Dessins de Steinberg
… Vallée, L’énergie
électromagnétique et gravitationnelle, Masson, 1971. M. Vallée a bien voulu
communiquer ses articles et ses …ents sur ces … ce
dont je le remercie vivement ici. |
Depuis quelques années, un ingénieur du CEA, M. R.L. Vallée, avance une « théorie synergétique» qui dépasserait, en les remettant en cause, toutes les idées fondamentales de la physique contemporaine (1) Ses propositions n'ont reçu aucun écho dans les laboratoires de physique. Serait-ce, comme l'a déclaré M. Vallée devant le Grand Orient de France, que « toutes les voies du progrès scientifique sont |
aujourd'hui bloquées » par « des gar- des fidèles à la solde de la haute finance », une « secte internationale philosophico-scientifique » ? Toujours d'après M. Vallée, ses découvertes font de l'espace « une source d'éner- gie inépuisable», «infinie et gratuite», que le « capitalisme mondial » se doit d'étouffer pour assurer sa « domina- tion ». On pourrait sourire de cet extrémisme épistémologique si, indé- pendamment même de leur valeur éventuelle, les idées de M. Vallée ne trouvaient quelque crédit dans l'opi- nion. Quel soulagement en effet si « la pollution, la mort atomique, la famine, la détresse et le désespoir » des « mil- lions d'hommes sacrifiés au veau d'or » (pour continuer à citer M. Vallée) pouvaient être éliminés par une nou- velle science au moment même où l'on doit bien constater la responsabi- lité de l'ancienne, au moins comme instrument consentant aux mains des oppresseurs. Mais cette mise en cause de la caste scientifique reste prise dans l'illusion d'un savoir tout-puis- sant. Elle confond la pratique scienti- |
fique, en effet socialisée par le choix de ses objectifs, le recrutement de ses agents, le mécanisme de ses applica- tions, l'idéologisation de ses fonctions, avec ses seuls énoncés théoriques. Or le sommet d'une pyramide n'est pas son point faible. Critiquer la science « officielle » au nom de ses propres critères, vouloir, mieux qu'elle. satisfaire à ses normes et donc accep- ter les uns et les autres, c'est vouloir être plus royaliste que la reine et se condamner au dérisoire. Ainsi de M. Vallée, dont les écrits ressemblent à la physique comme à la calligraphie ces graphismes de Stein- berg qui, mimant de loin une écriture parfaitement conventionnelle, se révè- lent de près être d'insignifiants tracés. Encore faut-il savoir lire pour faire la différence, et devant le même procédé appliqué à l'écriture chinoise, nous res- terions cois. C'est ainsi que les énon- cés publics de M. Vallée, pris ici comme simple exemple d'une démarche plus générale, ressemblent à s'y mé- prendre aux articles de vulgarisation habituels. Les idées qu'il utilise sont |
LA
RECHERCHE N° 69 JUILLET-AOUT 1976 VOLUME
7 PAGE 661
Une
expérience à l'UER de physique de Paris 7 par Francis Kovacs
En novembre 1975 paraissait la première proposition pour une expérience de «pile synergétique ». (2) Cette pile devait pouvoir confirmer l'existence de l'éther, ou «énergie diffuse», sous forme électromagnétique, telle que la prévoit la théorie synergétique de M. Vallée. Description de l'appareillage. Le but final de l'expérience suivante est de pomper cette énergie électromagnétique, afin de la matérialiser sous forme de courant électrique consommable. Commençons par décrire l'instrument : à l'intérieur d'un tube en verre rempli de graphite en poudre, on réalise un champ électrique E, et magnétique B, tous deux colinéaires. E est dirigé dans l'axe du tube entre les 2 électrodes de cuivre ; B est colinéaire à E grâce à l'enroulement de 1 500 spires autour du tube. (Son sens peut être inversé avec le courant circulant dans la bobine.) La longueur de l'échantillon de graphite est de 1 cm pour un diamètre de 5 mm. (En fait, des échantillons de plusieurs tailles ont été utilisés.) La résistance du graphite a été fixée à 30 ohms en statique, grâce à un peu d'araldite pour souder le tout et atteindre la résistance nécessaire citée ci-dessus, cette dernière étant la plus performante pour satisfaire l'impédance de sortie des générateurs utilisés. Le générateur A est un générateur d'impulsions. Ces dernières arrivent dans un système déclencheur, qui décharge un condensateur à la même fréquence, |
avec un temps de montée de l'ordre de 5
microsecondes. L'intérêt de ce petit système, maintenu à 300 V continu, est
d'obtenir dans le graphite 15 A sous 250 V, ce qui donne une valeur de E de
l'ordre de 20 kV/m avec une densité de courant importante. Le champ magnétique B = 484 x I, donc de 1
000 gauss et plus pour l supérieur à 2 A. Le courant total qui circule à l'intérieur
du graphite crée un champ magnétique, dont les lignes de champ sont
circulaires autour de E, et qui est recueilli par le tore bobiné avec 250
spires, ce qui donne un courant de secondaire qui sera notre signal de
sortie, préalablement intégré grâce à un condensateur. Ce signal est envoyé dans l'oscilloscope. Il faut noter
que les deux champs magnétiques, B et celui dû à la conduction des électrons
dans le graphite, sont perpendiculaires, par conséquent ils n'interagissent
pas. Tout cela est de l'appareillage tout à fait
classique et ne dérange en rien la physique habituellement admise. Voyons donc ce que prévoit la théorie synergétique dans cette expérience et les
principes qui conduisent à l'expérience qui nous intéresse : « S'il arrive, dans un
milieu isotrope à inertie stationnaire, qu'au cours du déroulement
d'événements électromagnétiques l'énergie se trouve concentrée en des zones
où le champ électrique puisse atteindre la valeur. limite ed , les propriétés
de l'espace |
dans
ces zones limitées à des volumes élémentaires ténus Dt
se modifient alors de telle sorte que la divergence du
champ électrique y prend une valeur non nulle afin d'interdire tout
dépassement de la valeur limite ed
[...] Tout revient en somme, dans cette loi
nouvelle, à considérer la charge électrique comme une région d'espace dont la
structure se trouve modifiée par le champ disruptif qui entraîne l'apparition d'une divergence non nulle de l'induction électrique. [...] « Une zone divergente apparaît, se maintient ou disparaît, selon que le champ électrique, dans la région considérée, atteint, conserve sa valeur limite disruptive, ou décroît. » D'après ce qui précède, on arrive à reconsidérer la notion de « vide ». Si la matière n'est que la matérialisation d'un équilibre électromagnétique (les charges), lorsque le champ électrique arrive à sa valeur limite, c'est qu'il existe un champ électrique en tout point de l'espace. Par conséquent, l'univers serait rempli
d'énergie électromagnétique ou énergie diffuse. Voyons maintenant comment matérialiser
cette énergie diffuse. Quand un électron de conduction arrive assez près du
noyau |
de carbone, traversant la barrière de
potentiel créée par les orbitales électroniques, la force électrostatique
jouant, il va y avoir interaction proton-électron. Or nous avons vu que les
charges électriques seraient des zones dites divergentes, c'est-à-dire zones
où le champ électrique atteint sa valeur limite. Deux charges très proches
l'une de l'autre tendront à faire apparaître des surfaces où le champ
électrique dépasse la valeur limite ed ce
qui ne peut être. Cet excédent d’énergie électromagnétique sera transformé et
permettra d'atteindre le seuil de la réaction : e + p -> n (+ neutrino) On aura
donc du point de vue atomique 126 C + e- ® 125 B, Et l'isobare du carbone, le bore 125 B étant radioactif bêta, on aura le bilan 126 C + e- ® 125 B ® 126 C + b- 10 MeV L'électron dû à la radioactivité bêta du
bore est très énergétique et va déclencher avec d'autres collisions, une
cascade d'électrons dans l'échantillon de graphite d'où un accroissement de
courant dans le graphite qui doit être détectable à l'enroulement secondaire,
les bêtas ayant |
pour direction préférentielle celle du
champ magnétique. La première difficulté consiste à donner
aux électrons de conduction la possibilité de tomber sur les noyaux de
carbone. C'est à cela que sert le champ magnétique
de polarisation. M. Vallée affirme que la section efficace de la réaction 12 C + e -» 12 B croît avec 6 5 la valeur du champ magnétique qui polarise
les orbitales du carbone. L'expérience. Trois cas sont à étudier : • la décharge dans le graphite sans champ
magnétique ; • la décharge avec les champs magnétique et
électrique dans le même sens : • la décharge avec les champs magnétique et
électrique en sens opposé. Dans le premier cas, on ne doit observer au
secondaire que l'induction créée par le courant qui passe dans le graphite.
Dans le second ou le troisième cas, on doit observer
l'accroissement de courant dû aux bêtas provenant de la radioactivité du bore
prouvant ainsi l'existence d'une énergie diffuse. En effet,
traditionnellement, le seuil de la réaction e + p —> n est de l'ordre de quelques MeV pour
l'électron incident dans le référentiel où le proton est au repos. Or les
excitations des électrons ne peuvent dans cette expérience dépasser 250 eV,
car la tension dans le graphite est précisément de 250 V. Nous sommes donc très loin du seuil de la
réaction. Par conséquent, c'est I' « énergie diffuse » qui fournirait presque
toute l'énergie nécessaire à la réaction. Résultats. Dans les trois cas cités plus haut, le
résultat enregistré à l'oscilloscope fut identique et correspondait en ordre
de grandeur au résultat que donne la loi de Lentz
pour un échantillon de graphite traversé par un courant de 15 à 20 A. Même en commutant le champ magnétique pour
en inverser la polarité, jamais le signal au secondaire n'a changé. Toutes
les valeurs utilisées dans le montage ont été fournies par M. Vallée
lui-même. Voici les mesures faites le 23 janvier 1976 résistance du graphite = 30 W
: longueur = 1 cm : diamètre = 5 mm. décharges ; 5 as : V = 200 V ; n
= 60 Hz B = 1 300 gauss
; E = 20 kV/m Secondaire B = 0 B = 1 300 gauss C= 0.5 µF 0,2 V
0,2 V C= 2 µF
0.06 V 0,06 V G= 5 µF
0,02 V 0,02 V Il apparaît que l’expérience, telle qu’elle
est décrite, ne donne pas les résultats attendus. (2) Science et Vie, Novembre, 1975 |
d'ailleurs toutes empruntées à l'arsenal courant de la physique : champ élec- trique limite, espace « vide » dynami- que, équations de propagation, etc. Le résultat
n'est apparemment guère moins
convaincant que beaucoup d'exposés généraux des théories ortho- doxes.
Du point de vue des lecteurs de Science et vie par exemple, qui eurent droit à un important article sur les idées de M. Vallée,(2) ou de celui des auditeurs de ses multiples cause- ries devant tel ou tel cercle politico- culturel, rien ne peut en effet le diffé- rencier
des « vrais » scientifiques. C'est ici que la science contemporaine paie le prix de son élitisme et de son ésotérisme. Pratique réservée à une minorité, son pouvoir de conviction ne peut aujourd'hui reposer que sur des arguments d'autorité ou d'effica- cité : sa rationalité n'opère plus guère qu'à usage interne, au mieux. C'est en reconnaissance de ses racines objec- tives
qu'il a paru intéressant de consa- crer
ces colonnes à la théorie synergé- tique. La science orthodoxe, en effet, redoublerait son isolement à garder systématiquement un silence condes- cendant
sur les hérésies diverses qui l'entourent. Il n'est pas question pour autant de réfuter point par point les thèses de M. Vallée : dans la mesure où il n'y a là que discours pseudo- théorique et non théorie formalisée et prédictive, une telle entreprise serait vaine. Elle prendrait au surplus néces- sairement
la forme d'une défense de la science «officielle», alors que, cela est clair à la lecture des revues spécia- lisées,
une bonne part des recherches conventionnelles ne sont pas beau- coup plus sérieuses que celles de M. Vallée. Plus simplement, nous voulons, sur un plan purement factuel, ruiner les prétentions insensées de cette « théo- rie » en rendant compte de l'échec net et sans appel d'une expérience pro- posée par M. Vallée et réalisée, sur ses indications, par M. Kovacs.
C'est volontairement que nous n'analysons pas ici les incompatibilités évidentes des propositions de M. Vallée avec les théories admises : là n'est pas le pro- blème
essentiel. Nous souhaiterions plutôt à cette occasion lancer le débat sur les problèmes de fond posés par la prolifération de telles aberrations. En un certain sens, la « théorie syner- gétique » et ses homologues sont sem- blables
aux dogmes religieux ; la question est moins celle de leur vérité intrinsèque que celle de l'adhésion suscitée, et leur réfutation demande moins une critique rationnelle que l'abolition de leurs bases objectives. Jean-Marc Lévy-Leblond. |
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