Mes réflexions sur l'euthanasie légale suite à l'adoption d'une loi dans ce sens en Espagne

 

Benjamin Lisan, le 20/12/2020

 

Cette question (de l'euthanasie légale) a toujours été une question extrêmement difficile pour moi. Bien sûr, je suis plutôt pour le combat pour préserver la vie humaine, si possible (une des raisons, d'ailleurs, pour laquelle je suis contre la barbarie de la peine de mort _ l'autre raison de mon opposition à cette peine, étant le risque d'erreur judiciaire).

 

A priori, l'euthanasie légale serait une forme de légalisation d'une mesure barbare (avec le problème de son irréversibilité), pour certaines personnes.

 

Pendant longtemps, j'ai toujours été partisan de la solution alternative, celle des soins palliatifs, pensant que c'est la bonne solution.

La plupart de mes amis chrétiens seront partisans aussi de cette seconde solution.

 

Mais par les circonstances de la vie, j'ai eu à accompagner plusieurs personnes jusqu'au terme de leur vie, à cause de leur cancer incurable : ma mère (à 62 ans), Christine (environ 40 ans), une amie, Geneviève (vers 60 ans), une autre amie, Jean (vers 70 ans), un membre de ma famille.

 

Encore récemment, j'ai perdu un ami (78 ans), en juillet 2020, d'une cancer foudroyant (imprévisible, alors que c'était une personne très raisonnable, n'ayant jamais commis d'excès, ne fumant, ne buvant pas d'alcool ...).

 

J'ai constaté que le cancer était très fréquent chez les personnes âgés, en lien avec l'augmentation de l'espérance de vie, dans les pays "dits riches" (depuis 50 ans).

 

En France, les deux principales causes, tous sexes confondus, qui totalisent les deux tiers (67,1 %) des décès en France (données 2013) : les tumeurs malignes (27,6 % des décès), les maladies de l'appareil circulatoire (maladies cardiovasculaires, 25,1 %) [bien avant toutes les autres causes].

 

Ma mère est décédée d'une cancer des os, extrêmement douloureux, qui n'avait pas été détecté à temps, à cause d'une erreur de diagnostic de son médecin traitant.

 

Elle n'avait pas aimé l'Institut Gustave Roussy, qu'elle considérait comme une énorme usine inhumaine.

Elle est décédée dans un centre soin palliatif, situé en Seine-et-Marne, si je me souviens bien, qu'elle a nettement préféré à l'Institut Gustave Roussy et où les soignants dévoués étaient aux petits soins avec les malades. [Centre que le conseil régional voulait d'ailleur faire fermer, car trop cher, avec trop de personnel].

 

Mon ami Geneviève est, elle aussi, décédée dans un centre de soins palliatif dédié, la Maison Médicale Jeanne Garnier, située dans le 15° à Paris, un centre remarquable, où les soignants étaient vraiment extraordinaires.

 

J'ai trouvé ces centres; spécialisés dans soins palliatifs, très humains, mêmes extraordinaires (les endroits idéaux pour les personnes souffrant de maladies douloureuses incurables).  Mais ils nécessitent un personnel important, formé aux soins palliatifs. Donc ils coûtent chers.

 

Suite à cette expérience, mon regard sur les cancers extrêmement douloureux et incurables a changé.

 

Car ma mère détestait l'acharnement thérapeutique dont elle faisait l'objet de la part de ses médecins.

 

Bien qu'on lui prescrive de la morphine, aux doses maximum admissible, elle continuait à souffrir. En en plus, ce qui lui était très désagréable était [pour elle qui n'avait jamais aucune drogue de toute sa vie] qu'elle était sujette alors à des "trips", des "flashs" (hallucinatoires), suite à la prescription de doses élevées de morphine, dans son cas.

 

A cause de cette expérience désagréable, elle ne souhaitait qu'une seule chose, mourir.

Et pour résister à l'acharnement thérapeutique, qu'elle subissait, elle s'est laissée mourir de faim en refusant toute nourriture durant presque 2 mois.

Elle, qui était pourtant d'éducation chrétienne (qui normalement ne serait jamais suicidée), ... je pense qu'elle aurait pourtant préférée bénéficier d'une euthanasie légale (tellement sa douleur était insupportable et son cas extrême _ son cancer des os l'avait rendue totalement tétraplégique, à cause de la déformation de ses os).

 

On espère tous que la science trouvera, un jour, toutes les solutions définitives pour guérir tous les cancers fatals et incurables. Mais pour l'instant, on est loin d'être arrivé au bout du tunnel (concernant la guérison définitive de tous les cancers).

 

Je suis bien sûr pour la solution qu'on puisse offrir une place, pour tous les malades souffrant et incurables, dans les Maisons de soins palliatifs, des endroits très chaleureux et humains, bien qu'ils coûtent cher à la Sécu, étant donné que ces centres nécessitent un important personnel spécialisé [plutôt que dans les hôpitaux classiques].

 

Je crois que _ a) dans le cas où les antalgiques ne font plus effet, b) alors que la douleur du malade reste extrême et insoutenable (cas de cancers, de certaines scléroses en plaque ...) et c) qu'il n'a aucun espoir de guérison _, on doit alors offrir aux maladies, qui les réclament, la solution de l'euthanasie, cette solution ultime, mais bien sûr en l’entourant d’un nombre de contrôles, de garanties, de précautions, en amont, importants, cela pour éviter toute erreur de diagnostic irréparable ou tout risque de "crime parfait".

 

Dans la loi espagnole, il est prévu que le maladie doit réitérer sa demande quatre fois, au minimum, sur un mois, et tout cela soit le contrôle de médecins.

Par ailleurs, avec cette loi, les médecins ; qui refusent d’accéder à la demande du malade, sont protégés par une clause d'objection de conscience.

 

Personnellement, je suis partisan de cette solution et qu'ils y ait au moins deux médecins qui vérifient la légalité et la conformité de la procédure d'euthanasie pour ce malade souffrant le martyr et incurable.

 

Qu'en pensez-vous ?

 

PS. Un petit message de Gérard Delfau, sénateur de l'Hérault :

 

« Je pense que le droit de mourir dans la dignité, et donc sans être obligé de recourir au suicide, quand le moment est venu de quitter la vie, est la plus importante de nos libertés. A condition, bien sûr, d'un solide encadrement médical qui interdise tout dérapage ou toute "mercantilisation".

C'est possible, comme le montre la Belgique, où nombre de Français, qui en ont les moyens, vont finir leur vie.

J'ai publié dans la collection Débats laïques un livre émouvant et convaincant de Nadia Geerts sur ce sujet :

 

L'après-midi sera courte. Plaidoyer pour le droit à l'euthanasie, Nadia Geerts, Editions L’Harmattan, 2018, 170 pages, 18€, http://www.debatslaiques.fr/-L-apres-midi-sera-courte-.html »

 

1         Bibliographie

 

[1] En Espagne, le Parlement approuve le droit à l’euthanasie, Sandrine Morel, https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/18/le-parlement-espagnol-approuve-le-droit-a-l-euthanasie_6063845_3210.html

Après les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Canada et la Nouvelle-Zélande, l’Espagne s’apprête à devenir le sixième pays au monde à autoriser l’euthanasie.