Transalpine Tibétaine (du 5/9/00 au 14/8/00)

Témoignage sur une randonnée pour la cause tibétaine.

 

          Un petit entrefilet dans la revue de mon association de parrainage d'enfants tibétaine, annonçait une marche de soutien à la cause tibétaine, dénommée la TRANSALPINE TIBETAINE, de plus de 700 km, dans les Alpes, sur le GR5, entre Nice et Genève, durant l'été 2000.

 

          J'étais loin de m'imaginer faire parti de ces marcheurs. Mais sensibilisé par la cause tibétaine, n’y tenant plus, je décide, au dernier moment, de les rejoindre.

Un vendredi matin, je contacte alors une organisatrice de la marche. Elle m'apprend l'arrivée de la troupe des marcheurs, le lendemain, à la mairie de Modane, vers 16h. Le soir, je réserve mon billet SNCF pour Modane et prépare alors rapidement mon sac à dos. A tout hasard, je prends 10 kg de lyophilisé, dans mon sac, aucun repas étant normalement prévu pour les "non inscrits".

 

J'arrive par un TGV à Modane vers 14h. Les marcheurs, une trentaine, accompagnés de cavaliers portant des drapeaux tibétains, comme des chevaliers du moyen-âge, arrivent vers 17h, attendu par le maire barbu, débonnaire, de Modane, en écharpe tricolore.

 

En en-tête de cortège, deux membres du gouvernement tibétain en exil, une femme députée en robe tablier tibétain Nawang Lhamo, un moine (ou lama) député, Yeshi Puntsok, président du « Parti Démocratique », un parti minoritaire, au sein du parlement tibétain en exil.

Puis un moine âgé, Palden Gyatso, ancien résistant tibétain et prisonnier des chinois pendant 33 ans, une moniale Ani Palkyen Dolma, qu’on surnomme Ani La, ancienne résistante et prisonnière pendant 25 ans.

Un vieux guerrier kampa, à la forte carrure, RetingTempa Tsering, ancien résistant et prisonnier, prisonnier pendant 22 ans, repérable parmi les marcheurs, par son éternel chapeau Paname, posé sur sa longue chevelure jaie, ayant gardé des séquelles physiques de ses tortures.

 

Le moine président du parti démocratique porte, suspendu à son cou, un portrait sous verre du Dalaï-Lama. Annie La, 70 ans, a épinglé un pin's du drapeau tibétain sur à sa robe rouge de moniale. Elle a déjà participé à une autre marche, en Californie, pour le Tibet, au cours du printemps 2000. Elle a vécu une vie de souffrance, mais je ne sais si elle a écrit un témoignage sur sa vie.

Par contre Palden Gyatso a relaté son expérience carcérale dans un livre "Le feu sur la neige".

 

Dans la salle de réception, le maire vante le courage de tibétains et offrent aux représentants des tibétains en exil, la médaille commémorative de la ville.

Il promet de suspendre, à l'avenir, le drapeau tibétain au balcon de sa mairie.

Puis, le soir, dans le gymnase ou salle des fêtes de Modane, il organise une grande réception, où sont conviés plus de 70 personnes, dont les marcheurs. N'ayant pas encore participé à la marche TRANSALPINE, je suis tout le même invité. Tous sont invités, même les non inscrits.

 

Avant la conférence et le repas, les organisateurs de la TRANSALPINE ont installé, dans le gymnase, une exposition de photo et un stand, où sont vendus le tee-shirt brodé de la marche,  des drapeaux, des livres, des macarons et des objets traditionnels tibétains. Un yack empaillé et des drapeaux tibétains en haut de grands mâts, sont visibles à l'entrée du bâtiment.

 

          Il était prévu, à l'origine, six yacks, provenant de Suisse, pour nous accompagner. Mais l'éleveur a renoncé à les prêter, la Suisse imposant une quarantaine dès leur retour de France, en raison de la maladie de "vache folle".

Ce yack empaillé, utilisé lors du tournage du film "Himalaya", joue donc, en quelque sorte, le rôle des yacks absents.

 

Avant le grand banquet, a lieu une conférence où les tibétains témoignent des atrocités subis. La traduction laborieuse, du tibétain vers l'anglais, plus de l'anglais vers le français, est assurée par Anne, la traductrice "officielle" de la marche. Ensuite, un syndicaliste italien, Claudio, fait une intervention passionnée, en un excellent français.

 

          Le conseil municipal, y compris le maire, arrosent copieusement le repas et portent un toast aux marcheurs. Au digestif, nous avons même le droit au génépi local artisanal … difficilement buvable. 

          Tséring y va de son petit couplet tibétain, montrant ses qualités de chanteur et la force de sa voix.

          Le soir tard, j'aide au remballage de l'exposition. Puis nous dormons pelle-mêle, dans un gymnase.

 

Dimanche 6 août (Modane -> Refuge de l’Orgère)

         

          Après le repas bien arrosé d'hier, j'ai quelques difficulté à me lever.

          Ani La est déjà levée, récitant des prières (mantra), qu'elle déchiffre dans un livre tibétain de forme allongée.

 

          Avant de partir, les marcheurs font cercle, autour des responsables, diffusant les annonces, ou dispensant recommandations et conseils. Michel GIGNOUX, nous expose, chaque jour, un épisode de l'histoire du Tibet. La coordination de la marche est assuré par Matthieu, un jeune étudiant en philosophie, nerveux, grand fumeur, insufflant, par ses discours charismatiques, le souffle "spirituel" de la cause, aux marcheurs.

 

Durant la marche, je le verrais, souvent courir, successivement de la tête à la queue du cortège, comme pour le curé rassemblant ses ouailles, ou le chien de berger regroupant ses brebis.

          Un caméraman, d'une école de cinéma, Fabrice, couvre l'intégralité de la marche.

 

          Après toutes ces annonces, la marche démarre enfin, avec 1h30 de retard. Cela sera ainsi, presque tous les jours. Au moment du départ, tout le monde pousse une sorte de cri "On Ywa", signifiant "On y va".

          Auparavant, les moines prient avec leur voix de gorge basse.

 

          La troupe de 30 marcheurs, au départ de Modane, attaque immédiatement un dénivelé raide de 900 mètres. Sans entraînement depuis des mois, avec un sac de 17 kg, je suis bien heureux, d'atteindre le refuge de l’Orgère, vers midi. D'autant que le temps se couvre et devient pluvieux à notre arrivée.

 

          Le gîte, en limite du parc de la Vanoise, nous réserve un remarquable accueil, de la part de ses jeunes gérants, déjà sensibilisés par la cause tibétaine.

          Le soir dans le refuge, a lieu, spontanément ,un concert folk bretonnant, animé par un violoniste doué, marcheur lui aussi. Une sorte de "Festival Interceltique" avant l'heure. Tout le monde se met à danser. Une chanson tibétaine est même chantée sur un air breton.

          Dans la kitchenette, des jeunes femmes préparent de la soupe aux orties, au goût d'herbe.

          Partout, dans les chambrées, règne une odeur d'encens.

 

Lundi 7 août (Refuge de l’Orgère -> Pralognan la Vanoise)

         

          Le matin, toujours le premier cercle.

Je suis impressionné par la logistique de l'organisation de la TRANSALPINE. Deux camionnettes ont été louées pour porter les bagages des personnes fatiguées. Un autre, moins récent, décoré de peintures naïves, sert de cantine ambulante, distribuant les petits déjeuners, les déjeuners, voire les dîners, pour les inscrits.

          Deux membre de la coordination assurent le service d'ordre, en tête et queue de colonne, communiquant par talki-walki. Sur les routes goudronnées, on entendra souvent les ordres "File indienne !", "groupier !" …

 

Plus tard, la nourriture (provenant parfois de dons) étant en suffisance, tout le monde aura le droit aux repas, même les non inscrits (tarifs bas : 20 F le petit déjeuner, 30 F pour les autres repas).

La cuisine est assez "écolo". Les végétariens peuvent manger végétarien, un repas de ce type étant aussi prévu pour eux au déjeuner et au dîner. Au petit déjeuner, purée de sésame, miel bio, … On aime très fort le bio.

 

          En marchant, je lis la "charte des marcheurs", élaboré par l'organisation, devant être respecter tout participant à la marche. On lit, par exemple, « Respecter les besoins, les coutumes et l’intimité de ceux qui donnent l’hospitalité mais aussi des autres participants qui font la marche avec soi. », « Tous et chacun, à tour de rôle, participeront aux menus travaux quotidiens tels [..] la préparation des repas, le nettoyage des lieux … » etc.

 

Du refuge de Lorgère, pénétrant dans le Parc de la Vanoise, nous entreprenons une montée raide, vers le col de Chavière (2780 m), où nous nous reposons et pique-niquons dans le brouillard et le froid. Ici, la neige persiste par plaques. Au repas du midi, on a le droit à des carottes crues.

          Au sommet du col dénudé, les drapeaux tibétains, plantés dans les amoncellements de pierres, donne une touche himalayenne, au paysage environnant désolé et âpre.

          Les chevaux ne nous suivent pas, ayant à effectuer un grand détour par la route, à cause des grandes dalles schisteuses glissantes, avant le col.

          Les paysages vus du cols sont rudes mais grandioses.

 

Avant le col, nous croisons un harde de bouquetins, peu farouches, se maintenant à environ 200 mètres de nous.

 

          Les moines tibétains sont en pleine forme.

          J'apprends d'eux qu'il y a neufs partis politiques dans le gouvernement tibétain en exil.

 

          Nous passons par le refuge du Péclet (2450 m), une halte pour nous, envahie de monde en cette saison. Nous retrouvons le beau temps.          Le soleil tape maintenant fort.

 

          Maintenant, le sentier au fond de vallée, est large, droit, facile, une véritable autoroute. Mais la marche terminale sur cette route semble indéfiniment longue.

 

          J'entends comme des tirs d'obus dans la montagne, peut-être dues à des avalanches d’été.

 

Nous atteignons le refuge du Roc de la Pèche, vers 16h. Un sculpteur, Michel Chanoz, a passé une partie de sa vie, à décorer, de motifs celtes, la chapelle des moines de la Motthe (12° siècle). Les moines tibétains prient dans la chapelle, un moment. Par la beauté de son œuvre, l'intérieur de la chapelle dégage une forte atmosphère spirituelle.

 

Dans l'entrée, une roue, semblable à une roue de mouvement perpétuel, sur le pourtour de la quelle sont disposés des clochettes, de la plus petite à la plus grande, est animé, un instant, par un enfant espiègle, dérangeant la concentration des moines.

          J'ai de l'admiration pour des jeunes gamins, d'une dizaine d'année, marchant sans faiblir à côté de leurs parents. Les moines tibétains semblent beaucoup les aimer et rire avec ceux, et leur comportement face aux enfants semble illustrer la phrase des évangiles "Laissez venir à moi les petits enfants".

 

          Nous arrivons vers 17h30-18h, à Pralognan-la-Vanoise, où nous attendent, le maire, sous un chapiteau, un buffet garni et le vin d'honneur. La réception de ce maire, sera la plus marquante.

Nous sommes déjà 70 marcheurs à l'arrivée.

 

          Sous le chapiteau, la député tibétaine parle des avortements, des stérilisations forcées des femmes au Tibet, dont le résultat est de faire encore plus pencher la balance démographique en faveur des colons chinois, arrivant sans cesse au Tibet. La balance est déjà, semble-t-il, en défaveur des tibétains, après 50 ans d'occupation et de colonisation.

 

          Après le discours, et le vin d'honneur, nous avons le droit, en plus, à un repas offert par la mairie, et à un nuitée gratuite à l'hôtel de "la Grande Cordée".

                    Mes nouveaux amis, Michel, Marie-Alice, Brigitte et moi, choisissons le restaurant de "la Vallée Blanche". Michel nous parle de son expérience de vie, d'abord dans un tipi indien, dans le sud de la France, puis dans une yourte mongole. Il préfère finalement la yourte. Au menu, nous sons servis des "crolles", des pâtes en forme de petits dés, qu'on trouvent en Savoie.

 

Mardi 8 août (Pralognan-la-Vanoise -> Champagny-en-Vanoise)

 

          Au réveil, nous nous sentons comme des coqs en pâte, dans nos draps blancs. Nous avons même le droit au petit déjeuner. Je pensais que j'allais en baver, au niveau de l'inconfort, du froid, lors de cette marche. En fait, je me sens plutôt un gêné de ce luxe et de ces chaleureux accueils successifs, depuis le départ de ma randonnée.

 

          Nous formons le cercle, dans la rue, pour la réunion quotidienne. Le trésorier de l'organisation, Gauthier, est "en pétard". Il menace de démissionner, semble-t-il en raison de l'inconséquence de certains dirigeants, concernant les dépenses croissantes de l'organisation.

 

          Les touristes nombreux  à vouloir assister au départ des marcheurs, sont un peu décontenancés. "Cela la fout un peu mal pour l'image de la TRANSALPINE".

De mon côté, j’y vois plutôt la preuve de la démocratie et de la liberté de parole, au sein de l’équipe dirigeante de la TRANSALPINE.

 

Fatigué, épuisé, j’ai confié, ce matin, plus de la moitié de mon sac à dos, à la camionnette d'assistance, nommée le Boxer.

Aujourd'hui, la marche débute sur le goudron d'une longue route descendant régulièrement.

Le soleil tape fort. Il fait chaud.

 

          Dans la troupe, beaucoup de représentants des mouvements alternatifs (bio, écolos, anti-nucléaires, anti-OGM, anti-mondialisation…). Ici, on sûrement beaucoup plus de personnes anti-mondialisation, que de partisans de O.M.C, ou du libéralisme sauvage. Et aussi beaucoup de végétariens.

          Un des figure marquante de ces mouvements, est André LARIVIERE. Petit bonhomme (1m60), d’origine québécoise,  aux longs cheveux blancs, petit par la taille, mais grand par le cœur. Un militant professionnel depuis son enfance. Il est de toutes les manifestations. Il a, d'ailleurs, édité une biographie de sa vie dans "Profession : militant".

 Il vit dans un petit village de la Haute-Loire. Toujours les sandales aux pieds, il n’a jamais souhaité se délester, dans la camionnette d’assistance, de son lourd sac à dos. C’est un excellent marcheur.

          Un moine, en sandales comme ses collègues, nous rejoint. La langue d’échange avec les moines, est l’anglais.

 

          Nous nous engageons, dans une très belle vallée du bout du monde, à Champagny le Haut, où nous rejoignons un camping. Le maire en écharpe, et un buffet, nous y attendent.

 

          Un garde du parc de la Vanoise, Christophe, nous fait une conférence sur sa mission (protection de la nature, application de la réglementation …). Puis il offre, à chacun des tibétains, un livre sur le parc.

 


Mercredi 9 août 2001 (Champagny-en-Vanoise -> Peisey-Nancroix)

 

          Au cercle du matin, lecture, par la responsable communication Marie-Hélène, grand fumeuse, toujours de noir vêtue, d’un bel article sur la marche, dans le "Dauphiné Libéré", mais rien dans les autres journaux, au grand désespoir des organisateurs. Le seul autre long article édité dans "Libération" date ce plus d'une semaine.

         

          Ce matin la montée est dure, en plein soleil. Le garde du parc, Christophe, nous ayant offert hier une conférence sur le parc, m’accompagne. Il soutient totalement la cause tibétaine. Il me décrit son travail, comptages d'animaux, soins, entretiens des sentiers, et des panneaux indicateurs en bois du parc, retirés l'hiver, pour éviter qu’ils s’abîment etc… Sa formation : vétérinaire, le niveau minimum actuel à acquérir, pour espérer devenir garde d’un parc national en France.

 

          Nous parvenons au col de la Chiaupe (2492 m), au dessus de La Plagne. Les tibétains parlent de « La Chiaupe La », "La" signifiant "col", en tibétains. Tout les marcheur poussent en cœur une sorte de cri étrange, quelque chose ressemblant phonétiquement à « La Gyalo », un cri signifiant en tibétain « Les Dieux ont triomphé ».

 

L’altitude sur l’altimètre est plus basse que prévue, c’est bon signe. Il va faire beau.

 

          Je suis impressionné, dans le monde minéral du parc qui nous entoure, sar la diversité géologique (calcaire, schiste, granite …).  Le garde du parc me montre une dryade à 8 pétales, ou thé des Alpes, propre au terrains calcaire.

 

          Jocelyne « Joss », me parle des tibétains ayant trop tendance à profiter de la générosité occidentale. Joss a été pendant longtemps bergère en Provence. Ayant l’habitude de courir après les moutons dans les alpages, bien qu’elle soit une grande fumeuse, elle est une excellente marcheuse, un véritable cabri. C'est « ma petite bergère transalpine ».

 

          Arrivée à Pessey-Nancroy, un moine remet la Katagh traditionnelle  _ une écharpe tibétaine, normalement cadeau de bienvenue _ au maire de la commune, lui-même en écharpe de maire. Tout le monde monte au balcon d’un bâtiment public, pour la conférence. Les tibétains sont traduits par Anne. 

 

          Nawang Lhamo, la femme députée souffle dans une conque, servant de trompe (le radong).

          Un des marcheur, dont le souhait  est devenir lama, crane rasé, tout de noir vêtu, a l'habitude de souffler dans ce coquillage, avant toute arrivée dans un village.

 

          Les moines ayant bu du vin rouge, plus de coutume, lors d’un bon repas, font le pitre dans le jardin, des exercices d’élongations, des pompes etc …

 

          Ce soir, nous dormons à "l'Espace Nordique". Le repas et le gîte étant offerts, par la commune.

 

Jeudi 10/8/00 (Peisey-Nancroix -> Bourg-Saint-Maurice)

 

          Ce matin de bon heure, un moine, Sangpo Bhuti mima ( ?), nous initie à la méditation dans le jardin du gîte. Il fait frais. Les enfants, sont gelés.

          Mon voisin de banc, énigmatique me glisse « heureux sont les fêlés, car ils laissent passer la lumière ».

          Philippe, dentiste bénévole au Népal, s’occupe d’une agence de trek au Népal, dont le but essentiel est d’apporter des retombées financières aux employés népalais de l’agence. Il aborde avec moi, le problèmes de quelques monastères tibétains au Népal. Beaucoup de gens s’enrichissent, au Népal, grâce à la corruption (le plus riche homme du Népal étant le Roi lui-même, détenant plus de 70 % des richesses du pays). Certains chefs de monastères sont tentés faire de même.

 

          La marche, essentiellement sur la route, sera très courte (3h30).

          Nous arrivons tôt, à une grosse bourgade Bourg-Saint-Maurice, où nous attendent un estrade où pourront s’exprimer les tibétains et les organisateurs. Ensuite, nous sommes reçu par la mairesse dans l’hôtel de ville, offrant aux Tibétains une sculpture en bois, représentant le sigle triangulaire de la Station de ski des Arcs, toute proche.

 

          Nous dormirons au camping de Bourg-Saint-Maurice. Pas de repas offert ce soir.

          Certains dormiront dans une grande tente blanche d'Apparat, aux motifs stylisés bleus, sur les mâts desquels sont plantés le drapeau Européen et tibétain, et sur les haubans desquels sèchent le linge.

 

Samedi 11/8/00 (journée de repos à Bourg-Saint-Maurice).

 

          De nouveau le coup de barre, celui où l'on oublie tout. Je n’écrirais rien aujourd’hui.

          Désœuvrement pour tous.

          Ce matin, deux parapentistes, parti des Arcs, se posent sur le terrain de camping, laissant flotter élégamment au vent, un grand drapeau tibétain attaché à leurs suspentes.

          Les "palefreniers" s’amusent à faire se faire tracter en ski à roulette, par leurs chevaux.

 

Dimanche 12/8/00 (Bourg-Saint-Maurice -> Les Chapieux)

 

          Je discute avec Jean-Pierre, une personne sympathique et charmante, vivant de petits boulots divers. Il vit la plupart du temps de presque rien, comme l’oiseau sur la branche.

Il fait parti d’une communauté le SEL (système d’échange libre), où les membres pratiquent le troc, et l’échange de service, pour tenter se passer de tout argent. Malgré tout, une monnaie virtuelle est tout de même utilisée par l'association (les billets de cette monnaies sont les "Heureux" et les pièces, les "noix" … noix virtuelles).

 

          La marche, sans difficulté, s’effectue en partie sur la route goudronnée. Puis nous arrivons dans une vallée de plus en plus encaissée, à la végétation rase. Une troupeau de chèvre, couleur terre de Sienne, nous accompagne un instant, dans cette vallée perdue, se pressant peut-être, à cause du ciel couvert, devenant menaçant.

Nous arrivons au refuge des Chapieux (1550 m) où nous camperons. Le temps est très frais et venteux (le pull est nécessaire). La nuit, une forte pluie orageuse douchera nos tentes.

 

Lundi 13/8/00 (Les Chapieux -> Les Contamines Montjoie)

 

          On commence par le cercle (des poètes disparus).

 

          Je rencontre Benoît commentateur sportif, portant une casaque bordeaux, nous accompagnant avec un énorme appareil photo. Il souhaite proposer des photos de la marche à des journaux.

Je suis maintenant avec le Lama Youngdeal ( ?). La marche est aussi dure pour les moines, que pour moi, en particulier pour le plus âgé, Palden Gyatso.

          Je rencontre une jeune tibétaine mariée à un français, Tcheuki, se battant sans cesse contre les difficultés de la langue française, une langue vraiment dure pour les tibétains.

 

          Nous partons pour un dénivelé de plus de 600 mètres. La colonne, composée maintenant de plus de 100 marcheurs précédée par les tibétains et les chevaux, s’étire comme un long cordon sans fin dans la Montagne.

          Nous arrivons vers 11h, au refuge moderne de la Croix du Bonhomme, où sont confectionnés d’excellentes tartes maisons. Puis nous repartons pour le col du Bonhomme (2329 m), où une équipe, composée d’un caméraman et d’un preneur de son, de TF1 nous attendent.

          Le reportage de l'équipe de TF1 fera l'objet d'une communication de 3 minutes, lors du journal de 13h, une semaine plus tard. Mes collègues de bureau m'en parleront à mon retour.

 

Les tibétains organisent un office religieux, psalmodient des mantra, faisant brûler de l’encens sur une pierre et déposant des offrandes. Tenzin KUNCHAP, l’auteur du livre du « Le Moine rebelle » (Plon), devenu par la suite moine défroqué, participe à l’office. Pour l’occasion, il a revêtu une sorte de robe de chambre en soie.

 

          A la fin de l’office, tout le monde pousse le « Hourrah ! » tibétains (signifiant « les Dieux ont vaincus »), se transformant tantôt en « Bengalom », « Bengaloo », « Bangalor », ou « Rogalo », selon l'humeur ou l'inspiration de ceux qui le prononcent.

 

          On chante alors l’hymne national tibétain :

« Que la parole du Mouni _ trésor d’où jaillissent tous les bonheurs et bienfaits du samsar et du Nirvana _ scintille de l’éclat du joyau qui exauce les désirs.

O Protecteurs qui veillez sur l’immense royaume de la doctrine et des êtres, puisse d’étendre l’océan de ses activités.

Demeurez parmi nous dans l’inaltérable diamant et déployer notre protection à toutes les directions, avec amour et compassion.

Que l’état munificent assure son pouvoir influent !

Que grandisse l’empire des quatre excellentes valeurs !

Qu’un bonheur nouveau et sans faille se répande au Tibet, sur l’ensemble des quatre provinces.

Que rayonne la gloire prestigieuse du spirituel et du temporel !

Que l’enseignement du Mouni irradie dans les six directions et amène tous les êtres du vaste monde à jouir de la paix et du bonheur.

Les qualités de la doctrine et du peuple tibétain resplendissent comme un soleil qui émettrait des myriades de rayons bienfaisants.

Puisse leur pouvoir éclatant être vainqueur dans le combat contre l’ignorance ! ».

 

Un peu différent de la Marseillaise. En tout cas moins belliqueux.

 

          Une grande banderole de plus de 20 mètres de long, étalée sur une pente herbeuse de la montagne indique « Le Dalaï Lama est le Chef d’Etat du Tibet ».

          Au dessus, un participant à la Translpine tente de décoller en parapente, mais ses deux tentatives, en raison d’un fort vent de travers, est un échec.

 

          Je rencontre Christophe CUNNIET parapentiste, un des principaux dirigeants de l’association de soutien à la cause tibétaine, France-TIBET.

          Après le col, sur le chemin qui redescend, la moniale Ani La, malgré son "jeune" âge, plus de 70 ans, semble increvable.

 

          La dernière partie, un chemin rectiligne, puis une route droite, avant l’arrivée aux Contamines Monjoie, semble interminable.

          Après avoir dépassé l'imposante chapelle de Notre Dame de la Gorge, à la façade couverte de peintures murales baroques, une foule immense, alignée tout le long du trajet, de chaque côté de la route, nous encourage. L’arrivée, dans le silence et la dignité, nous vaut les applaudissements de cette impressionnante assemblée.

 

Au centre du village, des centaines de personnes de personnes nous attendent et une estrade est dressée. Sur celle-ci, un chanteur tibétain connu Tenzin Gönpo, se produira devant cette foule et les marcheurs, après le « speach » des tibétains. Mélange de musique traditionnelle et de World music.

 

Le soir plusieurs amis, Tenzin kunchap et moi, iront nous désaltérer dans un bar. Cet ancien lama aime le Whisky. Il nous parle de sa vie de prisonnier politique, de son évasion du Tibet et de son projet actuel, un site internet d'information sur le bouddhisme « the bouddhist line », qui sera opérationnel dans quelques mois. 

 

Ce soir, nous dormirons dans un grand gymnase.

 

Mardi 14/8/00 (Les Contamines Monjoie -> Les Houches)

 

          Au cercle, nous apprenons qu’une tension existe entre la Compagnie des Guides de Chamonix, et l’organisation de la Transalpine, au sujet d’une école des guides créée au Tibet, par la compagnie chamoniarde, avec la collaboration des autorités chinoises, ces dernières plaçant des chinois à la tête de cette école tibétaine.

 

Les 7 tibétains (Palden, Ani La, Tcheuki, Ganu ( ?) ..), seront invités à la fête de la Compagnie des Guides, mais n’auront pas le droit d’intervenir pour parler de la situation du Tibet ou de déployer leur drapeau, la raison officielle avancée étant le caractère strictement religieux de la cérémonie.

 

          Sur ce sentier, je rencontre Marcelle ROUX, présidente de France-Tibet, aux fortes présence physique et personnalité.  Sans être une grande marcheuse, elle a voulu être des nôtres et nous apporter son soutien moral. Notre halte du midi, nous offre un magnifique point de vue sur le glacier Bionnassay, et le Mont-Blanc immaculé, en arrière plan.

          Marc JUTIER nous fait de la réclame pour son partie, un groupuscule écologiste de gauche, dont il est  le fondateur. Cette propagande n'est pas toujours du goût de tout le monde.

 

          La randonnée sur le Tour du Mont Blanc (TMB) est facile, hormis la montée raide au col de Voza et nous arriverons très vite aux Houches. Nous sommes maintenant plus de 150 à marcher !

 

Nous serons invités le midi, puis le soir au verre de l’amitié et à un grand repas, dans le gymnase du village des Houches, offert par le maire.

 

Mercredi 15/8/00 (Repos aux Houches)

 

          Nous assistons ce matin, à la cérémonie religieuse d’une cinquantaine de guides dont deux femmes, de la Compagnie des Guides de Chamonix, en belle tenue, veste anglaise, chaussettes blanches de montagne, sous un soleil radieux.

          A un moment, un vieux guide, peut-être à cause de la chaleur, a un malaise.

 

          Des médailles seront remises aux guides (Choucas d’or, d’argent …). Un long hommage sera rendu à un grand alpiniste disparu Gaston Rébuffat, devant sa femme.

 

          Les tibétains ne parlent pas, mais le curé, président à la cérémonie, parle pour eux.

          A la fin, Palden réussit quand même à déployer son drapeau.

 

Le soir, dans le gymnase et centre culturel des Houches, le député européen du Parti Radical Transnational, Olivier DUPUIS, expose tout ce qui a été fait pour la cause tibétaine au sein de la Communauté Européenne. J'apprends qu'il existe un groupe de soutien de 150 députés à la CEE. Olivier DUPUIS pense que la cause tibétaine ne peut progresser efficacement que sur le plan du droit et du juridique.

Une résolution, annonçant la possible reconnaissance du Gouvernement Tibétain en Exil, si le gouvernement chinois n'entreprend pas des négociations avec le gouvernement tibétain dans les quatre ans à venir, aurait été voté par le parlement européen, en juin dernier !

 

          J’aurais voulu encore continuer, avec les marcheurs jusqu’à Genève, devant l’ONU, où les marcheur arrivent le 25, mais ma société m’attend. J’ai déjà passé 10 jours avec les marcheurs, dépassant déjà la durée maximum de mes vacances.

 

Je reste jusqu’au bout avec les marcheurs jusqu’à mercredi soir 20h. Derniers adieux à Jean-Pierre, à Joss, à Christophe, aux moines et tous les autres. Je reprends seul (esseulé) un train vers 20h30 aux Houches. Je n’assisterais pas, ce soir là, à la projection du film « Retour du Kham » de Jeanne Mascolo, montrant le retour au Tibet d’un lama exilé en France depuis des années, à une conférence de Claude B. Levenson, écrivain, journaliste et à un témoignage poignant de Rething Tenpa Sering.

 

 Ce genre d'événement médiatique est toujours source d'émotion, par les rencontres, les échanges qu'il procure.

 

Cette marche, par sa bonne ambiance, m'ayant enthousiasmé, je lancerais, l’idée d’une marche TRANSHIMALAYENNE en 2002, une possible suite à la TRANSALPINE.

« Si le ciel le permet ».

 

 

Benjamin LISAN – Paris 8/2001