VOYAGE EN U.R.S.S- Août 82
Par B. LISAN
Parti par vol Aéroflot dans un Iliouchine qui
était aussi vaste qu'un
Airbus.
A la douane j'ai été fouillé jusqu'aux
vêtements. Tous les objets de
chaque touriste étaient passés aux rayons X.
Un jeune congolais, avec lequel je me suis
lié d'amitié par la suite,
et qui portait deux valises de vêtements
féminins pour sa future femme
résidant à Leningrad, se les ai vu
confisquées pour des motifs futiles.
Finalement, réclamant ses valises plus tard
en menaçant de faire un
scandale international en faisant jouer des
relations importantes à
Leningrad (où il avait été étudiant pendant
5 ans) il a pu obtenir,
...le retour, par avion, de ses valises ..
en France!
Pour tout le groupe la fouille a duré plus
de trois heures!
Nous sommes ensuite arrivés à l'Hôtel Europe
à Leningrad, à la nuit
tombée (10h locale) par temps froid et pluie
fine.
Le lendemain, une forte pluie nous a
accueillie à la sortie de l'hôtel et
la température extérieure était de 16°, ce
qui est peu pour un mois d'
Août.
Et partout la présence militaire que j'avais
déjà remarquée et constatés
il y a deux ans. Accentué par le fait que
les soldats, même en permission,
ne peuvent quitter leur uniforme.
A noter qu'à la descente de la passerelle,
notre avion était ceinturé
d'un cordon de soldats.
L'après-midi, je prends un taxi pour me
rendre à la première adresse
d'un "refusnick", laquelle on
m'avait donnée avant mon départ.
(par précaution) je fais arrêter le taxi un
bon nombre de numéros avant
celui précisé. L'endroit est une zone de
H.L.M à perte de vue, mais
boisée de bouleaux et de peupliers(?) qui
poussent de manière désordonnée
dans les jardins et terrains vagues entre
les bâtiments.
Comme je cherche l'adresse, je tombe sur un
jeune militaire qui très
gentiment me conduit à l'endroit indiqué. Ne
trouvant personne, je dois
rentrer ("bredouille" et déçu) et
regagne l'hôtel par un trolleybus puis
par un taxi.
Le soir, je crois avoir perdu ma feuille de
change, et ma guide française,
4-
apprenant est assez affolée.
Nous nous rendons chez le policier de
l'hôtel qui après de grandes palabres
Sur un ton grandiloquent au téléphone avec
les autorités nous dit que
nous devons nous rendre tout simplement à la
milice le lendemain.
Finalement, le lendemain matin je retrouve
cette feuille, ce qui rassé-
nère le guide et m'évite des démarches sans
doute longues et fastidieuses.
Dans la soirée je tente d'appeler Boris au
téléphone, mais le téléphone
marche très mal. Je remarque que dans ce
pays où le téléphone est automa-
tique il faut quand même donner son propre
numéro „ lorsqu'on appelle
une autre province.
Le lundi, j'accompagne mon ami congolais qui
m'emmène au Palais des mariages et à la maison des étudiants où l'on peut
trouver une personne qui
facilite toutes les démarches
administratives dans ce pays.
Je suis étonné du nombre de papiers que doit
remplir cet ami (congolais)
Dans cette maison des étudiants la
propagande, affiches, bochures gra-
fuites, est omniprésente.
Au palais des mariages, j'ai pris deux
photos de cortèges descendant
l'escalier d'honneur au son du concerto
N°1 de Tchaïkovsky.
L'après midi j'ai été visiter
Prétrodvorest, le palais d'été de Pierre Le Grand...Le"palais aux mille
fontaines". En fait le parc en comporte deux cents, alimentées
naturellement par des sources.
Nous avons traversé ensuite un grand
quartier de H.L.M avant de nous
rendre au château. J'ai noté d'importants marécages bordant la
Baltique le long de notre trajet.
Des Seize (je crois?) palais des
grandes familles nobles du temps des tsars, il n'en reste que très peu en état;
certains transformés en
Instituts, d'autres en ruine, depuis
l'offensive nazie.
Je ne parlerais pas plus de
Pétrodvorest, cité, détaillé dans toutes
les brochures touristiques et dans les
nombreux guides de Leningrad.
Je dirais simplement que ce qui fût
entièrement détruit durant la
dernière guerre, a été entièrement
reconstruit (de A à Z!) tout
comme le palais de Palovsk qui a été
décrit dans mon précédent compte-rendu de voyage.
Le soir, je me suis rendu aux ballets sibériens. Ils ne sont pas
proprement dits folkloriques mais
plutôt modernes, même parfois d'un
"avant-gardisme modéré".
La nuit, je me suis dirigé de nouveau à
l'adresse où je m'étais déjà
rendu sans succès. Cette fois-ci
j'emprunte le métro qui a été construit par les français, à une grande
profondeur. Cela s'explique par le
sous-sol marécageux sur lequel repose
la ville.
Je trouve enfin le
"refusnick" que je désirais voir. Tout d'abord
méfiant. il me fait parler, puis me
reçoit
alors avec beaucoup d'amabilité. Il me
raconte alors son "histoire".
En mai 1979 il demandait un visa pour
Israël, ce qui a provoqué, en juin de cette même année» la perte de son emploi.
Depuis trois ans il effectue de petits
travaux mineurs. Actuellement, pour l'été, il s'occupe de distribuer des
coupons de transport en commun aux entreprises.
Au début de sa vie de refusnick, il
avait deux correspondants, l'un
israélien, l'autre anglais. L'un d'eux
lui avait d'ailleurs envoyé
une invitation. Puis sans aucune
explication, il n'a plus rien reçu
d'aucun de ses correspondants. Il m'a
demandé alors de recontacter
de sa part le correspondant qui l'avait
invité.
Sa femme était au lit, souffrant d'une
rage de dents, mais très
courageusement n'en a rien fait savoir
et a discuté avec nous avec
beaucoup de gentillesse, après avoir
préparé du thé.
Leur fils est étudiant dans une école
d'Ingénieurs concernant les
Chemins de Fer. Pour l'instant il n'a
pas été inquiété ce qui est
rare.
Pour partir le mari m'a aidé à regagner
mon hôtel en hélant un des
nombreux taxis clandestins (voitures
civiles) qui sillonnent la ville la nuit.
Devant l'hôtel j'ai été témoin d'une
scène étrange: un jeune homme,
la tête ensanglantée, était entouré de
policiers, tandis qu'une
ambulance attendait un peu plus loin.
Cette scène n'avait hélas certainement
rien de spécial mais la
maladresse du portier qui voulait
détourner mon attention de celle-
ci en me poussant dans l'ascenseur,
contribuait bien au contraire
à me poser des questions.
Le mardi, avec le groupe touristique,
j'ai visité Ste Isaac (?) une
immense cathédrale, monumentale, à la
décoration classique néo-baroque
La "sensation" d'une scandaleuse
richesse persiste malgré la
disparition de son mobilier vers les années
vingt, te après l'expulsion
des religieux ayant refusé de participer à la
Révolution, par des dons
réclamés par les soviets lors de la grande
famine due à la guerre
civile. L'église est devenue depuis un musée.
Je me suis souvent promené dans Leningrad et
j'ai été très étonné
du nombre considérable de chaussures de sport
de style américain,
des lunettes "Ray Ban" portées par
deux tiers des gens alors que l'on
sait que tous ces objets viennent en
fraude!'
Pour ma part je soupçonne que tous ces arrivages ne sont pas dûs
uniquement aux touristes (vu le contrôle à la
douane!) mais organisés
à un échelon officiel.
L'après-midi, nous avons visité le Célèbre
musée de l'Hermitage, un
des plus beaux du monde. (Comme je l'avais
déjà visité et que le récit
de cette visite est transcrite lors de mon
précédent voyage, je
m'arrêterai là)
Le soir, je suis allé dans des librairies,
j'ai eu l'impression qu'il
y avait encore moins de livres qu'il y a deux
uns mais encore plus
de livres de propagande.
Je me suis amusé aussi à comparer le nombre
de gens qui lisent dans 1
le
métro parisien avec celui de Leningrad (hors heures de
pointe)
l'avantage allant à notre capitale.
J'arrêterais là ce genre de compa-
raison qui peut être entichée de
subjectivité.
Par contre, ce qui n'est pas subjectif, c'est
que ;les prix en ...
ont augment depuis deux ans et ne sont plus
très intéressants pour le
touriste. Le taux de change officiel
étant 1 R pour 10 F.F
Après cette tournée des librairies, je me
suis rendu à pied au musée
de l'Athéisme mais l'accès m'en a été refusé
en raison du fait qu'un
étranger ne peut le visiter qu'en groupe
touristique, m'a t-on précisé.
Le soir, avec mon ami congolais, nous nous
sommes rendus chez une
amie de Ludmila, la future femme de celui-ci.
Cette amie possédait un joli appartement
décoré avec un certain goût
par rapport à la moyenne dans ce pays. Le
papier peint était différent
et choisi avec une certaine recherche—on le
ressentait? une petite
chaîne HI FI et un piano étaient présents.
L'ensemble était jeune et féminin.
Cette femme, d'environ 35 ans, célibataire
avec une petite fille, nous
reçus en robe de chambre. Elle s'était foulé
la cheville et était en
congé maladie.
Mon ami avait apporté une bouteille de Whisky
et tous voulaient que
je boive "à la russe". Mais
poliment j'ai refusé. Je sais trop bien
que cela est une plaisanterie que l'on
réserve aux étrangers de passage!
Petit à petit, au fur et à mesure que la
soirée s'avançait, la femme
se montrait de plus en plus
"affectueuse" avec moi. Elle me dévoila
son désir de venir en France . Finalement
elle me déclara qu’elle souhaiterait bien m'épouser. Ne me sentant aucun
"atome crochu particulier" avec elle je m'esquivais aussi adroitement
que je le pouvais. De plus cette
femme rêvait car ce genre de démarches sont
longues dans ce pays, com-
me je l'ai déjà dit.
Un ami, collègue de travail .m'avait affirmé,
que si je voulais épouser
une russe. Il suffisait que j'en fasse part à
une soviétique en lui
précisant le type souhaité. Elle me ferait
rencontrer, dans les jours
suivants, une personne répondant à ma description!
Ce même
ami m'a dit qu'il avait l'adresse d'une entremetteuse qui s'oc-
cupait
de ce genre d'union .femmes russes avec étrangers.
Pour
revenir à Diana, c'est ainsi que s'appelait cette entreprenante
soviétique-
elle portait une croix chrétienne autour du cou.
D'abord
j'ai pensé que cela confirmait mes informations sur un renou-
veau
religie ux en U.R.S.S (j'en parlais dans mon précédent compte-
rendu)
et ainsi que me l'avait précisé mon ami congolais.
Mais
j'ai aprris par la suite que cela était un signe de coquetterie
sans
signification particulière, et l'on peut voir actuellement beau-
coup de
ces croix ou médailles de la Sainte Vierge orner la poitrine
des
soviétiques.
Toujours
au sujet de Diana, mon ami congolais a eu une phrase très
significative,
selon lui -Staline et la guerre ont tué beaucoup de
maris-
ce qui peut expliquer le grand nombre de femmes non mariées en
U.R.S.S.
Durant
tout mon séjour à Leningrad, tous mes essais de téléphone à
Boris
sont restés sans résultat.
Mercredi
nous avons pris l'avion pour MOSCOU. Ici, il me faut rattraper
une
justice commise dans mon dernier récit en mentionnant quelle
service
sur les lignes intérieures n'était pas exceptionnel. En fait
le
service d'Air Inter est équivalent.
Nous
sommes arrivés à Moscou sur un nouvel aéroport construit par les
allemands.
Je dois préciser que mon ami congolais n'est pas arrivé par
cet
avion, mais le lendemain, pour régler cette affaire de valises.
L'après
midi de ce mercredi, je me suis rendu dans le sud de Moscou ,
chez
Boris, mais je ne l'ai pas trouvé.
Alors
finalement je me suis rendu à l'adresse d'un refusnick très connu, Mr
Braïlovsky.
Actuellement en exil pour 5 ans, dans l'Ouzbékistan
Au
moment où j'arrivais, sa femme était en train de faire des prépa-
ratifs
pour aller voir son mari.
Elle
m'a demandé de passer des photographies du mariage de son fils
puis
finalement, peut-être par méfiance, ne me l'a plus proposé.
Par
contre elle a accepté un badge de Solidarnosc et une cassette
que
j'avais apportés.
Elle
m'a signalé l'adresse d'un refusnick à aider. Après lui avoir
téléphoné,
ce dernier m'a donné rendez-vous, place Smirnov, à côté
de
l'Hôtel Metropol où j'étais descendu.
Un
inconnu s'est assis à côté de moi en me disent "Pardon" en français.
Surpris,
je lui ai répondu en français puis en anglais et une conver-
sation
à bâtons rompus s'est engagée.
Il a
commencé par m'affirmer qu'il
était
sibérien puis par m'avouer qu'il était du Birobidjan, Etat juif
de
l'Union soviétique, situé à la frontière de la Mandchourie.
Il m'a
raconté, avec une certaine complaisance, comment Staline avait
envoyé
(exilé, concentré) les juifs dans cet Etat et comment. Oh sur-
prise,
les juifs installés dans cette terre ingrate, eurent l'inter-
diction
de pouvoir repartir.
II se
dit Balouche (+) par sa mère et juif par son père. Soit doit-disant
médecin,
ayant accompli son service en Afghanistan et avait séjourné
en
Pologne.
Ses
gestes étaient modérés (mesurés) mais peu sûrs(?). Il remplissait
lentement
sa pipe tout en parlant vite.
Il paru
surpris quand le dissident avec lequel j'avais rendez-vous,
arriva.
Au
cours de ma conversation avec ce "judéo-balouctche", je restais
très
poli mais méfiant. Je le plaignis sans trop m'engager, en lui
disant
"Comme cela a dû être dur" au sujet de son service militaire.
Cette
personne me semblait être un affabulateur ou un provocateur.
Deux
jeunes,(assis) à côté de moi, m'avaient demandé si je n'avais
pas des
jeans et des chaussures de sport américains.
(+) Le
Balouchistan est situé aux confins de l'Iran et de l'Afghanistan.
Cet
incident m'en remémore d'ailleurs un autre, survenu ce même jour
dans le
métro. Un jeune homme vêtu d'un blouson et pantalons blancs,
et
d'une chemise rouge, me voyant un peu désorienté, m'aborda en me
demandant
s'il pouvait me renseigner. Il me déclara être étudiant
en
Beaux Arts, me montrant un livre sur un musée de Moscou.
Finalement
en vînt à ce qu'il avait repéré dans mon sac plastique : les
cassettes
magnétophones que j'apportais à Boris. A partir de ce moment,
cet
interlocuteur (?) se révéla très insistant, voulant m'acheter tout
ce que
j'avais sur moi. Ayant peu envie de l'avoir sur mon
dos et
besoin de ne pas être suivi, je lui cédais 12 cassettes.
Par
ailleurs il me proposa un change particulièrement avantageux, 100 FF
pour 40
roubles (le taux le plus élevé ayant été proposé à un français
de
l'Hôtel étant de 50 roubles) Là encore, la prudence me recommandait
de
refuser.
Par
suite d'une erreur, lorsque je me rendais à l'appartement de Boris,
j'étais
tombé , semble-t-il, chez un militaire. CE dernier m'avait
reçu
froidement et on pouvait constater, dans cet appartement, identique
à celui
de Boris, un parquet vitrifié, un grand nombre de meubles laqués
et
foncés et même une chaîne HI-FI.
pour
revenir à l'épisode de mon contact avec le refusnick proposé par
la
femme de Boris, celui-ci me conduisit chez lui. Sa femme, une blonde
bien
"enveloppée", me serra la main avec beaucoup d'amabilité.
Ayant
pris connaissance de l'incident du "juif sibérien" de la place
Smirnoff,
il me recommanda d'être très prudent, surtout après ce qui
m'était
arrivé à 1'aéroport,J'étais certainement fiché depuis mon
premier
voyage en U.R.S.S , en raison de ma correspondance suivie
avec
Boris.
Mon
hôte m'exposa sa situation : Refusnick depuis trois ans, il avait
perdu
son poste de professeur en cancérologie expérimentale, malgré
la
notoriété que lui avait apporté la rédaction de trois livres et d'une
une
centaine d'articles scientifiques.
Il me
demande alors de passer la frontière avec une cassette exposant
sa
situation et de l'adresser au Directeur de la 13eme conférence
internationale
sur le cancer, à Seattle aux U.S.A, cette conférence
s'ouvrant
15 jours plus tard.
Ce qui
m'impressionnait était l'énorme bibliothèque de la salle à
manger
par rapport à la pauvreté de l'ameublement.
Le
lendemain j'eu de nouveau rendez-vous avec lui (Josif) II m'emmena
dans
l'appartement de sa mère, une femme âgée. Celui-ci était particu-
lièrement
dénudé avec comme seules richesses un poste de télévision
et un
vieux lit paysan datant certainement d'avant la révolution.
Josif
me remît alors la cassette, avec beaucoup de recommandations et
d'inquiétude.
Le jour
même, l'après-midi (du même jour) après une visite au musée
Roublev,
connu par ses icônes, je me rendis de nouveau chez Boris.
J'avais
pu enfin le contacter par téléphone et le prévenir de ma visite.
Il
m'attendait depuis deux jours et célébra mon arrivée par une bonne
bouteille
de vin et un gâteau. L'ameublement de son appartement n'avait
pas
changé. Il était seul, Helen étant à la campagne et son fils aussi.
Il
m'informa de la naissance, il y a deux mois, de son deuxième enfant,
un e
petite fille. J'eu l'occasion de la voir, plus tard, à sa datcha.
Nous
parlâmes longtemps ensemble, toute la soirée. Boris me renouvela,
au
cours de la conversation, ses opinions libérales et son soutien
inconditionnel
à Israël, et en particulier l'opération israélienne
de
l'été 82 au Liban.
Il m'a
été dit plus tard, par un français qui l'avait visité, que le
K.G.B
était venu chez lui à la-suite des activités (organisations de
séminaires
scientifiques) et qu'il avait l'interdiction de quitter la région de Moscou.
Cette
information répondait peut-être à la question de savoir pourquoi
tous
mes essais de coup de fil pour les joindre avaient été vains.
Une
autre information - Boris ayant un travail qui ne correspondait
pas à
sa qualification (Docteur en Maths et sciences) gagnait tout
de même
190 roubles par mois ce qui semblait confirmer qu'il bénéfi-
ciait
d'une situation spéciale (privilégiée) pour un refusnick.
J'ai
supposé - mais cela n'est qu'une supposition - que Boris béné-
ficiait
peut-être d'une protection occulte.
Le
lendemain, je devais rencontrer Boris dans le métro et lui cédait mon
sac de
cadeaux. Je trouvais qu'il prenait des risques en l'acceptant
(recevant)
au su et vu de tous. Il s'était équipé pour cela d'un sac
à dos
et d'un sac de voyage.
L'après-midi,
mon contact suivant fût un ami de Boris qui avait aussi
perdu
son travail depuis trois ans.
Pour
une raison inconnue, je me suis senti très mal à l'aise dans son
appartement.
Peut-être, croyant (pensant) être inquiet pour Boris, je
fis
part (communiquais).mon anxiété à cet ami. Celui-ci me rassura
en me
disant qu'il n'y avait rien à craindre» lui-même ayant été pris
par la
milice à recevoir des livres d'un étranger (dont une histoire
du
peuple juif)et n'avait pas été inquiété outre mesure pour cela).
Sa
femme me raconta la triste histoire de sa mère, mise en camp de
concentration
de la Kolima. De 1938 à 1948, ce pour avoir rédigé
à l'âge
de 14 ans, une affichette publique pour protester contre
l'abandon
des enfants des Koulaks, déportés et condamnés à une mort
lente
au moment de la grande famine des années trente. C'est ainsi
que
j'appris que "l'archipel du Goulag" circulait clandestinement en
U.R.S.S.
Mes
hôtes, au cours du repas qu'il m'avait offert, me demandèrent
d'essayer
de retrouver des parents enfuis en Occident, vers les
années
vingt.
Nous
parlions bas car nous craignions que le téléphone, resté branché
pour
recevoir un coup de fil de Boris, puissent
servir de moyen d'écoute
pour le
K.G.B. Mes hôtes me dirent que "La voix de l'Amérique" était
maintenant
plus écoutée, car plus sérieuse que vers les années 50.
Vers
15h, Boris appela et m'indiqua un lieu de rendez-vous, situé à
côté de
la gare, duquel nous nous rendrions à la maison de campagne
construite
par son grand père.
Nous
partîmes ensemble dans un train de banlieue bondé et j'avais la
consigne
expresse de ne pas ouvrir la bouche.
A environ 40 Kms de Moscou, nous descendîmes
et marchâmes longtemps
dans
une forêt quadrillée de clôtures en bois entourant des datchas
du même
matériau.
Arrivés
à la maison de Boris, nous rencontrâmes sa soeur qui ne parlait
malheureusement
aucune langue étrangère et resta ainsi en dehors de
la
conversation.
La
maison était assez rustique» avec de vieux lits en bois, taillés
grossièrement
à la hache. Il y avait une véranda un poêle à bois,
en
briques, dans la pièce centrale, et aussi deux deux vieux fauteuils
sculptés
et effondrés, datant d'avant la révolution, et pouvant provenir
du
pillage d'un château.
La
cuisine était située dans une petite bâtisse séparée. Dans la remise
attenant
à la cuisine, étaient entreposées des bicyclettes.
Boris
me dit que dit que cette maison avait été construite par son
grand-père
et que celui-ci y avait consacré toute sa vie.
Elle ne
pouvait être utilisée en hiver, ses murs de planches n'étant
pas
assez épais.
D'après
Boris, les autres maisons en bois voisines n'étaient pas toutes
des
résidences secondaires mais des
habitations principales de tra-
vailleurs
se rendant chaque jour à Moscou.
Le
soir, après un repas frugal composé de potages et de légumes, des
amis de
Boris vinrent et discutèrent avec moi de Franc Maçonnerie.
Ils
étaient vivement intéressés et m'apprirent qu'Alexandre 1er fût
Franc
Maçon.
Helen,
à qui je disais mon étonnement devant la possibilité des jeunes
de
pouvoir écouter des cassettes de^"06 musique dans le train qui nous
amena à
la campagne me déclara que cela n'était pas prohibé et ajouta
que
cela devait être des jeunes sans culture. Cela en raison de la dif-
ficulté
de trouver des cassettes, aussi difficilement que des livres
et que
par conséquent ne pouvant se procurer les deux, leur choix
indiquait
leur niveau culturel.
Elle me
redemanda de lui envoyer des pointes lavables pour bébé, ce que
je fis
plus tard, les lettres qu'elles m'avaient envoyées à ce sujet,
ne
m'étant pas arrivées.
Après
cette discussion, je décidais, par prudence, ne pas rester pour
la
nuit.
Boris
me raccompagna (à la gare) et me posa
beaucoup de questions,
sur ma
vie, mon travail; il m'informa qu'un voyage équivalent au mien
lui
coûterait 7 fois son salaire! Il me transmit un message pour un
israélien
qui l'aidait.
Dans le
métro, je vis plusieurs personnes ivres mortes. Un policier
avait
tenté d'en relever un devant moi puis y avait renoncé. J'en vis
aussi
beaucoup sur de nombreux quais de gare. Je devais bien me rendre
à
l'évidence que l'alcoolisme soviétique,
décrié par l'Occident, n'était
pas dû
à une mauvaise propagande mais une réalité .... surtout
observée
un vendredi soir, alors qu'il n'y a qu'un seul jour de congé
en
U.R.S.S, le dimanche.
Boris
me serra chaleureusement la main et nous nous quittâmes. Il me .
réitéra
son désir, quelque soit son "possible silence" que je continue
à lui
écrire et à le contacter. Il me demanda de revenir le plus tôt
possible
en U.R.S.S.
Le
lendemain je visitais le Goum. Oh surprise, maintenant des bas
à 7
roubles, du vin supérieur à 2 R, du Champagne à 7, et aussi des
calculatrices
simples en vente à 50 R. Trois queues étaient visibles
l'une
pour des pull-overs très fins, de style occidental, une autre pour
du
beurre et la dernière pour de la saucisse (2 R 20 le kilo)
La
queue pour la saucisse était la plus longue et des femmes se disput-
taient
et criaient avec autorité devant les serveuses.
Des
policiers regardaient la scène sans trop intervenir et étaient
copieusement
injuriés.
J'eu la
possibilité, pour terminer (?) d'assister à l'arrestation mouvementé
d'un
changeur au noir (de roubles) ceinturé par des miliciens en jeans et
chemises
à carreaux.
Sur
notre retour à l'aéroport nous eûmes à subir trois barrages succes-
sifs -
Bagages, passeports, portiques magnétiques.
La
cassette du cancérologue était portée par un vieux monsieur, Dr de
son
état, qui avait eu la gentillesse et le courage de bien vouloir
s'en
munir.
Il fût
inquiété un instant, par le détecteur de métaux, qui sonna à
cause...de
ses bretelles métalliques, mais la cassette ne fût pas
découverte.
C'est
ainsi que se termina ce deuxième séjour en U.R.S.S.
Epilogue
:
Suite à
ma visite, et mon erreur d'avoir emporté mon carnet d'adresse
où le
nom de Boris figurait, et du fait que j'apportais des Bibles,
ou bien
à cause du fait qu'il a maintenu notre relation coûte que
coûte,
Boris avait été exilé dans l'Ouzbékistan pour 1 ans.
Ensuite,
Boris m'a demandé de ne plus lui écrire.
Triste
épilogue d'une amitié et aventure, de 2 ans.