement bien construit,
éventuellement à l’aide d’impostures, de fausses preuves, de trucages, de
tours d’illusionnisme, des mises en scènes, de faux témoignages. La vérité
sera éventuellement secrète, ce qui lui permet alors d’échapper à toute
confrontation aux critiques extérieures et à la réalité.
- Vocabulaire
secret, codé, mystérieux utilisant des mots déviés de leur sens réel :
Ce vocabulaire, souvent facile à se rappeler, sert de signes de
reconnaissance, de moyens mnémotechniques pour se rappeler plus facilement
de la doctrine de la secte. Ce langage permet aussi une coupure avec le
reste du monde et avec la réalité. On les retrouve dans les invocations,
dans les matraquages intellectuels (écoute du discours visuel ou de
cassettes du gourou, dans les séances d’autocritiques …). Cela donne aussi
l'impression à l'adepte de faire parti de l'élite.
- Conditionnement
de l’adepte à être de plus en plus disponible pour la secte :
tout son temps disponible sera consacré à la secte. Il doit lui donner son
temps, 24h/24, 7J/7, y compris les week-ends, la nuit et dans l'urgence.
Durant ce processus, il y a exploitation d'un effet d'entraînement mutuel
résultant de la soumission à l'autorité, de l'ambiance, du
semi-enfermement, du temps bourré de lassants exposés et entrecoupés
d'exercices fatigants, d'une nourriture pauvre et carencée, inhabituelle
et décalée, de la privation de sommeil, de la perte du sens du temps, de
la disparition des montres, de la présence de fenêtres obturées
(Jour ? Nuit ?), de chants lancinants, rythmés, tambourinés,
voire de chants incompréhensibles, psalmodiés en langues étrangères.
- L’empêchement
du questionnement personnel : On pousse l’adepte à
abandonner tout son esprit critique. On lui déclare que penser par
lui-même, sans un éclairage et un guide, est vain. La secte lui conseille
de se laisser guider (par celui qui a reçu « l’illumination »,
la « révélation », c’est à dire par le gourou), et ainsi il va
mieux comprendre. Il lui dit qu’il n’a aucune crainte à avoir, puisque ce
qu’affirme la secte est prouvé et est scientifique. La connaissance que
distille le groupe est très ancienne, antique, traditionnelle, donc elle
est « authentique » et incontestable. On fera éventuellement
tout ce qu’il faut pour que l’adepte soit constamment occupé, afin qu’il
ne puisse réfléchir ou prendre du recul.
- Le
registre de la peur : sans la protection de la secte, l’adepte
risque la catastrophe personnelle ou il risque d’être confronté à la
future catastrophe générale (à l’apocalypse) dont est menacé la société
extérieure toute entière. S’il quitte la secte, il lui arrivera malheur
(la menace peut être voilée).
- Invention
ou amplification d’ennemis, de complots ou de menaces extérieures réelles
ou imaginaires : l’existence des « ennemis » ou
ce complot permet de resserrer les liens du groupe, pousse au secret, au
repliement sur soi. L’ennemi pourra être un peuple ennemi _ arabes, juifs,
américains …_, des organisations plus ou moins secrètes _ CIA,
Franc-Maçons, juifs … _, les extraterrestres, des esprits ou
« entités spirituelles » … Cela permet au groupe d’éviter toute
confrontation face aux critiques extérieures ou à la réalité.
- La
confession publique des pensées les plus intimes, l'instillation de
scrupules et de phobies dans le sens des « valeurs » de la
secte, conduisant à une distorsion de la conscience morale de l’adepte,
l'enregistrement éventuel audio ou vidéo d'auto-accusations : autant
de futurs moyens de chantage sur d'éventuels récalcitrants.
- Destruction
de l'inhibition : après la confession publique, on peut
demander à l’adepte d'abandonner sa pudeur sur certains sujet. On peut
ainsi le conduire à inverser ses valeurs morales et ses inhibitions, un
moyen de l’impliquer encore plus, par rapport à la secte et ses actes, et
le faire rentrer encore plus dans les thèses délirantes ou répréhensibles
du gourous.
- Règles
intransigeantes imposées par une stricte hiérarchie :
l’adepte doit demander la permission pour les actes les plus élémentaires,
sous le prétexte de la recherche de l’humilité du disciple. Ce qui réduit
progressivement son libre-arbitre et augmente sa dépendance. La secte peut
lui demander de prendre un soi-disant médicament (psychotrope …) pour
" purifier ", ouvrir la voie du " salut ", échapper au
" karma ".
- L’endettement :
l’endettement de l’adepte, préconisée par la secte, le rend dépendant
pécuniairement envers elle. C’est encore un autre mécanisme d’implication
de l’adepte dans la secte. Plus l’implication financière est importante,
plus le retour en arrière est difficile.
- Le
régentement de la vie sexuelle : dans certaines
sectes, il peut y avoir alternances de restrictions ou de permissions de
l’acte sexuel (rigidité et permissivité), allant jusqu'au mariages
imposés, par la secte, voire des incitations, par celle-ci, à la
pédophilie ou même à l'inceste.
- L'émissions
de signaux contradictoires : à certains moment la
hiérarchie de la secte tantôt encourage, tantôt décourage voire réprimande
telle ou telle action, selon un système explicatif toujours crédible, d'où
confusion dans l’esprit de l’adepte, entre ce qui est permis ou non, par
rapport aux valeurs de la secte, ce qui aggrave alors son sentiment de
culpabilité ou son indécision et donc sa soumission. Ces signaux et
messages contradictoires, à double-sens, permettent aussi à la secte et au
gourou de constituer un système de défense, face à toute accusation.
- Coupure
avec le milieu d'origine : au stade initial, il
n’y a plus pour l’adepte, ni visites, ni lettres, ni téléphone, sous
prétexte des exigences de la " renaissance personnelle ", et
pour éviter les influences « corruptrices » et
« l’ignorance » (crasse), du monde extérieur.
- Le
déracinement : par la déracinement géographique,
culturel, linguistique, par la privation des papiers d'identité, par
l’adoption d’un nouveau nom (au nom, par exemple, d’une
« renaissance » spirituelle …), la secte contribue à ce que
l’adepte se coupe de plus en plus de ses anciennes racines, de ses
anciennes relations, de ses proches et de ceux qui pourraient l’aider ou
qui pourrait l’aider à briser (et se sortir) de l’embrigadement sectaire.
Qu’il soit totalement isolé, par rapport à toute possible aide extérieure.
Ce texte est inspiré d'un document édité par l'UNADFI (Union
Nationale des Associations de défense des familles et de l'individu) sur
certaines méthodes utilisées par les sectes, que nous remercions ici.
B. L.
Note : ce texte a été aussi mis en ligne dans
l’encyclopédie libre Wikipedia, à l’adresse suivante :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Manipulation_mentale#La_manipulation_mentale_sectaire