COMPTE RENDU DE VOYAGE EN U.R.S.S
avri1 1980
Une affiche était posée dans le hall d'entrée de mon laboratoire,
sur le panneau des annonces de conférences scientifiques. Elle était libellée
de la façon suivante:
"QUATRIEME
CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LES PHENOMENES COLLECTIFS" (1)
MOSCOU 15/15 avril 1980
(organisée
par les exclus de la science)
Comité
scientifique français dirigé par : Alfred Kastler, André Lwoff,
Laurent
Schwartz
(1)
Conférence parrainée par 59 scientifiques dont 13 prix Nobel
Suivait
une note explicative sur la notion d'exclu de la science : "Les exclus de
la science réunissent des scientifiques exclus de leur travail et interdit des
bibliothèques scientifiques d'U.R.S.S, pour leur demande de visa ou pour leur
opinion politique."
Un ami
Joseph, chercheur du laboratoire où je travaillais entretenait beaucoup de
relations avec le milieu des dissidents des pays de l'Est vivants sur le
territoire français et dans d'autres pays comme le Canada et les U.S.A
(2).
(2)
Voici son histoire : Joseph est né en U.R.S.S dans une région qui appartenait à
la Roumanie avant 1939. Pour éviter les grandes déportations staliniennes en
Sibérie, la famille de Joseph s'est installée volontairement en république
Kirghize. Telle, celle de Juifs errants, elle a fui la terreur stalinienne. A
chaque indice de changement dans l'atmosphère professionnelle ou dans les
relations avec les proches, à chaque marque d'antisémitisme, la famille a
changé de lieu de résidence, s'installant dans les Républiques musulmanes, puis
dans les pays baltes pour aboutir finalement à Moscou.
Joseph
rencontre sa femme qui est Tchèque, à l'Université de Moscou. Ils ont décidé en
1968 de s'installer en Tchécoslovaquie dont la liberté relative est plus grande
que celle de l'U.R.S.S.
Après
la normalisation, ils sont restés 8 ans dans un appartement en sous-sol à
Prague. En 1976, Joseph a risqué la prison en abandonnant sa nationalité
soviétique sans en prendre une nouvelle. Après un certain nombre de pressions
administratives, sa femme et lui ont été expulsés en raison des lois du pays et
de leur statut de juif apatride, lequel est libre du choix de son pays
d'accueil.
La France leur donna l'asile.
Joseph et moi abordâmes le sujet des
exclus de la science. J'appris que plusieurs conférences s'étaient tenues à
Moscou, la dernière ayant été autorisée par le gouvernement soviétique en
raison de son caractère strictement scientifique, du désir du gouvernement de
sauvegarder l'image de marque de 1'U.R.S.S et de la pression de la communauté
scientifique mondiale.
Pour cette année 1980, le gouvernement
russe avait trouvé un moyen apparemment infaillible pour empêcher son
déroulement, sans pour cela l'interdire : refuser toutes les demandes
officielles de visas scientifiques occidentaux qui auraient rêvélé leur
intention d'y participer.
C'est lui qui m'incite à faire une demande
le plus vite possible. L'ayant faite tout se joua très rapidement. Je fus
proposé au Comité Français et accepté. Il me payait les deux tiers du prix du
voyage - 5.200 Frs. - et mon directeur de laboratoire me payant la différence,
accepta que j'y participe (1).
Finalement j'embarquais à Orly (le 11
avril 80) pour l'U.R.S.S.
Je m'étais fait faire une coupe au rasoir,
afin de présenter une apparence respectable.
Dans mes bagages je n'emportais que le
strict nécessaire, adapté au régime politique et tous les journaux que j'avais
pu trouver à Orly (2)
Nous survolâmes successivement la
Baltique, Leningrad, les Pays Baltes, des neiges, des grandes forêts, des iacs
encore gelés en cette-période de dégel et d'immenses champs rectilignes.
Notre avion se posa sur la piste de
l'aéroport (3) international de Moscou dont les bâtiments étaient modestes par
rapport à ceux de l'aéroport d'Orly.
Un petit bâtiment en forme de cône vitré
plus large que haut, comportant un petit balcon vers le bas et un toit
circulaire sur le dessus s'avançant tout autour au-dessus de la piste (4) était
rattaché au bâtiment rectangulaire de l'aéroport en béton froid et gris.
Sur les pistes : à gauche du hall de
l'aéroport stationnaient des Tupolev 144 triréacteurs de l'Aeroflot, certains
avec un hublot sous le nez avant. Celui ci sert au navigateur à repérer
certains éléments du paysage afin de guider le pilote, le pays n'étant pas
parfaitement quadrillé en balises radio.
Le temps était froid et radieux,
supportable, avec une température de 10°C.
En dehors des pistes, le dégel avait
transformé les pistes en champ de boue.
Une odeur étrange, légèrement écoeurante,
de produit d'entretien, provenant du dallage en comblanchien, régnait dans le
hall.
(1)
Pour lui rendre hommage citons le : il s'agît de Monsieur Goldman, directeur du
laboratoire de physique des décharges de l'école Supérieure d'Electricité. Le
Comité scientifique Français envoyait des chercheurs sous le couvert de visas touristiques afin de sauver la
conférence.
Notons
aussi que ce voyage se situait juste à la fin d'un autre voyage en
côte
d'Ivoire.
(2)
D'autres emportaient tous les produits introuvables en U.R.S.S..... bas
de
femmes et collants de bonne qualité, jeans occidentaux, calculatrices avec
chargeurs, montres électroniques. Certains de ces produits se vendaient à des
prix très élevés, au marché noir d'ailleurs.
(3) II
est interdit en U.R.S.S de prendre des photographies d'aéroports et
d'installations
militaires, même de loin.
(4)
Semblable au bâtiment de la Pan Am de l'aéroport Kennedy à New-York.
D'une
extrémité à l'autre, une trentaine de box en bois blanc, abritaient
chacun
trois soldats, en uniforme vert et à casquette à bordure rouge.
Ma tête
arrivait au niveau sur-élevé et ces jeunes soldats, par leur position
dominaient la situation. Pour pouvoir examiner les jambes d'une personne, un
miroir incliné vers le bas à 45 °, était fixé sur le box d'en face.
Un
jeune soldat, au visage de gamin, prit mon passeport et commença à l'examiner
tout en posant des questions en russe. Je lui répondis en anglais, Une italienne ne possédant pas de visa de
transit temporaire, avait été refoulée du côté des pistes, ne pouvant attendre
son prochain avion dans la salle d'attente.
Dans le
hall vide, entre les box et la rangée du passage de foui 1 le, étaient empilées
de nombreuses valises de carton bouilli blanc neige. Ce style de valise est
encore très répandu en U.R.S.S.
Je me
plaçais dans une queue pour la fouille des bagages. Devant moi, les affaires
d'une femme étaient étalées et l'on pouvait ainsi contempler tout son 1inge
intime.
Les
machines à radiographier les bagages, d'importation occidentale, étaient en
panne.
Avant
de sortir, un civil que je prenais pour un touriste, se précipita vers moi et
demanda à voir mon passeport ; sans doute s'agissait-il d'un milicien.
A la
sortie, nous fîmes la connaissance de notre jolie guide touristique.
Nadia,
devant le vieux bus rouge et crème de l'Intourist, nous attendait.
Il
démarra et emprunta une autoroute assez défoncée pour Moscou (1)
Nous
traversâmes de grandes prairies où la neige et la boue se mêlaient, puis un
joli village d'izbas assez anciennes, en bois, aux toits de guingois souvent en
tôles peintes en rouge. Les maisons entourées par des clôtures inclinées en
bois ouvragé, étaient, pour la plupart, les pieds dans l'eau.
Nous
traversâmes un quartier industriel rouillé et très laid, puis enfin, nous
arrivâmes dans Moscou, en empruntant une large avenue dont le centre était
occupé par une ligne de tramway, bordée par de grands immeubles d'habitation en
brique jaune, dans le style néo-stalinien.
La
circulation automobile ne semblait pas être très dense dans les rues de la
ville. La majorité des voitures étaient des Zigoulis (sorte de Fiat 124)
construites
sous licence, encore appelées en Europe Lada.
Des
Tchaika et des véhicules utilitaires formaient le reste du trafic.
Sur
l'instant, je ne vis pas de Volgas aux rideaux gris, espèce de Cadillac
noire
aux formes lourdes et rondes, utilisées par les membres importants du
parti.
Les
couleurs noires, beiges et rouges sont très répandues, mais ici la couleur
métallisée n'existe pas.
Nous
passâmes devant le parc des pionniers (2) qui est devant le stade de
football
Dynamo, appartenant à l'usine sidérurgique du même nom, employant
100.000
personnes, et implanté près d'un autre aéroport de Moscou –Demédiétevo ou
Békévo- pour les lignes intérieures que nous n'avons pas utilisées.
Les
voitures de police, des Zigouli blanches, comportent une série de lampes
clignotantes sur le toit, des écussons sur chaque côté et une sirène miaulante
de la même façon qu'au U.S.A.
Le
centre de la ville étonne par ses beaux bâtiments des siècles passés, de
style
classique français ou italien, peints en beige, rosé bleu ou vert clair.
Des
slogans, ceux de Lénine le plus souvent, sont visibles sur le'-fronton de
quelques bâtiments officiels. De
gigantesques portraits de Lénine, des travailleurs aux bras musclés, où la
couleur rouge domine, décorent les rues du centre de la capitale.
(1) Au moment des jeux Olympiques, elle a été
regoudronnée.
Apres
être passés devant la Lubianska, "norme construction marron clair,
toujours de style néo-stalinien, siège suprêrne du K.G.B, nous sommes arrivés à
notre destination, l'hôte1 Metropol .
Situé à
côté de la place Marx, où se trouve la statue de Marx taillée dans un bloc
monolithique de marbre noir, du Kremlin et du Bolchoi (Opéra de Moscou).
C'est
un magnifique édifice, en style nouille du début du siècle. De grands
lustres
de cristal sont suspendus dans l'immense salle de restaurant, malheureusement
trop faiblement éclairée.
A
chaque étage, un réceptionniste remettait les clés et surveillait nos allées et
venues.
Je
constatais que les issues de secours étaient condamnées par de grosses chaînes
cadenassées. Une télévision en couleur à chaque étage était allumées tous les
soirs.
Quelques
ajouts, plus récentes que l' hôtel détonnait, dans le décor :
meubles
en skaï assez laids, fils électriques apparents sur les moulures,
sprincklers
du système de détection anti-incendie non dissimulés (1)
Au
premier étage, ce correspond à un deuxième en U.R-S.S, un magasin vendait des
souvenirs russes très prisés, contre des devises étrangères non moins prisées.
Un autre,
vendait des produits de beauté russes, des badges de Lénine, et des souvenirs
des Jeux Olympiques (3).
Un
bureau de poste vendait des timbres et recueillait les lettres.
Une
banque assurait le change.
Au
rez-de-chaussée, un kiosque proposait des journaux russes, un journal anglais
dans le style de la Pravda, pour les étrangers, et des timbres de collection.
Un bar
servait des boissons contre des devises étrangères.
En
redescendant à la réception du rez-de-chaussée, je vis un membre de notre
groupe qui réclamait la chambre qu'il avait réserves avant son départ. Après
trois jours de discussion, il ne put obtenir gain de cause).
L'hôtel
avait son odeur, celle de vieux; les rues de Moscou un mélange de
diesel
et d'huile lourde qui demie, là aussi, une odeur très particulière.
Nous
sortîmes et nous dirigeâmes vers la place rouge.
Dans
les rues, nous pouvions constater la présence de militaires. Notre guide nous
expliqua que c'était tout à fait permanent et non le fruit d'un rassemblement
momentané.
Tous
les militaires, comme les policiers, portaient de lourds manteaux verts et pour
la plupart, des bonnets de fourrure gris-bleu.
Les
antiques murailles en brique du Kremlin prenaient une teinte rouge sombre avec
le coucher de soleil.
La
longue queue, de plusieurs centaines de mètres devant le tombeau de Lénine
(énorme blockhaus de granité rouge et de pierre noire polie) s'était depuis
longtemps dispersée . De très grandes étoiles rouges s'allumaient sur les
clochetons du Kremlin.
A dix
huit heures, nous assistâmes à la relève de la garde devant le tombeau de
Lénine, pendant que les cloches du Kremlin sonnaient .Deux soldats s'avancèrent
colle des robots, pendant que deux soldats, au garde-à-vous, figés comme des
statues, attendaient. Les arrivants se placèrent dans un garde-à-vous partait
tandis que les partants s'en allaient sur le même pas cadencé que les autres.
Le
Lobnoyesmiesta, le lieu des condamnations à mort dans l'ancien régime et
de
manifestations des dissidents, était désert.
Saint
Basile, le Bienheureux, cathédrale byzantine orthodoxe aux nombreux bulbes
multicolores, était fermée en raison des travaux de restauration.
Nous
sommes allés au Goum, le plus grand magasin de Moscou construit au début
(1) Mis en place après l'incendie de l'hôtel
de Russia en I960, faisant de nombreuses victimes en raison de la condamnation
des issues de secours,
(2) Les
magasins eu l'on paie en devises étrangères, non accessibles aux Russes, sont
appelés des Beriovskas,
du
siècle. Un certain état de vétusté y régnait, murs lézardés, peintures
écaillées,
sol défoncé... et les articles proposés n'étaient ni variés, ni
moderne.
Par exemple, corsets, porte-jartelles, vêtements apparentés à la
mode
des années 1960. A l'intérieur du magasin, un jeune garçon, de quinze
ans
environ, me proposa un vieux briquet plaqué or contre des dollars. Il
ne
connaissait que très peu de français.
En
raison de ma présence, de l'hypothèse d'une possible provocation et pour
ne pas
violer les lois soviétiques sur le trafic des devises (1)
Je n'ai
finalement pas accepté.
L'éclairage
était assez faible dans le magasin.
Avec
mes billets russe en forme de billets de monopoly, je ne trouvais pas
de
cadeaux à acheter. Dans tout le magasin, les nombreuses vendeuses
additionnaient sur des bouliers en bois le montant des dépenses.Dans beaucoup
de magasins d'état on retrouve ces bouliers. Sauf dans les beriovskas, les
banques et certains supermarchés.
La nuit
était tombée en ressortant du magasin, et j'avais l'impression de me promener
dans une ville qui appliquait des économies d'énergie, draconiennes ou en état
de siège: Très peu de voitures, éclairages de faible puissance et importance de
la présence militaire.
En
entrant dans l'hôtel en courant pour monter plus vite l'escalier, je me fis
arrêter par les portiers qui me demandèrent ma carte d'hôtel.
Pour
notre premier repas, le plat de résistance fut du bourguignon et du riz.
Les
serveurs étaient souvent cinq devant une table et se consultaient du regard
pour savoir celui qui allait servir,
L'eau
du robinet était plus chlorée qu'en France. La limonade qui nous était servie
avait un goût fade et bizarre, comme si le taux de bicarbonate était trop fort.
Pour trois kopecks, la même boisson dans tes distributeurs de rue sont servies
dans des verres que l'on pose sur le dessus de l'appareil et qui sont
réutilisés par le client suivant.
En
m'enfonçant dans mon lit, je constatais que la couverture était enveloppée d'un
drap housse, fermé des quatre côtés , sauf en son milieu où est pratiquée une
ouverture carrée octogonale pour permettre de la sortir, comme dans la plupart
des pays de l'Est.
Le
lendemain, le dimanche 13 avril, des physiciens et moi nous rendîmes dans la
banlieue sud-ouest de Moscou en taxi. Le chauffeur, attaché à un hôtel, faisait
cette course à son compte, ce qui est très courant ici. Mon voisin de chambre
conversa avec lui en polonais; ce dernier était venu chercher du travail ici,
il y a 15 ans et était heureux du déroulement des jeux Olympiques, ne
comprenait pas le boycottage par les U.S.A. Notre guide ne semblait pas être au
courant... comme beaucoup de russes.
Les
femmes soviétiques croisées dans les rues ne sont pas habillées avec beau coup
d'élégance, mais il ne faut pas oublier le choix limité des vêtements offerts
dans les magasins et par ailleurs la mode ne joue pas tellement dans les
préoccupations du régime.
Parfois,
quelques femmes âgées, habillées de noir et en fichu, étaient visibles, mais
beaucoup plus rarement qu'il y a dix ans.
(1)
Comme dans tous pays socialiste on est tenu de déclarer toute dépense en
devises étrangères, sur une fiche sur laquelle est inscrite votre déclaration
en douane de l'argent étranger que vous portez sur vous à l'entrée dans le
pays.
(2) Ce scientifique a été arrêté le 15 novembre pendant la conférence de Madrid sur
la réactualisation des accords d'Helsinsky et la libre circulation des hommes
et des idées. Ceux qui veulent l'aider peuvent toujours lui écrire une lettre
recommandée avec accusé de réception, envoyée à l'adresse suivante: U.R.S.S.
Moscou
117526, 91 Prospect VERNADSKOGO 1/128
(lettres montrant au gouvernement qu'il possède un soutien important.
Les vêtements à l'occidentale des russes,
sans être élégants, se sont amélio-
rés, et l'on voit maintenant beaucoup
d'anoraks. Vingt à trente % des gens por-
tent des toques de fourrure. Tous les hommes
sont couverts de chapeaux ou de
toques.
Nous avons traversé la Moscova prise par les
glaces et nous avons aperçu l'Uni-
versité de Moscou avec ses petits gratte-ciel
pointus, construite sous l'époque
stalinienne, dans le style de l'empire state
building et les bâtiments olympiques
encore en construction au moment où nous
passions. Enfin nous sommes arrivés à
Yugo-Zapadnaya quartier de l'appartement de
Victor Brailovski, scientifique
dissident qui nous recevait (2)
Comme l'adresse du courrier n'est qu'une
suite de chiffres, nous nous repérâmes
par rapport à ces derniers, ce qui est très
fréquent pour trouver un appartement
dans la banlieue d'une grande ville en
U.R.S.S
Sur de grands terrains vagues, tout autour de
Moscou, avaient été construits une
foule d'immeubles identiques, très longs de
15 étages, tous blancs, avec des
petites fenêtres toutes pareilles. Plusieurs
bandes verticales colorées sur la
façade indiquaient l'emplacement de cage
d'escalier (2);le paysage était halluci-
nant :" Genevillier" et la
"Courneuve" sur des centaines de kilomètres carrés.
Pour atteindre l'immeuble, nous passâmes sur
un chemin de dalles et en planches,
dans la boue. La cage d'escalier, vert foncé,
de l'immeuble était très propre. Le
seul graffiti aperçu était une croix gammée à
moitié effacée. La porte de l'as-
censeur ressemblait à celle d'une étuve.
L'ascenseur démarra brutalement et s'ar-
rêta
au 6ème étage de la même façon.
Nous frappâmes à la porte cassée de
Brailovski et ce dernier, un gros homme
ventripotent, à la grande barbe de prophète,
aux yeux clairs et volontaires,
vint nous ouvrir.
Son appartement assez petit (5), aux papiers
peints verts pâles, très laids,
était dans un désordre indescriptible.
Toutes les pièces étaient presque vides mais
remplies par des livres et un bric
à brac de jouets, de valises et de chaises.
Dans la cuisine, la gazinière semblait
par sa forme extérieure, d'un modèle très
ancien. En fait, ce genre de cuisinière
n'est pas ancienne, seulement les différents
articles manufacturés, voitures,
camion, cuisinières... actuels en U.R.S.S ont
l'aspect des choses qui étaient
vendues vers les années 50, en occident. Il
n'existe qu'un modèle de cuisinière
et toutes les familles russes ont la même.
Par ailleurs, les ustensiles électro-
ménagers, robots, batteurs, mixeurs,
ouvre-boîte et couteaux électrique n'exis-
tent pas dans le pays.
Comme joint d'étanchéité thermique, des bouts
de coton étaient placés aux interstices des
fenêtres. Dans la petite salle de bains,
disposant d'une baignoire douche,
d'un lavabo et d'étagères bricolées on
pouvait trouver du dentrifîce russe, des
produits de beauté russe et une bombe de
mousse à raser occidentale apportée
par des amis occidentaux.
La conférence commença vers 10 heures, dans
la salle de séjour, mesurant 4mètres
sur 5, disposant d'un canapé, de quelques
sièges, de piles de revues scientifiques
d'un poste de radio à lampes.
Une soixantaine de personnes, dans lequel les
24 étrangers dont 9 français,
étaient présents.
Brailovski ouvrit la conférence, tout en
évitant de parler de ses récents ennuis(4)
(2)
D'après les informations communiquées par la guide, ce genre d'immeuble se
construit
en 4 mois et se retrouve dans toutes les grandes villes.
(3)
Comme j'allais l'apprendre plus tard, les appartements soviétiques sont petits.
Il
existe même des appartements collectifs où plusieurs familles vivent ensemble.
(4) La
veille de la conférence, une dizaine de policiers en fracturant sa porte,
l'ont
interpellé. Il a été accusé par le procureur-adjoint de Moscou, Monsieur
Smirnov,
de "diffusion de calomnies
anti-soviétique" en vertu de l'article 190/1
du code
pénal. Un mandat d'arrêt a été présenté contre Braïlovski, auquel il a
été
demandé de ne pas assister au séminaire et de prier ses amis de ne pas venir.
Il
remercia tous les scientifiques présents, en particulier les étrangers et
rapidement
évoqua le sort de Yuri Orlov (1)
Puis il
lut la communication de Andreï Sakharov "Baryon assymetry in
universel".
J'en
profitais pour prendre des photos de la conférence.
Toute
la journée et toutes les demi-heures, les orateurs se succédèrent. L'exposé
de 20
minutes et le débat de 10 minutes, étaient en anglais.
Je
profitais de la présence du fils de Braïlovski, Léonid, pour lui poser dans
une
pièce séparée, des questions sur l'U.R.SS. et sur sa famille.
J'appris,
au cours de la conversation, un certain nombre d'informations.
Son
père est assez haut placé dans la
hiérarchie scientifique et son apparte-
ment
donné par l'état lui appartient, contrairement à la majorité des russes
qui
loue le leur. Il a 19 ans et est en deuxième années d'Institut. Ses parents
sont
mathématiciens et lui-même est passionné de mathématiques, mais il n'a été
admis qu'à l'Institut de l'industrie alimentaire.
Il aurait préféré étudier
seul,
mais l'Institut constitue un rempart provisoire contre le service mili-
taire
qui est la pire des choses pour un "refusé" (sa famille est
"refusée" de
visa de
sortie depuis 1972) (2)
Le
semestre scolaire a été écourté à cause des jeux Olympiques. Les étudiants
devront
passer leurs examens de fin d'année, en avril (au lieu de juin), ainsi
ils
pourront être éloignés de Moscou longtemps avant l'ouverture des jeux.
L'éloignement
s'applique aussi pour les intellectuels juifs repérés aux séminaires
hebdomadaires
du dimanche chez Braîlovski.
Le
fils, comme la mère, soutiennent l'action du père en étant prêt à risquer
le
camp, l'exclusion de l'Institut et la confiscation de l'appartement.
Ils
connaissaient les conditions particulièrement extrêmes des camps. Régulière-
ment,
des cercueils de jeunes soldats proviennent d'Afghanistan portant la men-
tion
"erreur de manoeuvre", "tué par des bandits" . J'ai été
surpris par leur
parfaite
connaissance des événements d'Afghanistan.
Le
soir, les scientifiques français et moi-même, sommes rentrés par le métro
de
Moscou, aux stations propres, et pour ce qui est du centre de la ville,
luxueuses.
Les stations de la périphérie de Moscou sont par contre quelconques.
Ayant
du mal à me repérer dans le métro, car les correspondances sont rarement
clairement
indiquées, je me trompais et arrivais à la station Léninskaïa, déco-
rée
avec des statues rouges représentant des scènes de la révolution d'octobre.
J'appris,
en rentrant à l'hôtel, que la majeure partie du métro avait été cons-
truite
sous Staline qui voulait en faire un des plus beau du monde.(5)
(1)Yuri
Orlov est un physicien, auteur d'une étude scientifique du communisme en
cours
de rédaction. Pour avoir dirigé un comité de surveillance de l'application
des
accords d'Helsinski, il a été placé au camp à régime spécial de Perm. Actuel-
lement,
dans un cachot, il fait la grève de la faim contre les conditions de
détentions
dans les camps de prisonniers de l'U.R.S.S
(2)Pour
un fils de dissident cela signifie : envoyé dans un pays lointain ou à
grands
risques comme l'Afghanistan (faire son service équivaut à détenir des
renseignements
militaires. De plus, un barrage systématique est appliqué à l'en-
trée de
l'Université. Lire à ce sujet "examens pièges pour les étudiants juifs à
l'Université de Moscou" ainsi que "Les juifs en Union
Soviétique" supplément au
bulletin
"Un mois avec les juifs d'U.R.S.S" bibliothèque juive contemporaine -
23
rue de
Cléry, 75002 Paris-
(3) Dimitri Chostakovitch, dans ses mémoires,
indique que Staline dans ses folies
de
grandeurs, voulait faire du métro de Moscou le plus beau du monde, peut-être
l'unique au monde. Il avait déclaré à ce
sujet "Le métro de Moscou est le
seul
du
monde". Lire au sujet de cet épisode "Le système totalitaire"
Hannah Arendt
collection
Point politique, le Seuil, p.76.
Un
autre guide que Nadia nous accompagnait pendant le tour. Elle connaissait
Janine
Boissart mais non Marguerite Yourcenar. En lui donnant mon adresse elle
me
promit d'écrire, en retour je lui promis d'envoyer des livres de littérature
française...,
en fait, je n'ai pas reçu de courrier d'elle, même si l'on peut
s'imaginer
ses tentatives faites dans ce sens. Ayant commis l'impair de lui
demander
" est-ce que votre salaire de 130 roubles est convenable en U.R.S.S ?
"
elle
m'a regardé et répondu sur un ton où la dignité se mêlait à l'irritation :
"
Monsieur, comment voulez-vous qu'on vive avec un tel salaire ?"
Nadia,
le soir, nous a recueillis à la sortie du parc. En montant dans le car,
son
beau manteau beige et ses bottes ont reçu une projection de boue d'une bala-
yeuse
qui passait à côté. Le lendemain, elle ne s'était pas changée, elle por-
tait
les mêmes affaires nettoyées.
Nous
sommes passés devant le monument à la gloire des cosmonautes soviétiques,
grande
flèche oblique de titane de cent mètres de haut. Au loin, on pouvait
apercevoir
un très grand parallélépipède vitré marron sombre, l'hôtel Cosmos,
construit
récemment par une société française.
Actuellement,
la ville est mobilisée pour les Jeux Olympiques : on repeint les
façades
et on regoudronne les rues partout.
Le soir, je suis retourné chez Braïlovski
donner mon exposé scientifique. Malgré
mon
trac, devant la foule serrée, j'avais conscience de n'avoir jamais aussi
bien
parlé anglais. Vers 21 heures, en descendant vers le métro, B.... jeune
mathématicien
juif, travaillant dans une entreprise alimentaire, avec qui j'avais
discuté
le matin et à qui j'avais remis un Paris-Match sur l'Afghanistan, m'in-
vita
chez lui.
Nous
prîmes un vieil autobus, très chargé, dont le prix était le même que celui
du
métro. Pour payer le titre du transport, c'est très simple. On introduit une
pièce
dans un appareil chromé disposant d'une vitre par laquelle on la voit
tomber
sur un ruban caoutchouté. On tourne un bouton entraînant la bande et la
pièce
tombe dans le bac. Ensuite, à côté, on déchire un ticket du ruban à tickets
mis à
notre disposition en self-service.
Je
soupçonne avec ce système compliqué, que les transports en commun routiers
de
Moscou doivent être fortement subventionnés, sans compter le bas prix du
voyage.
B....
mis 5 kopecks pour moi, mais ne mit rien pour lui. Après avoir traversé (1)
des
bois de bouleaux, puis un petit village d'izbas à moitié rasé pour permettre
la
construction de nouveaux immeubles et longé le grand autoroute circulaire de
20 kms
de rayon qui ceinture Moscou, nous sommes arrivés devant un groupe d'im-
meubles
identiques à celui de Braïlovski. L'entrée de la cage d'escalier vers
laquelle
nous nous dirigions était fermée par une serrure électrique qui ne
s'ouvre
qu'avec un code en tapant sur un clavier chiffré. Ici, comme partout
ailleurs,
les boîtes aux lettres bleues métalliques sont closes de telle manière
qu'il
est impossible d'y glisser une lettre ou un tract quelconque
La
femme de B..., très jolie, mais habillée d'un vieux pull marron taché et
d'un
Jean élimé, rapiécé, nous reçu avec amabilité. Avant de nous ouvrir elle don-
nait à
manger à son fils de dix huit mois, habillé avec des chaussures et des
vêtements
de filles. Il était très amusant et éveillé.
L'appartement que B... louait était similaire
à celui de Braïlovski. Une cuisine
deux
chambres, dont l'une servait de bureau et de chambre d'amis, l'autre plus
petite pour Micha, une petite salle de bains,
une salle de séjour et un débarras.
(1)
Pratiquement dans toutes les izbas il n'y a pas l'eau courante, ni le chauf-
fage
central. L'eau est puisée par une pompe à main et on chauffe avec des poêles.
(2) En
U.R.S.S une lettre a beaucoup de chance d'être ouverte si elle transite par
la
poste et sans aucune exception si elle vient de l'étranger ou si elle est
reçue
par un dissident.
A la
recherche de renseignements, dans le métro, je constatais que 5 à 10 person-
nes, au
moins, fuyaient ou ne semblaient pas écouter pour une qui répondait à
ma
demande...en anglais.
Le
nombre de militaires gallonnés, aux costumes de toutes les armes qui rentraient
chez
eux, en banlieue avec leur attaché-case, souvent un exemplaire de la Pravda
à
l'intérieur, étaient encore moins serviables.
Le
soir, le réceptionniste ne retrouvant pas ma clef, me fit attendre 5 minutes
et
finit par la découvrir dans son tiroir.
Le
matin, prétextant une angine due au changement de climat, nous permit de nous
absenter
toute la journée, ce qui affola notre guide qui en avait été informée
par
personne interposée.
Après
le dîner, je me rendais à un spectacle "Les choeurs de l'Armée Rouge"
dans un
grand auditorium moderne situé dans l'antique enceinte du Kremlin. Il
n'existe,
malheureusement pas, de conservatoire national des monuments historiques
qui
pourrait empêcher la construction de bâtiment dans un vénérable site his-
torique.
Un
soldat disposé tous les cinquantes mètres, surveillait le trajet menant à
l'Auditorium.
Pour
mon goût, le spectacle quoique techniquement parfait, me paru trop milita-
riste.
Par contre, j'appréciais la partie du spectacle sur les retrouvailles des
amoureux
après la guerre et la scène de la dépêche de Tarass Boulba au grand
Turc
inspiré d'un tableau célèbre du musée russe de Leningrad.
A
l'entracte; j'allais dans la salle réception, située sur le toit, boire une
bière
assez mauvaise qui coûtait trois kopecks et mangeait un sandwich à l'es-
turgeon
(?) fumé pour 50 kopecks.
Dans la
nuit, je m'inquiétais pour mon voisin de chambre qui n'était pas rentré.
Sa
femme, qui lui téléphonait chaque jours, était encore plus affolée. Il s'était
tout
simplement rendu, au seul bar de Moscou ouvert jusqu'à deux heures du ma-
tin.
Celui ci est réservé aux étrangers de l'hôtel Russia. De belles jeunes
filles
(peut-être du K.G.B, dit-on) y flirtaient et sortaient avec les étrangers
pour
une "passe".
Je
retournais à la conférence le lendemain matin et me perdais à nouveau dans
le métro. Mais cette fois, une jeune fille
blonde, parlant anglais, contraire-
ment à
tous les passants, se dévoua pour me conduire dans la bonne direction en
me
prenant par le bras. J'aurai s voulu la remercier, mais elle s'éloigna discrè-
tement
une fois son service rendu.
L'après-midi,
je quittais la conférence pour visiter, avec le groupe touristique,
l'exposition des réalisations soviétiques,
construit du temps de Staline, com-
prenant
de jolis pavillons à la française. On peut y découvrir une exposition
sur les
victoires spatiales soviétiques, dans le pavillon du cosmos (en réfec-
tion
pendant les Jeux Olympiques), un autre sur l'agriculture, d'autres sur
l'industrie et les républiques socialistes
soviétiques, etc...
Nous
avons juste eu le temps de voir le pavillon de l'artisanat national, pré-
sentant
des objets de bois cuit au feu et
recouverts d'un verni spécial
résistant
à l'eau bouillante (1), des broderies russe, des boîtes marquetées
incrustées
de nacre etc.. et le pavillon des fourrures. Nous avons appris qu'en
U.R.S.S
1.500 peaux de visons par an étaient produites , dont 20% exportées.
Un
manteau coûte 15.000 roubles (le prix d'une voiture de prestige Volga) .
Sachant
que le rouble est à 7 francs, que le salaire moyen est de 130 roubles, on
peut
estimer que très peu de soviétiques en verront un au cours de leur vie. Ces
chiffres
seraient à vérifier, ce qui est difficile dans un pays à l'information
strictement
contrôlée.
(1)
Ceux-ci très prisés des touristes, sont usinés au tour ou à la main, dans du
bois de
bouleau, puis enduit de poudre d'aluminium, cuits au four et enfin peints
et
vernis. Ces objets, avec les poupées gigogne sont très prisés par les touristes
et
uniquement vendus en Beriovska.
La
pénurie de logements seraient due au système lui-même. Par ailleurs, une
tradition
de mauvaise réputation du capitalisme développée par 50 ans de propa-
gande,
n'incite pas le peuple à retourner vers
ce dernier système. D'après
les
intellectuels russes (1) si l'évolution actuelle continue dans ce sens,
l'U.R.S.S
deviendra, peut-être le pays le plus religieux du monde.
Nous
avons parlé de la famille. B.... pense que la femme doit travailler à la
maison.
Il paru surpris, mais sans une attitude de rejet, par ma façon de penser
que
j'exprimais par le fait qu'il fallait partager le travail également et
équitablement
entre les conjoints, si tous les deux travaillaient.
Nous
avons parlé d'O.V.N.I.. il n'a pas d'opinion à ce sujet.
Nous
avons échangé nos points de vue et nos informations sur la littérature
française...
en anglais, tout le reste de la nuit.
Dans la
chambre d'amis où j'ai couché de 6h à 7h du matin, j'ai découvert une
bicyclette
demi-course. B... en fait tous les dimanches, mais sa femme n'ose pas
monter
dessus. Beaucoup de soviétiques n'en possèdent pas et les deux roues
sont
assez rares à Moscou, ainsi qu'à Leningrad. Par contre, il n'est pas rare
de
rencontrer des motocyclettes par -50°C sur les routes de Sibérie.
En sortant, vers 7h50, B... m'a montré une
queue devant un magasin d'état. Le
magasin
ouvrait à 10h m'a-t-il signalé. J'ai été étonné en pénétrant dans ce
magasin
de trouver deux vendeuses par caisse, l'une vérifiant les calculs de
1'autre.
En retournant à l'hôtel, après ma nuit
blanche, j'avais provoqué l'inquiétude
de mes collègues. Ils étaient prêts à
téléphoner à l'ambassade. J'avais d'ail-
leurs manqué un spectacle au Bolchoï qui
coûtait 5 roubles, mais je ne regret-
tais rien. Le temps s'était parti eu
1ièrement refroidi dans la nuit; La tempé-
rature avait baissée jusqu'à -6°C
Le matin, je me suis promené dans les rues de
Moscou, juste avant de venir à
l'hôtel. Les témoignages du passé Tsariste
sont très présents : vieux hôtels
particuliers, aux voilages épais, monuments
etc...J'ai vu beaucoup de bus, de
trolleybus et quelques tramways. Dans les
devantures des magasins, des séries
de boîtes identiques étaient empilées en
pyramides décoratives. Dans les librai-
ries, je n'ai pas vu une grande variété de
livres. Le succès actuel semble être
le 1 ivre de Brejnev.
J'ai constaté la quasi inexistence de chiens
et chats dans les rues de la capi-
tale. Le seul chien aperçu pendant mon
séjour, une sorte de berger briard,
était descendu vers 6h du soir de l'immeuble
de B..., la seconde fois où je
suis retourné chez lui.
Dans le métro, en sortant de l'hôtel, une
jolie paysanne, au visage poupin, en-
touré d'un foulard, vendait des concombres.
Les gens se précipitaient pour en
acheter.
Près du groupe d'immeubles de Braïlovski,
d'autres paysans, ayant emporté une
balance, occupaient un petit stand vitré avec
le même produit.
J'ai vu beaucoup de femmes balayeuses ou
chauffeurs d'autobus.
Des panneaux publicitaires géants, pour les
Jeux Olympiques, étaient en cours
de montage dans les rues.
Je suis retourné le matin chez Braïlovki.
L'après-midi, la conférence s'est
clôturée par un cocktail comprenant des
sodas, des bouteilles de vodka, de
vins, des gâteaux secs, des délicieux bonbons
fourrés, des sortes de cornichons
géants et des champignons au vinaigre.
On m'a montré deux collaborateurs du K.G.B,
habillés en complet veston gris
comme les autres intellectuels russes. Petit à petit, je me suis rapproché
len-
ternent de l'un d'eux, et j'ai commencé à
discuter avec lui , d'abord de banalités
(1) La
majeure partie de l'intelligentsia est composée de dissidents
(2)
J'ai voulu donner cette information pour rapporter un fait significatif :
La
majorité des hommes russes^sont assez phallocrates. Lire à ce sujet "La
vie
sexuelle
en U.R.S.S", de Michael Stern, Albin Michel.
"Proches
et lointaines", de la parution du Samizdat de femme à Leningrad, le 10
décembre
1979, Edition Tierce, 1 rue des Fossés-Saint-Jacques, 75005 PARIS.
Malgré
la propagande officielle prônant l'égalité entre l'homme et la femme, il
y a peu
de femmes à la tête des entreprises ou dans le Présidium suprême. Cela
s'expliquerait,
peut-être, par le rejet de toute idéologie imposée par la force.
Les
meubles en sapin vernis, était du même modèle que ceux du scientifique
dissident
que nous venions de quitter. La salle de séjour était quasiment vide
à part
une petite table, des chaises, un canapé convertible, comme dans l'autre
appartement,
et une vitrine servant de bibliothèque. Ici aussi, l'appartement,
soigné
d'ailleurs, regorgeait de livres. Je découvrais même des livres de poche
anglais
-Penguin book- Je me demandais comment la famille avait pu obtenir ces
livres.
Plusieurs, beaux livres d'art étaient visibles dans la collection.
Je vis
deux ou trois livres écrit en allemand. (1)
Notre
hôtesse était professeur de français et depuis qu'elle s'était arrêtée
pour
élever son enfant, elle n'arrivait plus à retrouver du travail.
Nous
nous installâmes dans la salle à manger devant de grandes tasses en porce-
laine,
du thé (2), des gâteaux secs sucrés et des oranges. Je ne touchais pas
aux
oranges connaissant leur prix au marché noir !!
J'appris
que Braïlovski organisait des réunions scientifiques tous les week-ends
et que
B...parfois, s’y rendait. Nous discutâmes de tous les sujets possible entre
étrangers,
en laissant de côté la politique et l'Afghanistan dont la situation
actuelle
n'est un secret pour les intellectuels juifs (5) ... de Dieu, de nos expé-
riences,
de la tradition raciste et antisémite qui survit encore actuellement
dans le
pays et dans la presse, du fonctionnement des laboratoires scientifiques,
de
littérature française, dont sont, par tradition particulièrement friands, les
intellectuels
russes.
J'appris
qu'un retour de la foi était notable depuis dix ans, chez les juifs (4)
Dans la
période stalinienne, les juifs avaient essayé une tentative d'intégra-
tion. A
la fin de cette période, ils avaient perdu le plus souvent leurs tradi-
tions
et le parlé de l'hébreu. Actuellement se développe des cours clandestins
d'éducation
religieuse et d'hébreu, avec des livres datant souvent d'avant la
révolution.
Beaucoup de personnes ainsi que B... m'ont appris qu'il y avait une
perte
de foi dans le système marxiste. Auparavant, on mettait les erreurs du
système
sur le compte de Staline, de la guerre et d'une déviation erronée.
D'après
leurs affirmations, on commence à admettre que la pénurie permanente, pro-
voquant
pour la ménagère des heures de perdues chaque jour dans les queues
devant
les magasins, le sous-développement chronique de certaines branches indus-
trielles,
électronique, automobile, ameublement, électroménager.. ou agricole (5)
(1)
Contrairement à la Chine, pendant la révolution culturelle, les bouquins sur-
vivent
et il existe sur les marchés des foires aux livres ou les gens peuvent
s'échanger
des livres. Un seul livre passe par beaucoup de mains. La queue n'est
pas
rare devant les librairies à l'annonce
de la sortie d'une oeuvre occidentale.
(2) Le
thé russe est d'excellente qualité ( trouvé en Beriovska)
(3) La
B.B.C est la radio étrangère la plus écoutée .
(4)Ce
fait m'a été confirmé par J.. un scientifique français faisant partie de
notre
délégation , qui a donné des cours bibliques à des jeunes pendant son séjour.
(5)L'U.R.S.S
possède 620000 Km2 de terre à blé et en produit 120.000.000 tonnes
229.450.000
tonnes de céréales et importe 18.000.000 tonnes de céréales en 1978.
Comparativement
les U.S.A possèdent 280.000Km2 de terres à blé et produisent
48.954.000
tonnes de blé. Production à l'hectare : U.R.S.S l.859 Kg/ha Canada
2.857
Kg/ha U.S.A 4.074 Kg/ha ( source Atlaseco du Nouvel Observateur )
puis
ensuite je l'ai questionné sur sa vie de "Refuznick" ( refusé de
visas
de
sortie d'U.R.S.S )
Voici
la version des faits, tels qu'il me les a livrés :
Ingénieur
aéronautique dans les usines Tupolev, il s'est fait mettre à la porte
il y a
trois ou quatre ans, pour une faute qu'il ne m'a pas révélée. Etant
juif,
il a demandé son visa pour partir en Israël et depuis des années il est
au
chômage avec une femme et des enfants à charge. Il n'a pas obtenu son visa
pour
Israël, et le K.G.B est venu faire pression sur lui, en menaçant sa
femme
et ses enfants, s'il ne collaborait avec eux. Heureusement, il a toujours
résisté
aux pressions. Ses parents le faisaient vivre. Il était visible à sa
mine
que cet homme était alcoolique. De toute manière, s'il était collaborateur
du
K.G.B, il ne pouvait plus sortir d'U.R.S.S.
Ce
dernier et son collègue, avaient posé des questions sur le groupe des fran-
çais.
Au plus jeune scientifique du groupe et à sa femme, au visage très jeune,
l'un a
fait cadeau d'un médaillon en bois ouvragé, coûtant 20 roubles et introu-
vable
en dehors des beriouska, en hommage au courage de la femme de ce jeune
scientifique
à l'air naïf.
Après
le cocktail n'ayant pas vu B..., je suis reparti chez lui en essayant de
redécouvrir
le chemin qu'il avait pris. Sur le trajet, j'ai aperçu une vieille
église
byzantine aux fenêtres fermées par des plaques de tôle, à la porte d'en-
trée
condamnée et aux bulbes rouilles.
Je me
suis d'abord trompé de trajet et ai pris un bus qui nous conduisait dans
le sud
de Moscou par le grand autoroute ceinturant Moscou.
Au
terminus, je suis parti à pieds vers l'autoroute en essayant d'y faire
du
stop.
Des
centaines de convois militaires passaient sur la route et les rares voitures
ne
s'arrêtaient pas.
Par
chance, un vieux bus s'arrêta et le chauffeur en descendit pour vérifier le
moteur.
J'en profitais pour monter dans le bus. Il redémarra, mais toutes les
cinq
minutes il s'arrêtait comme si le moteur se noyait. Après un certain temps
de
cette allure fluctuante, je réussis à rejoindre mon point de départ et à
trouver,
enfin la bonne ligne.
Me
fiant à ma mémoire visuelle, je pus retrouver l'arrêt, le bâtiment, l'escalier
de b..
Lorsqu'une personne descendit, je pus rentrer et sonner à la porte de
mon ami
qui m'accueillit avec une chaleureuse surprise. Nous restâmes à dis-
cuter
dans la cuisine avec sa femme et lui. Je jouais avec le petit garçon, qui
était
très drôle.
A un
moment donné, on me dit de ne pas sortir de la cuisine car B... recevait
un
élève, pour un cours de math. Sa femme m'offrit un reste de grosses pâtes
russes
et du bouillon de légumes. La cuisinière était la même que celle de Braï-
lovski
(elles sont identiques dans tous les immeubles de Moscou.
Je
retournais le soir à l'hôtel où le repas me paru meilleur que les précédentes
fois.
J'eus droit à la fameuse soupe aux choux rouges, le bortch. Pour le dessert
nous
avions de belles oranges sanguines.
Le
lendemain, je suis reparti vers Leningrad sans avoir pris le temps de visiter
le
musée des armures, contenant les plus grandes richesses en bijoux et objets
d'art
de Moscou.
Nous
sommes repartis du même aéroport, qu'en venant de France, en voyageant dans
un
Tupolev tri réacteur de l'Aéroflot.
Ayant
mon appareil photos sans cache en bandouillère, et étant sur le point de
photographier,
lorsqu'un homme assis dans le bus, habillé d'un vieux manteau et d'un
chapeau
noir, portant un vieux caba m'a fait signe gentiment de mettre le
cache
sur mon appareil.
Cela me
remémora un autre incident. Une amie de voyage avait voulu prendre des
photos
de vieilles femmes en fichus, sur la place Rouge, mais un officier, ou
policier
s'était interposé.
Pendant
le voyage l'avion tanguait, malgré des conditions climatiques excep-
tionnelles
: ciel bleu sans nuage, avec une visibilité sur une centaine de milles.
Je
soupçonnais que le servo-mécanique du pilotage automatique était mal asservi.
L'avion était très sale et ma tablette
comportait des taches de café et des
traces
de sucre. Il m'a été servi en tout, et pour tout, un verre de jus de pommes.
J'empruntais
à l'hôtesse un magazine russe qu'elle lisait à côté de moi. Elle
voulut
d'ailleurs me l'offrir. Une partie importante des pages étaient consa-
crées à
des photographies d'usines textile. Les dernières pages étaient consa-
crées à
des dessins humoristiques et à des tableaux d'art..
Dans
l'aéroport de Leningrad se trouvait La même rangée de boxes blancs que ceux
de
Moscou.
Le
temps était froid et bleu, mais Leningrad à la réputation d'avoir une tem-
pérature
qui change souvent.
La route nous conduisant au centre de la
ville, passait par des champs gigan-
tesques,
devant un grand ensemble de serres où sont produit les légumes de
Leningrad.
Nous vîmes, ensuite des bâtiments d'habitation identiques à ceux vu
dans la
banlieue de Moscou. Près du monument de la bataille de Leningrad qui poin-
tait sa
flèche vers le ciel; derrière s'engageait une grande avenue bordée par
des
immeubles néo-staliniens et débutant par un grand portrait de Brejnev.
Sur un
immeuble de l'avenue, un portrait de Lénine occupait toute la façade .
Contrairement
à Moscou, une bonne partie des tramways
sont modernes.
Nous
nous engageâmes par l'avenue commerçante "Nevsky Prospeck",
comportant les
plus
grands magasins de la région, dont Gostinaidvor, le parlement et la cathé-
drale
st Isaac, musée de l'athéisme.
L'hôtel
Europskaïa qui nous accueillit, est un très bel hôtel du début du siècle.
Ici encore on trouve les magasins intérieurs
: boutique de souvenirs et de pro-
duits de
beauté , banque et la Beriovska. A chaque étage se trouve une récep-
tionniste.
Le
centre de la ville construite par Pierre Le Grand (appelée auparavant Saint
Pétersbourg)
est du même style que le centre de Moscou.
Malheureusement
avec le dégel, on ne peut voir la splendeur des jardins, en par-
ticulier
ceux du champ de mars dont les statues sont emmitouflées dans de la
laine de verre et couvertes par des cabanes
de bois.
Quelques
glaçons flottaient encore sur le grand fleuve, la Neva qui traverse
Leningrad.
Au loin, vers l'ouest, les grues du port se profilaient à contre jour,
au-dessus
des toits.
De
nombreux militaires se promenaient dans les rues, portant la tenue noire des
marins
de Kronstadt, l'école des officiers de la marine.
Vers 16
heures, nous avons visité le musée Russe. Dans ce musée une galerie est
consacrée
à la peinture de Nicolas Rerix. Peintures de montagne uniquement dans
les
tons bleus, même bleu marine, comme si l'auteur de celles-ci voyait unique-
ment en
bleu, couleur de paix.
Dans ce
musée, j'ai été attiré par les plus beaux portraits de jeunes filles
découvertes
dans mon existence.
J'allais
de surprise en surprise, Chagall (le violoneux sur le toit) Picasso
Monet
etc... A la portée de la main, j'avais le tableau de la scène de Tarass
Boulba
rédigeant la fameuse missive au Sultan le Grand Turc, ou il est dit dans
le
post-scriptum " nous vous donnons nos culs à baiser" (1)
J'ai
profité de mon temps libre pour visiter tous les grands magasins de l'ave-
nue Nevsky Prospeck.
Dans la
plus grande librairie de Leningrad "Dom Knipsky", j'ai relevé les
titres
de tous
les livres en langue étrangère ( tous étaient d'ailleurs édités en U.R.S.S.
(1)
Anedocte amusante à citer, le descendant du scribe représenté sur le tableau
existe
toujours, il habite Paris, s'appelle Oleg, est l'époux d'Anne-Marie
Lambert-Farage
auteur du livre "Lucie la lumière"
qui raconte un des itinéraires
spirituels
les plus étonnants du siècle, à ma connaissance.(édition R.Laffont)
Les
auteurs Français et Anglais étaient les plus représentés; le seul livre al-
lemand était d'Heinrich Man.
Les
auteurs anglais sont Shakespeare et les classiques.
Les
auteurs français sont nombreux: Victor Hugo (95) Robert Sabatier (Allumettes
suédoises)
Marc Soléro, Paul Vaillant Couturier, Elsa Triolet (Rosé à crédit)
Pierre
Boule (Nouvelles) Jean-Louis Curtis, Henri Barbusse, Anatole France,
Bazin (
Vipère au poing) Bernard Clavel, Proust ( Du côté de chez Swann) Romain
Roland,
Saint Simon (Mémoires) Beaumarchais (Le barbier de Sévi 1 le) et les noces
de
Figaro) André Maurois, Alphonse Daudet (Le Petit chose) Henri Troyat (Les
décembristes)
Flaubert (L'éducation sentimentale) Marcel Aymé (nouvelles) .
Un seul
livre par auteur.
En
collection de luxe, en langue anglaise, Gorki, Véra Parove, Michel Cholokov
(Prix
Lénine) Ivan Tourgueniev, Anton Tehekov, Pouchkine,1 van Bunin.
Le
rayon des livres et revues militaires occupe toute une salle.
De
nombreux exemplaires du livre de Brejnev y sont en vente.
Je suis
ressorti de la librairie et j'ai décidé, en me souvenant d'une liste
de prix
relevés dans un livre intitulé "
Vivre à Pékin" (Stock), et faire
de même
en relevant les prix de tous les articles présentés dans les magasins
de la
grande avenue où se trouvait la librairie citée plus haut.
Voici
ci-dessous la liste des prix relevés dans les magasins, associés à ceux
fournis
par le guide touristique de Moscou.
LISTE
DE PRIX RELEVES EN U.R.S.S. (avril 1980)
Salaire
moyen du Russe : 140 roubles = 980 francs français
1
rouble = 100 kopecks = 7 francs français
Salaire
d'un balayeur : 89 roubles = 625 francs français
NOURRITURE:
-
Viande ( abats... ) 2 R 14
F.F Le Kilo
-
Macaronis 64
K
4.48 F.F " "
-
Andoui1le
3.70 R 25.90 F.F "
"
- Café
3.25 R 24.50 F.F "
"
- Dinde 3.20 R 22.40
F.F " "
- Lait 30
K
2.10 F.F le 1itre
- Oeufs
1.30 R 9.10 F.F les dix
-
Beurre 23
K
1.61 F.F les 100 grs.
-
Confiture 70
K
4.90 F.F les 650 Grs.
-
Pommes
1.5 R 10.50 F.F le Kilo
- Brioche 25 K 6.65 F.F " "
- Jus
de pomme 46 K 3.22 F.F 75
cl
-
Poulet
1.75 R 12.25 F.F le Kilo
-
Boui11ie pour bébés 46 K 3.22 F.F les
250 grs.
- Thé 38
K
2.60 F.F les 115 grs.
- Thé
de 1uxe 76 K 5.32 F.F les 56 grs.
-
Fromage
3 R 21.00
F.F le Kilo
-
Farine 68
K
4.76 F.F " "
- Pain
noir 18
K
1.26 F.F " "
- Pain
blanc 13 K 0.91 F.F "
"
-
Chocolat 65
K
4.55 F.F les 125 grs,
- Soupe
en poudre 30 K 2.10 F.F le sachet
-
Boisson au distributeur 3 K 0.21 F.F le verre
HABILLEMENT
:
Chaussures
plastique 60 R 420.00 F.F.
Chaussures
cuir
120 R 840.00
F.F.
Toque
de fourrure 60 R 420.00 F.F
Manteau
de vison 9000
R 65000.00
F.F ( guide touristique)
Corset
de femme 10 R 70.00 F.F
Slip de
bain 5.50 R 25.10 F.F
- Jeans
occidental 141 R 1.000.00
F.F (marché noir)
- Tissu 18 à 45 R 126 à 315 F.F le
mètre
-
Chaussettes de laine 1.75 R
12.25 F.F
-
Chemises d'hommes 10.50 R 73.00
F.F
-
Anorak 275 R 192.50
F.F
-
Foulard 7.7 R 33.60
F.F
-
Cravate 2.6 R 18.20
F.F
VOITURES
-
Zigouli ( construit sous licence F.I.A.T = F.1.A.T 128)
( Lada ) 7.000 R 49000.00 F.F
- Volga
5 ( Construit en U.R.S.S taille de la 604 Peugeot
9.000 R
65000.00 F.F
DISQUES
-
Disque 551 1.45
R 10.15 F.F
-
Coffret de disques de musique classique
( 4 disques)
4.80 R 55.60
F.F
Les
disques de musique moderne européenne et américaine sont interdits exemple :
jazz, pop etc...
LIVRES
- Livre
d'apprentissage du permis de conduire 90 K 6.30
F.F
- Livre de mauvaise qualité 23 K 1.61
F.F
- Livre
de luxe 1.90 R 13.30 F.F
- Livre
d'art 4.35 R 30.45 F.F
-
Bouteille d'encre 17 K
1.19 F.F
DIVERS-
-
Billet de loterie nationale 50 K 3.50
F.F
- Essence ordinaire 15 K 1.05 F.F
-
Montre 30 à 60 R 210
à 420 F.F
-
Compas 3.29 R
23.03 F.F
-
Téléviseur N&B 50 Cms 206 R
1442.00 F.F
N & B 60 cms 296 R 2052.00 F.F
- Couleur 20 cms 470 R 3200.00 F.F
-
Cartes postale 6 K 0.42
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Premier
versement 5600 R 25200.00 F.F
Puis
par mois 45 R 515 F.F
Délais
d'attente pour obtenir un appartement :
Moscou..........2 ans
Leningrad.......5 ans
Kirchîriev .....7 ans
Après
cette visite de magasins où j'ai acheté des souvenirs d'U.R.S.S nous avons
mangé
dans la grande salle de restaurant de l'hôtel où les serveurs étaient
inefficaces
et nombreux. Pour ma part, je renonçais après maintes discussions
avec
ces derniers, à obtenir un verre d'eau et une aspirine.
Une
française, vivant depuis longtemps en U.R.S.S, nous a déclaré que le pays
était
invivable pour un étranger et que les micros de l'hôtel étaient cachés
dans
les murs.
Le
lendemain matin, pendant que des scientifiques du groupe rendaient visite
à des
artistes interdits, je visitais avec le groupe touristique le plus grand
musée
du monde, le musée de 1'Hermitage créé par Catherine 11, datant de 1714.
Il est
intégré au palais d'hiver au style classique italien (?) et peint en cou-
leur
vert-clair.
A une
vitesse record, nous avons contemplé des milliers de tableaux, des portes
marquetées
et sculptées, des vases de 2 mètres de haut en lapis-lazuli et en
malachite,
des tableaux célèbres dont : La vierge à l'enfant de Léonard de Vinci.
Nous
n'eûmes pas le temps de voir les collections d'armes de Tula, ni les jar-
dins
suspendus, ni la salle d'Apollon, ni le théâtre de l'Hermitage
Nous
traversâmes la loggia Raphaël, aux milliers de bas reliefs magnifiques
(réplique
de la loggia Raphaël du Vatican), le hall du pavillon, la suite
nord,
la salle Guarenti, la salle Léonard de Vinci, la salle de la renaissance
italienne,
l'escalier du conseil d'état, la galerie ouest exposant des oeu-
vres
gothiques etc...
Sur la
place du palais d'hiver, lieu de la révolution populaire de 1905, des
marins
en noir, avec des drapeaux violets, répétaient un défilé pour le premier
mai.
Pour
cette fête, la ville était décorée de faisceaux, de drapeaux, de fanions
rouges.
Les portraits de Lénine et Brejnev, étaient suspendus aux balcons.
Notre
prochain lieu de visite était la forteresse de Pierre et Paul Petropoviov-
ski
situé sur une île de la Neva, un des plus beau fleuve du monde, large, pro-
fond,
puissant, gris-bleu.
Dans
celle-ci, une basilique bizantine à la décoration chargée, contenant tous
les tombeaux des Tsars de Russie.
Le
tombeau du Tsar Alexandre 111 assassiné par les anarchiste, est sculpté
dans un
bloc monolithique de jade, et celui de sa femme dans un bloc de rhô-
don
île, de dimension comparable.
La
flèche d'or de la basilique se dresse vers le ciel comme si elle voulait le
rejoindre.
A côté
de l'hôtel des monnaies, encore en fonctionnement , la prison tsariste
a
été transformée en musée. Sur chaque
porte de cellule est inscrit dans un
sous-verre,
le nom du prisonnier et son portrait, pour ceux qui furent célè-
bres.
De part
et d'autre de la Neva, nous pouvions apercevoir, d'un côté le palais
d'hiver,
les jardins du champs de mars, les très beaux bâtiments de l'amirauté (1)
à la
coupole et flèche d'or, de l'autre, une place avec un gigantesque portrait
de
Lénine.
(1)
Toujours utilisé par l'école militaire navale.
Le long du quai, était amarré, le croiseur
Aurore, actuellement bateau école
( celui-ci participa à l'insurrection de 1917
).
Nous avons vu successivement l'église du
Sauveur-sur-le-sang, belle basilique
byzantine aux bulbes ouvragés, construite sur
l'emplacement de l'assassinat du
Tsar Alexandre 111, abritant un
garde-meubles, et l'église Smoinyo ( smolny en
russe signifie " goudron" , à cause
de la couleur grise de ses bulbes )
Notre destination finale fut le Beriovska du
plus grand hôtel de Leningrad (1)
Au retour, nous avons appris que le musée de
l'Atheïne est le point culminant
de la ville d'où il est interdit de photographier.
Je retenais qu'à Leningrad
les gens étaient moins brusque, guindés et
plus serviables , pour une demande
de renseignement. ( Depuis mon séjour ê
Moscou, j'avais renoncé à demander mon
chemin aux militaires).
J'ai rencontré dans notre groupe, des gens
très intéressants. Claude pianiste,
52 ans, est organiste, professeur de musique.
Il est très sensible et semble
aimer les belles choses, d'après la
description qu'il m'a faite de l'intérieur
de sa maison. J'ai tout de suite sympathisé
avec lui.
Le soir, avec un membre du groupe, j'ai
assisté à un concert de musique classi-
que,
dans la magnifique salle de la Philarmonia de Leningrad, à côté de notre
hôtel. Le prix du concert était de 1R30. De
grosses Volga noires, avec chauf-
feur, étaient garées sur les trottoirs
attenants.
La salle blanche, au plafond très haut,
supportait d'immenses lustres de cristal.
Nous
nous retrouvâmes assis à côté des scientifiques américains, qui faisaient
partie
d'un autre groupe touristique. L'américain à côté de moi fut amusé de
découvrir
que le numéro de son billet correspondait à sa date de naissance.
Les Russes, dans la salle, étaient assez bien
habillés et les femmes avaient
de
magnifiques robes de soirée, dignes des grands couturiers parisiens.
Dans la
galerie qui courait au-dessus de la salle, s'étaient installés, deux
spectateurs,
deux personnages mal rasés et portant lunettes noires; je les
fixais
du regard, je ne sais s'il y eut un rapport de cause à effet, ils se
levèrent, firent le tour de la galerie vide
et s'asseyèrent derrière un pilier.
Le violoniste, de classe internationale,
interprétait accompagné d'une pianiste
des
sonates pour violon et piano de Brahms, de Gabriel Fauré et de Prokofiev.
Le
final du concert fut une adaptation de"Porggy and Bess" de Gershwin.
A côté
de moi, deux jolies jeunes filles blondes, très élégantes, aux grands
ongles
vernis, m'apprirent qu'elles étudiaient les langues orientales à l'uni-
versité
de Leningrad. Nous sommes allés à l'hôtel boire une consommation. Voulant connaître
la mentalité des jeunes filles russes, je leur posais la question
"
Quel était leur idéal ? "Après s'être regardé, elles partirent.
Je
restais seul avec mon ami et constatais que l'ensemble des consommations
disponibles
ne correspondaient pas à la liste offerte, comme bien souvent en
U.R.S.S.
A ce moment, un groupe de jeunes aux coiffures imitant les rockers des
années
50 firent irruption dans le bar pour étrangers, mais refoulés fermement
par le
serveur. Fait étonnant, car les hôtels pour étrangers sont gardés par
le service de sécurité ce qui empêche les
voyous - qu'on appelle encore
houligans-
ou les
durs de sinistre réputation - qu'on appelle blatnoïs - d'y pénétrer.
Dans la
journée je commis une faute impardonnable en voulant photographier les
agents
de ce service à leur insu. Je m'aperçus par la suite que ma pellicule
avait
été arrachée.
A
l'hôtel Europskaïa on mange très bien, mais l'eau du robinet a un goût d'é-
goût,
dans la chambre le combiné radioélectrophone à lampe ne fonctionne pas.
La télévision
projette ,beaucoup de films mi litaires, et, sur le passé révolution-
naire.
La
personne chargée de faciliter les relations entre Transtour et l'Intourist
résidant
en U.R.S.S depuis 2 ans, me conseilla vivement de lire "Les Russes"
( La
vie de tous les jours en .R.S.S ) d'Endrich Smith (livre de poche) pour
elle,
un des livres les plus objectifs parus sur l'U.R.S.S
(1)
Prix de différents souvenirs : Matriochka en 13 éléments, 20 R. verres en
bois
venis 1 R. 20, tasses de porcelaine 1 R.50 chacune, bague de jade 3 R.50
J'ai
visité un magasin de musique de l'avenue Nevsky Prospect et trouvais
des
disques de variété, de folklore russe, de musique classique, mais pas
de jazz
ni de Pop musique. ( La Pop musique est assez mal vue en U.R.S.S.)
Dans la
salle de restaurant de l'hôtel EuropskaTa, un groupe de jeunes dis-
posant
de guitares électriques et d'amplificateurs occidentaux, jouaient, le
soir
d'une manière édulcorée des airs d'Elton John (1) avec une parfaite con-
naissance
du répertoire.
Le lendemain
matin nous avons visité à 50 kms de Leningrad le château de
Pavlovsky.
Ce château, beige, comporte une grande coupole circulaire avec
deux
bâtiments s'avançant de chaque côté en
arc de cercle autour d'une place
ronde.
Au milieu de cette place, une statue militaire représente un célèbre
général
russe.
Ce
château fut entièrement détruit sous les bombardements de la bataille de
Leningrad
(41/42) et entièrement reconstruit par les artisans de Leningrad.
Ce
travail a duré 50 ans. Le sort du château de Pouchkine, ancienne résidence
baroque,
peinte en bleu roi,de Catherine II que nous avons visité, ainsi que
la
résidence d'été de Pierre le Grand, le palais de Péterhof, dans la banlieue
de
Leningrad, au cent quarante fontaines, furent identiques. Détruits puis
reconstruits
entièrement. (2)
Le
soir, je rencontrais un poète russe qui me raconta son histoire dans un
très
bon français ( langue et culture toujours appréciée par l'intelligentsia
russe.
Cela en raison d'une longue tradition d'échange culturel entre la Russie
et la
France). Il venait de divorcer et se trouvait sans domicile fixe. La pénu-
rie des
logements en U.R.S.S limite le nombre de divorces.
Dans le
cirque d'hiver de Leningrad, nous avons assisté à une représentation
d'une
qualité rare, comprenant un numéro de jongleurs, de trapézistes, d'ours,
de
clowns, de funambules etc...Les sketchs des clowns étaient politiquement orien-
tés.
L'indien jouait le bon rôle face au mauvais cow-boy qui tirait des coups
de
revolver à tort et à travers. Un autre, chanteur pop, portant un tee-shirt
déchiré
à l'effigie du Christ, hurlait affreusement, se roulait par-terre, puis
simulait
une crise d'épilepsie. Des clowns brancardiers l'emportaient dans les
coulisses.
Le
théâtre Kirov, le palais d'été etc... restaient à voir, mais déjà notre
voyage
en U.R.S.S se terminait.
Leningrad
recèle une bonne partie de l'intelligentsia Russe, même si la pression
politique
y est plus forte qu'à Moscou.
La
ville, surnommée la Venise du nord, à cause de ses canaux, m'a laissé l'im-
pression
d'une ouverture sur l'Occident. But visé par Pierre le Grand, son
constructeur.
(1)Elton John est le seul chanteur de
musique pop ayant fait une tournée en U.R.S.S.
Les autorités soviétiques présentant ce
chanteur comme l'archétype de la déca-
dence Occidentale, furent surprises du
déchaînement des foules ( chauffées par
Elton John lors de ses concerts) cela malgré un service d'ordre important.
Elles
décidèrent de supprimer la tournée, mais
devant la menace de scandale du chan-
teur, renoncèrent à leur projet. Grâce aix
magnétophones-cassettes le succès se
propagea comme une traînée de poudre en
U.R.S.S. (Signalons que les magnétophones-
cassettes , contrairement aux biens
d'équipement ménager, sont assez répandus
en U.R.S.S ) Les jeunes soviétiques pour se
faire de l'argent jouent dans les bals
ou dans les grands hôtels, de la musique
assez mièvre conforment aux canons of-
ficiels ou des airs d'EIton John autorisés.
Entre amis et profitant du matériel
mis à leur disposition, ils jouent dans les
caves des airs de musique pop enten-
dis sur radio "Liberty" ou sur des émetteurs occidentaux. (Voir rock
et folk N° ???).
(2)Contrairement
aux chinois, les russes ont conservé leur patrimoine historique.
Rien ne tombe en ruine, les vieilles
demeure? sont utilisées soit par les mem-
bres du parti, soit par les
administrations.
La
ville a subi un grand nombre de transformations depuis la révolution : châ-
teau
abritant clubs et Institut de recherche, hôtels particulier habités par
de
nombreuses familles (1) cathédrales
transformées en musée, l'abbaye baroque
Alexandre
Nevsky entourée d'un cimetière où reposent TchaTkovsky, Dostoîesky,
Rimsky
Korsakov, devenue laboratoire. Le palais de Tauride demeure du favori de
Catherine
11,Potemkine,puis siège de la Douma parlement créé lors de la révolu-
tion de
1905 et supprimé en 1917, logeant l'école des cadres du Parti, le Palais
de
marbre abritant le musée Lénine, le Palais de la Tsarine mère Anitchkov
devenu
club des enfants et pionniers de Leningrad.
Malgré
ces métamorphoses,Leningrad a gardé son décor immuable.
Le jour
du départ, après avoir repris le chemin de notre arrivée, où j'avais
vu de grandes queues devant les magasins et beaucoup de camions militaires,
nous
nous sommes arrêtés au mémorial commémorant la résistance de Leningrad.
Il comportait une colonne monolithique gris
noire de près de cinquante mètres
de haut
et de grandes statues de bronze de soldats, entourant une place circu-
laire
située à trois mètres du niveau des rues. Une galerie avec des torches
allumées
et fichées dans la paroi, cernait cette place.
Nous
avons pénétré dans la vaste crypte du monument où se déroulait une cérémo-
nie de
jeunes Komsomols, en chemises blanches et foulards rouges, jupes noires
pour
les filles.
Tout
autour de la salle, des ampoules à décharges électro1uminiscentes, aux
électrodes
en forme de flammes, donnaient un éclairage semblable à celui des
flambeaux.
De grandes fresques retraçaient les épisodes de la bataille et dans
les
vitrines étaient conservées les reliques de la bataille.
Après
cette dernière visite, nous avons pris la route de l'aéroport, le long
de
laquelle des gens effectuaient le traditionnel travail volontaire.
Après
des adieux touchants à notre guide, nous avons pris l'avion de la ligne
Fin
Air, et nous avons survolé d'abord la frontière repérable par ses stations
radars
et ensuite la Baltique prise par les glaces.
Puis
nous nous sommes arrêtés deux jours en Finlande qui contraste avec l'U.R.S.S.
Les magasins
y sont mieux achalandés, la circulation y est plus dense, les vête-
ments
de ses habitants y sont plus variés.
L'hôtel
Marski, avenue Mannerheim, grand général Finlandais, héros national; est
très
luxueux: moquette profonde dans les chambres, graduateur de lumière, radio
en état
de marche, sels de bain, eau de Cologne, télévision couleurs gratuite
comportant
sept chaînes. Le soir je regardais quelques émissions axées sur les
passe-temps,
comme l'archéologie, la nature, la poterie etc..
Le prix
des souvenirs, avec le change, est aussi plus élevé. La ville est soi-
gnée,
mais un peu froide d'aspect avec un petit côté Suisse. Ses rues sont bien
entretenues
et les maisons individuelles par leurs couleurs éclatantes et claires,
et,
antourées d'arbres, présentent l'aspect d'une ville d'eau.
La
cuisine finlandaise nous a paru copieuse avec moins de poisson que je ne le
craignais.
La
maison du Président est très simple, en bois peint, seulement protégée par
une
clôture en bois peint. A côté, dans un square, un monument moderne, fait de
tuyaux
parallèles, inoxydables, soudés, est dédié au compositeur Sibelius.
En
entrant dans un grand magasin, j'ai pu y trouver des meubles dans le style
design
finlandais, sobres, esthétiques, en sapin clair.
Les
assiettes en verre, ou cristal blanc, non ouvragées, comportent souvent des
motifs,
souvent en rapport avec la nature.
Les
finlandais adorent la nature et cela s'exprime par les saunas, le sport, le
ski
nordique. La ville d'Helsinki se dépeuple car ses habitants se font construire
des
chalets dans les forêts de la banlieue.
(1) Afin de résoudre la grave crise du logement
de la ville. Le maire , lui, ne
dispose
que d'un appartement de 60 m2.
Le port
et la baie du Sud Harbour était à l'époque encore pris par les glaces;
un
grand nombre de cargos, brise-glace, étaient en rade.
Nous
avons visité deux temples, dont l'aménagement intérieur reflète l'influ-
ence
calviniste de ce peuple, contrastant avec la richesse des églises ortho-
doxes
russes.
Le
premier Saint Nicolas, 1830, au style classique, comporte de magnifiques
grandes
orgues, aux sculptures peintes grises et dorées. Il domine la plus gran-
de
place d'Helsinky, qui porte encore les traces des durs combats Russo-Finlan-
dais de
1939
Dans la
seconde église, ultra-moderne, à moitié enterrée, taillée dans le roc,
nous
avons assisté à la répétition d'une chorale et d'un orchestre de chambre,
jouant
le Gloria de Vivaldi, les Messes de Listz et d'autres chants religieux.
L'interprétation
convaincante, m'a transporté.
Beaucoup
de gens participent aux chorales et ce pays est souvent arrivé finalis-
te dans
de nombreuses compétitions internationales. Malgré ses 93 % de calvinistes
la
tolérance serait respectée envers les 6% d'orthodoxes. Presque la moitié du
parlement
finlandais est composé de femmes. Deux partis politiques y sont impor-
tants,
les socialistes et les bourgeois.
Une
grosse entreprise privée L'Arabia, contrôle une partie de l'économie dans
le
domaine naval et métallurgique.
Les
lois contre la pollution sont sévères, les amendes contre les industriels
sont
plus élevées qu'en France.
Beaucoup
d'aménagement sont réalisés pour les handicapés.
Le
nationalisme est très vif. Une haine profonde des Russes subsiste, suite aux
deux
guerres Russo-Finlandaise, dont la dernière fut particulièrement meurtrière.
Dans
ces combats, dirigés par le général Mannerheim, la Finlande perdit la
Carélie,
la Laponie (une partie), c'est à dire
11 % de ses ressources économiques.
En franchissant la douane de l'aéroport, j'ai
de nouveau dissimulé sous le
manteau,
les poèmes interdits et les dessins à la plume d'artistes non-confor-
mistes
de Leningrad.
En
France, tout se termina pour le mieux, par une conférence de presse au cercle
républicain,
le 21 avril, réunissant tous les participants français, beaucoup
de
dissidents immigrés et mon ami Joseph.
Le
professeur Kessier, maître de recherche au C.N.R.S nous fit le récit de son
voyage
à Kiev dont voici un extrait.
"Dès
mon arrivée à Kiev, je me suis rendu chez mon ami Vladimir Kislik, ancien
physicien
nucléaire, et l'une des figures les plus représentatives parmi les
réfugiés
de Kiev. J'ai pu rencontrer Kislik et madame Mourjenko, épouse de l'un
des
condamnés du procès de Leningrad. Le dernier à se trouver au bagne.
Kislik
a eu en juillet 1979 une entrevue encourageante avec le ministre de l'in-
térieur
de la R.S.S. d'Ukraine, celui-ci lui a dit " vous aurez bientôt votre
visa".
Cette déclaration n'a été suivie d'aucun effet. Les services de sécurité
soviétiques
veillent à empêcher tous contacts avec le monde extérieur. Depuis
plusieurs
mois, Kislik ne reçoit plus aucun courrier. Les envois qu'il avait
reçu,
auparavant de l'étranger, livres et documents scientifiques, ont été con-
fisqués
dans leur presque totalité. A trois reprises, il a été appelé au bureau
de
poste pour recevoir une communication de Tel-AVIV où vivent son ancienne fem-
me et
son petit garçon de 11 ans. Il n'a jamais pu obtenir cette communication,
en
dépit des longues heures d'attente à la poste. Depuis novembre 1979,il y a
eu une
vague massive de refus de visa de sortie ( le chiffre de 7000 nouveaux
refus
m'a été cité) Certains candidats à l'immigration ont vu leur demande reje-
tée
presqu'immédiatement après l'avoir déposée. Le nombre total des refusés de
Kiev
serait actuellement de l'ordre de
12000 , le chiffre correpondant pour
l'ensemble de l'U.R.S.S. d'environ 200000.
Il y a
quelques semaines, un certain nombre de refusés se sont réunis à l'occa-
sion de
la Pâques Juive. Le lendemain, les services de sécurité ont convoqué
en
particulier Kislik pour lui déclarer que de telles réunions étaient intolé-
rables.
En mme temps on lui affirmait " vous ne partirez pas, car vous détenez
des
secrets. ".
Au
cours de la conférence de presse, nous apprîmes les faits suivants :
Sortant
de l'appartement de Kislik, le professeur Kessier, (60 ans) fut battu
sans
brutalité, par un certain nombre d'hommes non-identifiés, qui lui signi-
fièrent
de ne pas se rendre chez un " refusé ".
La nuit
suivante, plusieurs hommes ouvrirent sa chambre d'hôtel, et vinrent
silencieusement
l'entourer, puis repartir.
Les
participants de la réunion, furent félicités par le Professeur Kastler,
prix
Nobel qui présidait l'assemblée.
REFLEXIONS
PERSONNELLES SUR L'U.R.S.S
Avertissement
: Toutes analyses, quelque soit le degré de culture, d'honnêteté
de leur
auteur, ne peuvent qu'être imparfaites. C'est pourquoi elles ne sont
livrées
qu'avec la plus grande prudence, avec la recommandation au lecteur de
garder
son esprit critique, au cours de la lecture.
1)
La stabilité du système
Contrôle
de l'information : Malgré un niveau de vie et de liberté d'expres-
sion intérieur au reste de l'Europe, il semble
étonnant peur 1'observateur
cultivé,
mais n'ayant jamais vécu dans un système sans liberté que l'opposition
des
dissidents en U.R.S.S soit très
réduite.
Les
communistes français pensent que les soviétiques préfèrent et désirent
garder
ce système parce que le chômage y est inexistant.
Je
voudrais présenter ici une autre réalité des choses qui me paraît plus pro-
che de
la réalité et explique la faiblesse de l'opposition, donc en partie la
stabilité
du système. Cette faiblesse serait expliquée par l'impossibilité pour
quiconque
de faire entendre sa voix auprès du peuple et par un manque de commu-
ication
libre entre les gens, les empêchant de se coordonner pour une action
syndicale-politique.
Comment s'effectue ce contrôle ?
a)
Contrôle sur la confection de propagande d'opposition :
Les
machines à écrire sont numérotées et une feuille comportant l'alphabet frap-
pé par
la machine et conservée par les agents de la sécurité afin de repérer
rapidement
l'auteur de tous les écrits d'opposition.
Les
phocopieuses peu répandues, sont toujours gardées par un préposé qui contrô-
le les
documents photocopiés.11 n'existe pas de photocopieuse libre-service
payante,
comme dans nos centres commerciaux, où nos postes occidentales.
Les
ronéos ne sont pas en vente libre. Il est interdit dans la pratique d'en
posséder
une pour son usage personnel. De toute manière la vente de stencil
n'existe
pas.
Les
presses à imprimer ne sont pas en vente.
b)
Sur la possibilité de diffusion:
- Toute
personne prenant le risque de faire fonctionner une radio-pirate ( cela
ne
s'est jamais vu) peut être fusillée pour espionnage.
- Le
courrier est ouvert, censuré et peut être saisi
- Les
boîtes aux lettres sont hermétiquement closes. Un panneau amovible arrière
commun
à toutes les boîtes aux lettres, peuvent être ouvertes par la clef du
facteur.
- Le
passeport intérieur freine la possibilité de déplacement pour raison poli-
tique
clandestine ( dans ce passeport on doit noter le lieu de destination)
c)
Sur la possibilité de réunions ou de manifestations de masse :
r Dans toutes les grandes villes des agents
de la police secrète en civil (K.G.B)
ont pour fonction de surveiller les rues. La
moindre velléité de manifestation
est découragée par "les paniers à salade ". Tout policier possède un talki
walki
pour communiquer avec ses collègues, ou
supérieurs.
- Toutes réunions clandestines dans un
appartement peut être dénoncées par les
voisins ou un agent de la sécurité peut s'y
infiltrer ( voir p. et p.
) de
notre compte-rendu de voyage en U.R.S.S ).
Puis les participants peuvent être
convoqués séparément dans le but de les
disperser, de les dissuader ou de les
arrêter.
d) Sur la possibilité de s'informer sur
l'extérieur :
- Les radios étrangères sont souvent
brouillées, en particu1ier"!a voix de l'Amé-
rique" et radio " Liberty" . (
La radio constitue la première voie d'information
en U.R.S.S. sur l'extérieur )
- Le courrier provenant de l'étranger est
systématiquement ouvert malgré la
convention internationale sur le courrier,
signée par 1'U.R.S.S." Pour respecter"
cette convention, la censure est plus
discrète. Le courrier non-recommandé peut
être "perdu" . Le courrier
recommandé avec accusé de réception, avec la mention
" erreur d'adresse " peut être
retourné, ou bien le destinataire peut ne jamais
recevoir le courrier, pendant que l'accusé de
réception revient à l'expéditeur.
( ce qui est arrivé à l'auteur de ce livre
récemment). L'envoi d'un livre, ou
d'un colis par la poste est en général aux
risques et périls de l'usager. Le
moyen le plus sûr reste le colis avec valeur déclarée. Si la poste russe perd
trop souvent des colis, le montant important
à verser à l'expéditeur, oblige
souvent celle-ci à transmettre à contre
coeur, le colis au destinataire.
( Le courrier postal ne constitue pas, en
général, une grande voie d'information
sur 1'extérieur).
- La circulation des hommes se contrôle
difficilement en raison de l'impossibi-
lité actuelle de lire dans les cerveaux. (
Cette circulation constitue la deu-
xième voie d'information importante). Le seul
contrôle consiste à repérer les
gens dans une réunion, l'écoute des gens par micros
interposés et la dénoncia-
tion de familles soviétiques, qui ont reçu,
un ou plusieurs étrangers, par les
voisins ou le concierge souvent
collaborateur. Cette famille est vertement ser-
monnée, en général, et dissuadée de
recommencer. Seuls quelques gens courageux
malgré les menaces, continuent à recevoir des
étrangers. (1) (Une personne
étrangère repérée, quant à elle, peut être
convoquée par la police, parfois
emprisonnée ou expulsée, mais toujours
relâchée. Ses papiers d'identité peuvent
être confisqués ainsi que les documents
qu'elle pourrait transporter. Elle ris-
que seulement de ne pouvoir retourner en
U.R.S.S par refus de visa ).
- Le téléphone est systématiquement écouté.
- Les livres dans les bagages peuvent être
repérés dans la fouille ( non-systé-
.matique).
Le douanier possède une longue liste de livres interdits. Dans le doute
le livre peut être confisqué, ou rendu après
le séjour en U.R.S.S. (Malgré tout
la troisième voie d'information en U.R.S.S.)
La fouille corporelle peut être
parfois effectuée, mais suivant la loi
internationale, en présence du consul du
pays de l'étranger. La fouille n'est pas
systématique, afin de garder l'image de
marque de l'U.R.S.S. auprès des touristes.
- Les étrangers vivants pour une longue période
en U.R.S.S, à l'exception des
communistes étrangers des partis communistes
frères, sont logés dans des quar-
tiers réservés, gardés par la milice où l'on
ne peut rentre qu'avec un laissez-
passer.
- Les bouquinistes et les foires aux livres
sont régulièrement contrôlés, mais
l'ampleur de la tâche de contrôle permet
l'existence, malgré tout, d'une certaine
circulation non-contrôlée entre les Russes (
2)
(1) Voir p. 10 de ce compte-rendu. La Chine a
résolu ce problème en filant les
étrangers circulant dans les rues ou en leur
donnant des quartiers réservés coupés
du reste de la Chine . Les voyages organisés
y sont chronométrés. Une autre barrière
naturelle est la langue chinoise,
l'habillement et le type facial qui font
repérer l'occidental.
( 2)
En Chine, après la révolution culturelle, les bouquinistes avaient été
supprimés. Pendant la révolution, les gardes
rouges avaient souvent vidé les
maisons de leur bibliothèque .
- Pour
tenter de circonscrire et d'enrayer totalement l'augmentation du nombre
de
personnes aidant les étrangers et fournissant des informations aux dissidents
les courroies de transmission du système -
Partis Communistes frères , Association
U.R.S.S.
pays étrangers, Association pour la
Paix noyautée par le K.G.B (1)-
diffusent
une contre propagande en faveur de 1'U.R.S.S. Un des multiples moyens
pour
maintenir la stabilité du système.
A cause
de la faiblesse de l'opposition, celle qui possède l'information , c'est
à dire
1'intel1igentzia et de la difficulté de trouver des livres, en raison
du bas
niveau culturel des russes- entretenu par le système ( voir paragraphe
intitulé
" sur le bas niveau culturel des russes"dans notre partie réflexions
sur
1'U.R.S.S ) Peu de russes cherchent à s'informer et se laissent pénétrer
sans
résistance par la propagande communiste. Celle-ci montre les pays capita-
listes en décadences, au bord de la
révolution, déchirés par des conflits sociaux
et le
racisme.
La
mentalité créée par une longue tradition de servage (2) et le traumatisme
de la
terreur stalinienne encore présent dans la majorité des familles soviétiques
(5) ,
accoutume plus facilemnent le citoyen à devenir un assisté du système, ne
disposant
d'aucune initiative qui n'était ordonnée de plus haut, par l'adminis-
tration,
ses chefs hiérarchiques et le Parti.
En fait
la vision du russe est sans idéal -
voir plus loin paragraphe sur les
déséquilibres
économiques du système - et grise.
En
résumé ce système est plus stable que le régime fasciste, celui du Chili par
exemple,
car le contrôle de l'information y est
plus perfectionné ( Une mani-
festation
récente d'opposants dans la rue au Chili n'aurait pu survenir en U.R.S.S.)
L'embrigadement
des gens dans les associations contrôlées par le Parti Komsomol
pour
"les jeunes". Union des vieux, syndicats du Parti ( pour les
ouvriers, ar-
tistes,
écrivains etc...) enferment tous russes dans un monde sans opposition.
Le
système tire aussi sa puissance d'une
croyance très cohérente qui n'a pas
été
encore critiquée pour l'instant sur le plan de l'axiomatique. ( Au chili
l'idéologie
n'est pas self consistante : un simple anti-communisme primaire n'est
pas
suffisant pour former une conception du monde)
D'un
autre côté, si tous les citoyens soviétiques, en particulier les dirigeants,
se
récitaient mutuellement la propagande officielle sans trop y croire, simple-
ment
par peur du voisin, de l'ami qui peut vous dénoncer - on apprend dans les
écoles
à dénoncer, même les parents - (4) ou par peur du retour de la période
stalinienne,
ce système ne serait pas solide. Un second facteur du maintien du
système
est l'existence d'une classe dirigeante
B)
LA CLASSE DIRIGEANTE
Celle-ci
par ses privilèges est arrivée à un niveau de vie qui lui permet d'ou-
blier
certains problèmes affrontés quotidiennement par le peuple ( 5)
(1)
Voir livre et dossiers de la guerre froide. Marabout
(2)
Voir Histoire de la Russie
( 5)
D'après le recensement officiel de l'U.R.S.S. , le chiffre qui peut être
tiré
sur le nombre des morts dans les camps est de 16,7 millions ( l'Empire
éclaté,
p.17, d'Anne Marie Carrère d'Encauste, Flammarion)
(4) Rue
du Prolétaire rouge, p. ,Nina et Jean
Kehayan, le Seuil
(5) La nomenclatura de Mîchaël Volenski,
Belfont.
Les
privilèges comprennent l'information, la libre circulation dans le pays et
les
pays étrangers, les datchas, les voitures ( Volga etc..)et les magasins
spéciaux
réservés.
Tous
les livres sont orientés dans l'idéologie communiste en excluant tous les
milliers
d'autres systèmes d'idées du monde. La pénurie de livres ayant des in-
formations
sur l'extérieur (voir p. de ce compte
rendu) décourage le chercheur
désirant
se renseigner.
En
résumé, deux facteurs expliquent le bas niveau actuel : le strict contrôle
de
l'information qui va jusqu'à refaire l'histoire et la tradition russe.
Il est
dû à deux facteurs :
a) la
tradition. En effet le régime tsariste reposait sur la fierté du peuple
pour le
pays et en contre coup pour le régime lorsque ce régime était victorieux
dans
son expansionisme en Asie, dans les Balkans, en Europe de l'Est.
Chaque
revers de cet expansionisme - défaite navale de 1905 contre le Japon,
revers
de la guerre Russo-Allemande de 1914 jusqu'en 1917 - marqua une phase de
chute
du régime tsariste et de révolte contre lui. Actuellement pour compenser
les échecs intérieurs du système ce dernier
se tourne en expansionisme territo-
rial -
en tous cas non-dissimulé dans le sens
et le contenu des phrases, des
déclarations
de la radio et des journaux en direction du peuple par tradition
nationaliste
- et idéologique.
On
accentue ce rôle du grand frère et parallèlement l'importance de l'armée
en vue
d'une politique géostratégique plutôt tournée actuellement vers l'ou-
verture
sur les Océans. (1) Un fait significatif de la connaissance par les auto-
rités
du manque d'enthousiasme du peuple pour l'idéologie et par contre son at-
tachement
profond à la patrie, fut le relâchement de la propagande idéologique
par
Staline pendant la seconde guerre mondiale ( jamais la liberté relative n'a-
vait
été si grande pendant la période des grandes purges qui ont suivi l'assas-
sinat
de Kirov en 1936 (2) ) .
Actuellement
l'invasion de l'Afghanistan flatte le peuple russe dans son rôle
de
grand frère apportant de l'aide au monde entier. Mais il n'est pas au courant
du prix
qu'elle a coûté en morts et en dépense d'armement et du discrédit de
l'U.R.S.S en envahissant un pays qui était
déjà sous son protectorat (5)
Ce
glissement de l'idéologie vers le nationalisme semble bien se vérifier dans
les moyens d'information du peuple et causé
par la tradition et les échecs qui
semblent
aller en augmentant (4)
(1) C'est d'ailleurs un fait de tradition.
Déjà la guerre Russo-Turc a permis
un
débouché sur la Méditerrannée. Le budjet des armements en U.R.S.S comparati-
vement
au P.N.B est le plus élevé du monde si l'on ne compte pas Israël. Voir
Atlas
eco du Nouvel Observateur. Si beaucoup de domaines sont laissés en retard
ou
sous-développés celui de l'armement est très favorisé. Le prétexte de s'armer
à cause
de la puissance militaire des U.S.A. n'est plus recevable à cause du
recul américain dans le monde. Vietnam,
Cambodge etc.. mais
est toujours d'actua-
lité en U.R.S.S.
(2) Comprendre la Révolution Russe de Martin
Malia coll. Point Histoire
Le Stalinisme de Roy Mendevev , le Seuil.
(5) L'invasion de la Pologne et de la
Finlande n'était pas très justifiable
idéologiquement, surtout en raison de la
neutralité de la Pologne envers l'U.R.S.S.
La résistance des peuples Polonais et
Finlandais fut d'ailleurs très forte.
(4) Pour compenser les échecs les victoires
spatiales jouent aussi un rôle.
Cette
classe est coupée du peuple par la dissimulation de ses propres riches-
ses. Il
est interdit à ses membres de mentionner l'existence des magasins spé-
ciaux.
Ces gens non confrontés à la réalité du pays, surtout ceux qui ne veulent
pas
s'informer, peuvent maintenir leur foi plus solidement, donc maintenir la
dynamique
de la propagande communiquée par les courroies de transmission de l'ap-
pareil
pyramidal du Parti jusqu'à la base (1). Il faut aussi mentionner l’exis-
tence
d'une proportion non mesurable d'arrivistes ou de gens sans foi, comme la
hiérarchie
du clergé, autrefois, prêchant la bonne parole avec hypocrisie.
Un bon
nombre de gens ayant toujours vécu dans cette classe se sentiront en toute
bonne
foi muni d'une mission envers le peuple, tout en se sentant supérieur et
plus
clairvoyant que lui.
Le
système se perpétue de la façon suivante : une classe dirigeante, par sa vie
confortable,
coupée de la réalité des dures conditions d'existence du peuple
(pénurie
etc..) et aussi par sa façon de vivre cachée, croit encore dans l'idéo-
logie
et la transmet à la population par l'intermédiaire de la bureaucratie et
du
système de contrôle vu précédemment. Ou bien cette classe ne désire que main-
tenir
ses privilèges cachés et transmet une "religion" au peuple afin de le
main-
tenir
dans l'ignorance. A mon humble avis la réalité est moins simpliste que
cette
vision des choses, elle se situe entre les deux.
Annexe
à ce paragraphe : Les moyens actuels de l'opposition.
Un
dissident pour se faire entendre du peuple ne peut que parler d'une radio
occidentale(
donc se lier aux capitalistes) Son seul moyen est de diffuser ses
idées
par le cercle restreint de ses relations, s'engager comme postier comporte
un gros
risque, même en photographiant les clés des boîtes aux lettres pour les
reproduire
et les passer à l'opposition. Son seul moyen de confectionner un écrit
d'information
est la machine à écrire avec le carbone.
Pour le
support matériel de l'information, les livres microscopiques imprimés
en
occident n'ont été réalisés que pour la Bible.
Il n'a pas été encore fabriqué des presses
portatives démontables et dissimula
blés
dans les bagages. Actuellement la seule aide qu'ils puissent avoir est
l'Occident, aide très réduite. En résumé, les
moyens de l'opposition sont réduits
si non
nuls.
3) Sur
le bas niveau culturel en U.R.S.S
La
tradition culturelle d'un pays joue. La culture ne naît pas spontanément
dans
une famille.L a Russie a toujours été à la traîne en voulant imiter l'oc-
cident.
Catherine II, Pierre le Grand, ont voulu imiter la France, tête culturel-
le et grande puissance de l'Europe de
l'époque. Staline a voulu réaliser beau-
coup de
monuments - gratte- ciel, métro etc.. - inspirés des U.S.A . La culture
russe a
été souvent une culture d'emprunt depuis Byzance . Pour faire une com-
paraison
grossière, le niveau culturel de l'U.R.S.S en 1917 était celui de la
France
en 1789 et s'est orienté à l'époque vers le sommet de la pensée : le
marxi
sme.
Par ail
leurs,la réduction de l'information par le régime est une seconde cause.
Tout
écrivain, doit faire partie de l'union des écrivains qui contrôle les publi-
cations
de ces derniers. Tout artiste doit faire partie de l'union des artistes etc.
(1)
Cela expliquerait pourquoi malgré les échecs pour rattraper le niveau de vie
des
U.S.A - le fossé s'accroissant encore plus depuis la dernière guerre ( voir
Atlas
Eco du Nouvel Observateur) -La croyance se maintient toujours.
Une
autre raison sont les victoires de l'U.R.S.S. à l'étranger ( Voir paragraphe
sur le
nationalisme russe)
5)
Sur les désquilibres économiquues :
Explication
de la pénurie permanente provoquant les queues devant les magasins,
de
1'inexistence,ou du retard, de certains secteurs îndustriels, et du bas niveau
des
rendements industriel ou agricole (1)
J'y
vois plusieurs facteurs.
a)
Le plan dirigiste :
II
n'est pas infaillible. Il ne peut prévoir tous les besoins de la population.
Ceux
qui rédigent le plan ont parfois des avantages leur faisant oublier les
problèmes
de la population - Les personnes utilisant la voiture ou même l'avion
pour ce
qui est des hauts membres du Parti, ne
peuvent se rendre compte des
heures
perdues dans les transports en commun, surpeuplés et en nombre insuffi-
sants.
Pour
flatter l'orgueil national on préfère miser dans un seul domaine quitte à
déstabiliser
la production - usine sidérurgique, automobiles gigantesques, bar-
rages
colossaux (2) ... plutôt que de développer harmonieusement toutes les in-
dustries
sans espérer rattraper l'Occident.
Les
préoccupations féminines - robes, tailleurs, parfums ( Domaines difficile-
ment
mesurables par le plan)...- Le désir de variété dans la production, le goût
du
confort ( logement, ameublement, électroménager ..) sont en général consi-
dérés
secondaire par le plan, quoiqu'il y ait eu une amélioration dans ce domaine.
b)
Le manque de motivation au travail :
II y a
plusieurs façons de motiver les gens.
- En
leur insufflant un idéal, ici celui du marxisme.
- Par
la force, la contrainte et la peur.
- Par
une motivation matérielle. (Primes, échelle de salaire.)
L'enflammement
des foules pour l'idéal du Marxisme et du Socialisme s'est atténué
après
1921, à cause des milliers de difficultés provoquées par le système.(con-
traintes
policières, crainte des camps, pénurie, famine, comme celle de 1950 en
Ukraine
après la déportation des Koulacks).
La
motivation par la peur - en particulier celle créée par les arrestations pour
"sabotage"
durant la période Stakanoviste - a provoqué beaucoup de déséquilibres'-
dans la
production et l'épuisement des
travailleurs, puis la résistance passive
par
inertie.
La
motivation matérielle n'a été introduite que timidement par Kroutchev.
Malgré
tout, l'égalité actuelle d'un salaire d'ingénieur avec celui de l'ouvrier
ne
pousse pas ce dernier à faire des
études d'ingénieur, connaissant les plus
gros
risques de ce poste, en raison de ses responsabilités.
Le fait
de ne pas posséder sa terre, d'être salarié, n'incite pas le paysan à
dépasser
la norme ou à travailler de nuit en raison du temps quand cela serait
nécessaire.
Tout
cela conduit à créer une mentalité d'irresponsabilité ou de "je m'en fou-
tisme"
chez le travailleur et contribue aux mensonges du directeur d'usine
sur sa
production , quand il a des comptes à rendre au Gossplan (5)
c)
Le manque de concurrence:
(1) Beaucoup d'articles sont importés
d'Occident où construits ici sous licence
(réacteurs, machines, électroménager,
calculatrices, voitures, électronique.)
(2)Voir "Les Russes" d'Hendrish
Smith (livre de poche) : gigantesques usines de
camions
ne tournant pas,barrage fournissant de l'électricité pour une usine de
traitement
de la bauxite qui n'existe pas. Le gigantisme peut servir dans un but
de
propagande comme l'usine Dynamo pour les visiteurs étrangers.
(5) Toujours"les Russes" ibid.
Souvent un accord tacite existe à ce
sujet entre
le directeur et ses ouvriers.
Certaines
entreprises ayant situation de monopole peuvent décider de leur niveau
de
production, même si le peuple doit en pâtir et se résigner à la patience pour
obtenir
ce qu'il désire.
d) Sur
quelques propositions de solutions provisoires:
Le
problème auquel se heurte tout réformateur du système, Grivenchi et d'autres
économistes
(1) C'est la peur des dirigeants en permettant les réformes d'un
retour
vers la voie capitaliste, signifiant l'échec avoué du régime et de sa
direction
politique.
Plusieurs
idées ont été suggérées. Au lieu d'une économie dirigée par un plan
contraignant,
on a pensé à promouvoir une économie de marché basée sur les be-
soins
du consommateur. Les entreprises fonctionneraient comme des entreprises
capitalistes
en concurrence, malgré l'actionnaire serait l'Etat et les capitaux
seraient
fournis par lui. Par ailleurs, la création d'entreprise à partir des
capitaux
d'Etat, pourrait être voté sur proposition de tous citoyens soviétiques
soumettant
leurs projets par une chambre de conseillers élus comme les grands
électeurs,
en France. L'agriculture socialiste fonctionnerait comme l'agriculture
libérale et soumettrait ses produit à un
marché libre. Par contre ses terres ap-
partiendraient
à l'état. Une chambre agricole, élue comme les grands électeurs, vo-
terait
l'augmentation des terres allouées à un paysan suivant ses mérites et les
surfaces
cultivables inexploitées à ce moment.
Pour mieux répondre aux courants d'opinions
du peuple, on pourrait créer soit
des syndicats indépendants, ne remettant pas
en cause le socialisme soit plu-
sieurs
partis communistes en concurrence - un
parti communiste libéral, un
parti communiste orthodoxe - dont les députés
seraient élus au suffrage univer-
sel (
évitant ainsi le discrédit de
l'U.R.S.S. au sujet de ses scores de 99%
pour ses candidats uniques)
De cette manière, le socialisme pourrait être
sauvegardé tout en permettant aux
dirigeants de sauver la face.
Ces
idées simplistes seraient évidemment à développer
6) Sur I'avenir de I'U.R.S.S
La population ayant été complètement écrasée
par la terreur stalinienne, et trau-
matisée par la seconde guerre mondiale , n'a
pratiquement actuellement aucune
velléité de révolte. Cet état de fait est
accentué par la tradition de soumission
et de servage.
Les gens, en général, ont trop peur de
changer ce système où ne règne qu'en
apparence une situation de blocage.
En fait le peuple a quelques espoirs car
depuis Staline le régime évolue et la
répression se fait plus discrète.
A moins d'un génie, ou d'un élément anormal
de l'histoire qui veuille enfanter
une révolution dans le sang, pour instaurer
une société nouvelle (?) A moins
d'une guerre avec la Chine ( mais celle-ci
est trop pauvre en armements) je
pense personnellement que cette société se
maintiendra longtemps, mais subira
des échecs sur son expansion extérieure. (Le
nombre de peuples luttant pour se
libérer de dictatures honnies et désirant un
régime socialiste est actuellement
en diminution. La question qui se posera à
L'U.R.S.S. est comment maintenir
l'image du socialisme toujours victorieux
? Pour répondre à cette question
je crains que l'UR.S.S ne crée des révoltes
de toute pièce )
Je ne pense pas que I'augmentation du nombre
des habitants des républiques
socialistes musulmanes pose un problème à
l'U.R.S.S contrairement à l'opinion
d'Anne marie Carrère d'Encauste (2). Ces
peuples sont sou-développés culturel-
lement
par rapport aux russes et parfaitement sous-informés sur le monde exté-
rieur en particulier sur les événements
iraniens et afghans. Un trait signifi-
catif de l'admiration de ces peuples pour les
russes se traduit par le désir des
jeunes de ces républiques de faire leurs
études à Moscou.
(1) Ce dernier avait imaginé de rétablir la
concurrence entre les entreprises
d'état.
Youri Orlov quant à lui a suggéré
" La possibilité de créer une entre-
prise
indépendante ( sans exploitation du travail d'autrui ) dans la sphère des
services,
de l'approvisionnement... qui relèverait le niveau de vie général "
p.4 " rapport sur le système pénitentiaire
soviétique " cahier du Samizda, n° 62
août,
septembre 1979- 10 rue Drève du Duc 1170 Bruxelles -
(2) L'empire éclaté - ibid , information donnée
par Joseph.
Comme des gens traumatisés, sans
force, ayant besoin d'un idéal,
le
soviétique pourrait se tourner vers la
spiritualité ou un retour à la
morale
traditionnelle (voir p. )
Personnellement,
je pense qu'il pourrait survenir un renforcement du poids
militaire
dans l'appareil d'état ( dans ce cas ce serait un risque pour la
paix
mondiale, la Chine ayant peut-être un rôle à jouer)
Addenda
à 1'analyse faite précédemment :
D'après
une information donnée dans le mensuel " Afghanistan en lutte ",
octobre
1980,
p. 3-20 rue Pierre Brossolette - 93150 Noisy le Sec - ) les soviétiques
depuis
juillet par l'élargissement de la piste Brejnev en Afghanistan ont
accéléré
l'acheminement de convois militaires vers Kaboul et vers les importan-
tes
bases militaires du Sud ouest du pays, en particulier la base de Chinatou
à la
frontière Iranienne. Dans la revue allemande
Der Spiegel , une infor-
mation
officieuse affirmerait que le K.G.B entretiendrait une armée secrète
de
guerre civile de 12000 hommes en Iran, liée au
Toudé , le parti communis-
te
iranien, pro-soviétique. Si l'information précédente est vérifiée , suppo-
sant
que ce parti communiste tente un coup
d'état, le scénario habituel du
peuple
afghan apportant son soutien à la
révolution progressiste contre les
forces
obscurantistes Khomenistes, serait très possible.
D'après
un général, dont je ne peux citer le nom, les russes maintiennent encore
actuellement
leurs troupes autour de la Pologne.
BIBLIOGRAPHIE
SOMMAIRE COMMENTEE :
Sur
la vie de tous les jours :
"Les russes", Hendrish
Smith, Livre de Poche . Un des
plus
objectifs écrit sur l'U.R.S.S. (à révolution né la technique
du
journalisme par l'invention d'un classement par thème pour pré-
senter
le mieux possible tous les aspects d'un pays) .
Sur
la répression et les camps :
"L'archipel du Goulag",
travail collectif de 227 person-
nes
sous la direction de A. Soljenitzine, 1419 p., (Le Seuil) . Le
plus
complet sur le sujet mais manque parfois d'objectivité sur
l'exagération
des chiffres estimatifs .
Sur
l'histoire de l'U.R.S.S. :
-
"J'ai choisi la Liberté", de A. Kravchenko . "Le
Stalinisme", R.
Mendevev, Le Seuil .
-
"Le Diable Roux", Michel Diomine, Laffont . C'est aussi un livre
d'ethnologie sur le stalinisme actuel en
Sibérie qui se complète
admirablement avec le livre "Systèmes
religieux de la Géorgie
païenne", Georges Sarallitzé,
(directeur à l'école pratique des
hautes études), Masnéro .
-
"Les grands procès dans les systèmes communistes", Annie Kriegel,
Gallimard Philosophie .
-
"Comprendre la révolution russe", Martin Malio, Point-Histoire .
A lire après les trois autres mais nécessite
une parfaite connais-
sance de l'histoire contemporaine de
l'U.R.S.S.
- "Russie-U.R.S.S. - 1870-1970", de
M. Laran, Collection Un siècle
d'histoire, MASSON .
Sur
la classe dirigeante :
"La
Nomenklatura", Michael Volensky, Belfond .
Divers
:
"L'économie
de l'U.R.S.S.", Pierre George, Collection Que Saia-je,
P.U.F.
, VLU livre chiffré .
Comparaison
PNP/hab/an * 17100 F/ans en U.R.S.S.
= 45000 F/ans en
France .
= 45300 F/ans aux
U.S.A.
Source O.N.U.
- Atlas Eco du Nouvel
Observateur,
1^80 .