Sur la piste du siffleur des
montagnes
cours
séjour en Martinique à la fin de janvier 97
merci à ma tante et mon oncle de Blois pour leur aide
Durant l’hiver 97, des amis m’ont
offert l’hospitalité dans une grande maison louée en bord de mer à côté de Fort
de France. En Martinique, le prix de la location dépendant du nombres des
locataires, mes amis m’avaient donc payé ma part.
Avant
le départ, je passe voir mon ami, Fernand, preneur de sons animaliers, créateur
d’une maison de production de disque prospère.
Je
lui emprunte du matériel [1],
destiné à enregistrer les batraciens de l’île et le « siffleur de montagne »
, oiseau à gorge rousse de la famille des solitaires (myadeste génibarbis),
vivant dans les forêts pluviales d’altitude de Martinique.
Au
départ, le Boing 747 est plein.
A
bord, j’apprends dans le journal France Antilles de décembre, que l’île aura
accueilli 500.000 touristes, en décembre 1997.
Je
demande auprès d’une voisine martiniquaise les endroits où l’on peut écouter de
la bonne musique antillaise. Comprenant que je cherche à m’amuser, elle me
donne alors une liste de dancings. [2]
A
l’arrivée, ce qui nous frappe c’est la grâce des lignes courbes de la verrière
de l’aéroport d’arrivée du Lamentin, proche de Fort de France. Des placages de
bois clairs et précieux tapissent les murs intérieurs.
Devant
la porte du hall, une allée d’arbres du voyageur élance ses éventails vers le
ciel.
A
18h30, à la sortie, la nuit tombe.
Dans
la chaleur moite, l’impression étrange est d’être dans un département français,
avec la même monnaie, les mêmes cabines téléphoniques, les mêmes bureaux de
postes, les boîtes aux lettres et en même temps, dans un pays lointain situé
sous les tropiques.
Mes
amis me conduisent au village de l’Anse Dufour, blottie dans une petite baie
s’ouvrant sur la mer des Caraïbes [3].
La
terrasse de la maison, dominant la plage, me fait découvrir un décor de carte
postale : plage, cocotier, mer étale, clarté lunaire allongeant ses grands
bras lumineux entre les arbres, scintillement des luminaires de Fort de France,
à 10 km en face, sur la mer...
La
plage de sable blanc, frangée de cocotiers, l'ululement entêtant des
buffo-buffos, une sorte de rainettes locales, les crécelles des grillons et des
« cabris bois », une grande sauterelle, le grondement du ressac toute
proche et le doux bruissement des palmes des cocotiers dans la brise de terre,
contribuent puissamment à renforcer notre impression de dépaysement.
J’apprends
la grande importance d’une tenue vestimentaire décente et la pudeur des
Martiniquais. On doit éviter ici les tenues trop décontractées, les seins nus
ou le nudisme intégral sur les plages.
Près
de nous, vit la « quimboiseuse », une sorcière en martiniquais,
personne taciturne. A qui l’on ne fait jamais de réflexions, même si ses deux
chiens, aboient jour et nuit. Dans son jardin, trône un calebassier, aux
calebasses, encore vertes et énormes.
Les
quimboiseurs, comme les marabouts en Afrique ont la faveur des martiniquais.
Une habitante de Fort de France rencontrée par mes amis, affirme qu’il y a
beaucoup de quimboiseurs et aussi beaucoup de « couillons » en
Martinique.
Un
pêcheur habite l’étage au dessous de notre maison, devant laquelle s’empilent
des casiers à poisson, en Z, grillagés. Malgré, son âge, portant son éternel
chapeau de paille pointu à large bord, il se rend chaque matin, à la pêche,
dans son gommier motorisé, une embarcation de mer, de forme allongée.
Tout
le monde ici parle français. Le créole reste la langue vernaculaire des
villageois.
Le
créole, langue phonétique, « manman » selon l’écrivain créole Patrick Chamoiseau [4], comporte beaucoup de mots français, suite à une
décréolisation, mais aucun r, adjectif et adverbe, comme dans la phrase
« Nèg Pété Chenn » pour dire « les noirs ont brisé leurs
chaînes ». Les martiniquais jonglent aisément du français au créole, incompréhensible
pour les métropolitains.
Le
langage courant ici comporte quelques mots ou expressions imagées tels le
« décollage matinal », rhum pris à jeun le petit matin, les
« sous braguette », allocations familiales, ... le
« z’habitant », une écrevisse locale, le « z’oreille »,
métropolitain ou blanc, le « matoutous falaise », une mygale locale,
le « maringouin », moustique,
le « coco-merlo », un rhum de mauvaise qualité etc...
Certains
noms de familles ici comme PHAROSE, HANNIBAL ou des noms géographiques _ Ajoupa
Bouillon, Morne Rouge_ sont vraiment fort typiques.
Certains
personnages du village, ailés ou à 4 pattes, sont aussi à mentionner, tel le
canard de barbarie et un petit chat blanc. Le canard, à la démarche bonhomme et
satisfaite, raffole des croûtons de pains. Tandis que le chaton patiente chaque
matin, sur la plage, attendant le retour des pêcheurs qui lui offriront les
restes de poissons.
Avant
de dormir, je découvre, dans la cuvette de la douche, un buffo-buffo, de 2 cm
de long. Avec précaution, je le repose sur le rebord de la fenêtre. Malgré les
youyous hallucinants de la nuit, on peut s’endormir, grâce aux
boules Quiès.
Après
une nuit très courte, le sifflement virtuose des nombreux merles noirs me
réveille .
Puis
vers 5h30, c’est au tour d’un bruit de conque ou de corne de brume de me tirer
du sommeil...
J’apprendrais
plus tard, qu’à cet instant, un pêcheur souffle, comme dans un cor de chasse,
dans un gros coquillage spiralé, percée à son extrémité pointue. Ce cône appelé
« lambi » est un strombe en voie d’extinction. Le son de ce cône
s’entend, fort loin en mer.
Un
premier appel est en général à destination des pêcheurs. Une petite embarcation
motorisée emmène alors au large une grande senne à 300 mètres du rivage. Le
second coup invite les personnes restées sur la plage à tirer le filet. Un
dernier appel en général ver 6h30, signale la fin de la pêche, et peut-être aux
mareyeurs de Fort de France, de venir acheter le poisson. Chaque participant,
même le touriste prêtant main forte, recueille une part égale du butin.
Parfois, les pêcheurs rapportent aussi des langoustes, faisant le délice de
tout le monde.
Au
lever du jour vers 7 H, les batraciens se sont tus et leurs chants ont été
remplacés par ceux des merles. Ces derniers nous tiennent compagnie, déjeunant
avec nous, tout en se chamaillant, picorant du pain, dans une mangeoire
aménagée par mon amie, sur la rambarde du balcon. Les mâles ont toujours
priorité sur les femelles. Nous les nourrissons le plus souvent. C’est un merveilleux
moment de prendre son petit déjeuner sur la terrasse, dominant la mer et la
plage. A cet instant, remonte à l’esprit le souvenir d’une plage de sable blanc
éclatant et de l’odeur d’un café chaud pris au petit déjeuné, sur la terrasse
d’un hôtel devant la plage, à Madagascar, vers l’âge de 4 ans.
Les
longues barques de bois coloré, allongées , tirées sur la plage, portent des
noms poétiques : mon petit cœur, mon amour, le débrouillard pas pêche,
Saint Innocent etc. ...
De
plus en plus de barques sont maintenant construites en résine armée de fibre de
verre, conservant malgré toute la forme étroite et allongée des gommiers, à
mi-chemin entre la pirogue de mer et la galiote, à fond plat, de l’Anjou.
Pour
moi, la brièveté de l’existence et le fait de penser qu’il n’y a peut-être
qu’une seule existence, me poussent souvent à vouloir tout découvrir, respirer,
absorber, boire, embrasser, m’imprégner de toutes les impressions d’un pays.
J’ai toujours le désir de conserver en mémoire toutes les toutes splendeurs
entrevues, qu’aucune vie entière ne permettra jamais de découvrir en totalité.
C’est pourquoi je ne peux jamais rester en place.
Dès
l’arrivée, avec mon masque et mes palmes, j’explore la côte rocheuse,
découvrant d’abord, entre les rochers, des centaines d’oursins aux longues et
fines aiguilles.
Mais
tout le long des 2 à 3 km de côte rocheuse, la mer reste désespérément vide des
milliers de poissons, que j’espérais tant rencontrer. La faune rencontrée est
loin des belles concentrations de myriades de poissons, jaunes, bleus, verts,
sur des fonds bleus et limpides, présentées régulièrement dans l’émission
Ushuïa. Effet pervers de la pêche côtière autour de l’île, comparativement les
fonds marins de la Méditerranée, qu’on dit fort pollués ou en danger, m’ont
semblé plus riches [5].
Toutefois,
ces eaux tropicales transparentes ne sont pas silencieuses. Parfois, des petits
poissons plats en banc, aux faces bleues à violet argentées émettent cliquetis
et de grondements, particulièrement audibles, lorsqu'ils me frôlent.
De
gros blocs de lave en coussinet, les pillow-lavas, témoins d’antiques éruptions
sous-marines, tapissent le fond de la mer, ainsi que malheureusement de vieux
casiers à langoustes déglinguées, des détritus divers : matelas, machines
à laver ... Ou plus rarement des reliquats de vieux filets à grosse maille en
chanvre.
La
mer chaude portant comme un bouchon, toutes les plongées s’avèrent difficiles.
Des crampes, conséquences du manque d’entraînement en voulant aller trop loin,
obligent à de fréquents arrêts.
Sous
des barques de pêcheurs amarrées dans la partie nord de l’Anse, un banc de
petits poissons, semblables à des sardines, déploie ses ondulations argentées
...
L’après-midi, enfin, nous partons pour
une courte randonnée pédestre dans la vallée de Galochat, située à moins d’un
km de notre baie.
Nous remontons d’abord une sombre
vallée entourée d’une forêt sèche, où coule un ruisseau blanchi par les résidus
de lessives. A un endroit une touffe d’aloès s’accroche désespérément à la
paroi d’une falaise. Cette vallée sombre n’apparaît pas ici comme un lieu idéal
pour un camp de vacances, qui y est construit.
Sur
le tapis herbeux, une grosse guêpe, bleue métallisé, de la taille du petit
doigt, traîne sur le gazon une mygale 3 fois plus grosse qu’elle. Cette variété
de guêpe paralyse sa proie, pour la faire dévorer vivante par ses larves.
Des glyciridies en fleurs, de la
variété des glyciridias sepium, nous émerveillent par la beauté de leur couleur
rose sur le bleu du ciel. C’est comme se retrouver dans un verger normand, en
fleurs. Mais ces arbres de la famille des légumineuses, à la pousse très
rapide, ne produisent aucun fruit et sont toxiques. Ils sont plantés pour fixer
l’azote des prairies et éventuellement fournir du fourrage de secours.
D’une manière générale, la richesse en
fleurs des forêts et des jardins de la Martinique est extraordinaire.
|
On trouve de nombreux ibiscus, au long
pistil rouge, ouvrant leur pavillon coloré et éclatant. Les lanthanas, grands
arbustes aux petites touffes de fleurs rouges ou orangés ont des proportions immenses
par rapport à leurs représentants en France. Des cassias font tomber leur grappes
de fleurs jaune d’or à jaune canaris. Des petits flamboyants de quelques
dizaines de cm de haut et des grands flamboyants mettent le feux aux jardins
et aux routes qu’ils bordent. Les bougainvillées aux calices en papier crépon
resplendissent de milles couleurs dans les jardins. |
Les balisiers dressent leurs chevrons pointus orangés ou rouges
vermillons. Les héliconias laissent suspendre de grandes échelles, aux
barreaux rouges terminées par des pointes orangées. Les roses de porcelaine,
roses, merveilles de la natures sont certainement parmi les plus gosses
fleurs du mondes. Les allamandas comme les tulipiers du Gabon font jaillir
leurs clochettes tubulaires jaunes pâles de toutes leurs branches. Les jacarandas sont couverts d’une
floraison surabondante aux clochettes bleu lumineux ou violet-bleu. |
|
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Des
strélitzies, tels de grands oiseaux de paradis jaillissent des fourrés des
jardins. Les
anthuriums, à la grande pétale cirée et au grand pistil, prolifèrent. Les
alpinias projettent vers le ciel, au bout d’une longue tige leurs pinceaux
trempées dans le rouge. Des
variétés de mimosas rouges, des plantes colorées, comme les crottons de tous
les coloris, les broméliacées de toutes sortes, les ananas-bois ajoutent
encore d‘autres coloris aux jardins. |
Les
Bakoua tendent vers le ciel leurs milliers de bras terminés par des plumeaux de
feuilles vertes et blanches.
Aimant
les jardin, j’ai par moment une irrésistible envie de rester sur l’île,
simplement pour continuer de profiter de la beauté et les fragrances des fleurs
et des jardins resplendissants.
Dans
la jungle exubérante, les colibris, petites « flèches » métallisées,
jaillissent souvent des fleurs, à la vitesse de l’éclair.
Aux
dernières lueurs du soleil couchant, la baie de l’Anse Dufour, encaissée,
dominée par une sombre forêt vierge, avec son kiosque rouge de style chinois ou
exotique, et ses barques de pêcheurs, dégage à cet instant, une ambiance de
mystère et de nostalgie. Hélas, une jetée en béton défigure en partie ce site
idyllique.
Sa
plage de sable volcanique est située à seulement 500 mètres de la plage de
sable blanc corallien de l’Anse Dufour.
En
haut d’un escalier d’une centaine de marches, se trouve le discret tombeau de
Célio, un grand jazzman et clarinettiste créole, né à l’Anse Dufour, en 1885,
mort en 1939 à Paris, créateur du jazz créole et de la Béguine, depuis oublié.
La route, conduisant au sud vers le
Diamant, est bordée de chaque côté de glyciridies en fleurs et à sa gauche des
mornes très raides à l’origine volcanique indéniable.
Nous passons devant le magnifique paysage
du rocher du Diamant , piton volcanique de 176 mètres, à 2 km des côtes, appelé
ainsi à cause de sa forme et du fait qu’à certaines heures il brille comme un
diamant. A cette heure de la matinée , le rocher est en contre jour et c’est
plutôt la mer qui l’entoure de milles feux. Lors de la révolution française, ce
rocher a fait l’objet d’âpres disputes entre anglais et français, ayant été
armé en 1804, comme un bateau par les anglais.
La blancheur frappante du cimetière du
Diamant m’attire. Ses tombes bien entretenues, sont couvertes de carreaux de
faïence blanche, comme dans la plupart des cimetières de la Martinique. Ses
caveaux sont le plus souvent, clos, d’une grande baie vitrée, telles de petites
maisons. Certaines tombes sont entourées de lambis.
A
la sortie du cimetière, un grand arbre à pain exhibe ses généreux fruits et ses
belles feuilles vert sombres, luisantes.
Une maison d’une taille lilliputienne,
en bois, au décors et couleurs excentriques, attire l’attention. Elle a été
construite ver 1950, au bord de la mer en face du rocher, par ancien forçat et
poète Médart Aribot. Il l’a construit dans les années 30, après un séjour de 15
ans, au bagne de Cayenne.
Je commence mes enregistrements
animaliers, dans la forêt de poche de Montravail, située au-dessus de la
commune de Sainte Luce.
La
beauté des chants des oiseaux et la majesté des arbres, de ces forêts
tropicales, m’émerveille toujours. On y trouve de gigantesques fromagers aux
racines en ailettes de torpilles, couverts de broméliacées, de fougères
arborescentes et d’orchidées, des mahoganis. Des feuilles de sensitives,
semblables aux feuilles des mimosas, tapissent le sous-bois et réagissent au
moindre effleurement.
L’appareil
de preneur de son, peut capter sélectivement un son précis, à plusieurs
centaines de mètres de distance. Le potentiomètre poussé à fond, le bruissement
des feuilles dans le vent devient cascade, le silence de la forêt, à peine
perturbé par le vent, se transforme en une mystérieuse sonorité scintillante et
obsédante, tout murmure se métamorphose en éclat ou rugissement.
Au
début, je commets les erreurs de tout débutant, oubliant le tapotement
inconscient du doigt sur le micro, sur le magnétophone lui-même, ou sur
l’interrupteur/atténuateur de décibels, très sensible. De plus des faux
contacts se produisent aussi au niveau des prises. La suppression de tout bruit
parasite devient ma hantise. C’est aussi l’une des exigences du métier de
preneur de son. Celui qui fait le choix de cette profession doit alors sûrement vivre tel un ermite, maniaque
du bruit.
Par
ailleurs, on doit anticiper un bon nombre de risques tels que :
·
le passage des
avions, des voitures, des camions et des bateaux au loin,
·
les badauds,
·
les aboiements des
chiens,
·
les batailles de
chats,
·
les disputes de
ménages, nombreuses sur l’île ...
·
le tambourinement de
la pluie sur le sol et les feuilles,
·
le ressac de la mer
au loin, malgré un charme indéniable,
·
le vent dans les
ramures, mais par un heureux effet, les alizés restant doux en cette saison,
·
les cascades et
rivières nombreuses sur l’île, créant souvent aussi un fond sonore agréable.
En
fait, l’île étant très peuplée, rares sont les endroits préservés des bruits de
la civilisation, hormis la grande forêt humide du centre de l’île.
Je comprends alors pourquoi Fernand
préfère ne pas se faire accompagner, lorsqu’il enregistre dans la nature.
Sortant
un moment du couvert protecteur de la forêt, le choc de la chaleur et de la
sécheresse extérieure contrastant avec la fraîcheur du sous-bois, me surprend.
Comment expliquer un tel contraste, peut-être par l’évaporation et la
respiration des arbres ?
Une
petite route est bordée de maisons créoles aux belles vérandas et aux grands
toits faiblement inclinés, entourés de jardins exubérants aux de fleurs
magnifiques. A 500 m, au bout d’un petit chemin de terre, apparaissent de
belles pierres gravées ou pétroglyphes recouverts de dessins enfantins à têtes
humaines, vestiges d’écrits d’indiens caraïbes aujourd’hui disparus.
Je
regrette que le mystère de cette écriture ne soit pas percé.
Dans
une petite épicerie, appelée ici « lolo », située à un croisement de
route, l’épicière m’offre un jus de fruit. Elle semble plutôt heureuse de voir
un touriste, rare ici. Son réduit équipé d’une télévision est fréquenté par des
joueurs de dominos.
Sous un grand abri aménagé par
l’Office National des Forêts, un étudiant en géographie de l’université
Schoelcher de Fort de France, est venu réviser ses examens et trouver
inspiration et sérénité dans la forêt.
Cet étudiant noir est passionné de
civilisation africaine. Il commence un mémoire sur l’architecture urbaine sub
saharienne. Il m’entretiens d’une période d’histoire de l’île, que je ne
connaissais pas, celle de l’amiral Robert, gouverneur de la Martinique, durant
le régime de Vichy.
Pendant
cette période, les gens mouraient de faim, mangeant de tout, jusqu'à manger encore vert le corossol et le fruit de
l'arbre à pain. On recherchait désespérément le « coutcha », un crabe
forestier jaune, le « mantou », un crabe poilu des mangroves, bien
meilleur au goût.. Seuls les pêcheurs mangeaient à leur faim.
On
consommait le manicou, une variété d'opossums de Virginie souvent charognard, encore consommé actuellement, malgré la
protection dont il fait l’objet.
D’après
cet étudiant, les martiniquais n’ont pas une conscience écologique développée.
Ce qui compte ici, c’est la maison, la voiture, et diverses allocations...
Il remarque mon matériel de preneur de
son et je lui fais part de mon désir d’enregistrer tous les oiseaux
intéressants et rares de l’île et même la musique traditionnelle de l’île.
Selon lui, il y aurait un site
favorable pour les chants d’oiseaux, à découvrir, très tôt le matin, pour ses
rares oiseaux rouges et pour ses sucriers, à la lisière d’un champ de canne et
du terrain de football de Rivière Pilote.
Il
me conseille aussi de me rendre à la commune de Rivière Pilote, proche de
Sainte-Luce, construite dans un ancien cratère de volcan, où son maire
indépendantiste a créé une école de tambour « bèlè » (ou bélé). Ce
dernier est une sorte de tonneau conique très allongé, couvert d’une peau ....
Il
me recommande les disques d’Eugène Mona, monstre sacré de la musique
antillaise, hélas prématurément décédé, le 21 septembre 91, d’un accident
cardiaque, à 48 ans.
Cet
étudiant est indépendantiste.
L’indépendantisme
s’explique d’après lui par :
1.la blessure
laissée par l’esclavage et le racisme, être noir n’étant pas aisé à vivre,
2.le souvenir
d’épisodes sanglants (sacrifice des 300 insurgés abolitionnistes menés par le
colonel Louis Degrès, se faisant sauter au cri de « Vivre libre ou
mourir » le 28 mai 1802 devant les soldats de Napoléon, répression
sanglante des Guadeloupéens ensuite, et de la première manifestation
indépendantiste d’ouvriers agricoles en 1870, au sort inchangé et déplorable
depuis l’abolition, brandissant le drapeau vert, rouge et noir).
3.le désir de
voir diminuer des inégalités sociales, parfois à base raciale, entre blancs,
« békés » et noirs sur l’île.
4.l’éloignement,
la multiplicité, la concurrence des centres de décisions (conseil général,
assemblée territoriale etc... décisions prises de loin sans consulter les
martiniquais sur place, comme l’heure d’hiver, illogique en Martinique, imposée
heureusement un court moment...).
Le
soir dans la forêt de Montravail, je rencontre deux jeunes athlètes métis, en
tenue de sport, venus entraîner leurs deux dogues argentins, sorte de pitbulls,
à la mâchoire effrayante. Souvent très tôt le matin ou juste avant le couché du
soleil, un peu partout en Martinique, de nombreux martiniquais courent au bord
des routes ou font du vélo.
Nous
partons de bonne heure en direction de la Basilique de Balata.
Sur
une rocade autoroutière conduisant à Fort de France et sur une route traversant
Saint Pierre, sont posés des panneaux « La vitesse tue en
Martinique ». D’autres indiquent le nombre de morts, par accidents de la
route : 60 accidents au cours de l’année 1997. Beaucoup d’accidents
mortels de la circulation, sont liés à l’alcool et aux excès de vitesse. Les
conducteurs roulent vite, sur un excellent réseau routier, parfois constitué de
routes bétonnées.
En
chemin, nous nous arrêtons avant dans un grand centre commercial très luxueux,
« La Galléria », le plus grand des Petites Antilles, situé dans les
hauts de Lamentin. Il pourrait rivaliser, par sa beauté, avec nos centres
parisiens.
Pour
les fêtes de fin d’année, de jeunes hommes étaient recouverts de poudre d’or
jouant le rôle de statues animées.
La
« Librairie Antillaise » est parfaitement bien fournie en livres et
disques où je peux acheter un CD d’Eugène Mona et un d’Alexandre Stellio.
Nous
arrivons ensuite à la basilique de Balata, réplique en plus modeste de la
basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, mais ayant conservé le même mauvais goût
que l’original de Paris.
Devant
cet édifice, nous rencontrons une vieille connaissance de mes amis. Elle est
venue, en costume traditionnel martiniquais, distribuer aux touristes des
tracts pour le restaurant « Le Bambou », à la cuisine renommée. Une
réflexion me vient à l’esprit «A quel moment, les martiniquaises ont-elles
encore l’occasion de porter ce joli costume, hors de toute motivation
mercantile » ?
L’intérieur de l’édifice frappe par sa
simplicité et son dépouillement. Quel contraste avec l’extérieur
tarabiscoté ! Une crèche de Noël est encore présente fin janvier, comme
dans la plupart des églises ici.
Plus loin, on aperçoit à travers les
grilles, une très grande demeure de style Empire, mais 6 dobermans furieux
empêchent toute prise de vue.
Avant
midi, nous nous arrêtons dans un snack au bord de la route de Balata. Un petit
cache-cache photographique avec les colibris, si prompts à apparaître et à
disparaître comme par enchantement me fait vite prendre conscience de la
difficulté de les fixer sur la pellicule.
Au-dessus
de nous, la touffe verte d'une broméliacée couronne le sommet d’un poteau EDF
en béton.
Une
petite case traditionnelle bleu roi, à l’entrée d’une sombre et dense forêt,
ajoute une touche impressionniste bleu sur fond vert émeraude.
Nous pénétrons enfin dans le
magnifique jardin botanique de Balata. Il renferme au moins de 195 espèces de
plantes.
Une belle habitation coloniale, à
large véranda, ouverte à tous les vents, domine le jardin. Sa terrasse est
entourée par une très belle collection de bégonias multicolores, à la taille de
petits arbustes.
La
demeure, comme les autres de ce style, est meublée avec goût, de vieux meubles
coloniaux sur lesquels trône un grand nombre d’impressionnants bouquets de
roses de porcelaines et d’autres fleurs tropicales, parmi les plus magnifiques,
qu’il n’ait été donné de voir. Dans une vitrine, j’admire une jolie collection
de poupées en feuilles de bananiers. Pendant ce temps, deux petites filles
jouent à se balancer dans de vieux rocking-chairs coloniaux, devant les grandes
portes fenêtres ouverte sur le jardin. Tout ici respire la paix et la
tranquillité.
Dans
ce jardin, est aussi rassemblée la plus grande collection de broméliacées du
monde.
Du
jardin, s’offre une belle vue sur les Pitons du Carbet, sommets volcaniques de
1100 mètres de haut, en forme pain de sucre, couvert d’une dense forêt vierge,
presque impossible à escalader.
C’est
dans ce genre de forêt humide d’altitude, qu’habite le siffleur des montagnes.
Je
garderais de ce jardin, de cette demeure et de cette vue, le souvenir d’un site
inoubliable.
Le matin, à la plage, je rencontre des
touristes nous affirmant « venir passer leurs vacances ici, afin de
récupérer une partie de leurs impôts » (sous entendus concernant les
subventions que la métropole fournit à l’île).
|
Des
courses au supermarché local me permettent d’échapper à l’oisiveté et de
visiter le pittoresque village des Trois Ilets. Une place occupe ce
village. Les étals touristiques des marchandes en costume traditionnel et
ceux d’artistes peintres, l’entourent. En regardant vers l’ouest de la place,
se présente d’abord, en face et au milieu, une église beige restaurée, au
clocher blanc à toit bombé, surmonté d’un lanternon octogonal pointu. Puis à
gauche, on remarque une vieille halle 19° , le marché des Trois Ilets. Et à
droite, un petit bâtiment de bois, actuellement l’office du tourisme et la
mairie. L’ensemble ressemble presque à un décor de film, comme celui de
« Retour vers le Futur ». |
Dans
la direction opposée à la place, un ensemble des vieux bâtiments en brique, au
cachet colonial, abrite un hôpital.
La
plupart des maisons ou cases, en bois, à base cimentée, aux volets de bois à
jalousies et au toit à 4 pans, sont alignées le long de la rue principale.
Cette rue devait être, une ancienne rue Case nègre, c’est à dire une rue bordée
de maisons d’esclaves. On retrouve un alignement semblable, le long de la route
traversant un faubourg de la ville ce Saint-Pierre. Beaucoup de ces maisons
sont encore couvertes de tuiles traditionnelles, plates, à bords arrondis,
orientés vers le bas comme des écailles de poisson. La plupart sont en brique
ou en bois laissé à l’état naturel. La présence d’argile latéritique dans le
sous-sol de la région explique ici l’abondance des briques.
Au
bord de la mer, pousse l’une des dernières mangroves de l’île, bouquets de
palétuviers rouges aux racines aériennes « flottant » sur la mer.
Sur
la place du marché, des vendeuses en costume traditionnel, n’acceptent de se
faire photographier que si je leur achète un objet. J’obtiens ma photo, en leur
achetant du gingembre. A l’intérieur de la vieille halle, une vieille
herboriste nous explique le rôle de chaque plante ou décoction. Il semble que
certaines espèces rares entrent dans la composition de médicaments ou épices.
Certaines macèrent dans du rhum. Elle ne connaît malheureusement pas leur nom
français. C’est chez ces marchandes qu’on peut trouver la cannelle, le Colombo,
le bois d’Inde, le roucou, le safran, le fénugrec ...
Au
milieu de la place, un cameraman indépendant, équipé d’une énorme caméra vidéo,
réalise un reportage sur la Martinique, pour la 5, une chaîne de télévision
française.
Le
midi, nous allons au restaurant « Le Sable d’or » le seul authentique
restaurant de l’Anse Dufour, qui de sa terrasse a une très belle vue sur
l’anse. La cuisine est essentiellement basée sur les produits de la mer :
coquillages, gambas, langoustines, langoustes, poissons. Son restaurateur
Jacques Désir, nous gâte, comme il l’a toujours fait avec mes amis. A Noël, il
leurs a offert un copieux dîner avec plusieurs grosses langoustes. En
remerciement, mes amis lui a donné les décorations de Noël, tapissant encore
les murs du restaurant.
L’après-midi, nous
allons visiter l’habitation Clément.
Une
habitation à l’époque coloniale désigne l’ensemble des terres et des bâtiments.
Encore à heure actuelle, une habitation désigne en Martinique un domaine.
En
route, nous longeons la mer de palmes d’une bananeraie. Chacun des régimes est
enveloppé dans une housse de plastique bleu.
Je
manque de peu une très belle photo de cueilleurs de bananes, debout, en rang
d’oignons sur la remorque d’un tracteur.
Enfin,
nous arrivons à l’Habitation Clément.
La richesse du site justifie pleinement le tarif. Une jolie reproduction de
carte postale ancienne de l’habitation agrémente le ticket.
Nous
visitons d’abord une palmeraie, regroupant des palmiers du monde entier, comme
au jardin de Balata. Puis les chais remplis de fûts de Rhum en cours de
vieillissement ou de maturation. Sur chaque fût ou barrique, sont peints,
en blanc, au pochoir, les portraits d’Homère Clément.
Un
des murs de la cave, comporte une grande collection de pochoirs d’estampillage,
en laiton découpé. Sur chacun est inscrite une marque de Rhum, souvent
disparue. Dans certaines pièces, quelques-uns des 2700 fûts de chêne sont
empilés en pyramides sur plus de 10 rangs de hauteur, constituant une véritable
fortune. La musique de Vangelis, du film « 1492 Christophe Colomb»
accompagne les visiteurs.
Dans
un ancien foudre de 30 000 litres, sont rassemblés les instruments
traditionnels des tonneliers.
Au
niveau du jardin, dans une pièce, des souvenirs et des coupures de presses
rappellent le fondateur du lieu Homère
Clément. Après de brillantes études de médecine, ce fils d’anciens esclaves,
est devenu un praticien réputé et apprécié de tous. Sa réputation d’intégrité
et d’humanité, fut telle, que ses concitoyens l’ont poussé à se présenter en
tant que maire du François puis député de la Martinique.
En
1887, il a acquis «l’Habitation Acajou », alors en dépôt de bilan.
Il se prend de passion pour la fabrication du rhum et relance la distillerie.
Devenue prospère, elle pris le nom d’Habitation Clément. Par une habille
campagne publicitaire, son fils Charles développera encore plus l’activité et
le patrimoine.
Dans
un grand hall attenant, se trouve trois grands foudres de réduction, de 34000
litres chacun et une très belle collection d’étiquettes de Rhums, encadrée,
faisant l’admiration de mon amie.
Dans
ces grands foudres, on baisse le degré alcoolique du rhum, en le faisant
passer, de 5° en 5° de 74° d’alcool (à la sortie de l’alambic), jusqu'à 62° ou
50° d’alcool.
Ensuite,
le rhum est brassé, pour permettre le dégagement de certains produits volatils,
éthers et pour lui enlever son brûlant. Enfin, il peut être mis en fût de
vieillissement ou directement en bouteille après avoir été analysé, goûté et
filtré.
Dans
un autre hall, des jeunes casent les bouteilles dans des cartons. Ici, le
taylorisme est inconnu et chacun travaille à son rythme.
Une
vieille usine de canne désaffectée est conservée en l’état, pour la
préservation du patrimoine martiniquais.
Dans
une galerie d’art proche sont exposés les oeuvres d’artistes locaux.
Plus
loin, dans une autre maison, des vidéos et des coupures de presses rappellent
l’entrevue des présidents Bush et Mitterrand, suite à la guerre du Golfe.
Enfin,
on pénètre dans l’habitation elle-même, une maison de maître, tout en bois.
Autant, la façade extérieure est en mauvais état, autant le luxe des
collections de meubles anciens de style Compagnie des Indes est un émerveillement
pour les yeux. Ici comme à Balata, les pièces sont égaillées d’énormes bouquets
de fleurs tropicales fraîchement coupées.
En
fin de visite, nous avons le plaisir de déguster du vieux rhum dans la Case à
Lucie. J’achète, une bouteille de 6 ans d’âge, que mes amis et moi dégusteront
en France. En Martinique, le rhum Clément, a ma préférence.
Après
cette visite, je comprends vraiment la passion d’Homère Clément pour le rhum,
élément essentiel de la richesse et de la culture de son pays. C’est une même
passion qui peut animer le vigneron ou le maître de chais pour son vin, le
moine pour ses liqueurs et le trappiste pour ses bières.
L’ascension de la
Montagne Pelée :
Nous
avions décidé de visiter la Montagne Pelée.
Nous arrivons au parking de l’aileron,
au-dessus de Morne Rouge, à de 900 m d’altitude. Un brouillard persistant nous
environne. Nous sommes du côté au vent de la Montagne, sur son versant humide,
presque toujours couvert de nuages. Le premier volet de l’effet de foehn réside
ici dans la condensation de l’air chargé d’humidité, poussé par le vent sur la
pente.
La randonnée s’annonce sportive, le
sentier très bien balisé en rouge et blanc, mais très glissant monte raide dans
une ravine de pierre ponce. Je comprends alors pourquoi l’escalade de cette
montagne n’est à la portée de tous, bien que certains inconscients partent en
simples tennis.
Vers
1100 m, on parvient sur une crête, le plateau des palmistes, couvert d’une
végétation arbustive et herbacée (ananas-bois, ananas-montagnes, endémiques [6]
à la Martinique, aux fleurs vermillon, jaillissant au bout d’une grande tige,
semblables aux fleurs d’alpinias, divers orchidées au raz du sol, mahots
cousins ...).
La
visibilité ne dépasse pas 20 mètres et je passe, presque sans la voir, à côté
d’une cabane d’observation vulcanologique ou météo totalement délabrée.
Heureusement, même si la visibilité était encore plus réduite, il y a peu de
chance de se perdre tellement le sentier est bien balisé, par de grands pylônes
métalliques, rouges et blancs.
Vers
1200 mètres d’altitude, on arrive sur une crête entourant en partie la
caldeira, comblée en son milieu par le dôme de lave de 1929, un peu comme
l’enceinte d’un château fort.
Ce
volcans, si calme maintenant, a pourtant « rayé de la carte » le 8 mai 1902 à 8h02, la capitale politique
et économique de l’époque « Saint-Pierre ».
|
Une
nuée ardente, souffle brûlant à plus de 450 °C, mélange de gaz, d'eau
pressurisée et de ponces fines, a anéanti ses 28 000 habitants, provoquant
une véritable tempête de feu suivi d’un gigantesque incendie !. Deux
personnes ont survécu : un prisonnier, Louis Cyparis, protégé par les
murs de son cachot et un cordonnier Léon Compère, moins connu du fait de sa
modestie, n’ayant jamais fait aucune publicité sur son cas. Pour la première
fois, au début de ce siècle, on a découvert la terrible puissance
destructrice des éruptions péléennes, auxquelles personne n’était préparé. La
distance de la ville au volcan (10 km), la présence de quelques obstacles
naturels et le caractère relativement inoffensif de l’éruption de 1851,
avaient contribué à rassurer les autorités. |
Ce
phénomène de nuée, appelé par les vulcanologues coulée pyroclastique est
déroutant et mystérieux. Chaque particule volcanique du mélange turbulent de la
nuée, sous l’effet du dégazage intense du gaz sous haute pression qui y est
dissous, forme ensuite un véritable cousin d’air, éliminant tout frottement sur
le sol. Cet absence augmente alors la vitesse de l’avalanche ardente, sous
l’effet de son propre poids. La grande vitesse acquise de la nuée (parfois plus
de 500 km/h), peut lui faire alors remonter de fortes pentes, engloutir des
personnes se croyant à l’abri, tuer des vulcanologues expérimentés, comme les
sympathiques Kathia et Maurice Kraft, sur le mont Uzen au Japon, en 1991.
La
montagne ressemble maintenant à un volcan d’Auvergne inoffensif. Plus aucune
fumerolle n’est visible. Même, la cendre a été depuis longtemps recouverte d’un
épais tapis herbeux.
Pourtant,
son repos reste trompeur, car ses éruptions ont lieu pratiquement tous les
siècles.
J’ai
emporté le matériel de preneur de son. Mais au sommet, je n’enregistre que la
crécelle de quelques sauterelles.
Je demande à un guide martiniquais
dirigeant un groupe de randonneurs, où l’on peut trouver les siffleurs des
montagnes sur l’île. Il me dit alors de descendre le chemin pédestre du
Prêcheur, en face de nous, où j’ai toutes les chances d’après lui de trouver
une forêt d’altitude vers 600 à 700 mètres. Je suis alors ce sentier.
Finalement, je redescends rapidement,
d’environ 600 mètres d’après mon altimètre, un chemin encore très bien balisé
de vert et blanc, coté sous le vent. Plus, je descends, plus l’air, très humide
au sommet, devient rapidement chaud et excessivement sec. C’est le second effet
du foehn. L’air redescend de l’autre côté de la montagne. Il se débarrasse de
son humidité et les calories de la vapeur d’eau sont alors restitués à l’air
environnant.
Le
troisième effet du foehn est constitué par l’assèchement de la gorge et une
soif intense, heureusement, étanchée par des personnes du cru, sortant d’une
cabane de tôle et m'offrant généreusement une eau très fraîche.
N’ayant
rencontré aucune forêt, et n’en voyant aucune jusqu’à la mer en contrebas, je
remonte les 600 m de la pente.
En
voiture, nous passons devant la grande brasserie de la Lorraine, une excellente
bière martiniquaise légère et rafraîchissante, adaptée au climat tropical de
l’île.
Nous
arrivons à 14 h au restaurant « le Bambou » situé du côté d’Ajoupa
Bouillon. Marie Thérèse LOUIS-THERESE [7]
et ses deux soeurs, sont là et semblent heureuses de revoir mes amis. Le
restaurant est justement une « case bambou ». On y mange fort bien.
Les
soeurs ne préparent pas tout, mais tout ce qu’elles achètent, est de très
grande qualité, comme leur épice fraîche de couleur verte, utilisée dans le
plat créole, le Colombo, ragoût de mouton ou de poulet au curry, d’origine
indienne.
Les
heures de ce restaurant couleur pays sont pourtant comptées : car rançon
du succès, les trois soeurs construisent un nouveau restaurant de grande
classe, juste à côté.
On
peut aussi venir en Martinique juste pour faire une cure de cuisine
gastronomique créole. Celle-ci est souvent à base de plats préparés dans des
grands « canaris » (marmites).
Il
y a le calaolu, une soupe de dachine et de gombos, le gratin de christophine,
le migan de fruit au pain, les pois d’Angole ou de bois, le ragoût épicé de
tripe et de banane vers le bélélé, le boudin-pays, un boudin noir épicé, les
acras de morue, le Féroce de morue à l’avocat, le matoutou d'ouassous, un
mélange de manioc et d’écrevisses, le trempage, un mélange de vieux pain, de
tranches d’avocats, et de bananes, recouvertes de morceaux de poulet que l’on
prend avec ses doigts et que l’on trempe dans une sauce maison, à la
composition gardée secrète etc...
L’après-midi,
je rejoins Fort de France, par une navette maritime partant de l’Anse à l’Ane.
|
Constitué
d’immeubles bas en béton, Fort de France ne semble pas une très jolie ville.
Seules la bibliothèque Schoelcher
et la cathédrale saint Louis, toutes les deux dans un style art nouveau, sont
pour moi les monuments historiques importants et remarquables de cette ville
visitée, il est vrai, en à peine 2 heures !. Dans
la bibliothèque, est installé une exposition temporaire de 32 tableaux
montrant la ville de Saint Pierre avant 1902, ville semble t’il superbe,
cultivée, luxueuse, qu’on disait être le petit Paris des îles. Par ce travail
de reconstitution, on croit voir revivre la ville tragiquement disparue. |
Ayant
lu un livre scientifique, sur les minutes de la catastrophe « L’éruption
de la Montagne Pelée, comment une éruption cataclysmique se prépare »,
depuis mon ascension, je repense souvent à ces milliers de malheureux, ces gens
de tous bords, dont les derniers instants sont évoquées dans ce livre.
Cette
exposition me fait oublier un instant de contempler le beau plafond de la
bibliothèque.
La
cathédrale Saint-Louis, architecture de fer et d’aluminium, étonne par la
beauté de ses peintures, ses piliers polychromes et ses vitraux de style Art
Nouveau, alors qu’extérieurement elle apparaît comme une église fin 19°, sans
originalité et décrépite.
Je
visite ensuite le marché aux légumes où l’on découvre la diversité et la
profusion des fruits et légumes locaux, inconnus en métropole :
pomme-cannelle, châtaigne martiniquaise, pomme de Cythère, corossol acidulé et
rafraîchissant, banane plantain, banane poyo, subtile banane figue-dessert,
ti-nain, carambole sucrée, cédrat orange amer, quénette légumes gombos, chou de
Chine, oignons-pays, christophine, dachine, pois d’Angole, giraumon, fruit à
pain ....
Dans
les rues, des marchandes proposent des sorbets, élaborés grâce à une
sorbetière, à la forme de baratte à beurre, munie d’une grande manivelle.
Pilant des pains de glaces, cet appareil permet d’obtenir une sorte de granita
italienne, arrosée ensuite de sirop.
Une
marchande d’orange, me souhaite avec chaleur la bienvenue, acceptant d’être
photographiée, tandis qu’un « rasta » marchand de légumes empêche par
contre le mouvement balayant de mon camescope.
Les
magasins de vêtements sont présents dans toutes les rues de la ville.
Du
côté du quartier Madame, le marché au poisson est malheureusement déjà fermé.
Je
visite le parc floral et botanique tout proche, où se déroulent les cours de
peinture et de sculpture en plein air. La plupart des artistes sont des
étudiants des beaux arts. Leurs professeurs participent souvent aux oeuvres,
destinées en général à commémorer l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage.
Je
finis ma visite de la ville par la place de la savane, qui d’ancien lieu chic
de promenade de la bonne bourgeoisie du début du siècle est devenu un endroit
mal fréquenté. Ses parterres ne sont presque plus entretenus. La statue de
l’impératrice Joséphine, a été décapitée et recouverte de peinture rouge, par
des indépendantistes. On l’a soupçonnée, sans preuve, d’être l’instigatrice du
rétablissement de l’esclavage par Napoléon.
Le
soir, je reprends le traversier vers l’Anse à l’Ane. [8]
La
route goudronnée conduisant de la route nationale l’Anse Dufour se termine par
un parking. A partir de là, un grand escalier d’une cinquantaine de marches,
débouche sur un allée bétonnée, longeant un marigot, transformé en cloaque
infesté de moustique par la station d’épuration défectueuse toute proche. Puis,
le chemin, emprunte une planche et ensuite serpente entre la plage, une petite
buvette repérable par son gros congélateur et des habitations, avant de
parvenir à notre maison.
C’est
sur ce sentier, que je rencontre une habitante, qui me relate son emploi dur et
sous payé de serveuse, dans les hôtels touristiques de la Pointe du Bout. Les
conditions étant très dures, elle a préféré arrêter.
Je
me lève dans la nuit puis remonte la vallée de Galocha, pour enregistrer le
chant des batraciens. Mais plus je m’éloigne de la mer, moins les coassements
se font entendre. A l’affût, je suis plongé dans le silence et la respiration
de la terre, pourtant des myriades de vies craintives sont tapies là, tout
proche. Le frêle ululement d’une chouette, entendu la veille vers 16 h, dans la
vallée n’est malheureusement pas au rendez-vous. Mes plus beaux
enregistrements, batraciens sur fond de ressac marin, sont finalement réalisés,
la nuit précédente, de la fenêtre de notre cuisine.
|
Par
un chemin de terre rouge, on parvient à l’ancienne briqueterie, du hameau de
la poterie, du 18° siècle. Dans ce centre artisanal, des poteries, des
céramiques et des poupées en feuilles de bananes, la plupart représentant
tous les costumes traditionnels de martiniquaises Nous
longeons ensuite les haies et les charmilles des glyciridies en fleur, dont
je ne lasserais jamais. Puis, nous coupons à travers l’île vers l’Est. |
Après
avoir longé la très jolie côte atlantique, bordée d’écumes de grands rouleaux,
nous arrivons à l’Habitation du rhum St-James, transformée en musée.
Il
est consacré aux techniques de fabrication du rhum. On y apprend que du jus de
canne, le vesou, on peut produire diverses variétés de rhums : rhum de
mélasse, rhum grand arôme, rhum blanc, rhum paille ou enfin rhum vieux. Tous
ces rhums entre 40 et 55° C sont dit « agricoles » et ceux titrant à
70 °C sont dit « cœur de chauffe ». Tout dépend de l’ajout ou non de
mélasse, de la durée du vieillissement, de la mise en foudre et en fût de
chêne. On y trouve de vieux instruments, une très belle collection d’alambics
en cuivre, dont l’un haut de deux étages.
Dans
une pièce, une projection vidéo montre la préparation des punchs planteur,
daïquiri, ti-punch, ...
Dans
le parc, sont exposées des machines à vapeurs et une collection de cuves, les
« rolles », dans lesquelles fermente pendant 24 heures le jus de
vesous. J’apprends que le père dominicain Labat, grand descripteur de l’île
dans son « Nouveau voyage aux îles de l’Amérique », défenseur
militaire de l’île face aux anglais, fût l’inventeur (ou l’un des inventeurs)
de la technique de fabrication du rhum et de ces cuves hémisphériques
particulières.
Juste
à côté, de l’habitation Saint James, dans un village du bord de mer, nous
visitons Sainte Marie et son l’imposante église baroque à deux tons de bleu
gris, flanquée de deux tours carrées. Nous en avons cherché longtemps
l’ouverture. Toutes les fenêtres sont protégées par des volets à persiennes
comme dans la plupart des églises de l’île. Le toit n’est pas porteur, semblant
ne reposer sur rien, comme les basiliques chrétiennes du 4° siècles et on peut
se demander comment elle résistera au prochain cyclone.
Dans
la commune du Lorrain, un étonnant monument, aux morts, polychrome, au style
naïf, représente un soldat de la coloniale, debout les jambes légèrement
croisées, veillé par un ange gardien aux traits féminins. Il nous frappe par sa
posture décontractée, sereine.
Le
midi, nous nous arrêtons dans un snack. Je goûte pour la première fois un jus
de prunes de Cytère, plutôt âcre et rêche sous la langue.
L’après-midi,
nous atteignons les Gorges de la Falaise, défilé étroit, d’à peine quelques
mètres de large, taillée dans de la lave andésitique avec au fond un torrent.
L’attraction
du lieu consiste à progresser dans le torrent en remontant le courant. On
franchit un certain nombre d’obstacles, dont certains à l’aide de câbles
d’acier servant de main courante, jusqu'à une forte cascade, chutant dans un
grand bassin. Durant cette très courte randonnée, on est immergé jusqu'à la
ceinture ou même jusqu’au au cou, dans une eau assez chaude, comme dans la
plupart des rivières de la Martinique. Mieux vaut donc prévoir maillot de bain
et des sandales de plastique, qu’on peut louer, pour progresser sur le fond du
torrent. Le site est payant. Le guide dont des touristes et moi avions loué les
services, n’étant pas au rendez-vous après 20 mn d’attente, nous décidons de
remonter seuls le défilé, où il n’y a en fait aucun danger particulier.
Le
30 août 1902, la ville de Morne Rouge, a été atteinte par une énorme nuée
ardente qui a tué 1000 habitants et a brûlé un grand nombre de survivants.
Un
vitrail au-dessus du porche de son église, que nous visitons, commémore la
catastrophe, montrant une personne levant les bras au ciel, d’autres fuyant
devant une coulée ardente et une colonne de cendre.
On
dit que cette église a résisté à la nuée, mais il faut plutôt supposer qu’elle
n’a pas été touchée par la nuée, car la force du souffle, à plus de 500 km/h
peut même reverser la tour d’un phare, comme celui de Saint Pierre.
Je convaincs mes amis d’emprunter la
petite départementale D1 allant du carrefour des Deux Choux au village de Fond
Saint Denis.
Il y a un risque, car la route est
barrée, suite à un glissement de terrain. Le dessous de la voiture et son pot
frotte légèrement au passage fatidique, que nous arrivons pourtant à franchir à
faible allure.
Enfin
le signal caractéristique émouvant, à deux tons graves, de l’oiseau siffleur
des montagnes, se fait entendre sur la très jolie route étroite, coupant une
dense et profonde forêt pluviale.
On
entend son cri puissant, dans toutes les forêts pluviales située entre 500 et
700 mètres d’altitude et entre la Montagne Pelée, les Monts du Carbet. Dès
400-500 m d’altitude, je n'entends plus son cri, même si la forêt pluviale
descend au delà.
Il est très difficile de le voir. Il
est toujours sur des branches basses de grands arbres, sous les frondaisons.
Parfois, on a la chance de voir fugitivement un petit oiseau gris, de la taille
d’un moineau, en tout cas, assez petit comparativement à la puissance de son
cri, volant d’un arbre à l’autre, mais toujours sur de très courtes distances.
Parfois, il s’aventure hors de la forêt, par exemple dans les prés du côté de
Fond Saint-Denis, mais n’y demeure jamais très longtemps.
Par
son chant triste et puissant comme celui du singe hurleur ou de l’effraie, Il
contribue à renforcer l'ambiance mystérieuse de ces forêts impénétrables.
Je
m’aperçois alors qu’il est facile d’amorcer l’oiseau et d’obtenir de lui de
jolis trilles complexes, composant le chant du mâle appelant la femelle pour la
parade nuptiale.
En
cours de route, un siffleur fait retentir son puissant chant sonore, tout
proche de la départementale. Mais une marche arrière un instant trop bruyante
le fait fuir.
Nous
arrivons à un petit village fleuri, perdu dans la montagne, entouré par la
profonde forêt de Fond Denis. Le site est étrange. Dans ce village endormi et
en voie de dépeuplement aurait pu être une station climatique d’altitude. Dans
le cimetière, demeure un petit monument aux morts original. Il est constitué un
minuscule soldat en bronze d’une trentaine de cm de haut, posé sur un piédestal
massif et disproportionné.
Une
pluie tropicale, aussi courte que violente nous surprend, ainsi que la
fraîcheur après l’ondée. Le froid nous transit maintenant. Des écharpes de
brumes s’accrochent momentanément, aux cimes des arbres et des montagnes
rendant le paysage un peu fantomatique. La beauté de ces lieux pourrait faire
perdre de vue que la forêt a été longtemps surexploitée et s’est appauvrie.
Mais, il est dit qu’un jour, suivant les plans de l’ONF, la forêt sera enfin
réaménagée et les espèces précieuses qu’elle a connues replantées.
Nous
passons rapidement par Saint Pierre, ville endormie ayant perdu le lustre de la
brillante Saint-Pierre du début du siècle. Lors d’une forte averse, nous nous
arrêtons devant la jolie église de Schoelcher, où répète une chorale.
Nous
arrivons enfin au luxueux hôtel de la Pagerie, où vont se produire les
« Ballets Exotiques du Robert », du nom d’une ville de la côte
atlantique de l’île. La salle de spectacle est bondée et la piste de danse
réservée à la compagnie minuscule. Je me demande bien comment les artistes vont
s’ébattre.
Les
instruments de l’orchestre sont : un piano électrique, une sorte de
xylophone, des tambours, des maracas en fuseau, le lambi et le
« bambou », flûte en bambou traditionnelle de la Martinique, ou flûte
des mornes, souvent traversière, dont Eugène Mona était peut-être le plus grand
interprète en Martinique.
Le
présentateur demande aux touristes présents à ne pas voir ces danses juste
comme un simple spectacle touristique, mais comme un élément de l’âme
martiniquaise, devant faire vibrer nos coeurs. Mais je doute qu’ils soient
entendus dans le brouhaha ambiant, persistant durant tout le spectacle.
Les
danses apparaissent par ordre chronologique.
La
première est une sorte de polka, appelée « courte paille ». Les
costumes des femmes et les hommes, blancs, ou à carreaux orangés, sont assortis
entre eux et aussi aux madras des femmes, coiffes traditionnelles en tissus
d’origine indienne, plissée de façon élégante. Les noeuds et leur nombre sur
ces coiffes ont une signification amoureuse : « je suis libre et à
prendre », « je suis mariée et fidèle », « je ne suis pas
libre mais on peut tenter sa chance » etc ...
Les
danses sont très rythmées et celles des femmes accompagnées de déhanchements
rapides.
Le
ballet suivant est une béguine. Les femmes font vibrer leur éventail dans la
main. Leur madras rouge ressemble à un oiseau, au cou et aux deux ailes
déployés.
Ensuite,
est exécutée une des huit figures du Bel Air. Les costumes sont à damier. La
danse langoureuse et lancinante est accompagnée de mélopées comme des
« Woye Woye » et de percussions ...
Nous
passons à la danse de l’entraide « le faux bras », servant à soutenir
les travailleurs agricoles, lors de tâches laborieuses. Le son du lambi alterne
avec des chants, accompagnés de « Oye Oye Wah wah... ». Une petite
danseuse, par le rythme effréné, et l’application, imprimés à ses gestes et à
ses déhanchements, semble en transe. Les hommes dansent nus, un foulard rouge,
noué sur la tête à la pirate, portant et agitant un coupe-coupe dans la main.
Le
présentateur nous fait ensuite comprendre combien ces travaux des champs sont
durs sous le soleil de plomb et combien la musique est nécessaire pour les
rythmer.
C’est
au tour d‘une mazurka, un « mazzouk », accompagnée du
« bambou ».
Le
clou du spectacle restera, pour mes amis et moi, la valse créole, si élégante
et gracieuse, au rythme romantique et langoureux. Les hommes portent un gilet
noir, sur chemise blanche et le canotier. Les femmes sont en robe d’apparat de
soie, colorée, avec un élégant chapeau assorti à la robe et couvert de tulle.
C’est la danse des ladies et des gentlemen créoles.
Ensuite
sont présentées des danses plus modernes dont une danse sud africaine zoulou,
en costume typique et en peau de léopard.
En
fin de spectacle, un jeune danseur attire sur la piste une vieille créole toute
heureuse de danser, puis, toute l’assistance se retrouve sur la piste.
En
remerciant les danseurs, j’apprends d’eux qu’ils seront invités, l’été
prochain, au festival folklorique international de Ganat, en Auvergne.
A
la sortie, un gigantesque embouteillage paralyse toute la presqu’île de la
Pointe du Bout. Un bus s’est arrêté dans un virage et bloque toute la rue,
depuis plus d’un quart d’heure. Mon amie donne un coup de pied dans un des
clignotant du bus. Par malheur celui-ci casse. Le chauffeur revenant peu de
temps après, s’énerve, en découvrant le forfait. Je lui dis ne pas avoir vu le
fautif et m’éclipse rapidement.
Dans
la pizzeria, noire de monde, où nous dînons ensuite, mon amie explique que les
bus des riches propriétaires béké, possesseurs d’une partie des complexes
hôteliers de la pointe du bout, ont ici tous les droits.
Durant
cette discussion, je reste médusé, par le ballet rapide d’un pizzaiole,
enfournant et défournant, sans cesse, pendant des heures, ses pizzas.
Lorsque
nous retournons à la voiture, une sorte de mascarade improvisée occupant la
rue, semble préparer le Carnaval, tout
proche. Le sens de la fête martiniquaise apparaît à cet instant une évidence.
Durant
mon séjour, toute l’île préparait la fête du 150° anniversaire de l’Abolition
de l’Esclavage et de son instigateur Victor Schoelcher, particulièrement
célébré en France, en cette année 1998.
J’apprends
que Victor Schoelcher était un franc-maçon, de la gauche radicale, non
fanatique, et philanthrope.
Pendant
plus de 20 ans, il s’est battu pour les esclaves, obtenant l’abolition de
l’esclavage, lors d’un décret, le 27 avril 1848, malgré l’opposition déchaînée,
des députés martiniquais. [9]
Il
a fait don, ensuite, de sa propre collection de 10000 livres pour une
bibliothèque à Fort de France, stipulant que son accès serait gratuit et libre,
convaincu de l’importance de la culture et
de l’éducation pour l’émancipation des esclaves. Malheureusement, 90 %
de ses livres ont brûlé dans l’incendie de la bibliothèque Schoelcher, en 1890.
En
rentrant, mon amie m’aide à réaliser un enregistrement des youyous des
buffo-buffos, dans la nuit, du côté de l’habitation de la Pagerie, où a vécu
Joséphine de Beauharnais.
Malheureusement,
la circulation sur la route nationale toute proche et le survol d’un des
nombreux avions de l’aéroport du Lamentin, passant aussi régulièrement
au-dessus de notre maison, ne permettent pas de bonnes conditions
d’enregistrements.
Malgré
tout, si certains enregistrements animaliers de bonne qualité ont pu être
réalisés, c’est grâce à la contribution de mon amie.
Profitant des dernières heures avant
de se quitter, nous allons faire un saut au Marin, puis à l’écomusée de Sainte
Luce, repassant devant la pointe du diamant et la maison du bagnard.
L’église
du village du Marin à façade baroque simple est fermée. La place du village
devant l’église, en ce début de chaud après midi est vide. Une ancienne case
nègre couleur bleu ciel éclatant a été reconverti en syndicat d’initiative. Un
orchestre de carnaval tout proche égraine ses rythmes. Mon ami trouve enfin le
curé qui nous ouvre l’église. Une voûte immense en carène de bateau renversée,
un peu surbaissée, nous accueille. Seule la caméra vidéo aidera à fournir à mes
amis à mon retour en France, une idée de ses proportions.
A
la sortie de l’église à droite, le cimetière domine la mer. Les tombes sont
souvent entourées de balustrades en fer forgé ouvragé. Sur l’une d’elles, je
remarque une plaque tombale originale « Mademoiselle Faribole et ses
Enfants ».
L’écomusée
de l’anse figuier, peu connu, est trop rapidement visité, en 30 minutes, à
l’heure de la fermeture.
Il
se révélera malgré tout remarquable par la qualité de ses présentations et son
didactisme. Il a été aménagé sur le site même d’un habitat amérindien, et on
peut encore voir au bord de la plage, des glyphes et des creux dans les rochers
laissées par le polissage d’outils en pierre.
Une
partie du musée présente l’histoire des indiens caraïbes, anciens habitants de
l’île, décimés en totalité, par les maladies, l’esclavage et les conflits avec
les colons, et des collections d’objets amérindiens. L’autre partie retrace la
vie quotidienne de la Martinique au siècle dernier, exposant des vieux objet,
meubles et vêtements. Un élément intéressant du musée est la reconstitution
d’une case de quimboiseuse du siècle dernier.
La
caissière avec qui je discute se souvient très bien du passage ici de
l’émission « la course à trésors » de France 2, il y a quelques mois.
J’ai aimé ce travail de preneur de son
animalier, souvent prétexte à faire une cure de nature vierge.
Lors d’un prochain retour en
Martinique, j’essayerai à nouveau d’approfondir encore plus mes connaissances
sur cette nature tropicale si riche.
Même
sans matériel de prise de son, j’irai de nouveau me documenter sur
l’authentique musique traditionnelle de l’île, comme celle d’Eugène Mona,
vérité profonde de la culture populaire, loin de tout médiatisation
commerciale.
Je
partirai enfin à la découverte du conte créole, mémoire vivante du passé. Mais
tout cela est une autre histoire...
De
tout ce voyage, je garderai le souvenir d’une île jolie à la nature encore
sauvage qu’il faut à tout prix préserver.
Note: en italique ce qui n’est pas indispensable, mais peut se
révéler utile.
Fourniture |
Commentaires |
Anti
moustique |
le spray
Vendôme Caraïbe coûte environ 50 F. Il existe d’autres produits : Moustifluid etc... |
Appareil
photo Compact + 4 pellicules papier 100 ASA |
utile
|
appareil
photo (autre) + 8 pellicules diapo 100 ASA |
bien
utile |
Apaisyl
(crème) |
Crème
apaisante contre les piqûres de moustique |
Bermuda
+ short |
utile |
Bloc note
(petit) |
utile, pour
noter ses impressions et souvenirs |
Boules
Quiès |
très
utile (à cause des crapauds buffles) |
Boussole |
utilité
relative, car les sentiers sont bien balisés |
Brosse
à dent |
|
Brodequin de
toile (paire de) |
(ou
mocassins) |
Camescope
+ Chargeur + 4 Cassettes vidéo 8 mm 90 m |
prévoir
plutôt 2 batteries qu’une |
Casquette |
utilisée |
Chaussures
de randonnée Montagne |
conseillées
pour randonnée sur la montagne Pelée |
Chaussettes
(paire de) de laine de randonnée |
conseillées
pour randonnée sur la montagne Pelée |
Chaussons
(paire de) |
|
Chemisettes
de toile (2) |
très
utile car on transpire beaucoup, à laver chaque soir |
Coussin de
voyage |
utilisé dans
l’avion mais pas très convainquant |
Couteau
suisse |
peut être
utile (en pleine brousse ...) |
Crème
solaire écran total 75 |
Indispensable,
le soleil tape fort, fort... |
Dentifrice |
|
Maillot
de bain |
très
utile à la mer, dans les rivières |
Gourde |
très
utile à cause de la sécheresse de certains versants |
Guide
Martinique : guide vert Michelin,
Gallimard ... |
très
utile et bien fait. Le Guide Michelin n’est pas cher ~ 65 F. Le guide
Gallimard est aussi bien fait mais coûte plus de 160 F (166 F à la FNAC). |
Livre |
pour le soir
ou la plage |
Lunettes
de soleil |
utile |
Masque
de plongée, tuba, et palmes |
utile |
Médicaments
pour cuisine exotique |
peut utile
(style gel de polysilane, Diarlac, Imossel..) La cuisine martiniquaise est
saine et peu ou pas épicée |
Pantalon
de toile |
utile,
dans certains lieux à épineux ou bien ou dans ceux où prédominent l’
« herbe couteau » |
Pieds photo
(trépied) |
utile |
Piles
AA (8 x) |
très
utiles |
Porte
carte |
utile
à cause de la pluie, la boue dans la montagne |
Pyjama
léger |
utile |
Rasoir
à main |
Le
savon sert de mousse à raser, si on n’a pas de mousse |
Sandalettes
ou sandales de cuir |
style
sandale de franciscain |
Sandalettes
en caoutchouc ou Sandales en
plastique souple avec crampon |
pour marcher
sur les rochers dans la mer ou pour se déplacer au fond des rivières de
montagne |
Sac
de voyage de randonnée (petit) |
utile
pour la randonnée |
Savon |
|
Serviette
de bain |
très
utile |
Shampooing |
très
utile après baignade dans la mer |
Stylo
+ Crayon |
pour
les notes et les cartes postales |
Tee-shirt
(2 x) |
très
utile car on transpire beaucoup, à laver chaque soir |
[1] Le matériel se compose d’un enregistreur sonore numérique DAT et d'une grande parabole en plastique souple, repliable, d’une quarantaine de cm de diamètre, comportant un grand micro stéréo, placé en son centre. Le DAT est un Sony TCD-8 et la parabole une Téliga.
[2] Le Choublout, le Manikou Night (entre Fort de France et le Lamentin au premier pont de l’autoroute),le Topso (à la Trinité, dans la zone du Bac), le Chéhenne (un bar au centre ville de Fort de France), liste qu’on peut retrouver dans la revue martiniquaise gratuite le « Choubouloute ».
[3] En Martinique, une baie se dit « anse » et une colline, un « morne ».
[4] Elle comporte souvent des dérivations de mots, comme tout-à-faitement ou le fréquent usage du mot « ti » pour « petit ».
[5] Toutefois, pour être honnête, il existe 2 ou 3 réserves sous-marines autour de l’île _ telles celles du Diamant ... _ où l’on trouverait encore de grandes concentrations de vie sous-marine.
[6] On dit qu’une espèce est endémique, si on ne la trouve que dans une région donnée.
[7] C’est vraiment son nom de famille.
[8] Un traversier est l’appellation québécoise d’un ferry.
[9] Confronté aux conditions de l’esclavage _ punitions corporelles, mutilations, droit de vie et de mort, séparation des familles ..._, il a vu dans les esclaves des êtres humains et non des objets ou du bois d’Ebène. Il a justifié son action, disant « n’avoir suivi que sa boussole morale ».