Violence (et céphalées de
tension)
La
violence commence où la parole s'arrête, Marek Halter.
Les personnes souffrant de céphalées de tension permanentes sont souvent sujettes à l’envahissement de terribles violences intérieures ou de terribles désirs de passer à l’acte, souvent contenus.
A ses sentiments peuvent s’associer souvent ressentiment, rancune, amertume et frustration (frustration de ne pas être reconnu, prise au sérieux,, de ne pas ou jamais être écouté, en particulier par le corps médical …).
Or très peu de gens osent parler de cette violence et de cette agressivité qui les gagnent du fait qu’elles vivent depuis trop longtemps dans des céphalées de tension tenaces et durables, sans solution visible à court et long termes. On a peur d’en parler, parce que l’expérience de vivre avec des maux de têtes et une souffrance physique et morale permanente, depuis une dizaine d’année est incommunicable. Parce souvent la compréhension qu’on espère des autres, n’est pas au rendez-vous et qu’on risque plus d’être pris pour une personne grivée, mauvaise, et non comme un être humain qui souffre réellement. Que vous savez que votre franchise et votre honnêteté risquent de se retourner contre vous, car « tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous ».
Quand la situation morale du malade lui semble totalement
intenable à ses propres yeux … Quand ce matin est constamment dans une
situation de survie depuis une dizaine ou une vingtaine d’années …
Quand il pense que sa problématique a trop duré et qu’elle ne
peut plus durer à ses yeux (et pourtant dans la plupart des cas, elle dure
depuis plus d’une dizaine d’années !!!) …
Quand il se sent dans une vraie impasse médicale (les
médecins lui disant régulièrement qu'ils ne peuvent rien pour lui, à part lui
prescrire des antidépresseurs ou des anxiolytiques _ sans effets sur ses maux
de tête _ …
Quand il est aussi dans une vraie impasse professionnelle (à
cause de vraie problème de gêne et de concentration intellectuelles, de
mémorisation, de ses pertes d'emploi à répétition ...) …
Quand il n’a aucune
reconnaissance de son handicap par les institutions officielles, comme ANPE …
Quand il ne peut pas bénéficier d’une COTOREP, au moins de
simuler le fait d’être "cas psychiatrique" incurable …
Quand les médecins prennent les malades souffrants de
céphalées de tension pour un "cas psychiatrique" incurable …
Quand ce malade refuse l’étiquette qu’on lui a apposé et
qu’il ne veut pas transiger pas sur refus d'être pris pour un cas
psychiatrique grave ...
Quand ce malade entend à chaque fois, toujours les même
conseils inefficaces, apportant sans cesse la preuve de la méconnaissance des
médecins pour cette affection (tels que vérifier votre vue, les articulations
de votre nuque, aller vous détendre à la campagne, amusez-vous, faites de la
relaxation, de l’hypnose …) …
Quant à certains malades, le monde médical leur dit qu’il ne
peut rien pour eux et qu’ils doivent désormais accepter leur douleur, voire
suivre des techniques
« d'acceptation » de la douleur. Alors que veulent ces malades, c'est
juste la fin de la douleur et/ou de la
gêne intellectuelle …
Quand certains malades connaissent par moment un vrai effet
placebo et une vraie rémission, lorsqu’il rencontre enfin une vraie écoute, une
vraie considération de la part d’un médecin compréhensif ... effet placebo
retombant dans les heures qui suivent à la fin de l'entretien, donnant alors
l’impression à ces malades de vivre dans un mythe de Sisyphe sans fin …
Quand le médecin met votre céphalée de tension chronique sur
une « dépression » cachée ou iatrogène et non le contraire …
Quand le médecin ne veut pas remettre en cause sa pratique
médicale inadaptée …
Quand ce malade a tout tenté pour résoudre ses maux de tête, y compris la méditation, l'hypnose, sans résultat …
Quand les techniques de relaxation poussées n'ont jamais eu aucun effet, ni même le moindre petit effet, sur ses maux de tête …
Quand il pense qu’il a tout essayé et qu’il n’a aucun reproche morale à se faire face à ses céphalées, qu’il a accompli sa part de travail pour résoudre son problème ...
Quand il pense que désormais c’est au corps médical d'accomplir sa part du travail, pour résoudre ce problème …
Quand les médecins ne comprennent toujours pas la détresse dans laquelle il se trouve et ne veut fanatiquement pas comprendre …
Quand le malade comprend que ses troubles n’intéressent aucun neuropsychiatre ou neurologue à l’heure actuelle …
Quand certains malades peuvent subir une vraie violence,
comme par exemple, ce Jean-Philippe _ une personne souffrant de céphalées de
tension permanentes depuis 17 ans _ qui a subi des électrochocs sans anesthésie
(en 92), sans qu'il ait jamais donné son accord à un tel traitement (avec
certaines conséquences neurologiques) ….
Quand le malade a dépassé le stade de la désolation ou du
crève-coeur de ne jamais comprendre pourquoi sa souffrance, son impasse sociale
et professionnelle, ne sont jamais considérées comme crédibles aux yeux des
médecins …
Quand le malade se sent comme un animal pris au piège, sans
avenir, sans espoir, sans jamais pouvoir rencontrer une vraie écoute et
compassion de la part de ces médecins (sur lesquels il comptait), alors,
d’abord, une terrible envie de mourir et de commettre une terrible violence
contre lui-même l’envahi.
Mais quand même sa douleur et sa détresse et son désir de
mourir ne sont toujours pas respectées et prises au sérieux (et qu’on continue
de le traiter d’hypocondriaque ou de simulateur), alors une terrible et extrême
violence intérieure le submerge, risquant alors de se retourner vers
l’extérieur, vers un bouc émissaire, vers un objet de haine, en particulier
vers ces médecins qui auront été si durs à son égard.
Ce malade pourra devenir profondément amer, avec le profond
sentiment d’une vie entière gâchée à cause de ses maux de tête non résolus.
Il aura alors envie de commettre une terrible violence
contre ceux qui ont fait le serment d’Hippocrate et qui n’ont pas tenu leur
serment en le laissant continuellement tomber depuis des dizaines d’années et
envers ceux qui n’ont pas fait preuve de compréhension et d’écoute à son égard.
Il sera de plus en plus envahi d’une terrible haine contre
tout ce corps médical qui l’a abandonné à son sort.
A ce stade, il rêvera peut-être d’un passage à l’acte à la façon de Richard Durn [1],
par exemple, tuant tous les médecins qui lui ont fermé systématiquement la
porte au nez, qui ont fait preuve sans cesse, à son égard, de dureté. Et en
tuant ces médecins, il se tuera alors après. Il le sait.
D’autres rêveront
d’une immolation par le feu dans le cabinet d’un de ces médecins, parce qu’ils
verront ces médecins comme des personnes emplis de suffisance, d’orgueil et
d’incompréhension.
Quelle que soit la forme prendra sa violence et son passage
à l’acte, elle sera toujours un appel au secours ou bien un acte du plus
abyssal désespoir. Mis malheureusement à ce moment, il sera trop tard.
Et quand le mal sera fait, on dira sûrement que ce malade
était bien malade, toujours sans chercher à vraiment comprendre sa détresse.
Par ce texte, nous avons essayé de faire comprendre pourquoi
certaines malades souffrant de terribles céphalées de tension chroniques ont
souvent un mauvais caractère, sont désagréables, ont l’air en apparence
hypocondriaques et pourquoi certains peuvent être envahi par une terribles
violence qui a la longue peut devenir irrésistible et incontrôlable.
Or cet enchaînement fatal aurait pu être ou peut être évité,
si le malade avait bénéficié ou bénéficie d’une vraie aide et d’une vraie
écoute, … vraie écoute qui n’existe toujours pas actuellement en France,
pour les malades souffrant de céphalées de tension chroniques.
En octobre 2003, le Docteur Philippe Cléry-Melin rendait un
rapport sur la santé mentale en France. Ce travail réalisé en collaboration
avec le Dr Jean-Charles Pascal, vice-président de la Fédération Française de
Psychiatrie et le Pr. Viviane Kovess-Mafety, psychiatre, propose un travail
sur la violence et les moyens de l'endiguer.
Il semble important également de multiplier les lieux
d'écoute, tel que les maisons vertes (lieux d'accueil initiés par
Françoise Dolto en 1979). Voir liste de ces maisons verte sur ce lien : http://www.francoise-dolto.com/liste.htm
Comme le souligne le rapport, cette écoute permet de prévenir la violence en apportant des réponses aux angoisses, à la solitude, aux manques affectifs…
Bien des passages à l’acte pourraient être évités si une
simple écoute était mise en place.
C’est la raison
pour laquelle notre association, elle-même, a mis en place un n° vert d’écoute
des malades. N° vert de l’association : 06.16.55.09.84.
B.L.
A Paris le
16 février 2007.
Pour en savoir plus sur la violence :
1) Quelques pistes sur les racines de la violence :
http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/mag_2003/mag1107/ps_7205_violence_racines.htm
2) Psychologie de la violence, C. BORMANS
& G. MASSAT (sous la direction de), Éd. Studyrama, Paris, 2005
(voir ce site pour le plan de ce livre : http://www.psychanalyse-paris.com/Psychologie-de-la-violence
).
3) Sur l’agressivité : http://fr.wikipedia.org/wiki/Agressivit%C3%A9
4) « Venez à bout de votre agressivité » :
http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/bien_avec_les_autres/couple_famille/ps_2401_agressivite.htm
5) "L'agressivité au quotidien" de
Christian Zaczyk, Editions Bayard Editions.
6) jeunes
violences ecoute accueil 0800 20 22 23 & 01 44 93 44 70.
7) Liste des maisons vertes : http://www.francoise-dolto.com/liste.htm
Voici une liste de citations sur la violence, avec
lesquelles on peut ne pas être d’accord et mais qui peuvent amener à réfléchir
sur cette violence.
1) La violence, c'est
pas toujours frappant, mais ça
fait toujours mal.
(Richard Leclerc)
Slogan publicitaire contre La violence faite aux femmes.
2)
La fin est dans les moyens comme l'arbre est dans la
semence, Gandhi.
3)
La violence engendre la violence, Extrait
de Agamemnon d’Eschyle.
4)
Ce n'est pas la violence, mais le bien qui supprime
le mal. Léon Tolstoï.
5)
La violence est une absence d'amour, Extrait
de Les Hommes à terre de Bernard Giraudeau.
6)
La violence est ce qui ne parle pas. Extrait
de la Présentation de Sacher-Masoch de Gilles Deleuze.
7)
Plus fait douceur que violence. Extrait
de Phébus et Borée de Jean de La Fontaine.
8)
La création est le seul substitut raisonnable à la
violence, Extrait de Lignes d'horizon de Jacques Attali.
9)
La violence exclut la nuance, c'est ça le merdier
entre les hommes, Extrait de Arobase d'Aziz Chouaki.
10)
Les révoltes et les violences naissent moins des
misères que des injustices, Jean-Paul Delevoye.
11)
Les modérés s'opposent toujours modérément à la
violence, Extrait de L'Ile des pingouins d'Anatole France.
12)
Aucune violence n'a jamais ajouté à la grandeur des
hommes. Extrait de Ce que je crois de Jean Guéhenno.
13)
Dis-moi, quelle violence est pire que le silence ?, Extrait
de Mise en liberté de Jean-Pierre Guay.
14)
La violence, sous quelque forme qu'elle se manifeste,
est un échec. Extrait de Situations II de Jean-Paul Sartre.
15)
Ce qui ne peut s'enseigner que par des coups et au
prix de la violence ne portera que de mauvais fruits, Martin
Luther.
16)
La violence ne vient pas de l'Etat, elle vient de la
société elle-même. Extrait de Le temps de répondre de Lionel
Jospin.
17)
La solitude, on peut très bien s'y habituer, mais on
ne s'habitue pas à la violence. Extrait de Vivement la vie
de Jean-Yves Dupuis.
18)
La famille, ce havre de sécurité, est en même temps
le lieu de la violence extrême. Extrait de Les nourritures
affectives de Boris Cyrulnik.
19)
Un acte de justice et de douceur a souvent plus de
pouvoir sur le coeur des hommes que la violence et la barbarie. Extrait
de Le Prince de Nicolas Machiavel.
20)
Un père n'est pas celui qui donne la vie, ce serait
trop facile, un père c'est celui qui donne l'amour. Extrait de
La violence des forts de Denis Lord.
21)
Je m'oppose à la violence parce que lorsqu'elle
semble produire le bien, le bien qui en résulte n'est que transitoire, tandis
que le mal produit est permanent. Extrait de Le jeune Inde
de Gandhi.
22)
La violence n'est pas innée chez l'homme. Elle
s'acquiert par l'éducation et la pratique sociale. Françoise
Héritier, Extrait de la revue Le Monde de l'éducation - Juillet - Août 2001.
23)
La non-violence est une arme puissante et juste, qui
tranche sans blesser et ennoblit l'homme qui la manie. Extrait
de Why we can't wait de Martin Luther King.
24)
Les faibles ont recours à la violence en la pensant
force, Eric Hoffe.
25) La violence n'a pas de langage. Extrait de Corridors, Gilbert Larocque.
26)
La violence est une forme de faiblesse.
Dominique Rocheteau.
27)
La violence, c'est un manque de vocabulaire, Gilles
Vigneault.
[1] Richard Durn, qui a tué 8
personnes lors d’une séance du conseil municipal de Nanterre, en 2002, qui a
été présenté comme un tueur froid, monstrueux implacable, et qui en se
suicidant a été présenté comme une personne refusant aux familles endeuillées
la « réparation » à laquelle elles avaient droit, était pourtant,
selon les témoignages de proches, perçue comme une personne généreuse,
extrêmement sensible à la détresse des autres.